• envoie en mission 1,0

    « Tarassô ! »

    Jésus, chemin vers le Père pour ceux qui croient en lui : Jean 14, 1-12
    Autres lectures : Actes 6, 1-7; Ps 32(33); 1 Pierre 2, 4-9

     

    « Tarassô ! », selon le texte original grec, est le verbe qui ouvre le chapitre 14 de l’Évangile selon saint Jean proclamé dans les églises en ce 5e dimanche de Pâques. Traduit au Lectionnaire par « bouleverser », la majorité des bibles rendent ce verbe par « troubler ». Le dictionnaire grec français Bailly citant Euripide « faire bouillonner la mer, soulever les vagues », lui donne comme premier sens « remuer, agiter », et comme deuxième sens « mettre dans un état d’agitation intérieure (de l’âme), troubler, inquiéter ».1 D’âges en âges, de siècles en siècles, les mêmes conditions humaines reviennent, et si les écrits bibliques les ont captées ce n’est pas pour faire œuvre d’histoire ou d’anthropologie mais d’abord pour nous aider à mettre des mots sur notre condition humaine pour ensuite tenter de donner un sens, de proposer une direction à cette existence qu’est la nôtre.

     

         « Tarassô ! », on croirait entendre « terrasser » ! En ouvrant son chapitre par ce mot, le quatrième et dernier rédacteur de l’Évangile de Jean rend en écho la pénible situation des communautés chrétiennes au tournant du deuxième siècle. Ce mot qui a traversé les âges a malheureusement encore aujourd’hui toute sa pertinence. Rassemblées autour de la table eucharistique, les communautés chrétiennes répandues à travers le monde liront le même mot mais chacune avec des résonances qui leur seront propres selon leurs situations. Les communautés chrétiennes du Japon, d’Iran, d’Irak ou d’Égypte pour ne nommer que celles-là accueilleront sûrement ce passage d’évangile d’une façon différente que nos communautés nord-américaines  

    « Croyez ! » ou « Vous croyez »

         Partant des troubles qui accablent les disciples, Jésus, par l’intermédiaire de Jean, les lancent en avant, les invitant à rebondir, à ne pas se laisser charrier comme le seraient par exemple des embarcations emportées au gré des eaux tumultueuses. « Croyez ! » leur lance-t-il ! Ce verbe vient immédiatement après « tarassô ». Alors que ce dernier est à l’impératif présent, le verbe « croire » peut être lu autant à l’impératif, qu’à l’indicatif présent, et la conjonction peut se traduire autant par « et » que par « aussi ». La sémantique grecque ne permettant pas de trancher, les traducteurs sont alors forcés d’y aller de leur propre interprétation comme en témoignent les différentes traductions, les unes traduisant les deux verbes à l’impératif : Croyez en Dieu, et (aussi) croyez en moi, les autres les traduisant à l’indicatif présent : Vous croyez en Dieu et (aussi) vous croyez en moi, les autres jouant avec les deux temps : Vous croyez en Dieu aussi croyez en moi. Cette intéressante particularité permet au lecteur d’identifier en toute liberté et d’une façon personnelle où se situe sa foi. Invitation impérative à croire ou simple constat de sa foi ? S’agissant de sa relation à Dieu et à Jésus, le verbe sera-t-il lu à l’impératif  ou  à l’indicatif pour les deux ou pour l’un des deux ? À l’impératif pour l’un et à l’indicatif pour l’autre ou vice et versa ?  

    Le « croire » antidote au « trouble »

         À ceux qui sont menacés par les eaux tumultueuses des « troubles », une double bouée est lancée : croire en Dieu et croire au Ressuscité. Plus qu’un contrepoids contrebalançant le « trouble », le « croire » permet à ceux qui y adhèrent de basculer dans une zone, un terrain où ils trouveront la sécurité. Car il ne suffit pas de dire à l’impératif et à la forme négative : Ne soyez pas troublés, il faut pouvoir fournir le nécessaire pour parer les coups. Un lecteur de langue grecque attentif à la composition de la phrase remarquera que le verbe « croire » ouvre et ferme la phrase, tenant en étau les mots « Dieu » et « moi » (Jésus), le texte original se lisant littéralement comme suit : Croyez en le Dieu et en moi croyez . Placé au début et à la fin de la phrase le verbe « croire » encadre les deux personnes divines, le tout constituant une nouvelle « Arche de Noé » permettant à ceux qui voudront bien y embarquer de naviguer en toute sécurité au milieu des eaux tumultueuses.  

    De « Dieu » à « Père »

         Dans ce quatorzième chapitre de son œuvre, l’auteur interpelle directement ses lecteurs. Les uns liront l’impératif les enjoignant à croire, les autres liront l’indicatif présent qui leur rappellera qu’ils sont déjà dans le « croire » (v. 1). Dès la phrase suivante, l’objet de leur foi leur sera présenté. Le mot « Dieu » deviendra « Père » et le pronom « moi » représentant le Ressuscité se rattachera à « Père », « le Père de moi », en français « mon Père ». Quant on sait que pour le Juif, Dieu est l’inatteignable, celui dont on ne peut même pas prononcer le nom, l’identifier comme un père constitue une importante révélation. Plus encore, non content de proposer une telle affirmation, l’auteur rajoute que Jésus de Nazareth, est aussi le fils de Dieu. Ainsi, non seulement ce Dieu proposé à la foi des lecteurs est-il présenté comme un père, mais plus encore, Jésus en qui les mêmes lecteurs sont invités à mettre leur foi est présenté comme le fils de ce père. Quand on parle de Dieu avec une expression aussi peu céleste que celle de « père », il faut savoir rester dans le même ton. C’est donc avec un vocabulaire aussi simple et terrestre que « maison », « demeures » et « place » que l’auteur continuera de développer sa pensée.

