• 2e série - L'Évangile selon saint Matthieu (3/7)

         
    Une manière de réfléchir originale


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    Une excellente publication liturgique de Chicago, Sourcebook 2011, affirme en page ix : « Matthieu a joué un rôle unique en façonnant notre compréhension de l’identité de Jésus, de la manière adéquate pour vivre la vie chrétienne, et de la signification d’exister comme Église. » Attention cependant! La contribution originale de l’évangile ne se limite pas à ces contenus. L’évangile met en scène un processus de discernement paradoxal.

         À première lecture, le texte semble dépendant vis-à-vis la Bible juive. Son imagination s’appuie sur une relation constante avec le matériau de base qu’est l’Ancien Testament. L’évangile « accorde au texte ancien sa sainteté et sa force perpétuelle, mais il suppose toujours que, en un sens important, il n’est pas complet en lui-même. L’événement ou le propos préfiguré dans le texte ancien s’accomplit dans le nouveau, qui s’en trouve donc validé en même temps qu’il le contient et le transcende. Entre le nouveau et l’ancien, la relation est de nature typologique; bien que l’ancien fût complet et ne se prêtât à aucun ajout, il devait néanmoins être complété. Comme si l’histoire et le récit acquéraient une dimension nouvelle et inattendue. » (Frank Kermode, Encyclopédie littéraire de la Bible, page 477)

         La typologie n’est pas une invention chrétienne. Elle procède d’habitudes de pensée juives. Elle recycle des formes rhétoriques également juives, certaines étant très anciennes. Un exemple de cette forme de texte? Le parallélisme qui prend la forme « A, et qui plus est, B ». La « seconde partie apporte quelque chose de plus que la première ».

         Cette formule pourrait décrire non seulement la structure générale de la pensée de Matthieu (« Israël A, et, qui plus est, Israël B »), mais aussi la micro-texture de sa prose. Cette caractéristique, plus que tout autre, confère à l’évangile son unité. Le « qui plus est » de sa texture reflète le « qui plus est » de son propos. L’excédent de B sur A est ce qui transforme A et l’accomplit.
    Jésus, autorité pour accomplir et transformer

         Pour reprendre une formule de Kermode, « l’accomplissement requiert transformation, et la transformation implique un certain excédent.» Cet excédent, ce n’est pas seulement un ingrédient des discours de Jésus. C’est aussi une série d’attitudes et d’actions, comme lors des miracles. Jésus possède l’autorité qui permet d’opérer la transformation. Il s’avère être une source nouvelle dont les effets sont spectaculaires. On relira dans cette optique la rencontre avec le centurion, 8, 5-13.

         Voilà pourquoi Jésus peut mener à leur terme la Loi (la Torah, donc « l’enseignement ») et les Prophètes, autrement dit toute la Bible juive. Il fallait raconter l’histoire de Jésus en montrant qu’elle s’enracine dans l’histoire marquée du sceau de l’autorité de Dieu, tout en déployant des nouveautés fondées elles aussi sur les gestes de Dieu. Autrement dit, l’histoire de Jésus ne peut que se conformer aux données du Premier Testament pour garantir son étonnante nouveauté. Kermode conclut : « Matthieu est assurément une interprétation de la Bible juive, qui est elle-même… une interprétation de traditions précédentes. » (page 491)   Dans les récits de l’enfance, le « …pour que ce qui a été dit par les prophètes soit accompli » (Matthieu 2, 23) s’avère un thème récurent de l’œuvre de Matthieu.

         Il n’y a aucune équivoque en 5, 17-18 quant au désir de Jésus d’accomplir la Torah. La lettre de la Loi est complète dans le plus petit détail. Elle mérite toujours d’être scrupuleusement mise en œuvre.

    « Ne croyez pas que je sois venu détruire la Loi et les Prophètes.
    Loin de détruire, je suis venu pour accomplir.
    Croyez-en ma parole :
    avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i (iôta),
    pas un point sur le i (keraia) ne passera de la Loi, que tout ne soit arrivé. »

         Et pourtant la Loi, la Torah, doit être transformée. Elle doit désormais porter le poids des déclarations et de la sagesse de Jésus. Paul avait affirmé cela en Romains 10, 4 : le Christ est le telos de la Loi, sa fin au sens double de terminaison et de perfection. Voilà pourquoi, pour suivre Jésus, il faut observer la Loi plus sérieusement encore que les Juifs les plus pieux.

     Alain Faucher, ptre

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  • Les idées suicidaires de Moïse  

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    Saviez-vous que la Bible raconte que Moïse a eu des idées suicidaires? Elles se présentent lors de la difficile traversée du désert lorsque le peuple se plaint à multiples reprises du manque d’eau et de nourriture (Nb 11,4-6). Le Seigneur s’enflamma d’une vive colère et Moïse prit mal la chose.

         Pourquoi, dit-il au Seigneur, veux-tu du mal à ton serviteur? Pourquoi suis-je en disgrâce devant toi au point que tu m’imposes le fardeau de tout ce peuple? Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple? moi qui l’ai mis au monde? pour que tu me dises : « Porte-le sur ton cœur comme une nourrice porte un petit enfant », et cela jusqu’au pays que tu as promis à ses pères? Où trouverais-je de la viande pour en donner à tout ce peuple qui me poursuit de ses pleurs et me dit : « Donne-nous de la viande à manger »? Je ne puis plus, à moi seul, porter tout ce peuple; il est trop lourd pour moi. Si c’est ainsi que tu me traites, fais-moi plutôt mourir – si du moins j’ai trouvé grâce à tes yeux! Que je n’aie plus à subir mon triste sort! (Nb 11,4-6.10-15)

         En empruntant une expression moderne, on pourrait dire que Moïse souffre d’un épuisement professionnel. Sa tâche de mener le peuple à travers le désert le laisse complètement épuisé. Il crie à son tour vers le Seigneur. Il lui dit qu’il ne peut seul porter ce peuple et qu’il préfère mourir plutôt que de continuer ainsi. Moïse n’en peut plus de l’attitude du peuple, de la colère de Dieu et de sa propre situation. Il demande explicitement la grâce de mourir.

