• L'enfance du Christ selon saint Luc (2/6)

    Une théologie racontée

    présentation Commençons notre exploration des chapitres 1 et 2 de l’Évangile selon saint Luc par une « vue aérienne » du paysage où l’évangéliste campe son récit de l’avènement des temps nouveaux. Cela nous permettra de prendre une certaine distance des images qui se sont gravées dans notre mémoire. J’aime bien le folklore qui entoure la fête de Noël avec ses chants, ses décorations, ses traditions qui expriment la joie et l’émerveillement devant l’enfant Jésus. Mais je veux aussi m’émerveiller du discours théologique de l’évangéliste qu’il sait mettre en valeur par ses références aux Écritures (dans leur traduction grecque des Septante) et par son habileté à manier le langage symbolique. Il en résulte une théologie racontée et non pas expliquée. C’est une théologie de l’histoire du salut résumée dans la déclaration solennelle du vieillard Syméon pendant qu’il tient l’enfant Jésus dans ses bras et le présente comme la gloire d’Israël et la lumière des nations.


         On lit habituellement Luc 1 et 2 comme un récit linéaire où les sept scènes se succèdent naturellement. Mais le résultat ne m’apparaît pas inspirant. La lumière jaillit plutôt lorsque nous mettons les récits en relation les uns avec les autres. Nous y reconnaissons par exemple les cycles parallèles de Jean et de Jésus qui se croisent dans la scène de la rencontre de Marie et Élisabeth, des indications de temps et de lieux qui accentuent l’incarnation du Fils de Dieu, des dialogues et des cantiques d’une grande profondeur, des personnages qui ont la densité de figures théologiques. On peut aussi déceler des liens de parenté avec d’autres passages de l’œuvre de Luc. C’est ce que nous tenterons de mettre en lumière dans les prochaines chroniques. Pour le moment, jetons un regard sur le schéma des scènes où Luc raconte sa théologie du salut.

    Des scènes vivantes

         Le talent d’écrivain et d’historien de Luc est indéniable. On en a même fait un peintre à une époque. Quant à moi, je pense que, si Luc écrivait aujourd’hui, il aurait fait de la bande dessinée. Il a l’art de créer des atmosphères qui nous rendent contemporains du récit et nous donnent la sensation de voir les événements et d’en être les acteurs.


         Chaque scène commence par une mise en situation qui est donnée par une indication de temps et de lieu. Ces indications ne sont pas anodines : elles servent la théologie du salut particulière à Luc. Par exemple, l’annonce à Zacharie est insérée dans le cadre de l’histoire d’Israël car Jean Baptiste aura pour mission de préparer son peuple à la venue du Messie qui accomplira son espérance du salut. L’annonce à Marie est plutôt mise en relation avec le sixième mois de la grossesse d’Élisabeth et prépare ainsi la visite que lui rendra Marie pour constater le signe que l’ange lui a donné. En revanche, Luc consacrera à la naissance de Jésus une majestueuse insertion dans l’histoire universelle, car il est le sauveur offert par Dieu à l’humanité entière, tel que le chante le chœur des anges. Les autres notations chronologiques indiquent la durée avant que ne s’accomplissent certaines étapes suivant la naissance d’un enfant : la circoncision au 8e jour et le rite de purification rituelle de la mère au 40e jour.


         Les lieux méritent aussi notre attention. L’annonce à Zacharie a lieu à Jérusalem, dans le sanctuaire du Temple où il officie tandis que l’annonce à Marie survient dans son humble maison de Nazareth. On reviendra à Jérusalem pour la manifestation de Jésus au Temple : la présentation, la prophétie de Syméon et d’Anne, la discussion académique avec les Docteurs de la Loi. Entre les deux passages au Temple, c’est dans l’humble village de Bethléem que naît Jésus alors que ses parents sont en déplacement.
                                                          
         Après cette mise en situation, vient l’entrée des personnages. Luc les présente toujours en situation de dialogue, ce qui confère beaucoup de dynamisme au récit. Mais d’abord et avant tout, ces dialogues, et les cantiques qui leur font écho, sont des bijoux de révélation de l’identité et du rôle de Jean Baptiste et de Jésus dans l’histoire du salut. Chaque récit se conclut comme il se doit par une sortie des personnages.

     

    Yves Guillemette, ptre

    Source www.interbible.org

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    Bons bergers de la Création

    novembre 27, 2012

     

     

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    Nous avons déjà évoqué ici la XXe rencontre œcuménique internationale de spiritualité orthodoxe qui s’est déroulée début septembre au monastère italien de Bose sur les enjeux théologiques de la Création. Voici quelques extraits de l’intervention du F. Enzo Bianchi, responsable de la communauté. (Merci à Christine pour la traduction)

     

