• 2e dimanche de Carême B - 1er mars 2015   


    Dieu exigeant ?
    Dieu bienveillant !
    La Transfiguration
        La Transfiguration du Seigneur par Théophane le Grec

    La Transfiguration : Marc 9, 2-10
    Autres lectures : Genèse 22, 1-2.9.10-13.15-18; Psaume 115(116); Romains 8, 31-34

                    
    On réprimera difficilement un sentiment de « déjà lu » devant le récit de la Transfiguration de Jésus. L'Évangile selon Marc offre pourtant quelques originalités qui méritent notre attention. Ces nuances renforcent la portée du récit autant pour les auditeurs de jadis que pour notre communauté actuelle.

         Une deuxième stratégie est disponible pour susciter l’intérêt des auditrices et auditeurs de l’homélie. Il s’agit de repérer les liens entre les principales lectures bibliques de ce dimanche. On relit ainsi le parcours de la bienveillance divine. Une page intense des aventures d’Abraham dans la Genèse démontre que Dieu s’intéresse à la qualité de la foi de son allié. Muni de cette information de première main, Dieu intervient comme un pourvoyeur attentionné. Il rend disponible un animal pour clore le sacrifice d’Abraham. La bienveillance de Dieu s’exerce en connaissance de cause ! Ensuite, saint Paul montre que Dieu s’est donné à fond dans ses attentions et dans ses dons.  Dieu donne son propre Fils pour justifier les gens qui entrent dans son alliance. Après sa résurrection, Jésus prendra le relais de la bienveillance divine grâce à sa position plus qu’honorable.

    La bénédiction peut se déployer
    Genèse 22, 1-2.9a.10-13.15-18

         Les récits qui mettent en scène Abraham sont l'acte de naissance du peuple de Dieu. Malheureusement, la version liturgique du récit est quelque peu abrégée. La tension du récit complet est diluée. Les événements semblent s'enchaîner sans heurt. Tout semble facile pour Abraham, comme allant de soi.

         Dommage! La lecture complète (à explorer dans votre Bible) réveille davantage l'angoisse des lecteurs. Ils sont soudain impliqués dans la dynamique de l'événement-limite annoncé clairement dès le premier verset : Dieu fait passer un test à son allié. Ce qui se déroule devant le lecteur et la lectrice prend une grande importance. Le récit propose une norme pour la vie des croyants et des croyantes. Pour appartenir au peuple engagé avec Dieu, il faut faire confiance à Dieu et vivre un certain laisser-aller...

         Dieu réclame le fils donné dans la vieillesse d'Abraham et Sarah. En apparence, les promesses divines d’une descendance semblent remises en question. En fait, ce test s’avèrera bénéfique. Jusque-là, Abraham et Sarah essayaient de concrétiser par leurs propres moyens les promesses de Dieu.  Avec leurs seules manigances, ils n’ont rien réussi de vraiment durable. Mais lorsqu'Abraham s’avère prêt à balancer l'avenir de sa descendance sur le bûcher, il lâche prise complètement devant Dieu. Comme l'évoque le nom du lieu dans le texte complet (Moriah), « Dieu voit »... et entrevoit l'avenir pour la famille du patriarche. Car Abraham a laissé le champ libre à Dieu pour incarner ses promesses les plus séduisantes. Il ne peut surgir que des bienfaits de cette relation de confiance.

         Ce qui se passe sur la montagne entre Dieu et Abraham anticipe ce qui se passera plus tard sur une autre montagne, celle de la transfiguration de Jésus. Les disciples de Jésus, munis d’un second regard sur leur maître, pourront dépasser les limites de la croix pour accéder à la claire vision du Ressuscité comblé d’honneurs divines.

    « Dieu est pour nous »
    Romains 8, 31b-34

         La visée de la version liturgique du récit du don d’Abraham peut être rapprochée de la deuxième lecture. Le Lectionnaire en confirme ainsi l'interprétation sacrificielle. De même que le père des croyants n'a pas refusé son unique fils, de même Dieu n'a pas refusé de livrer son Fils (Romains 8,32).

         Que Dieu soit « pour les gens » a de grandes conséquences pour la gouverne constructive d'une vie humaine. Dieu ne louvoie pas comme notre opinion publique. Dieu s'est fait connaître dans un environnement où les idées étaient nettes et bien tranchées. Le contexte méditerranéen de la révélation aide à comprendre l'importance que revêt un fils aux yeux de son père.

         Il y a là un critère ultime de réussite. La personne qui enfante espère donner au monde de bons éléments de son être. Appliquée à Dieu, la métaphore de la filiation évoque la contribution immense du Créateur envers ses créatures.  Par conséquent, les bénéficiaires conscients de ce don divin sont en totale sécurité lorsqu’ils inscrivent leur propre vie dans cette relation. Ce lien fort élimine toute remise en question des bénéfices de l'alliance. À plus forte raison, une éventuelle condamnation des bénéficiaires est hors de question. Dans le don de son Fils, Dieu crée un espace pérenne pour exercer à jamais sa bienveillance.