         Nous sommes loin de l’image traditionnelle de Moïse. Dans le classique du cinéma Les dix commandements, il se conduit en chef courageux et imperturbable. Pourtant, ce récit du livre des Nombres nous montre sa vulnérabilité, un aspect qui le rend plus humain, plus proche de nous. Lisons la suite pour voir la réponse de Dieu :

    Le Seigneur dit à Moïse : « Rassemble-moi soixante-dix des anciens d’Israël, des hommes dont tu sais qu’ils sont des anciens et des scribes du peuple. Tu les amèneras à la tente de la rencontre; ils s’y présenteront avec toi. J’y descendrai et je te parlerai; je prélèverai un peu de l’esprit qui est en toi pour le mettre en eux; ils porteront alors avec toi le fardeau du peuple et tu ne seras plus seul à le porter. »

    Et au peuple tu diras : « Sanctifiez-vous pour demain et soyez en état de manger de la viande. Car vous avez fait entendre cette plainte au Seigneur : Qui nous donnera de la viande à manger? Nous étions si bien en Égypte! Le Seigneur va donc vous donner de la viande, vous allez en manger; et vous n’en mangerez pas seulement un jour ou deux, ni même cinq, dix ou vingt, mais tout un mois, jusqu’à ce qu’elle vous sorte par les narines, jusqu’à ce que vous en ayez la nausée. Tout cela parce que vous avez rejeté le Seigneur qui est au milieu de vous et parce que vous avez présenté cette plainte : “Pourquoi donc sommes-nous sortis d’Égypte?” » (Nb 11,16-20)

         La solution de Dieu est très intéressante. Pour venir en aide à Moïse qui se retrouve seul et à bout de souffle, avec une tâche trop lourde, Dieu propose « le partage des tâches ». Moïse rassemblera soixante-dix personnes respectées du peuple, qui partageront à la fois l’esprit qui habite Moïse et son fardeau. Ils se réuniront dans la tente de la rencontre, le lieu où le Seigneur vient retrouver son ami.
    La deuxième partie de la solution de Dieu semble très particulière. Il fait preuve d’un humour assez noir en répondant à la plainte de son peuple par un tel excès de viande qu’il lui donnera l’envie de vomir.

         Pourquoi cette attitude du Seigneur? Ce n’est peut-être pas tant la réclamation de la viande qui le met en colère que l’évocation de la vie passée en Égypte. Alors qu’il vient de le libérer de l’esclavage, le peuple dit qu’il préférait retourner là-bas pour manger à sa faim. Après tout ce qu’il a fait pour lui, Dieu ne peut supporter son ingratitude.

         Dans notre société, la dépression, l’épuisement professionnel, le stress et les idées suicidaires sont malheureusement bien présents. Notre rythme de vie si rapide, centré sur la performance, le travail et la consommation, entraîne des maux très sérieux. Ce récit nous montre que même Moïse, un proche de Dieu et le guide du peuple, a vécu des moments de doute et de faiblesse. La vie apporte toujours son lot d’épreuves. Comment faire pour gérer ces difficultés? La réponse est complexe et dépend de chaque situation, mais ce récit nous offre des pistes de solution qui peuvent aussi s’appliquer à notre propre situation : exprimer sa souffrance et se mettre en relation avec d’autres pour répartir les responsabilités trop lourdes.

    Sébastien Doane

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  • Jérusalem : conflits et espoirs

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    (photo : Sébastien Doane)

    QuestionAvec le conflit politique en Terre sainte. Est-ce qu’il y a un espoir possible pour l’avenir de Jérusalem? (Sébastien, Montréal)

    RéponseJe réside dans ce pays et, comme journaliste, je le regarde évoluer. L’optimisme n’est pas débordant. À la date où nous sommes, nous attendons un événement politique majeur qui pourrait être la reconnaissance, ou la non-reconnaissance d’un État palestinien devant l’Assemblée plénière des Nations Unies. On ne sait pas ce que le fait de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance va entrainer.

         On a le sentiment qu’on va vers une situation encore pire. Mais, paradoxalement, on l’attend peut-être parce, des deux côtés, on est dans une spirale du pire depuis des années. Et, peut-être qu’on attend un « clash » pour qu’il y ait une vraie redistribution des cartes. Mais, c’est une attente sereine. On va vers le pire, mais on n’a pas peur, parce que c’est Jérusalem, c’est la Terre sainte. Il est évident pour moi que Dieu a un projet pour cette ville. Par conséquent, à un moment la ville va ressusciter comme le Christ est ressuscité. Mais on est obligé de passer par des trous de souris comme le Christ est passé par la passion. C’est une ville où, aujourd’hui, on vit plus la passion que la résurrection, mais la fin de l’histoire on la connait : c’est la résurrection.

    Un espoir pour Jérusalem?

         Mon espoir pour Jérusalem, c’est que cette ville devienne la capitale politique des deux États. Je pense que c’est possible. Techniquement, dans la distribution de l’eau, de l’électricité, de biens, des transports, etc. la division existe déjà. Ce n’est qu’une question d’orgueil des deux peuples qui pourraient arriver à dire qu’ils aiment cette ville à tel point qu’ils sont prêts à la partager et à reconnaitre que les deux côtés ont des légitimités sur ce territoire.

         En plus, on voit que ça a fonctionné jusqu’en 1930, où on avait une communauté juive montante vivante avec une communauté arabe présente. Et ça fonctionnait très bien que la ville était au deux, sans que l’un eût le goût de virer l’autre. Mon espoir, c’est de retourner à cette situation.

         Mais il faudra accepter de la partager. De l’aimer au point de la partager. C’est mon désir, mon rêve pour la ville. J’espère le voir, mais je pense qu’avant de se rendre là, on va devoir passer par un nouveau goulot qui sera un peu douloureux. On verra, mais les espoirs sont réels.