    « Maison », « demeures » et « place »

         « Maison », « demeures » et « place », ces trois termes se retrouvent dans une seule et même phrase (v. 2). Selon le dictionnaire Bailly cité plus haut, le mot grec « oikia » qu’on traduit habituellement par « maison » s’applique par extension à « habitants de la maison, c’est-à-dire la famille et les domestiques ». Séparé du verbe « croire » par la préposition « dans », ce mot ouvre la nouvelle phrase. À celui qui accède au « croire », c’est plus qu’un toit, c’est une fratrie qui lui est offerte, une famille dont le père est nul autre que Dieu.

         De « maison » nous passons à « demeures », les deux mots étant reliés l’un à l’autre par « mon Père ». « Demeures », en grec « monè » a comme premier sens « action de s’arrêter », d’où « halte, séjour » et comme deuxième sens : « Lieu où l’on réside ». Ainsi le croyant bénéficie-t-il d’un lieu sécuritaire où il peut s’arrêter, se reposer. Un lieu où il est vraiment chez lui.

         Suivi de l’adjectif « nombreuses »,  « demeures » est au pluriel. Dans cette maison aux nombreuses demeures, il faut un hôte qui reçoit et assigne une « place » aux nombreux invités. Avec des verbes aussi terre à terre et actifs comme « aller », « préparer », « revenir », « prendre », on comprendra que le fils du Père saura déployer une intense activité.

         Oui, ceux qui accèdent au « croire » n’ont pas à être troublés. Ils sont déjà entre bonnes mains !

    _________________

    1 A. Bailly, Dictionnaire grec français, Hachette, 1950, p.1897

     

    Claude Julien, F.CH.

     

    Source: Le Feuillet biblique, no 2274. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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  • Hymne au Christ : Philippiens 2, 6-11

    premiers chrétiens Le Nouveau Testament contient de nombreuses prières dont certaines hymnes, adressées au Christ, sont d'une richesse extraordinaire. C'est le cas notamment de l'hymne de la lettre aux Philippiens.

    6 Lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu
    7 Mais il s 'est dépouillé prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme;
    8 il s 'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort, à la mort sur la croix
    9 C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom,
    10 afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre a sous la terre,
    11 et que toute langue confesse  que le Seigneur, c'est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père.

         Cette hymne célèbre l'itinéraire paradoxal de la vie du Christ. Elle nous fait ainsi entrer dans le mouvement de sa vie. « Lui, qui étant en condition de Dieu » a pris la condition de serviteur, s'est abaissé (anéanti, vidé, pour d'autres traducteurs), a communié à la volonté de Dieu jusqu'à la mort. Alors qu'il faisait l'expérience que tout était fini, il espérait, dans la foi et l'abandon, son salut de Dieu seul.

         Voilà donc, dans la première section de l'hymne (vv. 6-8), le caractère concret, existentiel, de la vie de Jésus avec, d'une part, sa relation d'obéissance et de fidélité au Père, et, d'autre part, sa solidarité extrême avec les humains, qu'il rejoint au plus creux de leur misère, en parcourant le chemin infâme de la crucifixion.

         Puis, dans la seconde partie (vv. 9-11), jaillit l'action souveraine et gracieuse de Dieu vis-à-vis de Jésus. Observons le fait que Dieu est le sujet de tous les verbes. Oui, Dieu exalte Celui qui s'est tenu dans la logique de l'amour et du don, qui a poussé à l'extrême le service, tout au long de sa vie et à l'heure de la mort. On assiste à la proclamation de la seigneurie du Christ par Dieu.

         Cette proclamation a l'accent de la louange. Elle s'adresse au Christ, mais en finale, qui atteint-elle? La gloire qui enveloppe le Christ Jésus et scelle sa victoire va-t-elle au-delà de sa personne? Oui, effectivement cette gloire du Christ Jésus s'inscrit à l'intérieur de la gloire divine qu'elle dévoile. Et la louange atteint Dieu le Père auquel le Christ est soumis. Elle chante la paternité de Dieu qui instaure non pas un rapport de force, mais une relation de

    Julienne Côté

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    enfants-pèreOncle Lou

    ... elles le suivent car elles connaissent sa voix (Jean 10, 4).

     

    Charlotte m'a souvent parlé des souvenirs de son enfance dans un quartier populaire de New York; parmi ses beaux souvenirs : son comique « mon oncle Lou ». Il connaissait tout du golf et des jardins paysagers, et tout le monde l'aimait, « surtout nous, les enfants » disait-elle, « il pouvait nous enseigner la différence entre un pétunia et un zinnia, il nous entassait sur le siège arrière de son vieux convertible et nous amenait au golf pour nous enseigner les trucs des gagnants. Mais mon plus beau souvenir remonte à mes années de camps d'été, je recevais toujours une lettre de lui avec un beau dollar tout neuf à l'intérieur, - une fortune dans ce temps-là. Il ajoutait au bas de sa lettre, « Fais une folie avec ce billet ». Il était comique, aimant la vie, frivole, léger, mais tellement drôle».

         Charlotte me racontait que récemment elle était retournée dans son vieux quartier. « J'ai rencontré un ancien voisin, il m'a dit que lorsque son jeune fils a eu la polio, c'est oncle Lou qui a payé le compte de l'hôpital. J'ignorais tout de cela ». « Un autre voisin m'a raconté qu'il avait été sans emploi pendant toute une année et que c'est oncle Lou qui avait supporté sa famille tout ce temps-là. Cela aussi je l'ignorais. Et je découvris encore d'autres révélations des bontés de cet oncle frivole, aimant le plaisir et la vie. Lui qui m'invitait à « gaspiller » un billet d'un dollar avait sagement investi sa vie en semant la Vie autour de lui, il avait vécu en étroite relation avec Dieu et les gens du voisinage » (Inspiré de William J. Bausch, Story Telling The Word).