    « Seuls, à l’écart… »
    Marc 9, 2-10

         Plusieurs détails de cet évangile méritent d’être observés avec attention. L’évocation d’une blancheur de vêtement telle que personne sur terre ne peut l’obtenir n’a rien d’une publicité de savon à lessive. Il s’agit d’affirmer que Jésus appartient de plein droit à une autre zone de l’univers. En pays semi-désertique, nettoyer du blanc était fort compliqué.  Les vêtements parfaitement blancs étaient associés aux grands événements et aux gens de statut social très élevé.

         L’entourage céleste de Jésus confirme sa valeur unique.  Les lecteurs rencontrent Élie, le prophète mis en réserve pour les temps ultimes. Voici aussi Moïse, messager de la libération et de l'alliance. Avec un tel entourage, Jésus se trouve confirmé dans les tâches que laissait deviner la blancheur de ses vêtements. L'acclamation à l'évangile a déjà créé le climat. Elle évoque un grand moment du livre de l'Exode (la nuée resplendissante), alors que la mise en scène du Sinaï (la voix) est au service de la désignation du Fils comme bien-aimé. Une conséquence pratique découle sur-le-champ de cette double qualification du Fils. Il mérite d'être écouté, puisqu'il a l'autorité même du Père.

         En contraste avec la voix divine, Pierre tient un discours mal accordé au niveau de la vision. Il désigne Jésus comme Rabbi. Pierre est encore enfermé dans le paradigme de l'enseignant juif itinérant. Vite, l’évangile doit l'excuser : Il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur. Ce qui a été vu se validera uniquement par la résurrection. Pour l'instant, les bénéficiaires de la vision ne savent pas à quoi se réfère l'expression « ressusciter des morts ». L’expression appartient à la grande finale de l’aventure ! La parole des disciples, témoins de la Transfiguration, trouvera une portée concrète le jour où la mort n'aura plus le dernier mot.

    Apprendre à vivre avec le Dieu bienveillant

         Le texte du « sacrifice d’Abraham annulé » se préoccupe surtout des perceptions de Dieu quant aux libres décisions de son allié. Dans notre époque, la vieille théorie de la réincarnation abolit par voie de conséquence logique la conscience de la liberté humaine. Il fait bon entendre proclamer aujourd’hui que le Dieu des Juifs et des Chrétiens peut encore apprendre de ceux qui se veulent ses alliés. Le Dieu de la résurrection et de la vie éternelle n’est pas figé dans ses perceptions. Dieu apprend encore des choses sur nous. Ce que nous faisons a de l'importance aux yeux de Dieu. Non, la partie n'est pas jouée d'avance...

         Quand nous lisons le récit du don d’Abraham, anticipant le don du Fils de Dieu, nous pouvons nous limiter à une curiosité d'ordre strictement historique ou culturel. Certes, le texte évoque un débat parmi les gens religieux qui sont à l'origine de la Bible. Ils voulaient se démarquer de la coutume des sacrifices humains de premiers-nés. Mais tel qu'il est bâti, le texte fait découvrir une nouvelle vraiment bonne: Dieu est encore et toujours impressionné par ceux qui le prennent au sérieux. Dieu apprend encore. Oserons-nous mettre notre espérance dans ce Dieu respectueux de notre liberté ? Saurons-nous accueillir une telle bienveillance de la part de Dieu ?

     
    Alain Faucher, ptre

    Source : Le Feuillet biblique, no 2436. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    Source www.interbible.org
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  • ROME – Halte à l’hypocrisie

    ''Qui appartient à la communauté chrétienne ne peut penser et commettre des violences contre les gens ou contre l’environnement. S’ils ne sont pas accompagnés d’une conversion réelle et publique, les gestes extérieurs de religiosité sont inutiles pour se considérer en communion avec le Christ et son Eglise. Ils ne servent à rien pour s’affirmer croyants alors que l’arrogance, la méchanceté et l’illégalité typiques de cette criminalité constituent un mode de vie. Je renouvelle mon appel à qui vit ainsi et est affilié à des organisations criminelles à se convertir et à ouvrir leur coeur au Seigneur. (…) La beauté de la Calabre constitue un don divin et un patrimoine magnifique à conserver et à transmettre. Pour ce, l’engagement doit être général, à commencer par les institutions afin que des intérêts mesquins ne ruinent pas de façon irréparable ce trésor ».

    C’est le pape François qui le dit, en recevant ce matin un pèlerinage de 7000 paroissiens de Calabre où le pape argentin s’est rendu il y a quelques mois, y dénonçant notamment les méfaits calamiteux des pratiques mafieuses sur la gestion des déchets urbains.

    Occasion du souligner les intéressantes enquêtes dans Le Monde sur la criminalité environnementale. Le dernier volet évoque notamment la « pesticides connection ». Edifiant.

    DL

     

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  • Paraboles

    L'homme sans vêtement de noces

    L'homme sans vêtement de noces
    Gravure de Jan Luyken
    Bible Bowyer, Londres, Angleterre
    (photo : Harry Kossuth, Wikimedia Commons)

     
    Grec : parabolè (comparaison, illustration)

    Dans ses prises de parole publiques, Jésus se sert souvent de paraboles, de courtes histoires allégoriques pouvant illustrer un enseignement. C’est même un de ses traits distinctifs puisqu’il n’y a que peu de paraboles dans les textes de l’Ancien Testament et dans la littérature juive du premier siècle. Mais qu’est-ce qu’une parabole? Comment l’interpréter?