    Marie-Armelle Beaulieu

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    Le pardon, libérateur de... celui qui pardonne!

    Pardonne à ton prochain le tort qu'il t'a fait; alors, à ta prière, tes péchés seront remis (Siracide 28, 2).
    Saisi de pitié, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit toute sa dette (Matthieu 18, 27).


     jésus libere    • Un ex-détenu d'un camp de concentration nazi rendait visite à un ami qui avait partagé l'épreuve avec lui.
         «As-tu pardonné aux nazis?
         Oui.
         Mais moi, je ne l'ai pas fait. Je suis encore rongé par la haine envers eux.
         En ce cas, dit gentiment son ami, ils te détiennent encore dans leur prison.»
                                                                                (A. De Mello, Histoires d'humour et de sagesse, p. 128)


         • Dans une scène du film Kandahar, qui raconte les horreurs vécues par le peuple Afgan, un père Taliban se trouve face à un bandit qui prend d'assaut sa famille pour voler ses biens. Cet homme dit simplement au voleur : «Je te bénis quand même! Je vais réciter le Coran pour les tiens et tes parents défunts; et je te souhaite une bonne santé!»


    LIEN: L'humanité peut-elle continuer de vivre dans cette violence nourrie par les rancunes, les provocations et les vengeances? Pour éviter de passer à côté du message de Jésus, il faut d'abord porter notre regard sur notre propre vie, comme nous y invite la parabole. Il y a une façon de casser cette violence qui envahit l'être humain à la suite d'une offense : c'est le pardon. Un pardon qui se fait libération, délivrance et re-création.

         Cette histoire de la remise, par le maître, de la dette énorme du serviteur fait porter notre regard sur l'infinie bonté de Dieu toujours prêt à pardonner. Le pardon mutuel se fonde d'abord et avant tout sur le fait que nous sommes nous-mêmes bénéficiaires de la miséricorde de Dieu. Comment pourrions-nous espérer le pardon de Dieu, si nous le refusons à nos frères et sœurs?


    L'acte le plus puissant
         Ceux qui pardonnent sont les guérisseurs de l'humanité. Plutôt que de ressasser l'offense ou le dommage, plutôt que de rêver de revanche ou de vengeance, ils arrêtent le mal à eux-mêmes. Ils en épuisent le venin. Alors qu'ils pourraient garder le poing serré, ils ouvrent des mains généreuses. Au creuset de leur coeur, la souffrance et la rancune finissent par être submergées par la bonté.

        Pardonner... c'est l'acte le plus puissant qu'il soit donné aux hommes d'accomplir. L'événement qui aurait pu faire grandir la brutalité dans le monde sert à la croissance de l'amour. Les êtres blessés qui pardonnent transforment leur propre blessure. Ils guérissent - là où ils sont - la plaie qui défigure le visage de l'humanité depuis ses origines: la violence. L'homme qui pardonne ressemble à Jésus. L'homme qui pardonne rend Dieu présent ( G. Bessière, Dieu si proche, pp. 148-149).

    Source www.interbible.org

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  • 2e série - L'Évangile selon saint Matthieu (2/7)

     

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    Contrôle d'identité : qui est l'auteur?

    On prend souvent pour acquis que l’auteur de l’évangile est le collecteur d’impôt romain croisé par Jésus et évoqué en 9, 9-10 et 10,3.  En passant, il voit un homme appelé Matthieu assis au bureau des impôts. Jésus lui dit : « Suis-moi! »  Matthieu se lève et suit Jésus. Ensuite, Jésus prend un repas dans la maison de Matthieu… (Traduction Parole de Vie).

         Il y a cependant un problème. Un collecteur d’impôt était un collaborateur des armées romaines d’occupation. Détesté par tout le monde, ce collaborateur devait probablement laisser au vestiaire sa personnalité juive pour s’intégrer à la culture des occupants. Son travail exploitait systématiquement des compatriotes qu’il avait en quelque sorte reniés. Des retours spectaculaires sont possibles cependant. L’épisode de Zachée en saint Luc nous rappelle que la réconciliation de ces traîtres avec les membres de leur religion d’origine était parfois possible.

         Si l’auteur de l’évangile a connu un épisode de collaboration avec l’ennemi, il a dû se soigner en profondeur! Son texte reflète fortement sa culture de base, une culture indéniablement juive. Les experts mettent en évidence la fréquence des allusions au Premier Testament, mais aussi le détachement de son expérience personnelle de témoin…

         Un argument littéraire a définitivement fait déconsidérer le témoignage de Papias (rapporté par Eusèbe dans son Histoire ecclésiastique) quant à l’identité matthéenne de l’évangile. En étudiant le texte de l’évangile, on constate beaucoup d’éléments communs avec l’Évangile selon Marc. Le spécialiste Élian Cuvillier en déduit qu’«il serait très surprenant qu’un témoin oculaire… utilise une source secondaire… pour rédiger son propre récit.» (Daniel Marguerat, directeur, Introduction au Nouveau Testament, Labor et Fides, 2001, page 68). Ces faits constatés dans le texte rendent difficile l’attribution complète du texte au célèbre collecteur d’impôt romain!

         L’identification de l’auteur final avec le collecteur d’impôt mis en scène est donc improbable. Cela aide à comprendre le grand paradoxe véhiculé par le texte : l’auteur (individu ou groupe) était à la fois très concerné par le salut des Juifs et par la distance à prendre par rapport au Judaïsme.
    Deux générations plus tard

         Le portrait des Pharisiens, assez féroce, évoque davantage le climat tendu entre chrétiens et juifs après la chute de Jérusalem (en l’an 70) que le fourmillement constructif qui avait cours dans le Judaïsme au temps de Jésus. L’auteur est bien au courant des tensions entre Judéo-chrétiens et juifs authentiques. D’où ces portraits féroces des principaux groupes juifs qui reflètent son époque, deux générations après les événements de la vie de Jésus.

