•    Esclaves, obéissez à vos maîtres!

    Mosaïque d’époque romaine montrant des esclaves au travail

    Mosaïque d’époque romaine montrant des esclaves au travail

    Aujourd’hui, il va de soi que l’esclavagisme est une pratique inhumaine. Or, au temps des premiers chrétiens, l’esclavage faisait partie de l’organisation sociale. Le modèle socioéconomique de l’Empire romain était basé sur l’utilisation d’esclaves. C’est ainsi que quelques textes du Nouveau Testament montrent l’esclavage, non seulement comme allant de soi, mais recommandent aux esclaves d’être de bons esclaves!

    5 Esclaves, obéissez à vos maîtres d’ici-bas avec crainte et tremblement, d’un cœur simple, comme au Christ, non parce que l’on vous surveille, comme si vous cherchiez à plaire aux hommes, mais comme des esclaves du Christ qui s’empressent de faire la volonté de Dieu. Servez de bon gré, comme si vous serviez le Seigneur, et non des hommes. 8 Vous le savez : ce qu’il aura fait de bien, chacun le retrouvera auprès du Seigneur, qu’il soit esclave ou qu’il soit libre. Et vous, maîtres, faites de même à leur égard. Laissez de côté la menace : vous savez que, pour eux comme pour vous, le Maître est dans les cieux et qu’il ne fait aucune différence entre les hommes. (Ephésiens 6,5-9)

    Obéir au Christ

    À première vue, cette lettre attribuée à Paul incite les esclaves à obéir à leur maître. Elle les encourage même à servir d’une façon particulière : comme si leur maître était le Christ. D’autres lettres de Paul évoquent cette image. Pour lui, tous les chrétiens sont appelés à être serviteurs et servantes du Christ.

    Subvertir les divisions sociales

    Une lecture plus attentive de notre extrait révèle que ce texte a peut-être bouleversé les idées reçues de l’époque. Le verset 8 indique que, devant la mort, les personnes libres et les esclaves ont la même dignité. Le verset 9 avertit même les maîtres de ne pas user de menaces, car Dieu ne fait pas de différences entre les humains, qu’ils soient libres ou esclaves. Cette affirmation est révolutionnaire. À l’époque, les esclaves appartenaient à leur maître et ils étaient perçus comme des sous-hommes qui ne sauraient pas quoi faire de leur liberté, le cas échéant. Ils avaient besoin de maîtres pour les diriger. La société était très hiérarchisée. Il y avait plusieurs niveaux entre l’empereur et les esclaves. Chacun avait sa place. Et les autorités, en haut de cette pyramide, faisaient tout pour qu’il n’y ait aucune contestation sociale possible.

    Ce texte est le reflet d’une société divisée entre humains libres et esclaves. Mais pour Dieu, cette distinction n’existe pas. Notons que, dès les premiers siècles de notre ère, le christianisme a eu un grand succès auprès des classes sociales inférieures, car il leur offrait une dignité égale à celle des autres membres de la société. Avec notre regard du 21e siècle, ce texte semble justifier l’esclavage, mais au contraire, il vient remettre en question un principe fondamental de ce système, en affirmant que, devant Dieu, tous sont égaux. Comme le dit Paul, dans la Lettre aux Galates (3,28) : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec; il n’y a plus ni esclave ni homme libre; il n’y a plus l’homme et la femme; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ. » 

    Réfléchir sur l’esclavage avec le pape François

    Le 1er janvier 2015, le pape François a lancé une invitation à lutter contre les diverses formes d’esclavage, dans son message intitulé : Non plus esclaves, mais frères.

    Il y a eu des époques, dans l’histoire de l’humanité, où l’institution de l’esclavage était généralement acceptée et régulée par le droit. Mais l’esclavage, n’est-ce pas un fléau du passé? Si le pape a pris la peine de dénoncer ce phénomène, c’est que ce n’est pas le cas. Quels sont les visages de l’esclavage aujourd’hui? Ils sont très variés, mais je pense spontanément aux travailleurs et travailleuses, mêmes mineurs, asservis dans divers secteurs économiques tels que le travail domestique, l’industrie manufacturière, le travail agricole, le secteur minier, etc.

    Je pense aux nombreux émigrants qui fuient des situations difficiles. Lors de leur voyage, ils doivent faire face à de nombreux périls. Ils sont souvent privés de liberté, dépouillés de leurs biens ou même victimes d’abus. Arrivés à destination, ils sont parfois détenus dans des conditions inhumaines. Ils acceptent alors de vivre et de travailler dans ces conditions, car ils sont sans papiers et ne peuvent pas travailler de façon légale.

    Je pense à l’esclavage lié à la sexualité. Des personnes, en particulier des mineures, sont contraintes de se prostituer et de devenir des esclaves sexuels. Il y a aussi des femmes vendues dans des mariages forcés. Je pense aussi aux enfants-soldats et aux prisonniers de groupes terroristes. Toutes ces personnes sont les esclaves d’aujourd’hui.

    Il y a aussi un visage moins connu de l’esclavage, auquel nous contribuons largement. Nos achats de biens et de services proviennent souvent de compagnies qui utilisent l’esclavage sans que nous le sachions. Par exemple, le cacao utilisé au Canada provient de pays de l’Afrique de l’Ouest tels que le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée et le Nigéria, qui le récoltent à l’aide d’enfants vivant dans des conditions inhumaines. Lorsque nous achetons une barre de chocolat (non équitable), nous contribuons directement à leur esclavage, sans nous en rendre compte. Autre exemple : nos fonds de pension mettent souvent à profit le travail des enfants, dans des mines, en Amérique centrale. Plus de la moitié des compagnies minières du monde ont leur siège social au Canada. Les profits qu’ils font, par l’exploitation des ressources, reviennent dans les poches de leurs actionnaires, c’est-à-dire nous. Et plusieurs rapports montrent que cette exploitation fait fi de l’environnement et des droits des personnes qui y travaillent.

    L’appel du pape François est signifiant, autant pour les croyants que pour les non-croyants. En effet, il utilise la métaphore de la fratrie pour nous rappeler les liens qui unissent tous les êtres humains. Pour lui, nous sommes comme des frères et des sœurs. Ainsi, nous devons respecter la dignité, l’autonomie et la liberté des autres, pour lutter contre l’exploitation de l’homme par l’homme.

    Extrait de : Sébastien Doane, Zombies, licornes, cannibales… Les récits insolites de la Bible, Montréal, Novalis, 2015.