    La protection et la sauvegarde de la Création constituent désormais un des thèmes les plus fréquents de la réflexion chrétienne, un thème qui exige une grande attention de la part de toute l’Eglise, et à travers lequel l’œcuménisme peut s’exercer à un moment où il fait par ailleurs face à de multiples difficultés. (…) Il existe des « arguments chrétiens » absolus et précis en faveur de l’écologie, des arguments qui sont inséparables de la justice et de la paix. La tradition chrétienne, en effet, ne peut séparer justice et écologie, partage de la terre, et respect de la terre, attention à la nature et recherche d’une vie humaine qui soit bonne. Les questions sociales et environnementales sont les deux faces d’une même urgence : empêcher les excès, la volonté de pouvoir, faire régner la justice, la paix et l’harmonie. (…)  La qualité de la vie humaine dépend aussi de la vie du cosmos, dont l’humain fait partie et qui est sa demeure. Dans le symbole de Nicée-Constantinople, expression privilégiée de la foi apostolique et catholique, l’Eglise confesse : « Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du Ciel et de la Terre, de l’univers visible et invisible ». Ce premier article de foi proclame que la Création n’est l’œuvre ni du hasard ni de la nécessité : elle est le fruit de la volonté de Dieu, qui a créé le monde librement et par amour. (…) Par conséquent, comme en témoigne Paul, la Création est révélation et récit de la puissance éternelle, de la divinité et de la perfection invisible de Dieu, et les humains en la contemplant (Rm 1, 19-20), peuvent chercher Dieu (Ac 17, 27). Cette vérité chrétienne est en soi une raison suffisante pour faire de nous des gardiens attentionnés et responsables de la Création.

    Source http://ecologyandchurches.wordpress.com

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    Qui sont les bons et mauvais rois?

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    Ézéchias présente la lettre au Seigneur (2 Rois 19,14).
    Gravure de Rudolf Schæfer (1929) dans une Bible allemande illustrée.

    Début de l'article : Les bons et mauvais rois de la Bible

    Plus en détail, cela donne le tableau suivant. Pour le royaume de Juda, sur 20 rois, 8 seulement reçoivent un jugement positif, 10 un jugement négatif. Il en reste deux, le livre n’exprimant aucun jugement sur Roboam (le fils et successeur de Salomon) et Athalie, mais le contexte implique clairement un jugement négatif.


         Le jugement positif sur un roi dépend presque uniquement des réformes religieuses qu’il a entreprises (Asa, Josaphat, Ézéchias, Josias). Nous disons « presque » car six rois sont jugés positivement même si les hauts lieux n’ont pas disparu (Asa 1 R 15,11-14 ; Josaphat 1 R 22,43-44 ; Amasias 2 R 14,3-4 ; Ozias 2 R 15,3-4 ; Yotam 2 R 15,34-35). Le modèle idéal des rois de Juda est David : il est explicitement nommé pour Abiyyam (1 R 15,3 négativement), Asa (1 R 15,11), Amasias (2 R 14,3), Achaz (2 R 16,2 négativement), Ézéchias (2 R 18,3) et Josias (2 R 22,2). Des versets affirment même que c’est à cause de David que le châtiment mérité par Juda est retardé (1 R 15,4 ; 2 R 8,19 ; 19,34 ; 20,6). Enfin, deux rois de Juda n’ont rien à envier à leur père David puisqu’ils reçoivent les plus hautes louanges: Ézéchias et Josias (2 R 18,3-8 ; 22,2–23,30).


         Quant aux jugements négatifs, ils sont formulés de différentes façons : 1) « Il imita les péchés que son père avait commis avant lui » pour Abiyyam en 1 R 15,3 et pour Amon en 2 R 21,21 (« Il suivit en tout la conduite de son père, rendit un culte aux idoles qu’il avait servies et se prosterna devant elles » ; 2) « Il imita la conduite des rois d’Israël » pour Joram en 2 R 8,18 et Achaz en 2 R 16,3 ; 3) « Il imita la conduite de la famille d’Achab » pour Ochozias en 2 R 8,27 ; 4) « Il imita la conduite des rois d’Israël [...], selon les coutumes abominables des nations » pour Achaz en 2 R 16,3 et pour Manassé en 2 R 21,2. Il semble y avoir une gradation dans le mal. Le pire cas est celui du roi Manassé, qui « multiplia les actions que yhwh regarde comme mauvaises, provoquant ainsi sa colère » (cf. 2 R 21,2-7). Son péché est considéré comme tellement grave qu’il est encore rappelé aux règnes suivants (cf. 2 R 23,26 malgré les réformes de Josias; 24,3 première déportation sous Joiaqim due aux péchés de Manassé), justifiant ainsi pleinement le désastre final. À un moindre degré d’iniquité, si l’on peut dire, il y a les rois de Juda qui ont imité les rois du royaume du nord. Cela implique sans doute qu’ils servirent Baal (Joram 2 R 8,18 ; Ochozias 2 R 8,27 ; Achaz 2 R 16,2-4). Le péché le plus grave des rois est simplement d’imiter leurs pères et de tolérer le culte (de yhwh ?) sur les hauts lieux. Il est notable que le jugement sur les quatre derniers rois de Juda, tous fils (Joachaz en 609 ; Joiaqim de 609 à 598 ; Sédécias de 598 à 587), ou petit-fils (Joiakîn fils de Joiaqim en 598) de Josias, sont plus ou moins les mêmes, mais sont différents des précédents. « Il fit ce qui déplaît à yhwh, tout comme avaient fait ses pères » pour Joachaz 2 R 23,32 ; Joiaqim 2 R 23,37 ; Joiakîn 2 R 24,9 ; Sédécias en 2 R 24,19.