         L’auteur était peut-être un Judéo-chrétien qui écrivait pour une communauté de pairs, à Antioche de Syrie par exemple. C’était une personne intégrée à la culture grecque qui maîtrisait bien la langue. Cet urbain mentionne vingt-six fois le mot polis, ville.

         Cette personne était très compétente en Premier Testament, car elle cite Isaïe, Jérémie, Malachie, les psaumes, le Deutéronome et l’Exode…  L’auteur y fait aussi allusion en faisant rejouer l’Exode dans la fuite en Égypte (2, 19-23) et en nommant Jésus « roi d’Israël » (27, 42).

         L’attachement aux valeurs et aux enseignements du Judaïsme, prolongés et transformés par Jésus, est bien visible au début et à la fin de l’évangile. Les chapitres 1-2 offrent une nouvelle Genèse en arrimant Jésus à Abraham par une généalogie très développée. Le père de Jésus, Joseph, fait des songes à répétition comme jadis le patriarche Joseph. Les savants juifs qui entourent le roi Hérode sont dépassés par les questions des sages étrangers qui questionnent le roi. Par leur attitude roublarde (conséquence d’un songe, encore une fois!), les mages contredisent les espoirs du roi de Jérusalem et déclenchent (comme pour le patriarche Joseph) une descente en Égypte. Somme toute, l’évangile s’ouvre sur une réécriture d’épisodes importants du Premier Testament.

         Matthieu en sa finale se qualifie comme l’évangile de l’éternelle présence. Cela est révélé par une inclusion spectaculaire de la fin avec le début : Celui qu’on nomme Emmanuel, « Dieu-avec-nous » (1, 23), en conformité avec la foi d’Israël évoquée en Exode 17, 7, sera « avec » ses disciples tous les jours jusqu’à la fin des temps (28, 20). Ces affirmations conviennent parfaitement à un authentique fils d’Israël saisi par la profondeur du rôle de Jésus. 

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    Alain Faucher, ptre

    Source www.zenit.org

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  • Le « sacrifice » d'Abraham

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    Capsule vidéo de 8:45 min. avec Alain Gignac, professeur (cliquez sur l'image)

     
    Faculté de théologie et de sciences des religions, Université de Montréal

    Monument de la civilisation occidentale, la Bible a inspiré de nombreuses œuvres devenues des classiques – en littérature, musique, peinture, sculpture, cinéma, philosophie, etc. Or, elle semble parfois inaccessible, déroutante, mystérieuse, méconnue. Cette capsule explore quelques reprises de ce récit déroutant en littérature, en musique et en peinture.

     

    Source www.interbible.org

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  • 2e série - L'Évangile selon saint Matthieu (1/7)


         
    Un évangile important, cette année comme toujours!



    Icone-saint-Matthieu.jpg Nous vous présentons dans la chronique « Découverte », une seconce série consacrée à l'Évangile selon saint Mathieu, cette fois rédigée par l'abbé Alain Faucher, professeur d'Écriture Sainte à l'Université Laval. Les deux premiers articles reprendront quelques points abordés dans la première série, permettant de se rafraîchir la mémoire.

         Les lectrices et les lecteurs du Feuillet biblique savent que chaque année du Lectionnaire met en valeur un évangile différent.  L'année B montre Jésus en lutte contre les forces du mal, selon le thème cher à l'Évangile selon Marc. L'année C traduit la tendresse et la miséricorde de Dieu manifestées en Jésus, selon la manière de raconter propre à l'Évangile selon Luc. Le quatrième évangile, l’Évangile selon Jean, s’insère ici et là au fil des trois années. Le Carême 2011 en a fourni un bon exemple. Pourquoi le quatrième évangile n’est-il pas proposé comme évangile-phare d’une année particulière? Simplement parce que sa structure littéraire, élaborée en quelques longs épisodes, se prête moins à la division en brèves sections comme chez Marc, Luc et Matthieu.

         Dans les prochaines parutions, nous allons explorer le long évangile proclamé cette année, l’Évangile selon Matthieu. « L’année Matthieu » est poétiquement désignée comme l’« Année A ». Cet amalgame n’est probablement pas inconscient! Cela reflète la position privilégiée de l’évangile dans le Nouveau Testament : l’Évangile selon Matthieu est « le premier du bord ».

         Non pas qu’il ait été composé en premier! Les études scientifiques démontrent que Marc serait le plus ancien des évangiles. La prépondérance de Matthieu semble surtout méritée par l’utilité de son contenu. C’est l’évangile qui a fourni une charte de vie détaillée aux membres de la jeune Église. C’est aussi l’évangile qui associe la personne de Jésus au grand libérateur du peuple hébreu, Moïse. Comme Moïse, Jésus transmet le message de Dieu depuis une montagne…
    Populaire depuis toujours

         Ces caractéristiques du texte aident à comprendre pourquoi Matthieu fut l’évangile le plus cité dès le début de l’histoire chrétienne. À la fin du premier siècle, Clément de Rome semblait en citer des éléments, ce qui atteste de la diffusion rapide de cet évangile. Dès l’an 150, un très important document, la Didachè, évoque de larges pans de la vie chrétienne en s’inspirant des propos de Matthieu. Et au seuil du deuxième siècle de notre ère, les lettres d’Ignace d’Antioche et de Barnabé y font écho.

         La place d’honneur dévolue à l’évangile en tête du Nouveau Testament évoque cette diffusion précoce. Elle met aussi en évidence une préconception courante à cette époque. Des Pères de l’Église prenaient pour acquis que l’Évangile selon Matthieu ait été le premier composé. Au bout du compte, ces appréciations positives ont relégué un peu dans l’ombre les trois autres évangiles officiels. Pendant des siècles, Matthieu va pratiquement être le seul fréquenté par le catholique moyen.
    En vedette pendant quatre siècles

         Quand un bon paroissien cite de mémoire un épisode d’évangile, il y a de fortes chances qu’il évoque spontanément un élément de l’Évangile selon Matthieu. Pourquoi? Dans le lectionnaire intégré au Missel du Concile de Trente par le pape Pie V, c’est le seul évangile proclamé en continu à tous les dimanches. De 1570 à la mise en application des normes liturgiques du Concile Vatican II, ce choix restreint a anéanti la diversité des lectionnaires du premier millénaire de l’histoire de l’Église.