    Un élément subversif

         Toute parabole commence par une mise en situation dans le monde réel du premier siècle en Galilée, par exemple une scène de noces. Cependant, les paraboles ne font pas que décrire la vie de tous les jours. Elles visent à parler de quelque chose d’autre, d’un idéal que Jésus appelle le Royaume.

         Au cœur de cette comparaison, il y a souvent un élément subversif, en dehors de la norme. Quelque chose qui vient remettre en question les façons « habituelles » de penser. Par exemple, jeter dehors un convive qui ne porte pas les vêtements appropriés, alors qu’il a été invité à la dernière minute nous semble injuste (Mt 22,1-14).

         Pourquoi ces irruptions dans les récits de Jésus? Tout simplement pour ouvrir l’esprit à de nouvelles possibilités. Les paraboles sont là pour bousculer, pour inviter à la transformation de notre monde.

    La pédagogie étonnante des paraboles

         La force d’une parabole réside dans ses nombreuses possibilités d’interprétation. Ce n’est pas celui qui l’énonce (Jésus) qui en contrôle l’interprétation. Les paraboles sont toujours ouvertes. Elles laissent à l’auditeur ou au lecteur le soin de réfléchir et de décider comment l’interpréter. On peut s’imaginer que lorsque Jésus racontait une parabole, un échange pouvait mener à des discussions et des débats. Et, c’est dans ces dialogues qu’un appel à un changement social pouvait être entendu.

    Cet article est extrait de Lexique sympathique de la Bible, Montréal, Novalis, 2013, 280 p.

    Sébastien Doane

    source www.interbible.org
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  • (publier en 2009 et reprise en fév 2015)

    Bonjour tout le monde, voici une autre belle interpètation de John Littleton "Je cherche" que nous offre notre amie Denise B, que je remercie en votre nom.



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  • Le pape et la Curie entrent en retraite de carême
    Ecouter la voix de Jésus, corriger ses défauts, affronter les tentations

    Anne Kurian

    ROME, 22 février 2015 (Zenit.org) - Le pape François invite les baptisés à prier pour la retraite de carême de la Curie romaine, qui a commencé ce dimanche 22 février 2015 – premier dimanche de carême – à 18h, et qui durera jusqu’au vendredi 27 février.

    Quelques heures avant l’entrée en retraite, le pape a présidé l’angélus dominical place Saint-Pierre. Il a demandé aux catholiques d’accompagner la Curie par leur prière : « Priez pour qu’en ce "désert" que sont les Exercices spirituels, nous puissions écouter la voix de Jésus, également corriger les nombreux défauts que nous avons tous, et faire face aux tentations qui nous attaquent tous les jours. »

    Au terme de la prière mariale, il a demandé à nouveau à la foule : « S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi spécialement durant cette semaine de retraite. Bon appétit et au-revoir ! »

    Comme l’an dernier, cette retraite n’a pas lieu au Vatican : le pape François emmène la curie dans les « périphéries » romaines, à la Maison du Divin Maître d’Ariccia, au sud-est de Rome, dans la région dite des « Châteaux romains ».

    Les méditations seront données par un carme italien, le P. Bruno Secondin, sur le thème « Serviteurs et prophètes du Dieu vivant ». Elles seront développées à partir de la figure du prophète Elie.

    Le programme de chaque jour commence avec les laudes et la première méditation à partir de 7h30. Puis la messe à 9h30 et à 16h la deuxième méditation, l’adoration eucharistique et les vêpres. Pendant ces journées, les audiences sont suspendues, y compris l’audience générale du mercredi 25 février.

    Ce matin, lors de l’angélus, le pape a défini le Carême comme « un temps de combat spirituel contre l’esprit du mal » et un temps de « désert », qui permet « d’entendre la voix de Dieu », de « dire non à la mondanité, aux "idoles", de faire des choix courageux conformes à l’Evangile et de renforcer la solidarité avec les frères ».

    source www.zenit.org
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  • La condition humaine :
    vivre avec anges et bêtes
          Le Christ dans le désert
    Baptême et tentation de Jésus : Marc 1, 12-15
    Autres lectures : Genèse 9, 8-15; Psaume 24(25); 1 Pierre 3, 18-22

     Le premier dimanche du carême nous présente toujours Jésus au désert, tenté par Satan. Dans notre mémoire surgit un beau et long récit de trois tentations, dont celle de changer les pierres en pain. Le récit de Marc est si différent et si bref, à peine deux versets, qu'il paraît insignifiant à côté du récit familier tiré de Matthieu 4 et Luc 4. Pourtant, Marc propose une catéchèse originale et cohérente avec l'ensemble de son livre.