         Quant au royaume du nord, l’éditeur souligne fortement le péché de son premier roi, Jéroboam (1 R 13,1-9 ; 14,1-16) qui a entraîné tout Israël dans le péché (2 R 17,21-22 ; 23,15 cf. Si 47,24-25). C’est le péché de Jéroboam qui causa la ruine (1 R 14,16 ; 16,3.7 ; 21,22 ; 2 R 9,9) et que tous les rois d’Israël ont imité, comme c’est rappelé de nombreuses autres fois : Nadab 1 R 15,26-30 ; Basha 15,34 ; Zimri 16,19 ; Omri 16,26 ; Achab 16,31 ; Ochozias 22,53 ; Joram 2 R 3,3 ; Jéhu 10,29.31 ; Joachaz 13,2.6 ; Joas 13,11 ; Jéroboam II 14,24 ; Zacharie 15,9 ; Menahem 15,18 ; Peqahya 15,24 ; Péqah 15,28.


         On voit donc ici comment nous avons affaire à une présentation orientée (c’est le moins qu’on puisse dire) de l’histoire des rois. Si le jugement qui débute et termine habituellement le règne de chacun est deutéronomiste, cela ne signifie pas nécessairement que les données sur chaque règne le soient. En effet, c’est en comparant le jugement sur chaque roi avec les autres données sur le règne que l’on entrevoit des tensions, voire des contradictions. C’est un signe supplémentaire, s’il en fallait un autre, que le jugement sur les rois est bien postérieur aux données historiques du livre des Rois. Le lecteur peut donc prendre avec les précautions dues la lecture théologique du deutéronomiste et la replacer dans le contexte plus large de tout le canon de l’Ancien Testament.

    Hervé Tremblay

    Source www.interbible.org

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  • "L'Enfance de Jésus": une « mise au point » sur l'historicité des faits
    Analyse de Mgr Gerhard Müller

    Traduction d’Hélène Ginabat

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    ROME, vendredi 23 novembre 2012 (ZENIT.org) – Dans son livre sur « L’enfance de Jésus », Benoît XVI a « réussi à mettre au point l’historicité des faits », déclare Mgr Gerhard Müller.


    Le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi a commenté, pour Radio Vatican, la sortie du troisième volume de la trilogie de Joseph Ratzinger-Benoît XVI sur la vie de Jésus de Nazareth (cf. Zenit du 20 novembre 2012).

    Pour Mgr Müller, Benoît XVI a « réussi à mettre au point l’historicité des faits » dans son livre sur l’enfance de Jésus.


    « Il est clair, a-t-il précisé, « qu’il ne s’agit pas d’un mythe, il ne s’agit pas non plus d’une liste de valeurs, mais il s’agit d’un fait historique : l’Evangile clarifie le fait que Dieu est entré dans notre vie, avec nous tous et il prend part à nos souffrances et à nos espérances ».


    Soulignant qu’il existe différentes opinions sur l’historicité des événements, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi explique que « cela dépend d’une herméneutique fondamentale de la révélation et l’intention des auteurs bibliques est clairement de présenter aussi l’historicité des évangiles ».


    « Dieu s’est fait chair par l’incarnation et cette incarnation commence non pas tant par la naissance de Jésus mais au moment de sa conception », affirme-t-il.

    Avec ce troisième volume sur Jésus de Nazareth, le pape a achevé le cycle. Il travaille actuellement sur l’encyclique sur la foi, qui sera publiée avant la fin de cette année entièrement consacrée à la réflexion sur la foi, rappelle Mgr Müller.

    source www.zenit.org

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  • Fete claire 2010 (8)

      Cher, chère ami-e


    Il y a quelques années la Famille Franciscaine a créé un Organisme non gouvernemental - ONG pour défendre auprès de l’ONU les plus démunis de  notre monde.


    En ce moment  notre ONG vit de graves difficultés financières et tout don serait très apprécié.


    Pour les canadiens vous pouvez faire votre don à l’ORDRE de

     

    OFS Inc.  (et en mentionnant au bas pour : FRANCISCANS INTERNATIONAL)

    a/s de Réjean Perras ofs
    110 – 405, Ch. de Chambly
    Longueuil, QC J4H 3X9
    (450) 651-3280
    perrasrj@sympatico.ca

    Un reçu pour l’impôt vous sera retourné pour tout don de 10$ et plus .

     

    Pour toutes les autres régions du monde, prière de consulter les lettres officielles qui vous informent sur les procédures à suivre que vous trouverez à l’adresse suivante. - également pour plus d'informations -

    http://ofs-de-sherbrooke.over-blog.com/article-appel-urgent-en-faveur-de-franciscans-international-fi-112627758.html


    Site de Franciscains International
    http://www.franciscansinternational.org/Home.104.0.html?&L=3


    Site de l’Ordre Franciscain Séculier International
    http://www.ciofs.org/portal/index.php?lang=fr

     

    Merci pour ce que vous serez en mesure de faire pour que notre  ONG - FI puisse poursuivre son oeuvre pour la défense des plus démunis de notre monde, prières comprises !