         Il ne faut pas se scandaliser de cette centration. Les besoins pastoraux du temps expliquent la portée stratégique du choix. Au seizième siècle, l’Église cherche une réponse aux défis de la réforme de Luther. Un Concile se réunit dans une ville du nord de l'Italie, Trente. Après des années de cogitations, on donne au pape le mandat de mettre à jour et d'unifier les pratiques concernant la messe. Ainsi naît le Missel de 1570. On y insère une liste de 138 passages bibliques à proclamer chaque année.  Pendant des siècles, on va lire surtout l'Évangile selon Matthieu et un texte de l'apôtre Paul. Les gens savaient d’avance ce que monsieur le curé allait dire dans sa prédication de tel ou tel dimanche!

         Vu la haute estime des Pères de l’Église et sa mise en valeur dans le Missel de Pie V, « Matthieu a servi, deux millénaires durant, de manuel de dévotion, de sources de lectures liturgiques et de récit historique.» (Frank Kermode, Encyclopédie littéraire de la Bible, Bayard 2003, page 491). L’imaginaire populaire chrétien a donc été fortement marqué par la mise en récit de la vie et des paroles de Jésus à la manière de Matthieu.

     

    Alain Faucher, ptre

     Alain Faucher, ptre

    Source www.interbible.org

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  • Comment trouver Jésus?

    Discours sur le pain de vie : Jean 6, 51-58
    Autres lectures : Deutéronome 8, 2-3.14b-16a; Ps 147(148); 1 Corinthiens 10, 16-17

     R-C-Iles aux Grues aout08 (17)

    En la fête du Saint-Sacrement, on aurait difficilement pu choisir meilleur passage des évangiles pour susciter la réflexion et la médiation sur l’eucharistie. Il s’agit pourtant d’un texte passablement difficile, qui se situe d’ailleurs dans un plus vaste ensemble que l’on appelle couramment le discours de Jésus sur le pain de vie (6, 22-59). Ce discours répond à une question fondamentale : comment rejoindre le Christ, comment demeurer en lui et avec lui (cf. Jean 6, 22-25)?

         L’évangéliste propose différentes voies : reconnaître le Christ comme le pain de la vie (6, 27), croire en Jésus (6, 29) et écouter la Parole, les enseignements du Père (6, 45). Une autre voie apparaît dans l’extrait lu en ce dimanche : l’eucharistie. C’est le cœur de ce passage du quatrième évangile. Les paroles attribuées à Jésus ne remontent probablement pas à lui-même. Elles sont plus vraisemblablement le fruit de la réflexion de la jeune communauté chrétienne. Elles se comprennent d’ailleurs mieux quand on tient compte de son possible enracinement dans la pratique eucharistique.

    Une saveur eucharistique

         L’Évangile selon saint Jean, contrairement aux trois autres, ne comporte pas de récit de l’institution de l’eucharistie. Au lieu du partage du pain et du vin, Jean a plutôt retenu le lavement des pieds comme geste symbolique de Jésus au soir de la Cène (13, 1-15). Des spécialistes des évangiles ont toutefois noté, avec raison sans doute, que le passage lu en ce dimanche (6, 51-58) est celui qui, dans le quatrième évangile, s’approche le plus du récit de l’institution de l’eucharistie. En effet, Jésus parle du « pain que je donnerai », expression qui rappelle ses paroles lors de son dernier repas. Et il mentionne aussi le fait de manger sa chair (cf. le partage du pain) et de boire son sang (cf. le partage de la coupe).

         Compte tenu du contexte dans lequel apparaît ce passage, il faut en conclure que l’auteur propose l’eucharistie comme moyen privilégié de trouver Jésus ou, pour reprendre son vocabulaire, pour demeurer en lui. L’insistance sur la chair nous incite à faire un lien entre l’eucharistie et l’incarnation du Verbe. L’eucharistie, en effet, est plus que le partage du pain : c’est aussi le partage de la Parole.

    Un malentendu

         Alors que Jésus se présente comme le pain vivant, qui est descendu du ciel, les Juifs amorcent une vive discussion autour de la question : Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger? En soi, l’interrogation des Juifs n’a rien d’étonnant, car les propos du Christ ne vont pas de soi. Mais il faut surtout reconnaître ici un procédé cher à l’évangéliste Jean: il ponctue de questions les divers discours de Jésus qui montrent un certain blocage chez ses auditeurs. Il en est ainsi, par exemple, lorsque Nicodème demande : Comment est-il possible de naître quand on est déjà vieux? Est-ce qu’on peut rentrer dans le sein de sa mère pour naître une seconde fois ? (3, 4) Le pharisien, comme les Juifs qui écoutent le discours du pain de vie, comprend les paroles du Christ au premier degré, alors que celui-ci s’exprime dans le registre symbolique. Le malentendu est évident. En procédant ainsi, l’évangéliste nous permet d’éviter cet écueil et nous invite à une lecture spirituelle du message du Seigneur. Pourtant, le texte comprend des termes on ne peut plus concrets. Ainsi, ce que le Lectionnaire traduit par « celui qui mange ma chair » se dirait plutôt, dans l’original grec : « celui qui croque (ou mâche) ma chair ». C’est que l’eucharistie, avec toute sa dimension spirituelle, est d’abord une réalité très physique, matérielle. Elle n’est ni une sorte de métaphore ni un procédé pour nous amener à échapper à notre monde ou à notre condition humaine. Elle est une pratique, à savoir la mise en œuvre rituelle – dans l’espace, dans le temps et dans le corps des croyants – du salut qui s’opère en Jésus Christ.