    Sébastien Doane

    source www.interbible.org

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  • Le sel et la lumière

    La Lumière du monde (1854) par William Holman Hunt

    La Lumière du monde (1854) par William Holman Hunt 

    Le sel et la lumière : Matthieu 5, 13-16
    Autres lectures : Isaïe 58, 7-10; Psaume 111(112); 1 Corinthiens 2, 1-5

    Le Seigneur invite les chrétiens et les chrétiennes à ne pas rester passifs dans le monde. Ils doivent constamment lutter pour la dignité humaine et pour la justice sociale. Ainsi, en aimant comme le Christ, ils deviendront le sel de la terre et la lumière du monde.

         L'Évangile débute avec le pronom « Vous ». Jésus met ses auditeurs devant un fait accompli. En devenant ses disciples, les enfants de Dieu n'ont pas à se baser sur leurs propres capacités ou mérites pour aimer comme le  Père. En devenant des baptisés, le Christ leur donne l'Esprit Saint et les rend ainsi aptes à introduire la miséricorde divine dans le monde. Ils sont immédiatement capables de devenir le sel de l'univers et la lumière divine dans le milieu où ils vivent.

    Le sel

         Dans ses paraboles, Jésus choisit toujours des symboles simples et universels qui peuvent être compris dans toutes les cultures. Sur la terre, la plupart des gens ont salé leurs aliments pour leur donner du goût ou pour les conserver. Dans l'Ancien Testament, le sel symbolise aussi la sagesse de Dieu. En utilisant le sel comme symbole, Jésus conserve cette signification. Les héritiers de la Nouvelle Alliance seront désormais les personnes qui concrétiseront cette sagesse du Père dans les affaires humaines.

         Cette sagesse divine est infinie. Elle s'oppose à la sagesse humaine qui est limitée. L'amour divin ne peut pas être quantifié. Les ouvriers de la dernière heure recevront un salaire identique aux travailleurs qui ont oeuvré toute leur vie à répandre l'Évangile. L'amour du Père surpasse aussi l'amour humain qui  est dirigé souvent vers leurs amis. Dieu, qui aime infiniment, appelle les baptisés à aimer sans limite leurs ennemis et à toujours leur pardonner. Le sel a aussi un autre sens dans l'Ancien Testament. Il est la saveur privilégiée de Yahvé. Les sacrifices faits au Temple doivent être salés (Lv 2, 13) pour plaire à Dieu. Jésus, en reprenant le symbole, s'inscrit donc dans la tradition biblique et il l'accomplit car il sera dorénavant celui qui va mettre le grain de sel divin sur la terre. Le sel est aussi un ingrédient qui empêche la pourriture de dégrader les aliments. En utilisant cette allégorie, Jésus indique que les baptisés, en répandant l'Évangile, empêcheront le monde de se dégrader sous l'effet du péché.

    La lumière

         Les baptisés sont désormais, grâce à l'Esprit, la lumière du monde. La communauté ecclésiale est la ville située sur la montagne de la parabole. Par son action pour la justice sociale et les démunis, elle témoigne du Père. Le Christ affirme aussi que ce nouvel éclairage ne doit pas être caché sous un boisseau. Il faut préciser que le terme utilisé par le Seigneur dans sa parabole est très fort. La lumière n'est pas cachée par un simple abat-jour aux dimensions régulières. La clarté est plutôt obscurcie par un immense contenant qui est désigné par la quantité qu'il contient: un boisseau Cette ancienne mesure correspond aujourd'hui à 12,5 litres. Un immense poids pèse donc sur cette lumière. Dans les premiers siècles du christianisme, les enfants du Père étaient torturés ou exécutés à cause de leur foi. Ils refusaient de pratiquer la religion officielle de l'Empire romain qui faisait de l'Empereur un dieu. Lorsque le christianisme est devenu la religion de l'Empire au 4e siècle, le témoignage scandaleux de plusieurs clercs, évêques et papes ont nui à la diffusion de la lumière évangélique. Les fidèles se détournaient de personnes qui prêchaient un message et qui, dans leur vie, faisaient le contraire de ce qu'ils disaient. Aujourd'hui les deux éléments se côtoient. Dans une société où la science est devenue la nouvelle religion, la foi est ridiculisée à cause de quelques croyances qui contredisent les découvertes scientifiques (la virginité de Marie, les miracles, etc.). De plus, les abus commis par des responsables dans toutes les familles chrétiennes (pédophilie, crimes financiers, etc.) ont détourné les gens de l'Église.

         Enfin, certains croyants diront que cette parabole de Jésus contredit d'autres éléments évangéliques comme la consigne de prier, de jeûner et de donner aux pauvres en secret (Mt 6, 1-18). Le boisseau qui cache la lumière serait donc le bienvenu. L'opposition apparente entre ces deux propositions disparaît lorsqu'on cerne la motivation à la base de ces pratiques. Jésus fait remarquer que les gestes des pharisiens servent à leur propre gloire. En étalant devant un public réceptif leur piété qui semblait remarquable, ils se forgeaient une excellente réputation dans leur communauté. L'opinion favorable du monde à leur égard leur vaut admiration et même pouvoir sur les consciences. Ils ne sont pas comme l'apôtre Paul  dans la deuxième lecture qui, en arrivant à Corinthe, se sent faible et craintif. Paul représente l'antithèse des pharisiens. Après avoir constaté sa vulnérabilité, les Corinthiens seront surpris de sa force lorsqu'il proclamera la Bonne Nouvelle. Ainsi, intégrés, ils demanderont la source de sa force. Paul pourra leur indiquer que le Christ lui permet de dépasser ses limites humaines. Donc les chrétiens et les chrétiennes qui agissent pour témoigner de la puissance divine doivent éclairer le monde. Les baptisés qui agissent dans le but d'être reconnus dans le monde devraient plutôt se cacher.

    La charité

         La première lecture définit la composition du sel et de la lumière chrétienne. C'est la miséricorde divine dont la particularité est de s'intéresser à toute l'humanité : riches, pauvres, dominants, dominés, savants, ignorants. Dieu a cependant un amour privilégié pour les démunis et les exclus qui ont souvent Dieu comme seule richesse. Dieu ne rejette pas les bien-nantis. Quand ils partagent leur richesse sans une compagne de relations publiques qui glorifient leur don, Dieu les bénit. Quand ils utilisent les ressources qu'ils ont à leur disposition pour lutter contre l'injustice, Dieu les bénit. Quand, patrons, ils traitent leurs employés avec justice, Dieu les bénit. Les riches et les puissants doivent devenir des témoins du Père qui donnent au monde une nouvelle saveur et un éclairage nouveau.