         Tout d'abord Jésus n'est pas mené au désert mais poussé; au sens littéral : chassé. On a ici le même verbe que dans les récits où Jésus expulse les esprits mauvais. Dans d'autres récits, ce verbe signifie envoyer ailleurs, mettre dehors, faire sortir. Les verbes conduire ou mener (cf. Mt et Lc) tournent le regard vers le lieu où l'on va. Mais chasser attire aussi l'attention sur le lieu d'où l'on vient. D'où vient Jésus ? de son baptême par Jean au Jourdain. Pour surmonter les coupures du Lectionnaire, lisons à la suite: Et une voix vint des cieux : Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur. Et aussitôt l'Esprit le chasse au désert. Jésus a vécu un moment de plénitude, d’intimité avec Dieu. Le voici expulsé de cette expérience rare et précieuse, de ce moment de certitude spirituelle. L'Esprit le pousse ailleurs, vers la solitude et la mise à l'épreuve. La véritable incarnation exige de sortir d’une proximité divine qui servirait de garantie au Fils de Dieu. Sa position dans le désert sera celle de tous les humains, pour qui la présence aimante de Dieu n’est pas évidente. Même Fils de Dieu, Jésus doit vivre cette épreuve, comme nous.

         Comme nous ? notre mémoire se rappelle plutôt la victoire décisive de Jésus sur Satan au désert. Et nous projetons cette mémoire sur le récit de Marc. Pourtant, il n'y a là ni victoire ni défaite. Pas de jeûne non plus. C'est un récit étrange: après la mise en place du début, il n’arrive rien, aucun changement ne se produit. Jésus est tenté par le Satan durant les quarante jours (pas seulement à la fin), et il est tout ce temps avec les bêtes et les anges. Tous les verbes sont conjugués à l'imparfait; tout se passe en même temps, et il n'y a pas d’événement final.
    Vivre avec l'ambiguïté

         Jésus vit donc l'épreuve de la durée, dans une situation ambiguë et inconfortable. Le vocabulaire grec de la tentation évoque la mise à l'épreuve, le test. C'est bien le sens du mot dans le Notre Père: ne nous soumets pas à l'épreuve, n'éprouve pas trop sévèrement notre foi. La tentation, pour Jésus, serait de sortir de cette ambiguïté, de retrouver la plénitude de la présence divine ressentie au baptême. Sa victoire, dans le récit de Marc, consiste à tenir cette position, à consentir à cette apparente absence de Dieu. Il la vivra plus durement encore à la croix: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?

         Poussé au désert, Jésus côtoie les bêtes sauvages. La violence, la prédation et la mort qu'elles représentent, rappel de la menace contre la fragilité humaine. Il les côtoiera toute sa vie, car elles font partie de l'humanité et de nous-mêmes, tout autant que la fragilité. Les anges sont là aussi. Témoignage indirect de la sollicitude de Dieu, leur présence n'annule pas l'épreuve. Il les rencontrera aussi dans sa vie, comme nous en rencontrons parfois. Car ils sont comme nous, à l'image de Dieu.

         Fort de cette expérience de consentement à la condition humaine, Jésus en sortira en proclamant partout la Bonne Nouvelle: Dieu se fait tout proche! Pour nous, c'est la Nouvelle Alliance.
    L'Alliance universelle du Déluge
    (Genèse 9, 8-15)

         La première lecture de ce dimanche permet des liens intéressants avec le récit d’Évangile. Toutes les cultures anciennes ont des récits de déluge. Les auteurs de la Genèse ne savent pas ce qui s'est passé, mais ils se demandent pourquoi ce serait arrivé. On lit leur réponse au chapitre 6, 5-13. Dieu constate que la création dérape vers la violence, que les humains détruisent leur chemin de vie. Affligé et profondément déçu, il décide de tout détruire pour recommencer à neuf. Dieu est affecté par le mal et il lutte contre lui. On pourrait dire qu'ici, il combat le mal par le mal, la violence par une violence plus grande encore.

         Le texte de la liturgie propose la finale du récit (Gn 9, 8-15). On y lit que Dieu change d'idée et s'engage à ne plus jamais réagir ainsi. Car détruire toute violence équivaut à détruire les hommes. Il choisit une autre solution: l’alliance. Il tentera d'amener les humains à découvrir petit à petit le chemin de leur humanisation. Il s’engage à la patience et la miséricorde.

         Il faut réaliser l'originalité théologique de ce texte. Dans la tradition biblique, l’alliance concernait la relation particulière de Dieu avec son peuple Israël. Mais ici l’alliance est conclue avec toute l'humanité. Dieu se positionne comme Celui qui veut la vie, qui fait alliance avec toute vie humaine. Il consent à la prendre comme elle est, pour l'amener plus loin. Je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, car les pensées de son coeur sont mauvaises dès sa jeunesse (8, 21). Le récit précise que Dieu fait alliance même avec « les bêtes sauvages qui sont avec vous ». Qui représente aussi la sauvagerie des humains. Dieu consent au monde réel, mélange de bon et de mauvais. Monde dans lequel la violence côtoie le service, où l'homme peut être un loup pour l’homme, un prédateur. Mais aussi monde dans lequel on rencontre des anges, des personnes témoins de la tendresse de Dieu. Il n'y a pas de déni en Dieu, pas d’idéalisation mensongère, mais au contraire prise en charge de l’humanité comme elle est, incluant ses côtés sombres.
    Croire à la Bonne Nouvelle du Dieu tout proche

         Ce premier récit biblique d'alliance annonce déjà pour nous la nouvelle alliance en Jésus : Dieu invite les humains au même choix que lui. Renoncer librement à toute violence envers l’autre, choisir le chemin de l'humanisation, qui est un chemin de vie.

