• Une foi enracinée dans les Écritures


    Moise et les prophètes Jésus et la Loi : Matthieu 5, 17-37
    Autres lectures : Siracide 15, 15-20; Psaume 118(119); 1 Corinthiens 2, 6-10

     

    C’est ainsi que votre lumière doit briller aux yeux des hommes pour qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père céleste (Mt 5, 16). Ainsi se terminait le passage d’évangile proposé pour la liturgie de dimanche dernier. Après avoir exhorté ses disciples à faire les œuvres qui glorifieront Dieu, le Jésus de Matthieu, en ce 6e dimanche du temps ordinaire, leur rappelle que la norme de ces œuvres est l’Écriture (v. 17), particulièrement la Loi (v. 18), plus concrètement encore ses préceptes ou commandements (v. 19).  Les chapitres 5 à 7, dont on retrouve de larges extraits du 4e au 10e dimanche, constituent la première des cinq grandes instructions qui forment la trame essentielle de l’Évangile de Matthieu, un évangile qui illustre d’une façon éloquente les origines, les racines juives de la foi chrétienne.

         D’aucuns disent que l’Évangile de Matthieu aurait été rédigé par un scribe devenu chrétien. On va même jusqu’à supposer qu’un collectif de scribes devenus chrétiens en serait l’auteur. Ces remarques devraient nous aider à entrer dans la compréhension de l’Évangile de Matthieu qui est à la base de cette année liturgique. Le Jésus de Matthieu, faut-il le rappeler, nous est présenté comme un Juif fidèle, bien enraciné dans la foi juive, laquelle nous est exposée comme étant à la fois le fondement et le tremplin de la foi chrétienne. En fait, dès les débuts du christianisme il a été reconnu que sans l’apport de l’Ancien Testament, la foi chrétienne ne peut pas s’expliquer. Aujourd’hui on a tendance à remplacer l’appellation  « Ancien Testament » par celle de « Premier Testament », exprimant par là toute sa pertinence pour la compréhension de la foi chrétienne.

         Rédigé définitivement en Syrie vers la fin de l’âge apostolique, soit entre l’an 80 et 100, dix ou vingt ans après la destruction de Jérusalem par les Romains, cet évangile présuppose une longue période de foi, d’enseignement, d’expériences communautaires heureuses ou malheureuses. Composées de Juifs et de personnes issues du paganisme, ces premières communautés chrétiennes avaient pour fondement la personne de ce Jésus de Nazareth qui avait appuyé son enseignement, ses faits et gestes, toute son existence sur la personne de Dieu tel que révélé dans le Premier Testament. Pour bien comprendre et approfondir ce qu’il avait enseigné et fait, les chrétiens des premières communautés se devaient, comme on le fait encore aujourd’hui, d’ouvrir largement les livres du Premier Testament.

    Ne pensez pas que…

         Ne pensez pas que… C’est avec cette expression que Jésus poursuit un discours entamé au 4e dimanche de notre liturgie. Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes. Ce verset 17, contient en condensé les versets qui suivent et peut-être finalement tout l’évangile. Le verbe grec qui ouvre cette phrase décrit une erreur, un malentendu. Il peut se traduire par « n’allez pas estimer que », « n’allez pas vous figurer que ». Il peut être une allusion à une erreur qui circulait sur l’enseignement de Jésus.

         Je suis venu désigne la mission dont Jésus a été chargé par Dieu. Quant au verbe « abolir », il est très fort. Il peut être traduit par « détruire », « démolir ». Il ne désigne pas une réfutation théorique de la loi mais une activité propre à soustraire ou libérer les hommes de son autorité, ici, celle de « la Loi ou les prophètes », ce qui signifie à toutes fins pratiques la presque totalité du Premier Testament.