    Vie éternelle et rencontre

         Les paroles de Jésus sont particulièrement intéressantes lorsqu’on y repère les allusions aux effets de l’eucharistie. Elles vont encore plus loin que celles du récit de l’institution chez les autres évangélistes. Ainsi, manger la chair et boire le sang « du Fils de l’homme » procure la vie éternelle. La croix du Christ et son passage de la mort à la vie est, bien sûr, la voie unique vers la vie éternelle. Mais l’eucharistie nous en donne, pour ainsi dire, un avant-goût et nous y prépare.

         Jésus présente aussi un autre effet de l’eucharistie : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi je demeure en lui. Pour en saisir toute la portée, il importe de se rappeler l’épisode précédant le discours sur le pain de vie, la multiplication des pains (6, 5-15). À la suite de ce signe pour le moins étonnant, les foules cherchent à s’emparer de Jésus pour le proclamer roi (v. 15). Le Christ choisit cependant de s’enfuir et de se faire discret. Les gens, cependant, se mettent à sa recherche (vv. 22-25), ce qui symbolise la question fournira la trame de fond au discours sur le pain de vie : Comment trouver Jésus? Lorsqu’à la fin du discours, le Christ affirme que manger sa chair et boire son sang, c’est demeurer en lui et le laisser demeurer en soi, il apporte l’ultime réponse à cette question. Autrement dit, l’eucharistie est un lieu privilégié aussi bien pour rencontrer Jésus que pour goûter aux premiers fruits de la vie éternelle.

    De la manne au pain de vie (8, 2-3.14b-16a)

         Le passage du Deutéronome retenu comme première lecture pour cette célébration comporte un rappel de la manne donnée par Dieu à son peuple dans le désert. Dans la lecture évangélique, Jésus conclut son discours en mentionnant la manne. Il met en contraste cet aliment provisoire et périssable avec « le pain vivant » qui procure la vie éternelle. Mais au-delà de ce lien évident, cet extrait du Deutéronome dépeint aussi toute la bienveillance de Dieu qui libère son peuple de l’Égypte, le protège des divers dangers et lui donne de quoi boire et manger pour sa survie. Cette bienveillance culminera avec le don du pain de vie en la personne de son Fils, nourriture de vie éternelle.

         Dans ce même passage du Deutéronome, on retrouve cette citation que Jésus reprendra dans le récit des tentations au désert : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur (cf. Matthieu 4, 4). Ces mots arrivent à point nommé en cette fête de l’eucharistie : ils nous rappellent que le pain et la Parole sont indissociables dans la vie sacramentelle de l’Église.

    « Un seul corps » (1 Corinthiens 10, 16-17)

         Quant à la deuxième lecture, très brève, elle souligne le lien étroit entre le pain et le vin partagés durant l’eucharistie et la personne même du Christ. Elle constitue ainsi un excellent préambule à la lecture évangélique qui sera proclamée ensuite (après la séquence). Paul insiste cependant sur un aspect qui n’apparaît pas explicitement dans l’extrait de l’Évangile selon saint Jean : Le rituel eucharistique unit « la multitude que nous sommes » grâce au partage d’un même pain. Intéressant paradoxe : Le fait de rompre le pain, de le diviser, est gage d’unité pour la communauté rassemblée.

     

    Jean Grou, bibliste

     

     Source: Le Feuillet biblique, no 2279. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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  • L'Évangile selon saint Matthieu (5/5)
         
    Jésus enseigne à ses disciples

    évangélisationÀ la fin de l’évangile, Jésus ressuscité envoie ses disciples proclamer la Bonne Nouvelle parmi toutes les nations, afin de faire de nouveaux disciples et leur apprendre à observer tout ce que lui-même leur a prescrit. Pour Matthieu, le Ressuscité continue d’être jusqu’à la fin des temps le seul maître à suivre. Il n’y a pas de plus beau portrait de ce maître que celui tracé par Jésus lui-même : Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous procurerai le repos. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger (11, 28-30).

         À l’école de Jésus, les disciples interrogent volontiers leur maître pour qu’il les enseigne : Qui donc est le plus grand dans le Royaume des cieux? (18, 1); Seigneur, quand mon frère commettra une faute contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner? (18, 21). Mais ils sont surtout des personnes qui écoutent et comprennent la Parole, comme le grain qui est semé dans la bonne terre (13, 23), même si, dans certaines circonstances, ils ont de la difficulté à comprendre. À la fin du discours en paraboles, Jésus demande à ses disciples : Avez-vous compris tout cela? Et ceux-ci de répondre sans hésitation : Oui! (13, 51). Comme le grain tombé dans la bonne terre donne un fruit abondant, la compréhension de l’enseignement de Jésus doit ensuite s’exprimer par la mise en pratique de la volonté du Père: Il ne suffit pas de me dire : «Seigneur, Seigneur»! pour entrer dans le Royaume des cieux; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux (7, 21). C’est aussi la demande du «Notre Père» : Que ta volonté soit faite sur terre comme au ciel (6, 10). La volonté de Dieu de faire advenir son règne ne saurait se réaliser sans l’adhésion des humains et leur empressement à mettre en pratique l’enseignement de Jésus.

         Les disciples qui écoutent la Parole, la comprennent et la mettent en pratique sont comparables à un homme qui a bâti sa maison sur le roc. Ainsi en est-il de leur vie, solidement fondée sur la personne et la parole de Jésus avec qui ils sont appelés à développer une relation vivante et féconde (7, 24-27). Ils pourront alors être le sel de la terre et la lumière du monde : en voyant ce qu’ils accomplissent de bien en accord avec la volonté du Père, les hommes reconnaîtront la présence active de Dieu-avec-nous (5, 13-16).

         Matthieu se plaît donc à présenter Jésus comme un maître. Il a regroupé son enseignement en cinq grands discours : le Discours sur la montagne (5-7), le Discours missionnaire (10), le Discours en paraboles (13), le Discours sur la communauté ecclésiale (18) et le Discours sur l’avènement du Fils de l’homme (24-25). Ces discours n’épuisent pas l’enseignement de Jésus car d’autres éléments sont parsemés dans le cours de l’évangile. Sauf le discours en paraboles qui s’adresse à la foule, Jésus livre son enseignement à ses disciples qui s’approchent de lui pour l’entendre.