     

    Richard Chamberland ofs

    Président de OFS Inc.


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  • De nouveaux "marginaux" au seuil de notre porte.

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    Le monde de la marginalisation présente une grande hétérogénéité : on peut parler de " classe sociale " , de " problématique commune ", car leur seul trait commun c'est d'avoir raté le puissant TGV de l'histoire contemporaine. Le monde des marginaux se montre silencieux et passé sous silence. Eux ne parlent pas et on ne parle pas d'eux. Ils n'ont pas de porte-parole, syndicats, associations...et ils sont hors la loi. Nombreux sont ceux qui savent que s'ils se plaignent de leur situation, celle-ci sera encore pire qu'avant, car la plupart du temps ils n'ont pas de papiers, pas de carte de séjour ; ils sont travailleurs clandestins, vivent dans des pensions qui ne répondent pas aux normes légales et n'envoient pas leurs enfants à l'école, alors que celle-ci est obligatoire. Ils préfèrent se taire. Et la société préfère ne pas en parler, bien que, on prenne peu à peu conscience du problème. A ce propos, le silence renouvelé des médias est particulièrement significatif, car il n'est rompu que ponctuellement, à l'occasion des sujets d'actualité brûlants comme les mutineries dans les prisons, les manifestations contre la drogue ou les agressions " skin heads " sur des " errants ", les violences dans les banlieues, les conséquences du froid de l'hiver...Parfois, ces mêmes médias abordent le problème avec un courage et une clarté dignes d'éloge ; d'autres fois, au contraire, ils manipulent l'information de façon flagrante, comme l'expliquent certains de ceux qui sont plongés dans cette réalité de la marginalisation.

     

    De toute façon, c'est le silence qui domine et il n'est pas difficile de deviner quelle en est la raison : nous dissimulons là notre sentiment de culpabilité collective. Nous nous taisons parce qu'au fond nous savons que nous sommes coresponsables de ce drame.

     

    Ce qui étonne, c'est que la marginalisation soit exclusivement un phénomène urbain. Peut-être n'y a-t-il pas de marginaux dans le monde rural ? Le marginal type recherche l'anonymat. Il ne veut pas qu'on le reconnaisse en public, que l'on sache qu'il a plongé dans cette situation de précarité. C'est pour cela qu'il recherche le lieu de l'anonymat par excellence, à savoir la grande ville moderne, cet endroit où quelqu'un peut vivre misérablement sans que personne lui demande : " Qui es-tu ? ", " Que t'arrive-t-il ? ". Aussi, bien-sûr, la campagne génère-t-elle également des marginaux, des vieillards pauvres, des malades mentaux..., mais le mendiant de la campagne, qui a un nom bien à lui et qui est connu par tous ceux du village s'enfuit en ville et là se perd dans l'anonymat. Celui qui dans son village était " Jean " ou " Pierre ", en ville ne sera plus qu'un clochard parmi d'autres.

     

    Les personnes marginalisées semblent n'avoir qu'un présent. Pas de souvenirs. Pas d'avenir. Elles ne vivent que le moment présent. Et, dans le présent, elles vivent et c'est tout. Tout tend à montrer qu'elles ont perdu le sens de l'histoire. Et c'est ce qui désarme tous ceux qui les approchent : comment se peut-il qu'elles ne veuillent pas se souvenir d'où elles viennent, et qu'elles semblent ne rien attendre du lendemain ?.

     

    Cette constatation doit être nuancée, car il arrive qu'on rencontre des gens qui, vivant en marge de la société, aiment à raconter leur vie ; toutefois ils ne sortent pas de cet état, de ce récit répétitif. Ce souvenir du passé ne les conduit pas à avoir conscience d'une possibilité de changement, d'un espoir d'avenir, d'un sens du devenir. Quand le souvenir existe, c'est un souvenir sans histoire.

     

    Dans la plupart des cas, nous nous trouvons confrontés à une misère sans retour, et c'est l'un des traits qui décourage le plus les travailleurs sociaux. De nombreux sujets sont définitivement cassés, déstructurés, brisés au plus profond de leur être psychologique et social. La moindre solution, le moindre projet de changement, la moindre somme d'argent, tout cela arrive trop tard. Les personnes vivent dans un état de coma social, de coma dépassé. Parfois cette situation sans espoir de retour intervient sous la forme d'un retour à la case départ. Après avoir lutté pendant des années pour que quelqu'un s'en sorte, le travailleur social a l'impression d'avoir obtenu un certain résultat : une femme se libère de l'esclavage de la prostitution, un homme arrête de boire, des enfants vont régulièrement à l'école. Et pourtant le travail de plusieurs années peut être anéanti en un après-midi : la femme s'est à nouveau prostituée, l' homme, ivre, est affalé dans la rue, et les enfants ont disparus de l'école, peut-être de la maison.