    LIEN : Si l'amour est le premier mot de la vie, alors la confiance est le second. La confiance en ce Dieu qui veille sur les siens avec l'attention du berger, ce Dieu qui nous connaît par notre nom, qui marche devant nous. « Le croyant véritable, c'est celui qui écoute la voix de Jésus et qui suit Jésus ». L'oncle de Charlotte avait entendu cet appel, il vivait sa vie pleinement, sa joie et sa générosité révèlent un cœur qui avait rencontré le Bon Pasteur. Est bon pasteur celui qui en a reçu la mission et en donne les signes: se conduire pour le bien des brebis et non pas pour son profit à lui.

    * * * * *

    La lumière qui guide

         Un soir de tempête en mer, le capitaine aperçoit ce qui semble être la lumière d'un bateau venant dans sa direction. Immédiatement il donne ordre au signaleur de demander à l'autre bateau de dévier de sa course par 10 degrés sud.

         La réponse ne se fait pas attendre : «Changez votre course par 10 degrés nord».

         Le capitaine, cette fois, intervient : « Je suis un capitaine, changez votre course vers le sud ». Les signaux lumineux répondent : « Je suis un marin première classe, changez votre course, vers le nord ».

         Le capitaine était maintenant furieux « Je vous dis de changer votre course, je suis sur un bateau de guerre ».

         Ce à quoi il reçut comme réponse « Et je vous dis de changer votre course 10 degrés nord, je suis le gardien du phare ».

    LIEN : Nous sommes parfois tellement enveloppés dans la noirceur que nous ne percevons pas la lumière autour de nous. Nous écoutons l'Évangile avec notre perspective moderne et nous rejetons l'enseignement de Jésus parce que trop simple et pas assez réaliste pour faire face à l'énormité et à la complexité de nos problèmes. Pourtant les valeurs qu'il propose sont simples: l'amour, le pardon, la compassion, la justice. Ces valeurs nous amèneront à voir la lumière qui nous guide hors des noirceurs de nos vies. Pour avoir la vie en abondance, nous devons emprunter la voie de Jésus, la Porte de l'Évangile, charité et justice, la lumière de l'Évangile, sagesse et compassion (Inspiré de Connections, 1996).

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  • bon pasteurÉcouter sa voix

    La Parabole du pasteur, du voleur et des brebis : Jean 10, 1-10
    Autres lectures : Actes 2, 14a.36-41; Ps 22(23); 1 Pierre 2, 20b-25

     

    À la fin du récit de la guérison de l’aveugle-né, récit que nous avons lu au quatrième dimanche de carême, Jésus disait : Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles (9,39). Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : “Serions-nous des aveugles, nous aussi ?” Jésus leur répondit : “Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure.”  (9,40-41)

    « Le Seigneur est mon berger »

         Ce dimanche, Jésus déclare aux mêmes pharisiens : Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit (10,1). Ici, Jésus ne perd pas de temps avec la mise en scène, il introduit abruptement un personnage qu’il qualifie de voleur et de bandit : « Celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte ». Quand nous lisons ce texte à froid, nous risquons de ne pas saisir de quoi parle Jésus. La Bible compare souvent le peuple de Dieu à un troupeau conduit par son berger. « L’image exprime aussi la relation personnelle de l’Israélite avec son Dieu (cf. Ps 23 [v. 1-2a : Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer ]). La sollicitude du Pasteur est souvent décrite de telle sorte qu’elle concerne à la fois le peuple dans son ensemble et chacun de ses membres. »1 Ainsi, le prophète Isaïe déclare : Comme un berger, il conduit son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, et il prend soin des brebis qui allaitent leurs petits (Is 40,11).

    Le voleur, le pasteur, le portier

         En dénonçant celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte comme un voleur et un bandit (Jn 10,1), Jésus fait écho aux prophètes qui dénoncent vertement « les bergers infidèles qui pressurent les brebis et laissent le troupeau aller à sa perte. » 2 Malheur aux bergers d’Israël qui sont bergers pour eux-mêmes ! […] eh bien, bergers, écoutez la parole du Seigneur : Ainsi parle le Seigneur Dieu : J’interviens contre les bergers. Je leur reprendrai mon troupeau, je les empêcherai de le conduire, et ainsi ils ne seront plus mes bergers ; j’arracherai mes brebis de leur bouche et elles ne seront plus leur proie (Ez 34,2a.9-10). Jésus oppose le voleur et le bandit à un autre personnage Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis (Jn 10,2). Comme Jésus parle à la troisième personne, il est difficile de savoir de qui il parle. Qui est ce voleur et ce bandit (10,1) qu’il qualifiera plus loin d’« inconnu » (10,5 ; BJ/TOB : « étranger ») ? Qui est « le pasteur, le berger des brebis » (10,2) ?

         Comme la figure négative est nommée en premier lieu, juste après la mention des pharisiens en 9,40, le lecteur pense immédiatement à eux, « même si l’on ne peut préciser qui est visé par le voleur, le brigand et l’étranger : d’une manière générale, ce sont les ennemis des brebis » 3, donc du peuple de Dieu. Pour compliquer le tout, Jésus ajoute un autre personnage au verset suivant : Le portier lui ouvre (10,3). Il ne sera plus question de ce portier dans le reste du chapitre. Sa fonction semble donc se limiter à reconnaître et à laisser entrer le vrai berger. De sorte que, comme les pharisiens, nous risquons de faire partie de ceux qui ne comprirent pas ce qu'il voulait leur dire (10,6).

    Les brebis et les appelés

         Pourtant il importe que nous comprenions. En effet, en tant que membres du peuple de Dieu, nous sommes les brebis de ce troupeau. Or, ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir (10,3). Voilà pourquoi nous célébrons en ce dimanche la Journée mondiale de prière pour les Vocations. Chacun et chacune de nous est appelé par son nom. Pour chacune et chacun, Dieu a un projet spécifique, une vocation propre. Tous les baptisés sont appelés. Et si nous voulons entrer dans le projet de Dieu, il importe que nous nous mettions à l’écoute pour suivre le bon pasteur. Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix (10,4).