         Certains chrétiens ne partagent pas la vision d'Isaïe. Pour eux, la charité n'est pas essentielle au salut. En se basant sur plusieurs extraits bibliques, ils soutiendront que la foi est le seul élément nécessaire au salut. Quand une personne accepte le Christ comme Sauveur et Seigneur, elle fait désormais partie de la grande famille des enfants de Dieu. La mission de chaque enfant  serait de transmettre cette conviction et d'amener les êtres humains au baptême. La charité, dans cette interprétation du message du Christ, est souhaitable mais secondaire. L'Église catholique a toujours soutenu une autre interprétation. La foi et la charité sont également nécessaires pour être sauvé. Une personne ne peut se prétendre disciple du Christ si elle amasse une fortune sans tenir compte du bien commun. Actuellement, en ce XXIe siècle, les inégalités sociales et économiques n'ont jamais été aussi présentes. La charité est plus que jamais indispensable. Les sacrements et la liturgie restent importants pour que la conscience humaine soit pleinement nourrie de la grâce divine qui permet d'aimer comme Jésus. Mais les baptisés ont plus que jamais la tâche de soulager la misère humaine et ainsi de répandre la miséricorde divine, le sel et la lumière de la Nouvelle Alliance. 

    Benoît Lambert, bibliste 

    Source : Le Feuillet biblique, no 2519. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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  • L’arbre de la connaissance

    Tentation d'Adam et Ève

    Tentation d'Adam et Ève
    Le Titien ou Tiziano Vecellio, circa 1550
    Musée du Prado, Madrid (photo : Wikiwand)

    L’arbre de la connaissance est un élément symbolique très important du récit du jardin de la Genèse (2,9.17). C’est le seul arbre dont les humains ne peuvent manger le fruit. Par deux fois, il est qualifié par les adjectifs bon et mauvais. En quoi est-ce que cette connaissance peut-elle être bonne ou mauvaise? Voici quatre hypothèses qui montrent comment les lecteurs du livre de la Genèse comprennent habituellement ce symbole.

    • La connaissance sexuelle. Manger du fruit de cet arbre symboliserait le désir sexuel. Le commentateur juif Ibn Ezra représente cette option. Ses arguments sont qu’Adam couvre sa nudité après avoir mangé du fruit de cet arbre et qu’il « connaisse » sa femme Ève avant de concevoir Caïn (Gn 4,1). Aussi, la connaissance du bien et du mal est associée dans la Bible à la puberté (Dt 1,39; Is 7,15-16). La théologie du péché originelle a popularisé cette interprétation.

    • L’omniscience. Consommer le fruit de cet arbre donne toutes connaissances. Certains récits bibliques utilisent ensemble l’expression le bien et le mal pour désigner la totalité de quelque chose. Par exemple, en Gn 24,50, Laban dit : « Nous ne pouvons pas vous dire rien de mal ou de bien. » C’est-à-dire nous ne pouvons rien dire du tout.

    • Le discernement moral. Manger du fruit de l’arbre de la connaissance permet aux humains d’évaluer ce qui est bien de ce qui est mal. Salomon, roi associé à la sagesse, demande au Seigneur de pouvoir discerner entre le bien et le mal (1 R 3,5-9).

    • La sagesse divine. Dans cette optique, la vraie sagesse provient de Dieu et implique le respect de ses commandements, et non d’une connaissance personnelle.

    Cet arbre a donc été vu comme un symbole de sexualité, d’omniscience, de discernement et de sagesse divine. Puisque la Bible ne parle de l’arbre de la connaissance que dans deux versets, il n’y a pas assez d’information pour préciser de quoi il s’agit. Le mieux est sans doute de voir cet arbre comme un symbole pouvant être interprété de plusieurs façons.

    NDLR : Les informations de cette chronique ont été trouvées dans Marc Girard, Symboles bibliques langage universel, Montréal, Médiaspaul, 2016.

    Sébastien Doane

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  • Est-ce que Jean et Jésus étaient cousins?

    La Vierge, sainte Anne et l’enfant Jésus bénissant Jean le baptiste

    La Vierge, sainte Anne et l’enfant Jésus bénissant Jean le baptiste
    Léonard de Vinci
    Carton préparatoire, circa 1501
    National Gallery, Londres

    QuestionSi Jean est le cousin de Jésus, pourquoi sait-il si peu de choses sur lui ? (Claude de Québec)

    RéponseLa tradition chrétienne a retenu l’idée que Jean le baptiste et Jésus étaient des cousins. Or, il n’y a qu’un texte qui fait un lien de parenté entre les deux. Les autres textes du Nouveau Testament n’affirment pas spécifiquement le contraire. Cependant, tous les autres passages qui traitent de Jean et Jésus semblent en effet présupposer qu’ils ne sont pas de la même famille. Qu’en est-il ?

    De proches parents

    Le récit de la naissance de Jésus en Luc est à l’origine de la tradition d’une parenté entre Jean et Jésus. Dans ce récit, Élisabeth et Marie, les mères des deux enfants à naître sont décrites comme parentes (suggénès) en Luc 1,36. Ce mot évoque l’idée d’un lien familial vague entre femmes. Les deux premiers chapitres de Luc racontent la naissance Jésus en parallèle avec celle de Jean. La comparaison entre les deux est toujours à l’avantage de Jésus.

    Deux prophètes avec une mission commune

    Les évangiles de Marc, Matthieu et Jean ne laissent aucune trace d’un lien de parenté entre Jean et Jésus. Lorsqu’ils se rencontrent, dans certains passages, Jean semble avoir une connaissance de l’identité profonde de Jésus. Par exemple, c’est le baptiste qui désigne Jésus comme « l’agneau de Dieu » (Jean 2,29). Pourtant, dans le verset suivant il dit aussi : « Moi-même, je ne le connaissais pas... » Selon l’évangile de Jean, le baptiste a reçu une révélation particulière en voyant l’Esprit descendre sur lui. Jean atteste que Jésus est le Fils de Dieu, mais il affirme aussi qu’il ne le connaissait pas avant cette scène du baptême.

    La suite de l’Évangile selon Luc ne revient pas sur le lien de parenté évoqué dans le récit de naissance. En effet, le baptiste va même jusqu’à demander à Jésus par l’entremise de ses disciples : « Es-tu celui qui vient ou devons-nous en attendre un autre ? » (Lc 7,20) Donc, l’Évangile de Luc n’évoque plus de liens parentaux entre Jean et Jésus en dehors des récits de naissance.

    Lorsqu’on tient compte de l’ensemble des évangiles, il n’y a donc que peu d’appui à la tradition qui fait de Jean et de Jésus des cousins. Par ailleurs, les évangiles sont unanimes pour présenter la continuité entre les deux prophètes. Leurs missions respectives et leurs prédications se ressemblent beaucoup. S’ils ne sont pas parents, ils sont certainement animés du même Esprit.