         Et il va infiniment plus loin: devenu si proche de nous, devenu l'un de nous, fragile et vulnérable dans ce monde imparfait. Que pourrait être la tentation pour un Fils de Dieu? La même que pour Dieu jadis, peut-être: détruire la violence par la force, manifester la puissance divine et obliger les humains à s'ajuster au rêve de Dieu. Mais dans la toute première alliance, Dieu a consenti à une humanité qui a encore du chemin à faire. Il a choisi une autre approche: l’alliance, la relation.

         En Marc, la Bonne Nouvelle proclamée par Jésus est que Dieu, dans sa relation à nous, a déposé les armes. Il n’a que la force de l’amour pour faire échec aux pulsions de violence et de refus qui nous habitent, quitte à en être lui-même victime. En ressuscitant Jésus, le Dieu de la vie se révèle fidèle à lui-même: sur le chemin qu'Il a choisi et qu’Il nous propose, la Vie et l’amour auront toujours le dernier mot contre la mort.

     Francine Robert, bibliste
     
    Source : Le Feuillet biblique, no 2435. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    source www.interbible.org
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  • Janvier - Février 2015

    Commentaire franciscain

     NU

    « Il se fit déposer nu sur la terre nue »

     Quelques petits mots qui suscitent des impressions très contrastées.

    Nu

    • Froid – chaleur ?
    • Sécurités – gène ?
    • Douceur – violence ?

    « Aujourd’hui, je veux m’habiller tout nu ! » claironnait un gamin a sa mère… Pour les adultes, par contre, c’est un peu plus complique…

    Qui n’a jamais rêvé – mais c’est plutôt un cauchemar ! – de se trouver dévêtu en public ? Or, en principe on n’est pas entièrement nu, on a plutôt oublie d’enfiler le haut, le bas, voire juste ses souliers. Ensuite, les autres, généralement connus mais non très bienveillants, sont habilles, eux. Et la, c’est la honte assurée…

     Peut-être que la nudité ne revêtait pas au 13 e siècle la même signification que maintenant ? Il n’est pas rare en tout cas que François et ses premiers compagnons, s’exposent aux rires des badauds en se baladant, voire en prêchant plus ou moins dévêtus. Pénitence imposée ou soi-même improvisée, devenue quasiment un sport pour certains Frères comme le malicieux Junipère, en un temps ou, ma foi, on n’avait pas la télé, et ou le geste symbolique signifiait bien davantage que dans notre société gavée de représentations.

    .Dans son récit, Bonaventure interprète ce dernier acte de François comme un désir de « lutter nu avec l’adversaire nu » Présente dans les écrits de Claire, cette idée toutefois ne me semble plus coller a ce moment suprême. Quelques années plus tôt, oui, le Poverello restituait ses vêtements a son père pour ne plus donner prise a sa cupidité. Quitter son habit peut évoquer une libération face aux apparences, a un rôle qui nous cache aux autres et a nous-mêmes. Plus tard, on le voit se jeter dans des rivières, se rouler dans la neige et construire des bonshommes, ludique désamorçage des manœuvres du malin… Les Fioretti nous le montrent enfin allonge dans un lit de flammes, conviant la courtisane qui tendait ses filets...

    François semble ne craindre rien ni personne. Toute créature lui devient fraternelle des lors qu’il a trouve sa place au sein de l’univers, tant il est sur d’avoir pour Père le Créateur de toute chose. Mais ces quatre éléments pourraient encore être lus comme des étapes sur son chemin : Nu au vent de sa conversion, dans l’eau de ses combats, au feu de son amour… Et enfin, dans cet ultime passage, François se retrouve « nu sur la terre nue » tant il est vrai que pour ne pas devenir violence, la nudité demande réciprocité.

    « Notre Sœur et mère la Terre » ne fait pas vraiment nombre avec les autres éléments, elle qui « les porte et les nourrit » A elle François se livre, confiant son corps a sa généreuse tendresse.

     Il y a trois catégories de personnes qui remettent leur corps aux mains de l’autre : les nourrissons, les amoureux et les grands malades. « Dieu a mis son corps entre nos mains » chante une hymne. Aux mains de Marie, aux mains des bourreaux… Christ adore, malmené, amoureux éperdu de l’humanité blessée… Configure a ce visage inlassablement contemple, François a tente toute sa vie de se désapproprier. L’heure n’est plus a la lutte, mais bien a l’abandon, pour se laisse façonner, recréer, et entrer dans la nouveauté absolue de son Dieu.

    Soeur Laetitia-Catherine, Montorge

     pour infos et abonnement

      mflaic@vtx.ch

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  • PEDRO MECA EST MORT ET PLEURENT LES PAUVRES.

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    Pedro Méca est éducateur de rue et travaille essentiellement la nuit. Il a écrit plusieurs livres pour relater son parcours. C'est un ami de longue date qui n'a jamais baissé les bras face à l'adversité. Un Homme qui base son travail social sur le relationnel. Un précurseur avant l'heure. 