         Le verbe « accomplir » terminant la phrase a comme premier sens : « remplir ». L’image d’un verre qu’on remplit à ras bord peut nous aider à comprendre. Fidèle à la foi de ses ancêtres, Jésus a emmenée cette foi juive à son ultime perfection. Les trois versets suivants (vv. 18, 19, 20) ne sont ni plus ni moins qu’un commentaire ou une explicitation de ce verset 17.

    Eh bien, moi je vous dis… 

         Après cette introduction, suivront six points de la Loi. Sans doute, ces points faisaient-ils l’objet de discussions au temps de Matthieu. Le texte de ce dimanche s’arrête après le quatrième point, réservant les deux derniers pour dimanche prochain. Ces six points sont présentés avec la formule : «  Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens […] eh bien moi, je vous dis », toujours la même. Ce procédé en facilite la mémorisation. L’écoute étant à la base de la foi juive, il serait plus exact de traduire par « vous avez entendu, ou écouté », le « il » étant Dieu et les « anciens » ou « ancêtres » étant les pères du peuple, ceux qui ont reçu la Loi et ses premiers commentaires. En fait le terme « anciens » ne revient que deux fois dans la formule six fois répétée alors que eh bien, moi je vous dis revient intégralement dans les six répétitions, faisant écho au en vérité, je vous le dis du verset 18. Ainsi l’affirmation sept fois répétée serait une façon pour Matthieu qui aime la symbolique des chiffres d’exprimer l’autorité incontestable de Jésus qui remplace progressivement celle des anciens nommés deux fois seulement. La conjonction qu’on a rendue par « eh bien » peut aussi bien se traduire par « mais », ou « or », ou « et » selon l’interprétation que l’on donne au texte. Cette formule est-elle le reflet du souci de conduire autant les Juifs que les chrétiens vers le plein accomplissement de la Loi ? La conjonction devra alors être rendue par « or » ou « et ». Témoigne-t-elle de polémiques qui sévissaient entre la synagogue et la communauté chrétienne au moment de la rédaction de l’évangile ? La conjonction sera alors rendue par « mais ».

    Quatre repères pour la foi chrétiennes

         S’appuyant sur quatre repères de la foi juive,  Mt 5, 21-37 invite les convertis, et nous à leur suite, à aller plus loin. Connaissant le plan de Dieu sur le monde, les disciples de Jésus sont invités à remonter aux origines de ces repères donnés aux anciens. C’est comme s’ils participaient avec le Créateur à l’élaboration des principes directeurs de la création pour qu’elle atteigne sa pleine maturité. À l’origine de la Parole tu ne commettras pas de meurtre rappelé au verset 21, se cache le projet du Créateur désireux d’emmener tous les humains à vivre en harmonie les uns avec les autres.

         Cette harmonie doit d’abord se vivre là où la vie humaine prend sa source, d’où les deux interdits l’un de l’adultère et l’autre du divorce traités aux versets 27 à 31. S’en tenir au rappel de ces balises ne suffit pas. À la limite, la stricte obéissance à la lettre de la loi  peut être une forme d’esclavage. Se référant à cette balise, le disciple de Jésus, tout comme le Juif fidèle est appelé à  aller plus loin que la lettre en vérifiant le type de regard qu’il porte sur la femme, sachant qu’un regard chargé de convoitise ne peut que la réduire à l’état d’objet, ce qui est contraire au plan du Créateur révélé au début du livre de la Genèse.

         Après l’interdiction de l’adultère et du divorce, l’interdiction de faire des serments arrive à point nommé. Car, qu’est-ce que le serment si ce n’est une béquille ajoutée à une parole prononcée. Et pourquoi une parole prononcée a-t-elle besoin de s’appuyer sur une béquille ? Les disciples de Jésus sont invités à retrouver le plan d’origine du Créateur pour qui le langage a été fait pour créer la communion entre les êtres reconnus comme égaux entre eux et non pour tendre des pièges qui ne peuvent que conduire à la division et à la domination des uns sur les autres.

     

    Claude Julien, F.CH.

     

    Source: Le Feuillet biblique, no 2260. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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    Le goût du risque le-quetteur.gif


    Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent (Matthieu 4, 20).