         Heureusement, Jésus reprend la parole pour expliquer cette paroimia (10,6), mot grec que le Lectionnaire traduit par « parabole », mais qu’il vaudrait mieux rendre par « similitude » ou « comparaison ». Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés (10,8). Nous voilà donc éclairés sur l’identité du voleur, du bandit, celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit (10,1). Il s’agit des anciens bergers du peuple d’Israël, ceux que fustigeaient déjà le prophètes : Misérables bergers, qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage ! » (Jr 23,1)

    La porte

         Logiquement, on s’attendrait à ce que Jésus se désigne alors lui-même comme le bon pasteur, le vrai berger (Jn 10,11). Mais il change plutôt la portée de son langage symbolique. Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé (10,9). Plusieurs commentateurs pensent que Jésus parle ici des pasteurs de la communauté chrétienne. C’est bien le cas dans d’autres textes bibliques tels Jean 21,15.17 ; 1 Pierre 5,2-3. « Mais notre texte ne va pas dans ce sens. Le v. 7 spécifie “je suis la porte des brebis”, et non celle des bergers. » 4 Grâce au Christ ressuscité, chacun des membres du troupeau « pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. » (Jn 10,9b)

         Nous sommes donc, toutes et tous, les brebis que le Père a données au Fils (voir 10,29). Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir (10,3). En cette quarante huitième Journée mondiale de prière pour les Vocations, il importe de redécouvrir que nous sommes appelés, tous et toutes, quelle que soit notre fonction dans le peuple de Dieu. Mais il faut se demander si nous sommes toujours à l’écoute de celui qui nous appelle par notre nom ? Avons-nous à cœur d’enseigner à la génération qui monte de se mettre à l’écoute et de répondre : Parle, Seigneur, ton serviteur écoute (1 Samuel 3,9) ? Le passage de ce dimanche se termine par un avertissement de la part du Seigneur : Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance (Jn 10,10). Encore aujourd’hui, il y a des voleurs qui veulent nous éloigner du Christ. Qui choisirons-nous de suivre ? Reprenons notre marche à la suite de celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Lui nous donnera les prêtres, les diacres et les consacrés dont nous avons besoin.

    _________________

    1 Xavier Léon-Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean II (chapitres 5–12), (Collection Parole de Dieu) Paris, Seuil, 1990, p. 357.

    2 Léon-Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean II, p. 357.

    3 Léon-Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean II, p. 360.

    4 Charles L’éplattenier, L’Évangile de Jean (La Bible, porte-parole), Genève, Labor et Fides, 1993, p. 210.

     

    Yvan Mathieu, SM

     

    Source: Le Feuillet biblique, no 2273. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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  • Job : la rencontre de Dieu dans la souffrance (Job 1-3; 6-7; 38-42)

    Job-audio.jpgCapsule vidéo  de 10 min. avec Jean Duhaime, professeur d'interprétation biblique
    Faculté de théologie et de sciences des religions, Université de Montréal

     

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  • Sacrifice et feu : l’alliance entre Abraham et Dieu

    Question sacr-et-Abraham.jpg Dans le récit de Genèse 15, en quoi les animaux séparés en leur milieu et au centre desquels passent des flammes symbolisent-ils l’alliance de Dieu avec Abraham?

    RéponseLa façon habituelle d’expliquer ce passage s’appuie sur la notion très ancienne de pacte ou d’alliance. Prenons exemple de ce que nous faisons. Lorsque nous convenons de quelque chose d’important avec quelqu’un ou lors d’un événement spécial, nous prenons un repas ensemble, soit qu’il s’agisse d’un repas festif en famille ou en communauté, soit d’un repas plus privé entre les contractants. Les alliances anciennes étaient sanctionnées aussi de cette façon. La plupart du temps, les alliances du monde ancien concernaient un supérieur avec un inférieur, souvent deux rois dans une relation de vassalité. Ainsi on a trouvé des traités d’alliance entre un roi vainqueur ou conquérant et un autre roi inférieur ou conquis, chacun s’engageant à certaines obligations précises. L’inférieur promet de fournir, par exemple, des biens et des hommes, le supérieur promet protection et assistance en cas de besoin. Puis les deux contractants prenaient les dieux à témoin et invoquaient sur eux soit des bénédictions en cas de fidélité soit des malheurs en cas de manquements aux obligations du pacte. Le repas festif était un sacrifice qui scellait ou officialisait le pacte, puisque, il faut le rappeler, le sacrifice comportait la plupart du temps un repas.

     

         Ce qui est spécifique au judaïsme, c’est l’alliance entre Israël et son Dieu, YHWH. On peut voir cette alliance dans des textes comme Ex 19–24 ou le livre du Deutéronome, qui suivent plus ou moins le modèle dont nous venons de parler. Dieu a aussi scellé des alliances avec les patriarches, dont Abraham en Gn 15 et 17. Mais le modèle habituel du pacte devait être adapté quand l’un des contractants était la divinité. On ne peut pas vraiment prendre un repas avec son Dieu ou encore, dans un contexte monothéiste, invoquer les autres dieux à intervenir en cas de rupture. C’est pourquoi le texte de Gn 15 présente à sa manière la conclusion d’un pacte entre Abraham et son Dieu symbolisé par le feu. De même que les contractants sacrifiaient des animaux et passaient entre leurs parties pour signifier le pacte conclu (voir Jr 34,18) et invoquer sur eux le sort des animaux sacrifiés en cas de rupture, ainsi font Dieu et Abraham.

    Hervé Tremblay

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  • Un chemin déjà prévu?