    Sébastien Doane

    source www.interbible.org

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  • Tes chefs sont rebelles et s’associent avec des voleurs, ils aiment les pots-de-vin et courent après les récompenses. Ils ne défendent pas les droits de l’orphelin et demeurent sourds à la cause des veuves. (Ésaïe 1,23)

    Les reproches d’Ésaïe à la Jérusalem du 8e siècle avant notre ère pourraient s’appliquer à nos sociétés et à certains politiciens (pas tous, heureusement) : faire carrière pour s’enrichir, ne pas se préoccuper des plus vulnérables… Rien de nouveau !

    La corruption ou l’actualité internationale peut nous faire douter de l’engagement dans le service public et pour la communauté. Il est si facile de se désintéresser de la chose publique, de ne plus se préoccuper que de sa propre existence sous prétexte que « Plus ça change, plus c’est pareil », « Tous pourris ! », « C’est inutile »... Si notre monde, 27 siècles plus tard, est encore vivable malgré les injustices et les malversations, c’est justement parce que des milliers de personnes, dont beaucoup de chrétiens, restent debout et se battent pour la justice et pour un monde meilleur.

    Malgré tout ce qui se passe dans les nouvelles par les temps qui courent, l’heure n’est pas au découragement, mais à se retrousser les manches pour travailler encore plus fort pour les valeurs auxquelles nous croyons.  Il ne faut pas cesser de croire en Dieu qui agit dans le monde, ni de croire en l’humanité. Le monde a plus que jamais besoin de nous !

     

    Stephan Gaudet

    source www.interbible.org

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  • Répondre à la violence par le pardon 1/2

    Sermon sur la montagne

    Sermon sur la montagne
    Károly Ferenczy, 1896
    Huile sur toile, 135 x 203 cm
    Galerie nationale hongroise (photo : Wikipedia)

    Jésus donne à ses disciples un enseignement nouveau qui en bouleversera plus d’un. Dans le Sermon sur la montagne (Mt 5-7), il rassemble les bases d’un enseignement qui montre jusqu’où va l’amour que lui-même ne cesse de vivre dans ses rapports avec ceux et celles qui viennent à lui. Nous nous arrêtons à deux aspects de l’enseignement de Jésus, ceux qui éclairent de manière significative la manière dont Jésus donne une réponse claire au problème de la violence qui régit trop souvent les rapports humains : le pardon et l’amour de l’ennemi.

    La violence des rapports sociaux

    Vous savez comme moi que la relation à l’autre n’a rien d’évident. Il suffit de peu de chose pour créer un incident, une bagarre, une vengeance et parfois un meurtre. Un « mauvais regard », une moquerie, un geste déplacé ou une infidélité déclenchent rapidement en certains cas un conflit ou une vendetta qui ne s’arrête jamais. La violence habite l’ensemble des rapports sociaux. Elle instaure des relations où le plus fort impose sa loi au plus faible. Cette règle apparaît inévitable, voire naturelle. Le plus riche ou le plus influent dicte ses lois aux plus pauvres et si ces derniers cherchent à faire valoir leurs droits, ils déclenchent une contre violence, par la grève ou l’insurrection qui peut aller jusqu’à la guerre civile. L’histoire humaine est le témoin de ces violences qui ont laissé et laissent encore derrière elles d’immenses mares de sang dans l’histoire des peuples. Le 20e siècle passé a été l’électrochoc pour toutes les personnes qui réfléchissent. Lorsqu’elle ne connaît pas de limites, la violence est capable des pires horreurs que l’humanité ait connues. Les milliers de morts offerts en sacrifice aux divinités antiques ne sont que peu de chose face aux dizaines de millions de morts sacrifiés aux divinités idéologiques du nazisme ou du communisme. Face à la menace destructrice que représente la violence quelle réponse pouvons-nous donner ?

    Une recette miracle s.v.p.

    Il ne suffit pas de dire « Y a qu’à… », j’en suis bien conscient. Je n’ai aucune recette miracle à fournir à mes contemporains qui se trouvent parfois devant des situations inextricables ou face à des groupes qui ont choisi la violence comme mode d’expression. Face à des situations de guerre, celui qui préconise une autre voie que celle de la vengeance ou d’une violence plus forte que celle dont il a été la victime est vite considéré comme un traître, une mauviette ou un idéaliste. Je n’ai rien à dire a priori à celui ou celle qui s’oppose comme il le peut à la violence qui lui est faite. Mais je sais aussi qu’il est très difficile de sortir de la violence. La victoire sur l’ennemi est souvent suivie par un assouvissement de haine et d’humiliation du vaincu, lequel fera grandir en lui le désir de revanche… On entre alors dans la logique de la vendetta entre familles ou nations. Que de massacres n’a-t-on commis pour venger son honneur? Le nationalisme poussé à l’extrême réduit l’autre à un être malfaisant dont il faut se protéger et se débarrasser par tous les moyens même en le tuant. La situation des minorités en divers points du globe en est l’illustration vivante aujourd’hui. Dans ces situations, la violence régit seule les rapports humains au mépris du droit et de la justice. Elle le fait en imposant la peur, dans le cœur des petits et sans défense. Il ne suffit pas de gagner une guerre, pour en sortir de manière durable, il faut bâtir ou rebâtir la paix. Cette reconstruction ne se fait pas par l’humiliation du vaincu, mais par la force de la parole échangée et la création de relations entre les personnes et les peuples. Au lendemain de la dernière guerre mondiale, en Europe, des hommes comme Robert Schuman, de Gaulle, Adenauer l’ont parfaitement compris en créant ensemble les bases d’une Europe réconciliée.

    La charte du Sermon sur la montagne

    Le « Sermon sur la montagne » (Mt 5-7) a pu influencer certaines prises de décisions politiques. Ces paroles établissent une sorte de charte de vie pour le disciple qui veut suivre Jésus, mais dépassent largement le cadre purement religieux en mettant en valeur ce que l’on peut nommer « des évidences premières » dont la portée est universelle.

    Citons quelques-unes des paroles les plus marquantes de Jésus :

    • Les Béatitudes rappellent que l’établissement de rapports humains apaisés suppose des choix très concrets : « Heureux les doux... Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice… Heureux les miséricordieux… Heureux les artisans de paix… » (Mt 5,5-9) Le combat pour la justice et pour la paix fait partie intégrante des exigences fondamentales de l’Évangile. Qui pourrait dire qu’il n’a aucune incidence politique et sociale ?