         Certains commentateurs ont pu voir dans ces cinq discours un équivalent symbolique des cinq livres de la Loi. De même que Dieu avait révélé sa Loi à Moïse, ainsi Jésus, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, transmet à la communauté de ses disciples la Loi nouvelle de l’Évangile. Quoi qu’il en soit de cette intention de Matthieu, nous pouvons toutefois découvrir que plusieurs des thèmes abordés dans ces discours apparaissent dans la conclusion de l’évangile : la mission des disciples, la création de nouveaux disciples par le baptême, leur intégration à la communauté ecclésiale, leur formation fondée sur l’enseignement de Jésus et l’attente vigilante du retour du Christ à la fin des temps. Ces discours dessinent un tableau de la condition chrétienne.

    Yves Guillemette, ptre

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  • Conflit israélo-palestinien : Dieu a-t-il donné cette terre à Israël?

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    Actualité : La Flottille de la Liberté II mettra le cap sur Gaza très bientôt

    Nous formons une coalition arc-en-ciel de défense des droits humains. Cela ne concerne pas seulement les Musulmans, mais tout un chacun, qu’on soit Musulman, Chrétien, Juif, Hindou, laïque ou autre. Ceci est l’expression d’une citoyenneté mondiale unie. Notre destination est Gaza. Nous moyens sont non violents. Notre but est de faire lever le siège illégal, complètement et définitivement et contribuer à la paix pour le peuple palestinien.

    Avec des campagnes nationales dans plus de 20 pays et quelques 10 navires en préparation, la Flottille de la Liberté II « Restons humains » est sur le point de mettre le cap sur Gaza afin de briser le blocus illégal d’Israël. Un navire canadien fait partie de la Flottille de la Liberté qui appareillera à la fin de juin 2011. Grâce à la mobilisation d’organisations québécoises et canadiennes,  le « Tahir » (Liberté) veut alerter l’opinion publique du Canada sur l’illégalité du siège de Gaza et ses conséquences humanitaires et du même coup dénonce la politique de soutien inconditionnel du gouvernement canadien au gouvernement israélien.

    Source : tahir.ca d'après le journal Le Devoir

    Premier livre de Samuel

    La guerre reprit. David partit combattre les Philistins et leur infligea une telle défaite qu'ils s'enfuirent devant lui. Un jour, l'esprit mauvais envoyé par le Seigneur s'empara de Saül, alors qu'il était chez lui, sa lance à la main. David était en train de jouer de la lyre. D'un coup de lance, Saül tenta de clouer David au mur, mais David s'écarta et la lance se planta dans le mur. David put s'échapper sain et sauf cette nuit-là. Saül envoya des gens surveiller la maison de David afin de le mettre à mort au matin. Mais Mikal, la femme de David, l'en informa et lui dit : « Si tu ne te sauves pas cette nuit, demain tu es un homme mort ! » Elle le fit alors descendre par la fenêtre et il s'enfuit pour sauver sa vie. (19,8-12)

    Là-dessus, David quitta Gath et se réfugia dans la caverne d'Adoullam. Lorsque ses frères et tous les siens l'apprirent, ils vinrent l'y rejoindre. De plus, des gens en difficulté, des endettés, des mécontents, en tout quatre cents personnes environ, se rassemblèrent auprès de lui. Il devint leur chef. D'Adoullam, David se rendit à Mispé, en Moab, et dit au roi de Moab : « Permets que mon père et ma mère viennent s'installer chez toi jusqu'à ce que je sache ce que Dieu veut faire de moi. » David les conduisit à la cour du roi de Moab, où ils demeurèrent pendant tout le temps que David resta dans son refuge. Un jour, le prophète Gad dit à David : « Ne reste pas dans ce refuge, rentre au pays de Juda. » David partit donc et se rendit dans la forêt de Héreth. (22,1-5)

    Commentaire

         Nous sommes souvent confus et incapables de bien saisir les enjeux présents dans le conflit israélo-palestinien. Nos médias reflètent surtout les positions politiques favorables aux politiques de l’État d’Israël et nous présentent les Palestiniens comme des agresseurs terroristes. Puis il se trouve des croyants, Juifs et Chrétiens, qui relisent des textes anciens de leurs Écritures comme si ceux-ci parlaient d’évènements qui se passent aujourd’hui.

         Cette approche fondamentaliste, qui prend les textes au pied de la lettre sans tenir compte de l’intention de l’auteur biblique, est très courante. Ces gens affirment que Dieu a vraiment créé le monde en six jours en se basant sur le récit de la Genèse. Par exemple, des prophètes bibliques, après la destruction de Jérusalem et la dispersion des classes dirigeantes de Juda à Babylone en 598 av. J.C. ont voulu ranimer l’espoir des déportés en leur annonçant que Dieu les ramènerait sur leur terre un jour. À partir ce ces textes, les fondamentalistes affirment que la création de l’État d’Israël en 1948 fut un miracle et que les prophètes l’avaient prévu il y a 2400 ans. Dans une chronique religieuse, je lis ce qui suit : « Le prophète Ézéquiel nous avertit qu’une coalition menée par la Russie et alliée entre autres à la Perse (l’Iran), tentera d’envahir Israël dans le futur (voir Ézéquiel 38 et 39) »! Ça ne s’invente pas!

         Il y a trois mille ans, David combattait les Philistins. Les Philistins, émigrés des îles grecques, étaient venu s’établir sur la côte du pays de Canaan vers 1250 av. J.C., à l’époque où Moïse prenait la tête d’un groupe d’esclaves révoltés et fuyait l’Égypte vers le désert. Ce sont d’ailleurs ces Philistins qui nous ont laissé la dénomination moderne de Palestine attribué aujourd’hui à cette terre. Mais à cette époque, on parlait de la terre de Canaan.