    L'apparition aux disciples d'Emmaüs : Luc 24,13-35
    Autres lectures : Actes 2, 14.22b-33; Ps 15(16); 1 Pierre 1, 17-21

     

    S-G-T-Coucher de soleil sur la Serra de Cadi - Espagne-1La mort est certainement l'évènement qui ramène les gens vers les questions essentielles : Qui suis-je? Quel est le sens de la vie? La vie s'achève-t-elle avec la mort? etc. Aujourd'hui l'Évangile nous présente deux personnes touchées par la mort d'un ami : Jésus. Cet homme avait suscité un fol espoir dans leurs esprits : l'avènement d'un monde où chaque personne pourrait connaître le bonheur. Malheureusement Jésus a été arrêté, jugé et exécuté. Les deux disciples qui cheminent le long de la route sont profondément désespérés, car en plus de la mort de leur maître, leur idéal a été réduit en cendres d'une manière particulièrement brutale.

    La mort aujourd'hui

         La mort constitue toujours l'expérience-limite qui bouleverse les fondations psychologiques et affectives des gens. Mais, dans certaines sociétés occidentales, la mort est escamotée. Les rites funéraires sont expédiés rapidement. Les gens ne veulent plus être confrontés à cette réalité. Une certaine unanimité se fait cependant en Occident pour dénoncer cette situation. Les proches auraient besoin de parcourir un processus de deuil pour reconnaître et assumer l'absence du trépassé. Les disciples d'Emmaüs sont en train de vivre un tel processus et la personne qui va les soutenir pendant un moment est le Maître qu'ils pensent avoir perdu.

    Des paroles libératrices

         Les disciples sont désemparés. Un homme apparaît sur leur route et les disciples acceptent sa compagnie. Avec eux Jésus fait ce que tout intervenant fait aujourd'hui avec des gens marqués par la mort d'un proche. Jésus fait parler ses amis qui lui racontent ce qu'ils ont vécu. Cet acte d'extériorisation est nécessaire. Il peut prendre plusieurs formes : pleurs, paroles ou actes significatifs. Jésus connaît bien l'âme humaine et il incite ses interlocuteurs à parler, à se libérer du poids affectif qui les habite.

    Un inconnu?

         Au fil des siècles, les baptisés ont pu trouver bizarre en méditant ce texte que les disciples ne reconnaissent pas Jésus immédiatement. Plusieurs explications ont été données par les érudits pour comprendre ce fait. D'abord, il y a une réponse simple. Ces intimes du Seigneur ne l'ont pas cru. Ils sont restés attachés aux croyances religieuses de leur enfance dans lesquelles un être humain ne pouvait pas revenir du séjour des morts. Donc ils ne pouvaient pas envisager que le Christ était là, vivant, près d'eux. Une autre explication plus subtile serait que l'évangéliste voulait montrer par un procédé littéraire que le Christ ressuscité est différent du Jésus crucifié. Son corps est désormais glorifié. Il n'est plus soumis aux limites humaines comme le temps et l'espace. Cléophas et son compagnon ne peuvent pas reconnaître ce Sauveur qui est revenu à la vie grâce à son Père.

    Le plan divin

         Après l'expression de leur peine, le cheminement de foi des disciples peut débuter. Aujourd'hui de nombreuses personnes décident de ne pas suivre le Christ. Contrairement aux disciples d'Emmaüs qui sont émerveillés devant la constance des Écritures qui avaient annoncé la venue du Seigneur et sa résurrection, comme le montre la première lecture, certaines personnes de notre époque sont plutôt rebutées face à la réalité d'un plan divin qui aurait planifié l'évolution de la race humaine. Dans une époque où la liberté humaine est la valeur primordiale, elles rejettent l'idée d'un monde contrôlé par une puissance supérieure. Et ils ont un allié de taille : la science. Celle-ci n'a jamais prouvé l'existence d'une réalité qui aurait créé l'univers et qui le guiderait.

         En fait la pédagogie du Christ semble désuète pour convaincre les individus marqués par la culture scientifique. Cependant,  plusieurs familles chrétiennes ont veillé au grain. Elles ont élaboré une nouvelle pédagogie religieuse où la conscience individuelle est sollicitée. Les spécialistes ont discerné dans les Écritures ce qui était purement religieux et symbolique (les récits de la Nativité, etc.) et ce qui est plus historique (la passion, etc.). Cette élaboration se continue encore présentement et le but ultime de cette adaptation reste toujours le même : provoquer la rencontre entre l'humanité et le Christ.

    Un acte symbolique

         Le récit évangélique des disciples d'Emmaüs se termine par un repas. Après avoir exploré les Écritures, Jésus et ses amis se retrouvent à table. Le Seigneur pose alors un geste qu'il a effectué lors de la dernière Cène : la fraction du pain. Et il disparaît par la suite. En posant ce geste, le Ressuscité a réveillé les disciples. Leur Maître, le Sauveur, est là devant eux. Heureux, Cléophas et son copain retournent à Jérusalem et témoignent de leur expérience devant les Onze.

         L'Église demande encore aujourd'hui aux baptisés de témoigner. Cette tâche est même le devoir essentiel de tous les enfants de Dieu. Dans la première lecture de cette célébration, Pierre donne le modèle du témoignage à transmettre. Il certifie que le Fils de Dieu est venu dans le monde, qu'il est mort et qu'il est ressuscité. Il affirme aussi que le Christ est le premier-né d'un nouveau monde, le Royaume, destination des êtres humains après leur mort. Les chrétiens et les chrétiennes auront donc intérêt à s'inspirer de cet exemple donné par celui qui avait reçu de Jésus les clefs du Royaume.