    • Dans le même chapitre, Jésus donne sa propre compréhension de différents commandements de la Loi mosaïque. Par exemple, concernant l’interdit de tuer Jésus montre que l’interdit porte également sur toutes les attitudes qui peuvent conduire au meurtre : la colère, l’injure, l’irrespect de l’autre… Et pour mieux souligner que le respect d’autrui est fondamental dans les relations humaines et la relation de l’homme avec Dieu, il ajoute : « Lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisses ton offrande, là, devant l’autel, vas d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. » (Mt 5,23-34)Les responsables d’Églises se sentent-ils interpellés par l’exigence des paroles de Jésus? Il a fallu des siècles pour que l’on commence à se parler et se respecter.

    Pierre le disciple, a pris le temps d’écouter attentivement Jésus et il a compris que l’amour et le respect d’autrui est une exigence première. Mais il connaît la vie et les difficultés auxquelles chacun est confronté. Les mésententes sont fréquentes, les querelles familiales, les divisions nées de difficiles partages. Il a entendu l’appel de Jésus au pardon à donner à celui qui a offensé. Mais une question demeure en lui : jusqu’où aller? Il pose la question à Jésus : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner? Jusqu’à sept fois? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. » (Mt 18,21-22)

    Rompre la logique de la vengeance

    Quel constat peut-on faire à l’écoute de ces paroles? Pour sortir de la violence, il faut à un moment ou un autre rompre la logique infernale de la vengeance et de la contre-vengeance. Cette rupture passe par un travail de réconciliation. Paul dira plus tard que Jésus est venu briser le mur de la haine qui sépare les peuples, les familles, les groupes sociaux, les hommes et les femmes entre eux. Ce chemin de réconciliation humaine passe par la main tendue, la reconnaissance de l’autre, le refus de la guerre, la discussion et le pardon. En indiquant cette direction, Jésus rompt avec toute une tradition. Ce n’est pas un chemin de facilité, mais une condition de survie. En sommes-nous bien conscients?

    Face à la haine et la violence, Jésus ne reste pas dans une belle passivité, il propose d’y répondre en utilisant, comme seule arme, la force de l’amour. C’est ce que nous développerons dans le prochain article.

    Roland Bugnon

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  • Un baptême…
    sans récit de baptême!

    Icône orthodoxe de saint Jean Baptiste.

    Icône orthodoxe de saint Jean Baptiste

    Le témoignage de Jean : Jean 1, 29-34
    Autres lectures : Isaïe 49, 3.5-6; Psaume 39(40); 1 Corinthiens 1, 1-3

     Vous savez sans doute que l’Évangile selon Jean est très différent des trois autres. Rares sont les récits qui se retrouvent dans les quatre évangiles. Or, nous avons ici une exception très intéressante. Profitons donc de la scène de la rencontre entre Jésus et Jean pour identifier les similitudes et discordances entre l’Évangile selon saint Jean et les trois autres. Ceci permettra de montrer les spécificités du quatrième évangile ainsi que les éléments communs qui ont un fort degré d’historicité.

    Ressemblances entre évangiles

         La façon dont un texte commence est très importante. Dans le cas des quatre évangiles, la mission publique de Jésus commence toujours avec la rencontre entre Jésus et le baptiste.

         Dans les quatre versions de cette rencontre, Jean est présenté comme un prophète dont l’activité principale est de baptiser. Dans chaque récit, on sent une tension entre Jean et les autorités politiques et religieuses de Jérusalem. C’est probablement une des raisons qui le pousse à exercer sa mission au cœur du désert.

         Chaque évangile insiste fortement sur l’importance relative entre le baptiste et Jésus (Mc 1, 7-8; Mt 3, 13; Lc 3, 16; Jn 1, 26-27). Par exemple, Jean affirme qu’il n’est pas digne de délier les sandales de Jésus ou que Jésus est plus fort que lui.

         Le baptême de Jésus est toujours le moment d’une manifestation de Dieu. Une colombe représente l’esprit qui descend sur Jésus et une parole divine confirme la relation particulière entre Dieu et Jésus.

    Particularités de l’Évangile selon Jean

         Contrairement aux autres évangiles, le baptême de Jésus n’est même pas raconté! Aussi, Jean n’explicite pas la fonction de son baptême qui selon les autres évangiles vise la conversion de ceux qui sont baptisés. Pourquoi ces deux éléments significatifs sont-ils omis dans l’Évangile selon Jean?

         La réponse se trouve dans un conflit entre les disciples de Jésus et ceux du baptiste. Même si l’Évangile selon Jean raconte le récit de quelques disciples de Jean qui suivent Jésus, plusieurs personnes continuent à suivre le baptiste sans devenir chrétiennes. Ainsi à l’époque de la composition de l’Évangile selon Jean, un groupe de disciples du baptiste coexiste à côté des chrétiens 1. Pour eux, leur maître Jean était plus important que Jésus.

         Les évangiles transmettent le point de vue chrétien sur ce conflit. Ils insistent donc fortement sur l’importance de Jésus par rapport au baptiste. L’Évangile selon Jean montre un malaise particulier par rapport au baptême de Jésus. Puisque ce baptême est la preuve que Jean était le maître de Jésus, le quatrième évangile ne raconte pas le baptême de Jésus. Il omet aussi d’indiquer que ce baptême était en vue d’une conversion puisque cela pourrait laisser entendre que Jésus avait besoin de revenir de ses égarements. Ce conflit explique aussi les nombreuses paroles du Nouveau Testament indiquant que Jésus est plus important que Jean.

    Le témoignage de Jean

         Un autre argument présenté dans ce conflit entre les deux groupes de disciples est que Jean lui-même est le témoin de la révélation divine à propos de Jésus. Alors qu’en Marc, Jésus est le seul à voir l’Esprit et à entendre la voix (Mc 1,10-11), en Jean, c’est le baptiste qui est le seul à voir l’Esprit descendre du ciel sur Jésus. De même, en Jean, c’est le baptiste et non une voix céleste qui affirme que Jésus est « fils de Dieu ».
    Le discours du baptiste en Jean est une proclamation anticipée de ce qui sera manifesté par la résurrection de Jésus. En racontant le témoignage de Jean, les chrétiens redisent le sens global de Jésus Christ. Le court extrait de ce dimanche porte quatre façons différentes de dire qui est ce Jésus.