     

    La nouvelle pauvreté est en effet bien différente des pauvretés précédentes. Le processus est complexe. Selon la capacité de ressort et d'initiative de l'individu, la personne peut se réinsérer ou au contraire tomber dans le cercle de l'exclusion. En marge, à l'extérieur de la société active, il n'a plus prise sur son propre destin, il devient, objet, victime. Une telle situation invite à l'action, mais en dehors des nouveaux paternalismes qui voudraient répondre trop vite à ces problèmes particuliers de la marginalisation. Le sujet qui veut aider est lui-même remis en question très radicalement par la présence qu'il peut avoir auprès de l'exclu. La solution aux problèmes qu'il affronte dépasse toutes les méthodes économiques ou sociales traditionnelles. Il doit entrer à son tour dans une nouvelle présence et une nouvelle patience pleine d'Espérance et de compétences afin d'appréhender les problématiques des marginaux avec une imagination dont seul, l' Amour du prochain brisera les vieux schémas éducatifs, inculqués jusqu'à ce jour. Le travailleur social ne doit nullement regarder les résultats en termes de réussites mais, de présence jusqu'au-boutiste auprès de ceux que note société d'opulence rejettent. Ce doit être la vocation de tout éducateur et c'est la mienne vécue au quotidien qui me permet d'écrire ces mots. Je ne suis guère unique dans cette démarche, il nous suffit de regarder Guy Gilbert et ses Loubards, pour s'en convaincre. Les militants sociaux qui désirent accompagner les blessés de la Vie, se doivent de ne jamais baisser les bras face aux récidives multiples qu'ils doivent accueillir comme des tremplins vers des réussites possibles et non se confiner dans l'échec. Les marginaux ont besoin d'hommes et de femmes qui se dressent pour changer les paradigmes de notre société dont les valeurs d'aujourd'hui sont orientées vers la richesse, la puissance, la jeunesse et l'intelligence.

     

    Bruno LEROY.

    Source http://brunoleroyeducateur-ecrivain.hautetfort.com

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  • Le mouvement franciscain comme avant-garde

     

    vraie joie Lors de l’annonce du Concile Vatican II (Constitution apostolique «Humanae salutis» du 25 décembre 1961), Jean XXIII s’exprima ainsi: «Ce qui est demandé maintenant à l’Eglise, c’est d’infuser les énergies éternelles, vivifiantes et divines de l’Evangile dans les veines du monde moderne.»

     

    Le Conseil de l’Ordre des Franciscains à Bahia a utilisé des termes plutôt téméraires pour décrire la place du mouvement franciscain dans le cadre de cette réforme de l’Eglise: «En notre qualité de Frères Mineurs, nous sommes appelés à jouer un rôle ‘d’avant-garde de l’évangélisation’ dans une Eglise qui, inlassablement, doit s’incarner et se renouveler. Dans cette optique, il nous appartient de rester ouverts et sensibles à l’action de l’Esprit Saint, à la fois dans l’Eglise et hors de l’Eglise. A côté du ministère auprès des fidèles, nous pensons qu’il est de notre devoir de nous tourner vers ceux qui, dans notre société, n’ont pas été touchés par l’Evangile, mais aussi vers ceux que l’annoncetraditionelle de l’Evangile laisse indifférents» (Bahia 1983,17).

     

    Bien entendu, cette présence ne s’applique pas seulement aux Frères Mineurs au sens strict, mais à tous ceux qui se réclament de la spiritualité de Saint François et de Sainte Claire: le mouvement franciscain se situe dans l’Eglise, mais point à côté de ceux qui ne parcourent que les sentiers battus ou ceux qui n’accorderaient leur crédit qu’aux valeurs établies.

     

    Le monde lance un défi à l’Eglise. Depuis le Concile Vatican II, elle veut s’engager sur de nouvelles terres. Pour y parvenir, elle a besoin d’éclaireurs, d’- hommes et de femmes qui aiment le risque, l’aventure et les expériences nouvelles, elle a besoin d’un avantposte en qui chacun d’entre eux pourra faire confiance en le suivant à son tour. Tel que l’Ordre se conçoit et dans la continuité de notre histoire, le mouvement franciscain doit se charger de cette mission. Ce que le jésuite Peter Lippert a déclaré en 1927, donc bien avant le concile de Vatican II, reflète bien les attentes de notre époque, aujourd’hui encore plus qu’hier:

     

    «De Saint Benoît aux communautés récentes en passant par Saint Dominique ou Saint Ignace, le principe d’organisation des communautés monastiques et les possibilités internes qu’il propose, semble au bord de l’épuisement, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il soit devenu superflu ou à modifier. Néanmoins, la recherche de quelque chose de fondamentalement nouveau, tel qu’on le ressent aujourd’hui chez beaucoup de gens ou à travers les nombreuses tentatives de nouvelles fondations, n’est possible que si l’on s’oriente vers une tout autre voie, celle du premier idéal franciscain: vers une voie de liberté et de communauté dans l’amour, vers une voie de l’être qui agit de soi-même sans attendre le geste constructif de la volonté, vers une voie qui fait naître une personnalité originale et vivante qui se forge sur des lois et des valeurs de son for intérieur. Si Dieu offre alors à son Egise l’Ordre de l’avenir dont les meilleurs d’entre nous, et ils sont nombreux, attendent impatiemment l’arrivée à l’horizon, il est clair qu’il portera le sceau de l’âme de François» (Lippert 11).