    La prédestination

         Depuis les débuts de l'Église, une question cruciale anime les débats : est-ce que l'être humain joue un rôle dans la dynamique du salut?  Un texte comme l'Évangile de cette célébration qui prétend que la venue du Messie était planifiée par la Trinité et que l'Ancien Testament reflète cette volonté peut causer problème aux baptisés de la génération élevée dans une culture individualiste et scientifique. La doctrine de la prédestination cristallise les discussions encore actuelles autour de la relation entre la grâce divine et la liberté humaine. Deux positions extrêmes existent face à cette question. Certains, comme le moine Pélage au 5ième siècle, soutiennent que l'être humain peut se sauver par sa seule volonté. D'autres, comme le réformateur Jean Calvin et saint Augustin, soutiennent que les gens n'ont aucun rôle dans leur salut. Dieu décide d'avance qui sera sauvé et qui sera condamné. La Trinité prédestine les personnes. Calvin soutient même que les condamnés, malgré le bien qu'ils feront, resteront condamnés. Il faut préciser que le réformateur a structuré sa pensée en réagissant aux excès qui pouvaient laisser croire que l'être humain pouvait assurer son salut en achetant des indulgences à l'autorité romaine. Le magistère catholique ne partage pas ces deux positions. Il soutient que Dieu ne condamne pas les gens d'avance. L'être humain a toujours le choix entre le bien et le mal, même s’il est destiné à entrer dans le royaume ou le monde nouveau de Dieu.

     

    Benoît Lambert, bibliste

     

    Source: Le Feuillet biblique, no 2272. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    Source www.interbible.org

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  • Mystérieuse présence

    appel des disciples Jésus apparaît à ses disciples : Jean 20, 19-31
    Autres lectures : Actes 2, 42-47; Ps 117(118); 1 Pierre 1, 3-9

     

    Comment se fait-il que les disciples, témoins des manifestations du Ressuscité, ne reconnaissent jamais Jésus d’emblée? Les récits évangéliques d’apparition de Jésus ressuscité, avouons-le, revêtent un caractère mystérieux. Mystérieux car raconter la résurrection, pour les évangélistes, relève du tour de force. Comment, en effet, raconter l’indicible? Comment traduire l’expérience extraordinairement singulière des témoins oculaires du troisième jour?

         Il s’agit pour eux de tenir ensemble deux facettes du mystère de la résurrection : l’altérité et la continuité. Altérité, car la façon d’être présent au monde de Jésus est toute autre que celle qu’avaient jusqu’à maintenant expérimentée les disciples, marchant avec lui en Palestine. Continuité, car c’est bien le même homme, Jésus, qui se manifeste à eux, celui qui est mort devant eux sur le Golgotha et non pas un fantôme, ou un pur esprit divin.

         Ainsi, dans le récit de ce dimanche, Jean nous dit l’altérité de la présence de Jésus par la manière toute nouvelle qu’il a d’entrer dans la maison verrouillée et par le retard des disciples à le reconnaître. La continuité, quant à elle, est traduite par l’insistance de tout l’épisode à montrer ou à faire toucher les plaies de sa crucifixion. La résurrection n’a pas fait disparaître l’humanité de Jésus, il porte les empreintes de son histoire; c’est bien l’homme-Jésus qui se manifeste à eux, à nouveau vivant, mais d’une autre façon.

    De dimanche en dimanche

         Deux des quatre manifestations du Ressuscité racontées par Jean nous sont donc servies en ce dimanche. Remarquez combien l’auteur insiste sur le moment de ces apparitions lors des trois premières. Celle à Marie Madeleine : Le premier jour de la semaine 1, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin… (Jn 20,1); celle aux disciples en l’absence de Thomas : Ce même soir, le premier jour de la semaine, les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient… (Jn 20,19) et enfin, aux disciples en présence de Thomas : Huit jours plus tard 2, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux (Jn 20,26).

         Pourquoi une telle insistance de Jean sur le premier jour de la semaine? Vous me direz peut-être, « parce que c’est ce qui s’est passé historiquement ». Certainement! Du moins, avec Jean, les trois autres évangélistes rapportent une manifestation du Ressuscité à Marie-Madeleine le premier dimanche suivant le vendredi du calvaire 3. Mais pourquoi, celle en présence de Thomas n’a lieu que huit jours plus tard, donc le dimanche suivant? En raison de ce qu’évoque l’expression « premier jour de la semaine » pour les chrétiens de la fin du premier siècle à qui l’évangéliste s’adresse, expression directement associée au rassemblement liturgique que l’on fait en mémoire de Jésus depuis qu’il est sorti vivant du tombeau.  De ne réserver les manifestations du ressuscité qu’au dimanche est la manière pour l’évangéliste de dire, en somme, à sa communauté : « N’en doutez pas! Lorsque nous sommes rassemblés en mémoire de lui chaque premier jour de la semaine pour la fraction du pain, le ressuscité se rend tout aussi présent à nous qu’aux témoins de la première heure ». La béatitude que sert Jésus à Thomas en finale de notre évangile, Heureux ceux qui croient sans avoir vu, renforce cette idée d’un évangéliste soucieux de soutenir la foi de sa communauté en la présence réelle de Jésus en ces rassemblements, une communauté qui, quelque soixante ans plus tard, pouvait être envieuse des témoins oculaires du Ressuscité.

    Une nouvelle création

         Si, par l’utilisation des expressions « premier jour de la semaine » ou « huitième jour », l’évangéliste fait appel au rassemblement liturgique des premiers chrétiens, peut-être suggère-t-il également qu’une nouvelle création est inaugurée par la résurrection du Christ? En effet, bibliquement, on le sait, une création est l’affaire d’une semaine (6 jours de création, un jour de repos; voir le premier récit de création en Gn 1,1-2,4).