    1. L’Agneau de Dieu

    L’expression « agneau de Dieu » est passée dans la liturgie. C’est un élément caractéristique de l’Évangile selon Jean qui ne se retrouve pas ailleurs. L’agneau est le petit de la brebis. Dans notre culture actuelle, sa fragilité et sa douceur représentent la non-violence et l’innocence. Dans le monde de l’Ancien Testament, l’agneau est un des animaux sacrifiés pour le Seigneur. La fête de la Pâque juive est célébrée par le sacrifice d’un agneau. Cette expression fusionne deux images de l’Ancien Testament. D’une part, elle fait référence au serviteur souffrant (Is 52,13 - 53,12) qui prend sur lui les péchés du peuple. D’autre part, l’expression « agneau de Dieu » renvoie à l’agneau pascal. L’Évangile selon Jean spécifie même que Jésus est mort au moment où les agneaux sont sacrifiés pour la Pâque. Pour les chrétiens de la communauté de Jean, Jésus est donc « l’agneau de Dieu », ce serviteur souffrant, cet agneau sacrifié pour le bien de la communauté. 
     

    2. Avant moi il était

    En Jn 1,30, le Baptiste cite ce qui a déjà été mis dans sa bouche en 1,15 : avant moi, il était. Une formulation similaire va revenir dans les paroles de Jésus plus loin dans l’évangile : avant qu’Abraham fût, je suis (8,58). Le prologue donne la clé pour comprendre ces expressions. Jésus est le Verbe qui était auprès de Dieu dès le commencement. Il a pris chair en devenant l’envoyé du Père qui donne la vie aux personnes qui croient en lui. Ainsi, Jésus est beaucoup plus que Jean Baptiste puisqu’il est l’incarnation même du Verbe divin.

    3. L’Esprit saint descend et demeure avec lui

    L’Esprit (littéralement le souffle) saint joue un rôle important dans l’Évangile selon Jean. Jésus le reçoit du Père et le transmettra aux disciples. En effet, le « discours d’adieu » (Jn 13,33-16,33) exprime comment cet esprit assistera les disciples après la mort de Jésus. En mourant sur la croix, Jésus remet l’Esprit (Jn 19,30). Puis, le récit des apparitions du Christ ressuscité montre la réception de l’Esprit dans la communauté (Jn 20,19-23).

    4. Fils de Dieu

    La scène se termine avec le titre le plus important. Jean témoigne que Jésus est « fils de Dieu ». Dans le cadre du baptême, cette désignation souligne la relation personnelle et intime entre Jésus et son Père. Dans un milieu juif, l’expression « fils de Dieu » faisait un lien entre Jésus et les rois de la lignée de David qui étaient appelés de cette façon. C’est avec la résurrection de Jésus que les premiers chrétiens vont comprendre que Jésus a quelque chose de divin en lui. Jésus leur apparaît alors comme le propre fils de Dieu le Père. Avec le temps, le côté divin de Jésus prend de plus en plus de place. L’Évangile selon Jean montre bien comment la conception que l’on avait de Jésus était devenue presqu’équivalent à celle que l’on avait de Dieu. Dans cet évangile, Jésus existait auprès de Dieu comme Verbe dès avant la création du monde. Il prit chair comme l’envoyé du Père en mission chez les humains pour leur donner la vie éternelle. Le Fils de Dieu dans cet évangile partage une grande intimité avec le Père. À plusieurs reprises, l’Évangile selon Jean parle de Jésus simplement comme: le Fils.

         En somme, l’extrait de l’évangile lu ce dimanche (Jn 1,29-34) situe Jean par rapport à Jésus. L’Évangile selon Jean utilise plusieurs arguments pour aider les disciples de Jésus dans leur conflit avec les disciples de Jean. Il évite de raconter la scène du baptême et insiste sur la supériorité de Jésus sur Jean. Mais, c’est surtout le témoignage de Jean au sujet de l’identité de Jésus qui compte. Le baptiste affirme que Jésus est l’agneau de Dieu, qu’il était auprès de Dieu dès la création, que l’Esprit est avec lui et qu’il est le Fils de Dieu. En un paragraphe, on retrouve donc une synthèse de la compréhension de l’identité de Jésus propre à l’Évangile selon Jean.

    1 Actes 18,23-25 présente Apollos comme un disciple de Jean Baptiste qui ne connaît pas Jésus Christ.

     Sébastien Doane, bibliste

     Source : Le Feuillet biblique, no 2516. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    source www.interbible.org

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  • Houlda, traversée par la Parole divine

    Houlda

    Houlda
    Gertrude Crête, SASV
    encres acryliques sur papier, 2000
    (photo © SEBQ) 

    1 R 22,11-20 ; 2 Ch 34,14-28

    Le nom d’Houlda apparaît quatre fois dans le Premier Testament ; deux fois dans le second livre des Rois (2 R 22,14.15) et deux fois dans le second livre des Chroniques (2 Ch 34,22.23). Ces deux livres évoquent, chacun à leur manière, l’époque de la monarchie en Israël et Juda. Nous nous limiterons ici au texte du livre des Rois.

    Le lecteur qui s’y attarde n’a qu’un maigre verset à se mettre sous la dent pour découvrir qui pouvait être cette femme. Pas de quoi écrire une biographie bien étoffée! On y apprend le nom et la fonction de son mari, Shallum, gardien des vêtements sacrés du Temple, et son lieu de résidence, « Jérusalem dans la ville neuve ». On y découvre surtout qu’elle était prophétesse et là, ça nous intéresse! Une femme prophétesse! Ce n’est pas la seule femme de la Première Alliance à avoir exercé cette fonction. La Bible mentionne par exemple Myriam, la sœur de Moïse (Ex 15 ; Nb 12,1-16), Débora (Jg 5) ; la femme d’Isaïe (Is 8,3) et une certaine Noadya (Ne 6,14).

    Si donc on ne sait pratiquement rien d’Houlda, on peut en revanche s’intéresser à ce qui compte vraiment : ce qu’elle dit. Après tout, les prophètes sont des porte-parole du Seigneur, quelle que soit la manière dont ils s’y prennent pour transmettre sa Parole, en mots ou en gestes. Pourquoi cette femme prend-elle la parole et que raconte-t-elle?

    Sous le règne du roi Josias (640 à 609 avant Jésus-Christ)

    Le chapitre 22 du deuxième livre des Rois s’ouvre sur l’accession au trône du roi Josias à l’âge de huit ans (1 R 22,1). Son histoire se termine à la fin du chapitre suivant par sa mort tragique à l’âge de 39 ans lors d’une bataille contre les Égyptiens à Megiddo (2 R 23,28-30). Le texte biblique le présente sous un jour très favorable en insistant sur sa grande réforme religieuse, laquelle est provoquée par la découverte du livre de la Loi et par l’avertissement prophétique de Houlda.