    Les personnes qui font de l'alpinisme, du saut en parachute, de la course automobile, ou d'autres loisirs casse-cou du même genre passent souvent pour des gens un peu fous. Vaut-il la peine de risquer sa vie aussi inutilement? Le goût du risque et le désir de se dépasser doivent-ils vraiment aller aussi loin?

     

      La disparition tragique, de Michel Trudeau, le fils de l'ancien premier ministre, a ramené sous les projecteurs le mode de vie dangereux de ceux qu'on appelle les ski bums, ces skieurs qui s'éclatent sur les grands massifs montagneux, en dehors des sentiers battus, loin des grandes stations de ski.

     

      Pour les ski bums, le silence de la montagne constitue un refuge, l'une des dernières zones de liberté et d'aventure, une frontière sur l'absolu, selon les puristes.

     

      Par ailleurs, en janvier 97, les médias ont beaucoup parlé de Gerry Roufs, ce skipper montréalais qui est disparu en mer lors de la course de voiliers sans escale « Vendée Globe ». Après de longues recherches, il n'a toujours pas été retrouvé. Il faut être un peu fou pour aller risquer sa vie dans les grands océans, sur une petite coquille de noix, pour une simple course.

     

      Dans une entrevue qu'accordait la conjointe de Gerry Roufs, Michèle Cartier, une femme d'origine québécoise, celle-ci reconnaissait que ce n'est pas facile d'être la femme d'un marin et que ceux-ci sont généralement égoïstes, concentrés qu'ils sont sur leur passion. Mais ça faisait 12 ans qu'elle partageait les difficultés de Gerry en mer et elle y était un peu habituée. « On n'empêchera jamais les gens d'aller au bout d'eux-mêmes », disait-elle (Le Soleil, 22 novembre 1998, Le Droit, 25 janvier 1997).

     

    LIEN: Il fallait que Simon, André, Jacques et Jean soient un peu fous pour abandonner leur métier, leurs familles, leur sécurité, et suivre ce drôle de prophète qui racontait des petites histoires, qui parlait du Royaume de Dieu et d'amour fraternel, et qui remettait en question l'ordre établi. Ça ne faisait pas très sérieux. Il y a des choses tellement plus utiles à faire pour la société. Mais les premiers disciples n'ont pas pu résister à cet appel à aller au bout d'eux-mêmes, cet appel à atteindre, et même à dépasser, les frontières de l'absolu. C'était plus fort qu'eux.

     

      Le Seigneur lance à notre coeur ce même appel pressant à le suivre sur le chemin aventureux de la miséricorde et du don de soi, un chemin qui n'est pas sans risques, mais qui conduit à la plénitude de la Vie.

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  •  Le défenseur du droit (1 Rois 21)                              Élie le prophète (5/6)


    Élie Jusqu’à maintenant nous avons vu le prophète Élie se comporter comme le serviteur jaloux du Seigneur et le défenseur de la religion yahviste menacée par la promotion des cultes cananéens importés par la reine Jézabel, l’épouse  du roi Achab, originaire de Sidon. À travers ce ministère prophétique, Élie se révèle comme un homme qui entre en dialogue avec Dieu, capable de discuter avec lui comme se parlent deux amis. Cet aspect de sa spiritualité le situe dans la tradition des grands témoins de Dieu comme Abraham et Moïse.