     

    Un autre jésuite a repris ces paroles à son compte pour faire le lien avec les réflexions et les

    enseignements du concile Vatican II: il s’agit de Mario von Galli qui, dans son livre «le futur vécu»

    affirmait que Saint François avait été l’âme cachée du Concile et que l’Eglise s’était engagée sur la voie de Saint François

     

    CCFMC, Leçon 1, C 3

    Source http://www.fr.ccfmc.net/

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  • 1er dimanche de l’Avent

    Abbé Jean Compazieu

     

    Nous attendons ta venue, Seigneur…
     
    tableau saintsTextes bibliques : Lire
     
    Nous entrons aujourd’hui dans le temps de l’Avent. L’Avent, c’est l’avènement, la venue de Jésus. Cette période nous prépare à bien vivre Noël. Ce jour-là, nous fêterons dans la joie la naissance et la venue du Christ sauveur. Mais les textes de ce dimanche nous orientent plus loin. Ce Jésus dont nous allons fêter la naissance est aussi celui qui reviendra. Ce jour-là, il mènera l’histoire des hommes à son terme. Ce sera un événement heureux. Les lectures de ce dimanche sont un appel à l’espérance. Notre Dieu est un Dieu fidèle « à sa promesse de bonheur ».

     

     
    Cette bonne nouvelle nous rejoint dans un monde traversé par l’angoisse. Le prophète Jérémie s’adresse à un peuple qui souffre de la défaite et de la misère. Il lui annonce un avenir merveilleux. Notre Dieu est le Dieu sauveur et libérateur. Il est celui qui a vu la misère de son peuple, pas seulement la misère matérielle mais aussi la misère morale. Il invite les pécheurs à retrouver la bonne route vers lui. Il a un faible pour les plus humbles et les plus fragiles. Il veille spécialement sur eux. Cette bonne nouvelle se réalise spécialement en Jésus. Avec lui c’est le Royaume de Dieu qui est là.
     
    Les autres lectures nous parlent bien plus de la seconde venue de Jésus. S’adressant aux Thessaloniciens, Paul les invite à s’y préparer. Ce jour-là, le Seigneur reviendra, accompagné de tous les anges et de tous les saints pour manifester à tous la venue du monde nouveau de Dieu. Nous sommes tous invités à nous y préparer activement. L’apôtre Paul nous supplie de nous conduire en conséquence. Il nous recommande de rechercher « une sainteté sans reproche devant Dieu le Père ». Au jour de notre baptême, nous nous sommes engagés sur les sentiers de la foi. Il n’est plus question de s’arrêter. Il nous faut sans cesse « croître et abonder dans l’amour ».
     
    Nous n’avons donc pas à nous contenter d’un « programme minimum ». L’évangile nous appelle à une vraie conversion du cœur. Il nous faut repartir chaque jour à la découverte des nouvelles exigences du Christ. Il est toujours devant nous pour nous inviter à vaincre les records de la veille dans le domaine de l’amour fraternel : « Faites de nouveaux progrès » nous dit saint Paul. Comme lui, il nous faut « oublier le chemin déjà parcouru et courir vers le but » (Phil 3. 14). Ce but, c’est le Christ, c’est son Royaume de justice, de paix et d’amour.
     
    Dans l’évangile, Saint Luc nous dit que « Jésus parlait à ses disciples de sa venue ». Il ne s’agit pas pour lui de revenir comme avant. C’est en ressuscité qu’il va venir et qu’il continue à venir. Par sa mort et sa résurrection, il nous ouvre le monde divin ; il nous offre la vie divine. Il va venir pour nous faire entrer dans le Royaume de Dieu. Il ne vient pas établir un nouveau Royaume terrestre. Lui-même nous a prévenus : « Mon Royaume n’est pas de ce monde ». C’est ce que nous rappelait la fête du Christ Roi de l’univers dimanche dernier. Jésus est un roi « Berger de toute humanité ». Il porte sur chacun un regard rempli de sa tendresse et de son amour.
     
    Aujourd’hui, Jésus nous invite à « lever la tête ». Il ne nous demande pas de surveiller l’horizon. Le plus important c’est que nous restions sur nos gardes pour ne pas être surpris. Le jour du Fils de l’Homme s’abattra « soudain comme un filet ». Si nous voulons aller à la rencontre du Seigneur, des précautions s’imposent : la vigilance et la prière. Si nous suivons cette consigne, nous ne seront pas trouvés distraits ou endormis. Le croyant doit aussi être un « espérant ». Il doit témoigner aux yeux de tous que la venue du Seigneur ne peut être qu’une bonne nouvelle. Elle seule est capable de nous renouveler radicalement.
     