    Le livre de la Loi

    Lors de travaux de réfection au Temple, on découvre le livre de la Loi. Les circonstances sont un peu nébuleuses et les spécialistes discutent de la teneur historique de l’événement et de l’identité du livre, peut-être une version ancienne du livre du Deutéronome. Nous ne spéculerons pas là-dessus, mais nous nous attarderons plutôt à la manière dont le livre raconte les choses. La trouvaille, peut-être pas si fortuite que cela, sème l’émoi chez tous ceux qui en apprennent la nouvelle, à commencer par le grand prêtre Hilqiyahu et le scribe Shaphân qui s’empresse d’aller le lire au roi. Celui-ci réagit fortement, s’inquiète des conséquences de ne pas avoir obéi aux « paroles de YHWH » contenues dans le livre et ordonne que l’on consulte ce dernier, ce qui revient à demander de convoquer le prophète de la cour, en l’occurrence la prophétesse Houlda.

    La Parole du Seigneur transmise par Houlda (2 R 22,16-20a)

    L’oracle prononcé par Houlda donne froid dans le dos. D’entrée de jeu, le Seigneur annonce clairement ses intentions : « Je vais amener le malheur sur ce lieu et sur ses habitants » (v. 7).  Le Seigneur est en colère (v. 17) et cela s’explique assez facilement par tous les manquements de son peuple. Cependant, il se radoucit quelque peu devant l’attitude humble du roi Josias : les malheurs ne surviendront pas de son vivant, ils sont reportés à un peu plus tard (v. 20).

    Nous, lecteurs contemporains qui lisons aussi l’Évangile, pouvons ressentir un malaise devant cette figure d’un Dieu colérique et violent. Bien des explications pourraient être données sur la violence dans la Bible.

    Je vous proposerais ici de revenir tout simplement au texte et de regarder, au-delà de ses énoncés, la manière dont il « parle » et les chemins qu’y emprunte la parole. Et là un constat s’impose : les indices d’une parole dite, lue, inscrite dans un livre, transmise ou à transmettre abondent! Le texte insiste sur la délégation de la Parole : du Seigneur à Houlda, de Houlda aux délégués du roi, de ces derniers au roi. À cette parole dite ou à entendre, correspond l’autre versant, celui de la parole entendue. Josias est celui qui a entendu les paroles du livre, qui les a reçues comme une Parole du Seigneur. Il a laissé la Parole accomplir en lui sa trajectoire complète : des oreilles au cœur — lieu dans la Bible de la décision consciente, des orientations de vie — du cœur aux gestes et actions qui expriment une conversion véritable (v. 18-19). En retour, le Seigneur entend lui aussi (v. 19) : la parole créatrice de relation circule librement entre eux et ses fruits de paix peuvent accompagner Josias jusqu’à son dernier souffle (v. 20).

    Lu ainsi, l’oracle prononcé par Houlda devient une « école » de l’entendre. Le texte pointe de manière contrastée, et sans doute très pédagogique, vers deux voies possibles. Celle de l’écoute et de la paix, celle de la surdité (abandon du Seigneur, v. 7) et du malheur. Houlda apparaît ici comme la prophétesse par excellence que la Parole traverse sans obstacle.

    Anne-Marie Chapleau

    source www.interbible.org

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  • Des étrangers reconnaissent le roi

    L'étoile de Bethléem, Waldemar Flaig, 1920, Franziskanermuseum Villingen

    L'étoile de Bethléem, Waldemar Flaig, 1920, Franziskanermuseum Villingen.

      La visite des mages : Matthieu 2, 1-12

    Autres lectures : Isaïe 60 1-6; Psaume 71(72); Éphésiens 3, 2-3.5-6

     

    Puisque le récit de l’adoration des Mages est commenté chaque année, au lieu de revenir sur son improbable historicité, le sens de l’étoile et les ajouts plus tardifs, je vous propose d’entrer dans la construction narrative de ce petit drame. Oui, chez Matthieu l’ambiance des récits d’enfance est à la tragédie. Notre mémoire rassemble les récits de Noël à partir de Luc, tout imprégné de la joie du salut. Dans le  « temps des Fêtes », pourquoi se rappeler l’hostilité d’Hérode, un massacre d’enfants à Bethléem et la fuite en Égypte? Mais la catéchèse de Matthieu passe par là, car elle reflète le drame des Juifs chrétiens de son Église : exclus par la plupart de leurs compatriotes, qui ne reconnaissent pas en Jésus le Messie annoncé par les Écritures.

    Entre deux rois et trois espaces...

         Les Mages ne sont pas des « rois ». La tradition qui les a couronnés nous détourne du récit que Matthieu a construit sur l’opposition de deux figures royales: Hérode et Jésus. Venus du  « Levant », les Mages sont les savants de l’époque : astrologues, interprètes de songes, etc., dans un monde où connaissance et religion vont de pair. Ils sont perçus négativement dans les deux Testaments. Mais Matthieu suggère ici que leur science méprisée les a conduits au roi-messie plus sûrement que, pour Jérusalem, ses Saintes Écritures.

         Deux espaces structurent le récit en deux parties: Jérusalem, la capitale royale, et Bethléem, un gros village. Et hors cadre, un espace étrange, sans nom: les Mages en viennent et y retournent.

    Jérusalem : pouvoir et savoir

         Matthieu place dès le début l’opposition des rois : Jésus naît au temps du roi Hérode. Ainsi la question des Mages fait choc : où est le Roi des Juifs? C’est Hérode, le roi des Juifs! Pas étonnant que leur quête trouble et inquiète le roi et ses amis de la capitale.

         Le contexte historique justifie ces réactions : Hérode le Grand était obsédé par des complots de rivaux voulant prendre son trône. Il a fait tuer entre autres trois de ses fils et une épouse. L’historien juif Josèphe décrit le poids de sa dictature : cruauté, libertés restreintes, gens appauvris, etc. Tous le craignent. À sa mort il y eut des soulèvements animés par la fièvre messianique.

         Ainsi Matthieu rappelle que l’arrivée discrète de Jésus, sans tambours ni trompettes, a pourtant une réelle portée socio-politique: les Mages l’appellent Roi des Juifs. La question d’Hérode aux scribes va plus loin et parle du Messie, en grec Christos. Plus qu’un prochain roi, il est l’instrument du salut qu’on attend de Dieu, qui délivre les gens de l’oppression. Celui dont le joug est doux, le fardeau léger (11,30). À l’opposé d’Hérode, quoi! Même si le récit est écrit longtemps après Pâques, l’espérance du Règne de Dieu associé au retour du Christ en gloire garde toute sa portée d’une société meilleure, ce qu’exprime le Psaume de la liturgie : Qu’il gouverne ton peuple avec justice, qu’il fasse droit aux malheureux. Il aura souci du faible et du pauvre.

         La réponse des scribes à Hérode cite le prophète Michée (5,1.3), que Matthieu modifie un peu. Il valorise Bethléem et il reformule la finale pour rapprocher Jésus de David, que Dieu désignait comme berger de mon peuple Israël (2 Samuel 5,2). Ainsi Matthieu accentue l’identité royale de Jésus, ce roi-messie « fils de David » espéré.
     