    Il est actuellement, Directeur des Compagnons de la nuit, et traverse le Monde, en pèlerin défenseur des victimes d'Injustices criantes. Il Témoigne, s'insurge contre les diverses formes de pauvretés, plaies purulentes de nos sociétés...


    Si vous désirez le voir, allez du côté de Pigalle, là où la souffrance est brûlante. Suivez-le également en Amérique Latine, il vous montrera l'exploitation des misérables par les riches. Au fait, Pedro est prêtre Dominicain mais, ne veut pas qu'on le dise, cela justifierait son action. Alors, qu'autrefois, il était clochard dans les rues de Paris. Un espagnol venant de nulle part qui a trouvé son chemin en Dieu. Depuis plus de soixante dix ans, déjà... Merci Pedro pour ce que Tu Es...!
    Bruno LEROY.émoticône heart


    Ps : Excuse-moi PEDRO, je ne puis me résoudre à parler de toi au passé.
    Tu demeureras dans la mémoire des plus pauvres et surtout dans la mienne comme un Feu incandescent que rien n'arrête. En ce Mercredi des Cendres, te voilà retourné à la poussière mais, la tienne rayonnera toujours dans le ciel étoilé de mon cœur et des compagnons de la nuit. Puisse Dieu t'accueillir dans la Lumière de l'éternité celle que tu cherchais sur cette terre qui n'est que son anti-chambre.


    RIP


    Ton Ami et Frère, Bruno.émoticône heart
    Amen !

    Source http://brunoleroyeducateur-ecrivain.hautetfort.com
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  • Des lettres et des chiffres. Article no 2 - Élisabeth                    Des lettres et des chiffres. Article no 2

     

     

    http://ekladata.com/qqpRoCzwS-nEAluULFVF81Z1roo.jpg  Beit est la seconde lettre de l'alphabet hébraïque de valeur arithmologique deux, son nom signifie maison. C’est une lettre féminine qui symbolise la réceptivité et l’intériorité.

    C'est par cette lettre que commence le livre de la genèse. Toute la création est la maison du Aleph, (le Père, le Créateur) et chacun d’entre nous est appelé à être Sa demeure. Notre corps en Christ est devenu Temple, le lieu où Il réside et nous parle dans le souffle de l’Esprit.

    Beit s’écrit avec trois lettres, bèt, yod et tav. Avec deux d’entres elles nous pouvons écrire le mot bat fille. La création tout entière est fille du Père et porte en elle, comme en une matrice, la lettre yod, le germe divin, le fils, messie rédempteur à mettre au monde. En Israël, peuple de Dieu, il est né dans l’histoire avec un grand H et en chacun d’entre nous, il a également à être mis au monde et à croitre jusqu’à ce que ne soit plus nous qui vivons mais lui, en nous.

    Cette lettre initie le mot béréchit traduit par au commencement mais qui signifie aussi dans, le principe réchit ou bien deux principes.

    Sur deux principes Elohim créa le ciel et la terre nous dit le premier verset du premier livre de la Bible: le ciel, le domaine spirituel invisible, et la terre le domaine matériel visible. Il s’agit qu’ils s’interpénètrent l’un l’autre, qu’ils s’épousent totalement. Qu’il n’y ait plus de séparation entre l’âme et le corps mis une communication et une union c’est bien là un des sens de l’incarnation du Verbe. Il a revêtu notre humanité pour que nous revêtions sa divinité et par la filiation, en devenant fils dans le fils, nous participons à la vie divine de la trinité sainte.

    Le chiffre deux nous enseigne, que le monde est créé sous le signe de la dualité. La vie la mort, le beau le laid, le jour la nuit, le mal le bien....deux faces d'une seule et même médaille. Quelle face regardons-nous? Nous avons le pouvoir de retourner cette médaille sur la face que nous voulons contempler et aussi de marcher sur l'encoignure, véritable travail d'équilibriste beaucoup plus périlleux mais plus juste. Il ne s’agit plus alors de choisir, de rester prisonnier de la dualité mais de tout ramener à l’Un, au Père. Par delà la division et le multiple prendre conscience que tout est sacrement et bénédiction.

    Le mot Berakha signifie bénédiction. Dieu dès les premiers versets de la Genèse bénit toute la création pour qu’elle porte du fruit et se multiplie et celle-ci le bénit à son tour dans la louange et les actions de grâce. Toute la terre et ses habitants sont à la fois sources, dispensateurs et réceptacles de la bénédiction divine. Nous sommes tous bénis et appelés à bénir par nos pensés, nos paroles, nos actions.

    Ce mot est construit sur Bereh: genou. On peut donc relier la bénédiction à l’agenouillement. Celui de l’homme qui fait allégeance à son créateur et au don de toute sa personne en Christ qui a donné sa vie pour nous, qui par sa passion nous a racheté, renouvelé.

                                                                 Élisabeth

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    MESSE AVEC LES NOUVEAUX CARDINAUX

    HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

    Basilique vaticane Dimanche 15 février 2015

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    “Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier”… Jésus, saisi de compassion, étendit la main, le toucha et lui dit : “ Je le veux, sois purifié!” (cf. Mc 1, 40-41). La compassion de Jésus ! Ce “ pâtir avec ” qui le rapprochait de toute personne souffrante! Jésus, ne se ménage pas, au contraire il se laisse impliquer dans la douleur et dans le besoin des gens… simplement, parce qu’il sait et veut “ pâtir avec ”, parce qu’il a un cœur qui n’a pas honte d’avoir “ compassion ”.