         Un nouveau « premier jour de la semaine » pourrait donc évoquer le début d’une nouvelle création. À preuve que c’est bien là l’intention de l’évangéliste : ici, le Ressuscité se comporte en créateur, en soufflant sur ses disciples, tout comme Dieu avait soufflé autrefois dans les narines de l’homme modelé de poussière pour qu’il devienne un être vivant (voir le second récit de création en Gn 2,7). En faisant poser ce geste au Ressuscité, l’évangéliste n’est-il pas en train de nous dire deux choses? Premièrement, il affirme la divinité de Jésus en lui faisant poser un geste réservé au Dieu créateur. Deuxièmement, il suggère que l’homme est recréé par la résurrection du Christ 4. La première création de l’homme se trouvait en effet, bibliquement parlant, dans une impasse. On se rappelle le récit : en conséquence de sa première désobéissance, le premier souffle de vie insufflé dans les narines d’Adam dût lui être repris, faisant de lui un être mortel comme toute créature terrestre (voir Gn 2,17 et 3,19). L’humanité avait donc besoin d’être recréée pour aspirer à la vie en plénitude. Voilà qui se réalise par la résurrection du Christ qui brise la mort. Le souffle de celui qui a vaincu la mort, de celui qui donne le pouvoir de remettre les péchés, ce souffle, l’Esprit Saint, une fois donné, ne peut plus être repris, il fait vivre éternellement, il fait l’homme nouveau. Remplis de cet Esprit Saint, les disciples sont donc envoyés en mission par le Christ pour témoigner de cette paix de Dieu, de ce pardon, source de vie (Jn 20,23.31).

    Une grande profession de foi

         On a souvent injustement fait de Thomas, dans la prédication de l’Église ou la piété populaire, l’icône de l’incrédulité coupable! Et pourtant, en relisant entièrement le quatrième évangile, on ne trouve pas plus belle et plus parfaite profession de foi que celle qui sort de la bouche de ce dernier. Ce que le lecteur de l’Évangile savait déjà depuis le Prologue théologique, à savoir que Jésus est Seigneur et Dieu, c’est à ce pauvre Thomas, que Jésus poursuit de son amour, qu’est donné l’insigne honneur de le dévoiler à ses condisciples. Belle preuve d’une Miséricorde qui veut, pour tous, que nous ayons la vie en son nom.

    ____________________

    1 Évidemment, le dimanche.

    2 Selon la manière biblique de compter les jours, aujourd'hui comptant pour le jour un , « huit jours plus tard » nous emmène donc au dimanhe suivant.

    3 C'est pourquoi le dimanche est devenue le « Jour du Seigneur ».

    4 Que la venue du Christ soit source d'une nouvelle création est une idée chère à Jean, récurrente dans tout son évangile. Le quatrième évangile commence d'ailleurs par les mots Au commencement, les mêmes mots grecs qui débutent la Bible par le récit de la création.

     

    Patrice Bergeron, prêtre

     

    Source: Le Feuillet biblique, no 2271. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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  • L'image de Dieu - première esquisse

    http://ekladata.com/pAhaZjDQdYigcbuENi3HCBR6V18.jpgL’image de Dieu qui ressort de ces chapitres est ambiguë. Dieu apprécie la vertu de Job (cf. 1,8) mais il est prêt à relever le défi lancé par le Satan pour éprouver cette vertu : Job sert-il Dieu de manière désintéressée, oui ou non? Que Dieu consente à une telle expérience, dont Job fera les frais sans le savoir, soulève la question de sa justice et du soin qu’il prend des humains.

         Le Dieu du prologue s’appelle tantôt Élohim (1, 1.5.6.8.9 etc… ) tantôt Yahvé (1, 6.7 bis.8.12 bis etc…). Il n’est pas facile de discerner un critère qui présiderait au choix du nom divin. Il est vraisemblable que l’auteur a voulu imiter le style du Pentateuque pour donner une allure archaïque à sa composition. Par ailleurs, il faut remarquer que Job, habitant du pays de Uç, donc étranger à Israël, emploie le nom de Yahvé et le reconnaît comme son Dieu (cf. 1,21). Cette reconnaissance de l’universalité de Yahvé situe la composition du récit, dans sa forme actuelle, à une époque relativement récente, clairement après l’Exil.

    Les autres personnages du prologue

         Le deuxième personnage de cette histoire est le Satan. Le mot n’est pas un nom propre, il dérive de la racine qui signifie : accuser. Ce personnage fait partie des fils de Dieu, c’est-à-dire qu’il appartient à la cour céleste. Il fait le lien entre les deux plans où se déroule l’histoire puisqu’il vient aussi sur la terre pour s’y promener (cf. 1,7; 2,2). Son rôle consiste à mettre en doute l’intégrité de Job et le caractère désintéressé de sa piété. Apparemment il réussit à insinuer un doute dans l’esprit de Dieu qui consent à soumettre Job à une épreuve terrible. Ayant ainsi déclenché la crise dont va naître tout le drame, il disparaît complètement de la scène.

         L’épouse de Job fait une brève apparition (2,9). Alors que le Satan avait agi dans les coulisses sans jamais affronter Job en face, sa femme joue le rôle de tentatrice. Elle suggère à son mari de renoncer une fois pour toutes à sa justice puisque cette conduite ne paie pas; aussi bien abandonner tout de suite la partie et se résigner à la mort. Cette intervention fait entendre la voix de tous ceux qui se laissent emporter par la souffrance. Le personnage de l’épouse réapparaît en 19,17 : Job se plaint d’être devenu pour elle un objet de dégoût. Par ailleurs, elle ne joue aucun rôle dans la suite de l’action. Dans l’épilogue, on suppose qu’elle est la mère de la nouvelle famille de Job (42,13).