         Maître des complots, Hérode rencontre les Mages en secret; en échange de l’information sur Bethléem, il en demande deux autres: où est l’enfant, et à quelle date l’étoile a paru. Il ment sur son projet réel, bien sûr, qui est de se débarrasser de ce prétendu roi des Juifs; il fera tuer les garçons de 2 ans et moins. Il n’y a aucune trace historique de ce massacre, mais le « vrai » Hérode en aurait été parfaitement capable.

         L’espace « Jérusalem » est ainsi présenté comme riche et décevant. Riche d’une tradition religieuse solide, validée comme vraie par le récit. Mais espace religieux asservi au pouvoir, fermé ou hostile à la quête pourtant étonnante des Mages. Monde sclérosé, incapable de se mettre en mouvement, de se laisser inspirer à nouveau par ces textes récités comme un catéchisme trop connu.

    Bethléem : les humbles origines

         À Jérusalem, David régnait; à Bethléem il fut jeune berger. Sortis de la ville, les Mages retrouvent l’étoile qui, aperçue dans leur pays, les avait mis en marche. Le récit signale leur émotion. À l’opposé des émotions d’Hérode et de Jérusalem, leur joie évoque celle des non-juifs accueillant la Bonne Nouvelle (cf. Actes 8,39; 13,48, etc.).

         L’étoile les guide vers une maison. Là se trouve l’enfant cherché. La simplicité des lieux ne semble pas troubler les Mages, qui se prosternent comme on le fait devant un roi. Dans la catéchèse de Matthieu, ce geste de respect a une connotation religieuse certaine. Matthieu suggère qu’ils reconnaissent l’autorité divine de Jésus, devenant symboliquement les premiers païens « convertis ». Leurs dons d’or, d’encens et de myrrhe seront plus tard interprétés comme signes de la royauté, de la divinité et de l’humanité mortelle de Jésus.

         Malgré la solennité du geste et les riches offrandes, la scène est très brève, beaucoup plus sobre qu’à Jérusalem. Un songe renvoie les Mages loin d’Hérode. Avec les songes de Joseph pour l’aller-retour en Égypte, Matthieu intègre un aspect important : même si Jésus paraît vulnérable dans un monde hostile, un Puissant veille sur sa destinée. Ce thème présent dans tous les récits de naissance de style mythologie use pourtant ici d’un moyen discret, le songe.

    Les espaces autres... l’espace des autres

         Avec ce récit construit sur des oppositions, Matthieu interpelle son Église. Cette minorité de Juifs devenus chrétiens doit reconnaître  qui sont ses vrais alliés et d’où vient l’adversité. En 80-85, la majorité des chrétiens sont d’origine étrangère, comme ces Mages. Oui, Jésus est le Messie qu’Israël attendait. Mais les chrétiens de Mt ont désormais plus en commun avec les étrangers chrétiens qu’avec leur propre peuple qui refuse ce Messie. Matthieu affirme clairement l'universalité du salut, à une Église tentée de se replier sur elle-même, exclue de son peuple mais séparée des autres peuples par l’habitude de ses traditions.

         Bien sûr la distinction Juif/non-juif ne nous concerne plus comme telle. Mais le récit des Mages reste suggestif sur le « flou » des frontières ecclésiales. On en connaît, de ces chercheurs de Dieu venus d'un ailleurs religieux étrange, par des chemins spirituels non cartographiés dans nos itinéraires standards de croyant. Ils arrivent avec leur ignorance des traditions et leurs certitudes bizarres. Ils croient aux étoiles, ou à Dieu sait quoi... L’accueil tiède qu’ils reçoivent n’arrête pas leur quête. Et ils ne restent pas. Ils retournent dans leur espace culturel à eux, vivre la Rencontre de Dieu ou de Jésus à leur manière. Le récit de Matthieu nous invite à reconnaître avec confiance nos connivences avec des gens au cheminement différent. Et à ne pas nous inquiéter quand ils poursuivent leur chemin ailleurs ou autrement.

     Francine Robert, bibliste

     Source : Le Feuillet biblique, no 2515. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    source www.interbible.org

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  • Marie était-elle vraiment vierge ?

    Cinq jeunes théologiens revisitent la mythologie catholique dans des exégèses bibliques décontractées

    Louis Cornellier24 décembre 2016 |Louis Cornellier | Livres | Chroniques

    Des pèlerins se recueillent devant la Vierge, à Lourdes.Photo: Pascal Pavani Agence France-Presse Des pèlerins se recueillent devant la Vierge, à Lourdes.

    Dans l’excellent Jésus qu’il vient de faire paraître, l’écrivain français François Taillandier insiste sur la grande valeur des textes bibliques et de la tradition interprétative qu’ils ont engendrée. « Ceux qui sont tentés de voir dans les religions des superstitions obscurantistes devraient noter combien ces textes, qui ont deux mille ans d’histoire, loin d’endormir les consciences avec des fables fumeuses, ont au contraire stimulé l’intelligence de ceux qui entreprenaient de les lire, ainsi que les efforts de la connaissance. » Pour Taillandier, il ne fait pas de doute que « l’exégèse évangélique a été au cours des siècles une formidable école de rigueur, de réflexion, d’érudition, et même de procédures éditoriales, qui ont bénéficié à d’autres disciplines ».

     Le théologien et bibliste québécois trentenaire Sébastien Doane donne raison à l’écrivain français. Doctorant à l’Université Laval, il s’applique, depuis quelques années, à faire découvrir la Bible à ses lecteurs en explorant particulièrement « les récits insolites » qu’on y trouve. À la fois savantes et ludiques, ses instructives analyses ont déjà été regroupées dans Mais d’où vient la femme de Caïn ? (Novalis/Médiaspaul, 2010) et dans Zombies, licornes, cannibales… (Novalis, 2015), deux réjouissants essais d’exégèse biblique décontractée.
     Questions controversées sur la Bible, dont il est le directeur, s’inscrit dans la même veine, même s’il pèche par l’absence d’une table des matières. Avec des collègues qui appartiennent comme lui à « la relève exégétique du Canada francophone », Doane aborde des thèmes délicats (historicité des récits bibliques, présence de la violence, de l’homophobie et de la misogynie dans ces textes, etc.), avec l’intention de « rendre accessibles au public les réflexions critiques universitaires et [d’]ainsi contrebalancer les réponses aberrantes qui, malgré leur absence de fondement, ont une large tribune ». L’exercice, encore une fois, s’avère un plaisir enrichissant.
     

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