    « Il ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts » ( Mc 1, 45). Cela signifie que, en plus de guérir le lépreux, Jésus a pris aussi sur lui la marginalisation que la loi de Moïse imposait (cf. Lv 13, 1-2. 45-46). Jésus n’a pas peur du risque d’assumer la souffrance de l’autre, mais il en paie le prix jusqu’au bout (cf. Is 53, 4).

    La compassion porte Jésus à agir concrètement : à réintégrer celui qui est exclu ! Et ce sont les trois concepts-clé que l’Église nous propose aujourd’hui dans la liturgie de la parole : la compassion de Jésus face à l’ exclusion et sa volonté d’ intégration .

    Exclusion : Moïse, traitant juridiquement la question des lépreux, demande qu’ils soient éloignés et exclus de la communauté, tant que dure leur mal, et il les déclare « impurs » (cf. Lv 13, 1-2. 45- 46).

    Imaginez combien de souffrance et combien de honte devait éprouver un lépreux : physiquement , socialement, psychologiquement et spirituellement ! Il n’est pas seulement victime de la maladie, mais il éprouve en être aussi le coupable, puni pour ses péchés ! C’est un mort-vivant, “comme quelqu’un à qui son père a craché au visage” ( cf. Nb 12, 14).

    En outre, le lépreux inspire la peur, le dédain, le dégoût et pour cela il est abandonné de sa propre famille, évité par les autres personnes, exclu de la société, ou plutôt la société elle-même l’expulse et le contraint à vivre dans des lieux éloignés des gens bien-portants, l’exclut. Et cela au point que si un individu bien-portant s’était approché d’un lépreux il aurait été sévèrement puni et souvent traité, à son tour, de lépreux.

    C’est vrai, le but de cette règlementation était de “ sauver les bien-portants” , “ protéger les justes” et pour les sauvegarder de tout risque, exclure “le danger”, traitant sans pitié celui qui est contaminé. Ainsi, en effet, s’exclama le grand-prêtre Caïphe : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas » ( Jn 11, 50).

    Intégration : Jésus révolutionne et secoue avec force cette mentalité enfermée dans la peur et autolimitée par les préjugés. Toutefois, il n’abolit pas la Loi de Moïse mais il la porte à son accomplissement (cf. Mt 5, 17), déclarant, par exemple, l’inefficacité contre-productive de la loi du talion ; déclarant que Dieu n’apprécie pas l’observance du Sabbat qui méprise l’homme et le condamne ; ou quand, face à la pécheresse, il ne la condamne pas mais au contraire la sauve du zèle aveugle de ceux qui étaient déjà prêts à la lapider sans pitié, estimant appliquer la Loi de Moïse. Jésus révolutionne aussi les consciences dans le Discours sur la montagne (cf. Mt 5), ouvrant de nouveaux horizons pour l’humanité et révélant pleinement la logique de Dieu. La logique de l’amour qui ne se fonde pas sur la peur mais sur la liberté, sur la charité, sur le zèle sain et sur le désir salvifique de Dieu : « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité » ( 1 Tm 2, 3-4). « Je veux la miséricorde, non le sacrifice » ( Mt 12, 7 ; Os 6, 6).

    Jésus, nouveau Moïse, a voulu guérir le lépreux, il a voulu le toucher, il a voulu le réintégrer dans la communauté, sans “s’autolimiter” dans les préjugés ; sans s’adapter à la mentalité dominante des gens ; sans se préoccuper du tout de la contagion. Jésus répond à la supplication du lépreux sans hésitation et sans les habituels renvois pour étudier la situation et toutes les éventuelles conséquences ! Pour Jésus ce qui compte, avant tout, c’est de rejoindre et de sauver ceux qui sont loin, soigner les blessures des malades, réintégrer tous les hommes dans la famille de Dieu ! Et cela scandalise certains !

    Et Jésus n’a pas peur de ce type de scandale ! Il ne pense pas aux personnes fermées qui se scandalisent même pour une guérison, qui se scandalisent face à n’importe quelle ouverture, à n’importe quel pas qui n’entre pas dans leurs schémas mentaux et spirituels, à n’importe quelle caresse ou tendresse qui ne correspond pas à leurs habitudes de pensée et à leur pureté rituelle. Il a voulu intégrer les exclus, sauver ceux qui sont en dehors du campement (cf. Jn 10).

    Il y a deux logiques de pensée et de foi : la peur de perdre ceux qui sont sauvés et le désir de sauver ceux qui sont perdus. Aujourd’hui aussi il arrive, parfois, de nous trouver au croisement de ces deux logiques : celle des docteurs de la loi, c’est-à-dire marginaliser le danger en éloignant la personne contaminée, et la logique de Dieu qui, avec sa miséricorde, serre dans ses bras et accueille en réintégrant et en transfigurant le mal en bien, la condamnation en salut et l’exclusion en annonce.