    En venant ici dans cette église, nous avons choisi de nous retrouver loin de l’agitation commerciale qui se manifeste à l’approche de Noël. Nous le voyons bien : les publicités nous proposent chaque jour « un Noël de rêve ». En ce temps de l’Avent, la Parole de Dieu nous interpelle : « Ne laissez pas vos cœurs s’appesantir dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie ». L’Evangile nous appelle à vivre chaque jour de manière généreuse dans l’amour. Cela ne sera possible que si nous sommes unis au cœur de Jésus, lui qui est rempli d’un amour universel. C’est ainsi que Noël nous fera entrer dans une grande joie. 
     
    Sur ce chemin de l’Avent, le Seigneur est là. Il se fait notre compagnon de route et notre nourriture. Il est Celui qui nous annonce notre délivrance. C’est pour cette raison qu’il nous recommande de rester éveillés et de prier. Chaque matin est une retrouvaille de Jésus Christ et de son Evangile. On reprend la résolution d’être attentifs à Dieu, à notre tâche et aux personnes que nous allons rencontrer. Et surtout, ne lâchons jamais la prière. Grâce à elle, à la fin de notre vie et à la fin des temps, nous serons jugés dignes de paraître debout devant le Fils de l’homme.
     
    Oui, Seigneur, fais-nous connaître ce bonheur de tenir debout en ta présence, l’espérance chevillée au cœur et à l’esprit. Amen
     
    Sources : Revues Signes et Feu Nouveau, lectures bibliques des dimanches (A Vanhoye), Un Rendez-vous d’amour (Sève), Homélies pour l’année C (A Brunot)
    Source http://dimancheprochain.org

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  • Octobre 2012,
    Une autre spiritualité 

    francois-et-compagnons.jpgLe mouvement spirituel, lancé par François et ses compagnons, marque un tournant révolutionnaire dans l'histoire de la spiritualité de l’Église. Plus jamais la stabilité mais plutôt la mobilité. Plus jamais le monde enfermé derrière les murs des couvents mais plutôt le monde comme un couvent, c.à.d. un lieu de la rencontre avec Dieu. Une communauté fraternelle et une caisse commune, telle était jadis la caractéristique des communautés primitives chrétiennes. L'impulsion missionnaire partit de ces communautés.  

    Cela changea fondamentalement lorsque la chrétienté devint religion d’État après le tournant de Constantin au 4ème siècle sous Théodore I. Être chrétien n'était plus dangereux, mais au contraire une condition primordiale afin de devenir quelqu'un dans la société. Cette légèreté avait comme conséquence la médiocrité et la superficialité. L’État et l’Église devenaient de plus en plus identiques. L'empereur devint le protecteur de l’Église et le pape rivalisait avec lui dans l'expansion des insignes de la domination et du pouvoir. Les hommes qui voulaient vivre l'idéal primitif, fondèrent de ce fait des petites communautés afin de vivre selon le modèle des premiers diocèses, comme le remarqua Jean Lassian au 4ème siècle. C'est le modèle des anciennes communautés des moines - avec les deux piliers fondamentaux, la stabilité et la caissecommune.  

    Cela - comme le sentit François - n'était pas ce que Dieu lui avait « révélé ». Même la communauté la mieux structurée n'était plus un modèle pour lui, mais plutôt Jésus Lui-même. Comme Lui, il veut aller à travers le monde et annoncer aux pauvres la bonne nouvelle du royaume imminent de Dieu. Car celui, qui se confie tout entier à Jésus et à son évangile, devient lui-même missionnaire ; il ne peut plus vivre pour lui-même, mais doit plutôt se dépenser pour les autres. Il était convaincu de cela. Donc plus jamais une dévotion privée et un souci pour le salut de sa propre âme, mais plutôt un engagement pour le shalom intégral de Dieu. 

    Celui, qui veut réellement établir la paix, ne peut seulement le faire que s'il a la paix du cœur. Celui, qui veut annoncer d'une façon crédible la bonne nouvelle de Jésus, doit être lui-même pauvre. Celui, qui veut faire sien ce message pour les pauvres, ne doit pas être sédentaire à des endroits précis, mais doit plutôt être capable d'aller à travers le monde avec un bagage léger. La mobilité, la pauvreté et la non-violence sont les caractéristiques de la fraternité, qui  correspondent à cette inversion des pôles de la spiritualité chrétienne.  

    Donc le charisme franciscain a toujours aussi une dimension politique. Les hommes et femmes franciscains doivent s'engager pour la justice et la vérité, pour une cohabitation fraternelle de tous les hommes dans la paix et la liberté. Ils doivent lutter contre l'inégalité des chances, contre la faim et la pauvreté, contre l'exploitation abusive de la Mère Terre et de la Sœur Eau. La vision de l’Église changea aussi. Elle doit être une Église fraternelle, si elle veut correspondre à l'évangile. Du pape jusqu'aux simples laïcs, de l'évêque jusqu'aux petits gens dans les communautés, tous jouissent de la même dignité. 

    Ils sont fils et filles du même Père céleste, frères et sœurs du Fils incarné en Jésus de Nazareth. Comme Lui, ils doivent se servir mutuellement et se laver les pieds. Là ne doit plus exister des supérieurs et des subalternes, des seigneurs et des valets. Là ne règne plus non plus la logique du pouvoir, surtout pas dans l’Église, mais plutôt uniquement la dynamique de l'amour. Et là non plus n'existe plus la primauté du clergé sur les laïcs, des hommes sur les femmes.
     