    L’épilogue – les liens avec le poème

         Il est évident que Job 42, 10 pourrait faire suite immédiatement à Jb 2, 10. La fidélité de Job dans ses épreuves se trouve récompensée selon les critères de la théologie traditionnelle et l’histoire connaît une fin heureuse comme tout conte qui se respecte. Il est probable que l’histoire de Job s’est transmise – oralement ou déjà par écrit – sous cette forme durant une assez longue période. C’est à elle que se réfèrent implicitement Ézéchiel et Jacques. Cependant le texte que nous connaissons a dû être rédigé pour servir de cadre au grand poème qui constitue la partie principale du livre actuel (3,1 à 42,6). Même si on ne retrouve, dans ces chapitres, aucune allusion aux événements racontés dans le prologue, le contenu du texte suppose leur existence. La partie du livre écrite en vers n’a jamais dû exister seule sans l’introduction et la conclusion que nous connaissons.

         Le raccordement entre l’introduction et le poème, de même qu’entre celui-ci et la conclusion, se fait par deux petites sections en prose concernant les trois amis qui vont devenir les protagonistes du débat (2, 11-13 et 42, 7-9). Leur apparition, à la fin du prologue, permet de passer à la partie principale du livre qui n’est pas un véritable dialogue, comme le serait une pièce de théâtre, mais une succession de discours qui se répondent d’une manière assez lâche.

    Job et ses amis

         Avant d’aborder le cœur du livre, faisons connaissance avec les personnages et leur environnement.

         Job est déjà connu grâce au prologue. L’étymologie de son nom n’est pas certaine mais il se pourrait que ce nom, qui n’est porté par aucun autre personnage biblique, signifie le mal aimé. Il habite au pays de Uç qu’on situe habituellement au sud-est d’Israël, quelque part au sud de la Jordanie ou au nord de l’Arabie saoudite. Le prologue décrit ses grandes richesses (1,3) et, dans son discours de conclusion, il rappelle lui-même l’importance qui était la sienne avant sa déchéance (29, 1-20).

         Éliphaz vient de Téman. Son nom signifie mon Dieu est or pur. On trouve un Éliphaz fils d’Ésaü (donc arrière-petit-fils d’Abraham) en Gn 36; Téman est mentionné comme un de ses fils (Gn 36,15). Ces quelques indications nous amènent dans la même région, au sud-est de la mer Morte.

         Le nom de Bildad signifie vraisemblablement Bel (divinité babylonienne) a aimé. Il vient de Shuah. Les sources extra bibliques mentionnent un territoire de ce nom le long de l’Euphrate; sa population était d’origine araméenne.

         Sophar ( bélier) habite Naamat. Il existe plusieurs endroits de ce nom qui signifie lieu agréable. On trouve un Naamat en pays édomite mais on en connaît aussi en territoire de  Juda et de Benjamin.

         Le drame se déroule quelque part dans un pays lointain; les allusions aux Édomites rappellent que leur sagesse était réputée. L’auteur ne fournit aucune indication sur la condition sociale des trois amis. Élihu, au début de ses discours, dira qu’ils sont des anciens (32, 6). Certains commentateurs se sont plus à décrire leur caractère à partir de leurs propos, même à essayer de décrire leur condition sociale. Ce genre d’exercice révèle davantage la capacité d’imagination de ses auteurs qu’il n’aide à éclairer la signification du livre.

     

     

    Jérôme Longtin, prêtre

    Source www.interbible.org

     

    Chronique précédente :
    Le livre de Job - Présentation du livre


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  • Le fils de l’homme : l'utilisation de lexpression par Jésus et l'Église

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         À partir des trois observations qui précèdent, la question du fils de l’homme trouve un certain éclairage. Si les textes réservent l’expression à Jésus, c’est qu’il s’agissait pour lui d’un langage caractéristique. C’était, pour ainsi dire, son bien propre. Le Nouveau Testament adopte la même attitude en ne mentionnant aucune entreprise missionnaire des premiers chrétiens en Galilée, qui avait été le territoire d’activité de Jésus. Il en va de même de l’expression Régime (Règne) de Dieu, que les premiers chrétiens utilisent très peu après lui. Il y avait des réalités qui étaient proprement les siennes, et qu’on avait tendance à lui laisser. Fils de l’homme en faisait éminemment partie.

     

         Que voulait-il dire par là? Pourquoi la distinction? C’est qu’en vérité il ne parlait pas de lui-même quand il utilisait l’expression fils de l’homme. Il parlait du juge à venir. Il en référait au futur jugement de Dieu. Quand il faisait face à des refus répétés, quand le mur d’incompréhension s’élevait, impossible à faire tomber, l’expression fils de l’homme était son dernier mot. Il quittait les autres là-dessus. Il leur donnait rendez-vous au jugement. On allait bien voir alors de quel côté le fils de l’homme se retrouverait. Sa conviction était que le fils de l’homme prendrait parti pour lui et les siens, contre ses adversaires.


         Assez vite après sa mort, à la suite de la naissance de la foi, les chrétiens se sont rendus compte que le sens même de la résurrection indiquait le jugement positif de Dieu sur l’événement Jésus. Il était évident pour eux qu’il ne se présenterait pas un autre personnage que Jésus, au jugement, pour se prononcer en sa faveur, mais que c’est lui-même qui agirait comme fils de l’homme pour exprimer le jugement de Dieu. À partir de cette réflexion, tout en préservant les traditions dans lesquelles s’exprimait la distinction typique de Jésus entre lui-même et le personnage chargé d’exercer le jugement, les premiers chrétiens n’ont pas hésité à former plusieurs paroles dans lesquelles ils l’identifiaient au fils de l’homme : lui qui devrait monter à Jérusalem pour y souffrir et mourir, lui qui n’avait pas d’endroit où reposer la tête, etc.  Le travail a été intense. Mais on a toujours pris grand soin de toujours mettre l’expression fils de l’homme dans la seule bouche de Jésus. C’était une façon de parler qui le caractérisait et qu’on a voulu respecter.

         On ne peut trop souligner l’importance de cette expression pour comprendre la mentalité du Nazaréen.

    André Myre

    source www.interbible.org


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