    Ces deux logiques parcourent toute l’histoire de l’Église : exclure et réintégrer . Saint Paul, mettant en œuvre le commandement du Seigneur de porter l’annonce de l’Évangile jusqu’aux extrêmes limites de la terre (cf. Mt 28, 19), scandalisa et rencontra une forte résistance et une grande hostilité surtout de ceux qui exigeaient aussi une observance inconditionnelle de la Loi mosaïque de la part des païens convertis. Même saint Pierre fut durement critiqué par la communauté quand il entra dans la maison du Centurion païen Corneille (cf. Ac 10).

    La route de l’Église, depuis le Concile de Jérusalem, est toujours celle de Jésus : celle de la miséricorde et de l’intégration. Cela ne veut pas dire sous-évaluer les dangers ou faire entrer les loups dans le troupeau, mais accueillir le fils prodigue repenti ; guérir avec détermination et courage les blessures du péché ; se retrousser les manches et ne pas rester regarder passivement la souffrance du monde. La route de l’Église est celle de ne condamner personne éternellement ; de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère ; la route de l’Église c’est justement de sortir de son enceinte pour aller chercher ceux qui sont loin dans les « périphéries » essentielles de l’existence ; celle d’adopter intégralement la logique de Dieu ; de suivre le Maître qui dit : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » ( Lc 5, 31-32).

    En guérissant le lépreux, Jésus ne porte aucun dommage à qui est bien-portant, au contraire, il le libère de la peur ; il ne lui apporte pas un danger mais il lui donne un frère ; il ne méprise pas la Loi mais il apprécie l’homme, pour qui Dieu a inspiré la Loi. En effet, Jésus libère les bien-portants de la tentation du “frère-ainé” (cf. Lc 15, 11-32) et du poids de l’envie et des murmures des ouvriers qui ont « enduré le poids du jour et la chaleur » ( Mt 20, 1-16).

    En conséquence : la charité ne peut être neutre, aseptisée, indifférente, tiède ou impartiale ! La charité contamine, passionne, risque et implique ! Parce que la charité véritable est toujours imméritée, inconditionnelle et gratuite ! (cf. 1 Co 13). La charité est créative pour trouver le langage juste afin de communiquer avec tous ceux qui sont considérés comme inguérissables et donc intouchables. Trouver le langage juste… Le contact est le vrai langage communicatif, le même langage affectif qui a transmis la guérison au lépreux. Que de guérisons nous pouvons accomplir et transmettre en apprenant ce langage du contact ! C’était un lépreux et il est devenu annonciateur de l’amour de Dieu. L’Évangile dit : « Un fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle » ( Mc 1, 45).

    Chers nouveaux Cardinaux, ceci est la logique de Dieu, ceci est la route de l’Église : non seulement accueillir et intégrer, avec un courage évangélique, ceux qui frappent à notre porte, mais sortir, aller chercher, sans préjugés et sans peur, ceux qui sont loin en leur manifestant gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement. « Celui qui déclare demeurer dans le Christ doit, lui aussi, marcher comme Jésus lui-même a marché » ( 1 Jn 2, 6). La totale disponibilité pour servir les autres est notre signe distinctif, est notre unique titre d’honneur !

    Et pensez bien, en ces jours où vous avez reçu le titre cardinalice, invoquons l’intercession de Marie, Mère de l’Église, qui a souffert elle-même l’exclusion à cause des calomnies (cf. Jn 8, 41) et de l’exil (cf. Mt 2, 13-23), afin qu’elle nous obtienne d’être des serviteurs fidèles à Dieu. Qu’elle nous enseigne – elle qui est la Mère – à ne pas avoir peur d’accueillir avec tendresse les exclus ; à ne pas avoir peur de la tendresse. Que de fois nous avons peur de la tendresse ! Qu’elle nous enseigne à ne pas avoir peur de la tendresse et de la compassion ; qu’elle nous revête de patience pour les accompagner sur leur chemin, sans chercher les résultats d’un succès mondain ; qu’elle nous montre Jésus et nous fasse marcher comme lui.

    Chers frères nouveaux Cardinaux, regardant vers Jésus et vers notre Mère, je vous exhorte à servir l’Église, de façon que les chrétiens – édifiés par notre témoignage – ne soient pas tentés d’être avec Jésus sans vouloir être avec les exclus, s’isolant dans une caste qui n’a rien d’authentiquement ecclésial. Je vous exhorte à servir Jésus crucifié en toute personne exclue, pour quelque motif que ce soit ; à voir le Seigneur en toute personne exclue qui a faim, qui a soif, qui est nue : le Seigneur qui est présent aussi en ceux qui ont perdu la foi, ou qui se sont éloignés de leur propre foi ou qui se déclarent athées; le Seigneur qui est en prison, qui est malade, qui n’a pas de travail, qui est persécuté ; le Seigneur qui est dans le lépreux – en son corps ou en son âme –, qui est discriminé ! Nous ne découvrons pas le Seigneur, si nous n’accueillons pas l’exclu de façon authentique ! Rappelons-nous toujours l’image de saint François qui n’a pas eu peur d’embrasser le lépreux et d’accueillir ceux qui souffrent toutes sortes de marginalisation. En réalité, chers frères, sur l’évangile des exclus, se joue, se découvre et se révèle notre crédibilité !

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