         David est un militaire israélite populaire, adulé par le peuple pour ses exploits guerriers et détesté par le roi Saül qui voit en lui un rival dangereux. Obligé à fuir la cour royale, David va se cacher dans des cavernes, rassemble sa famille, ses animaux et « des gens en difficulté, des endettés, des mécontents, en tout quatre cents personnes environ, se rassemblèrent auprès de lui. Il devint leur chef. » Il fait alliance avec le roi de Moab, ennemi de Saül.

         À l’époque, la  terre de Canaan est occupée par des cités-état. Chaque ville est un petit royaume avec une forteresse en son centre : y vivent emmurés le roi et son harem, ses officiers et ses prêtres : palais, temple et caserne. Le roi tient en servitude toute la population paysanne et est le propriétaire de toutes les terres qui entourent la ville. Ces petits royaumes doivent faire alliance avec un plus puissant pour se protéger contre leurs voisins. Les empires se succèdent : Hittites, Égypte, Babylone, Assyrie, Perse… et les petits royaumes tentent de se placer du côté du plus fort; de mauvais calculs peuvent signifier leur perte.

         Depuis le XVe siècle av. J.C., l’histoire ancienne témoigne de groupes d’Apirus, des insurgés qui refusent de se soumettre à ces roitelets. Ils vivent en marge du système dominant, pratiquent une vie semi-nomade dans les zones désertiques peu fertiles ou développent des techniques pour habiter des montagnes difficiles d’accès, où les chars de guerre ne peuvent se rendre.

         L’exemple de David dans ce texte est typique de ce genre de groupes vers l’an 1000. Il s’agit d’un ramassis de gens en rupture de ban avec les royaumes. Moïse en a été un autre exemple : portant un nom égyptien et rattaché à la cour du Pharaon, il est disgracié par le pouvoir et prend parti pour les gens de son peuple. Il quitte la ville de Ramsès, nous dit l’Exode, avec ses gens et « une foule d’origine diverses partirent en même temps qu’eux. » (Exode 12,18) Un mélange d’éleveurs, de petits horticulteurs, de pêcheurs ainsi que des prisonniers de guerre et des immigrants venus de Canaan et dégoûtés de leurs conditions de servitude dans le delta du Nil.

         Même si la vision religieuse traditionnelle de la Bible hébraïque raconte que l’histoire d’Israël commence avec les patriarches Abraham, Isaac et Jacob ou que d’autres situent les origines de ce peuple avec l’épopée de Moïse, le véritable commencement historique d’Israël ne commence à se développer qu’en la terre de Canaan, parmi ces groupes marginaux en révolte. Le groupe de proto-israélites de Moïse qui fait dans le désert du Sinaï l’expérience d’un Dieu qui prend parti pour les esclaves – chose surprenante et déroutante dans le monde ancien où les dieux étaient toujours là pour valider le pouvoir des rois, - ce groupe finira par s’infiltrer en Canaan à la recherche de terres. Au cours des 250 ans qui précèdent la monarchie de David, de nombreux groupes se forment en Canaan et s’unissent en une confédération de tribus, inspirés par la foi au Dieu de Moïse, défenseur des opprimés.  

         Chaque année, ces tribus dont le nombre variera au cours des siècles, renouvellent à Sichem leur alliance : ils s’engagent à secourir toute tribu menacée par la famine en partageant leurs produits alimentaires; ils s’uniront à une tribu menacée en lui fournissant des guerriers pour la défendre. Ces communautés tribalisées possèdent la terre en commun, ne paient aucun impôts ni taxes, n’ont pas de rois ni de chefs et ne possèdent pas d’armée professionnelle. Longtemps après, lorsqu’Israël se sera donné un roi à partir de David, les prophètes resteront nostalgiques du temps où c’était Yahvé qui régnait sur son peuple et que personne ne prétendait prendre sa place de Roi. Samuel décrira avec indignation ce que signifie l’oppression de la monarchie pour son Dieu (1 S 8).

         Cette expérience des tribus d’Israël, formée de gens de diverses ethnies cananéennes ou autres, est à l’origine historique du peuple d’Israël. Une nouvelle société cananéenne égalitaire, coalition de secteurs sociaux antiétatiques, unie par le culte à YHWH, assuré par les Lévites s’est développée sur la terre de Canaan. Cette identité s’est donné dès le début le nom d’ISRA’EL.

         Cette vision des choses a été étayée dans le livre de Norman K. Gottwald, The Tribes of Yahweh [1]. Ce bibliste nous livre un ouvrage imposant sur la sociologie de la religion d’Israël libéré. Résumé ici beaucoup trop succinctement, il démolit toute prétention d’un peuple choisi venu d’ailleurs qui aurait reçu de Dieu une terre en exclusivité. Bien au contraire, la religion yahviste a toujours placé Dieu du côté des plus faibles, des groupes exploités, écrasés, soumis à la servitude. La signature du Dieu de la Bible est toujours la même : « Moi-même, IHVH, ton Elohîm qui t’ai fait sortir de la terre de Misraîm, de la maison de la servitude. » Ce Dieu met en garde de ne jamais le manipuler à des fins détournées : « Te ne porteras pas le nom de IHVH, ton Elohîm en vain. » (Exode 20,2.7)

    Les hommes se permettent la folie de s’approprier les noms de Dieu, dont ils font des armes pour leurs guerres… Quand un peuple inscrit sur ses étendards le Nom, il agit comme certains dirigeants dictateurs qui « divinisent » leurs ambitions. Utiliser le Nom mêlé à l’amertume de nos haines et de nos ambitions comme arme de combat dans quelque guerre que ce soit ressort de l’idolâtrie et est une trahison de l’Être créateur de vie et de paix. [2]

    [1] Norman K. Gottwald, The Tribes of Yahweh, New York, Orbis Books, 1979.

    [2] André Chouraqui, Les dix commandements aujourd’hui, p. 110.

    Claude Lacaille

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