    Le Concile de Vatican II, qui voulait ouvrir l’Église aux souffrances et aux exigences de l'époque, a suivi cette trace. C'est pourquoi Mario de Galli nomma saint François « le thème secret du Concile ». Car il surmonte le contraste entre hiérarchie et peuple de Dieu dans sa conception d'une Église du peuple de Dieu, qui dans l'ensemble est un peuple messianique où l'hiérarchie remplit seulement une fonction parmi tant d'autres. « Le secret de cette Église se révèle déjà visiblement dans sa fondation. Car son début se trouve dans l'annonce du royaume de Dieu à travers Jésus. Lui, Jésus marqua le début avec son Église, lorsqu’il annonça la Bonne Nouvelle, notamment l'arrivée du royaume de Dieu, qui était jadis promis dans les écritures depuis les temps les plus reculés. » (LG 5) 
    Tous les membres d'une Église comprise de cette manière jouissent de la dignité et de la liberté des enfants de Dieu, au cœur desquels habite saint François comme dans un temple. François a reconnu cela et l'a vécu exemplairement, car il avait tout simplement suivi les traces de Jésus. 

    Que Claire, à la même époque et au même lieu, eût la même inspiration, montre seulement comment il était opportun et propice à Dieu de rendre la nouvelle du royaume de Dieu de nouveau vivante et perceptible. 

    Andreas Müller OFM  
    Source http://www.fr.ccfmc.net/
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  • Quoi de neuf, docteur Hildegarde ?

    novembre 21, 2012  

     

    Hildgarde.jpgLa récente reconnaissance des vertus de sainte Hildegarde von Bingen a mis en lumière la fécondité spirituelle et culturelle de cette femme du Moyen Age, mystique et responsable de communauté, musicienne et médecin par les plantes etc. Une figure particulièrement intéressante dans le panel des témoins d’une tradition chrétienne attentive au cosmos et au salut de ce monde.

    Un entretien récent avec Camille, une chanteuse française, dans le magazine La Vie, témoigne de cette influence hors-cercles de « docteur Hildegarde » ! Elle devient bien sûr très vite, dans une lecture très moderne, une espèce de « chamane » désincarnée de tout référentiel historique et donc un personnage transgressif et new age. On n’est évidemment pas obligé de partager cette lecture réductionniste de ce que deviennent ces figures chrétiennes. Mais qui sait ce que fait l’Esprit dans les chemins détournés de la culture contemporaine ?

     

    Comment avez-vous « rencontré » Hildegarde de Bingen ?

    Il y a une dizaine d’années, ma sœur, qui travaillait alors à la FNAC, m’a apporté le disque « les chants de l’Extase » et j’ai écouté la musique si atmosphérique, subtilement répétitive comme les ragas indiens, d’Hildegarde. J’ai été apaisée, et je n’ai plus cessé d’ écouter ce CD. Il avait vraiment un effet physique sur moi. Je pense que cela a à voir aussi avec le fait que la musique modale est moins habituelle dans notre environnement musical. (…)

     Qu’est-ce qui vous a particulièrement intéressée dans son parcours ?

    C’était un génie qui, grâce à son énergie spirituelle, a eu le temps de travailler sur tous les plans. Elle a eu cette chance de travailler jusqu’à très tard dans sa vie. J’aime ses livres où elle répertorie plantes, pierres, animaux…Thérapeutiques, ses textes sont aussi poétiques, avec cette écriture un peu désuète et si descriptive qui me fait penser parfois à Francis Ponge dans « Le parti pris des choses ». J’ai aussi « plongé » dans sa médecine. Cet été, j’ai essayé « le petit épeautre » dont elle parle beaucoup, et j’ai constaté ses vertus digestives, le serpolet aussi…J’aime que cette sagesse et cette médecine anciennes nous soient transmises. Avec Hildegarde, on n’a pas besoin d’aller chercher ailleurs, à l’autre bout du monde, et dans d’autres cultures, des produits pour se soigner. Nos céréales européennes ont de grandes vertus !

    Si vous deviez décrire Hildegarde, comment l’imaginez-vous ?

    Pour moi elle était comme une chamane. Ses dessins d’ailleurs, tous plus beaux les uns que les autres, font penser à de l’art africain. Elle devait être la fois très présente et un peu absente, comme le sont tous les grands êtres spirituels. Diaphane, presque translucide, mais tellement puissante !

    Vous êtes, on le voit, très sensible à la spiritualité, mais avez souvent déclaré que vous étiez athée…Comment vivez-vous cette contradiction ?

    J’aime tout ce qui a trait à la spiritualité, mais sans adhérer à une religion. J’interroge ainsi un certain héritage : par exemple, quand je chante dans une chapelle, je suis parfaitement consciente que je suis dans un lieu spirituel, que la musique est un vecteur spirituel. Je cherche souvent à re-sacraliser ce que l’on a oublié. Même si je suis détachée de la religion, je vais dans un même sens.

    Source http://ecologyandchurches.wordpress.com

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