         La défense de la religion yahviste ne se réduit pas au seul aspect spirituel. Elle comprend aussi une dimension sociale, notamment l’obligation de respecter le droit et la justice à l’égard du pauvre. On reconnaît ici la seconde table du décalogue : les devoirs envers le prochain. L’épisode de la vigne de Naboth, en 1 Rois 21, 1-29, nous montre Élie s’opposer énergiquement au meurtre par le roi de ce paysan qui n’avait pas voulu lui céder sa vigne. Les premiers versets nous mettent en situation :

         Naboth, de la ville de Yizréel, possédait une vigne à côté du palais d’Achab, roi de Samarie. Achab dit un jour à Naboth : « Cède-moi ta vigne ; elle me servira de jardin potager, car elle est juste à côté de ma maison ; je te donnerai en échange une vigne meilleure, ou, si tu préfères, je te donnerai l’argent qu’elle vaut. » Naboth répondit à Achab : « Que le Seigneur me préserve de te céder l’héritage de mes pères ! » Achab retourna chez lui sombre et irrité, parce que Naboth lui avait dit : « Je ne te céderai pas l’héritage de mes pères. » Il se coucha sur son lit, tourna son visage vers le mur, et refusa de manger (1 Rois 21, 1-4).
    La part d’héritage de Naboth

         La demande d’Achab nous montre un roi dont l’avidité n’a pas de limite. Achab est un riche propriétaire foncier. Il est présenté ici, non comme le roi d’Israël mais comme le roi de Samarie, laissant ainsi entendre qu’il est le propriétaire de la ville qu’il a reçue en héritage de son père Omri. Ce dernier avait acheté la montagne de Shemer : Il acheta le mont de Samarie à Shemer, au prix de deux lingots d’argent. Il fortifia la montagne et donna à la ville qu’il avait bâtie le nom de Samarie, du nom de Shemer, le maître de la montagne (1 Rois 16, 2). Achab possédait aussi une somptueuse résidence à Yzréel, voisine sans doute de la vigne de Naboth. C’est là que le roi s’était enfui loin d’Élie après le sacrifice du Carmel et le massacre des prophètes de Baal (1 Rois 18, 45-46).

         En refusant de céder sa vigne au roi, Naboth se montre audacieux. L’attachement de Naboth à la terre de ses pères n’est pas que sentimental. La note de la TOB parle d’une fidélité « théologale » à la part du pays que le Seigneur avait confiée au clan de Naboth : Ainsi les parts d’héritage des fils d’Israël ne passeront pas d’une tribu à l’autre. En effet, chacun des fils d’Israël restera attaché à l’héritage de la tribu de ses pères  (Nombres 36, 7). Cette propriété foncière « fondait le droit de cité de son propriétaire, tandis que le fait de recevoir une autre terre de la main du roi l’aurait mis dans une situation de dépendance accrue à l’égard de celui-ci ».

         Devant le refus de Naboth, la reine Jézabel organise un procès où les Anciens d’Yzréel, convaincus par de faux témoins soudoyés par la reine, condamneront Naboth à mort pour avoir maudit le Seigneur et le roi. Après la mort de Naboth, Élie est envoyé par le Seigneur auprès d’Achab pour lui révéler son péché : Tu lui diras : « Ainsi parle le Seigneur : Tu as commis un meurtre, et maintenant tu prends possession. C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur : À l’endroit même où les chiens ont lapé le sang de Naboth, les chiens laperont ton sang à toi aussi » (1 Rois 21, 19). Achab échappera au châtiment à cause de son repentir et en faisant pénitence : Quand Achab entendit les paroles prononcées par Élie, il déchira ses habits, se couvrit le corps d’une toile à sac ; et il jeûnait, il gardait la toile à sac pour dormir, et il marchait lentement (1 Rois 21, 27).

     Yves Guillemette, ptre

    Yves Guillemette, ptre

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    Le carrefour des païens

    Première prédication de Jésus : Matthieu 4, 12-23
    Autres lectures : Isaïe 8, 23b - 9, 3; Psaume 26(27); 1 Corinthiens 1, 10-13.17

     

    envoie en mission 1,0 Jésus déménage! De son village d’enfance dans les montagnes, Nazareth, il descend à Capharnaüm, sur la rive nord du lac de Galilée. Un bon huit heures de marche, paraît-il. Son nom veut dire « village de compassion », un nom tout à fait approprié à la mission que Jésus compte déployer à partir de cette bourgade. Voie navigable, le lac sert de pont géographique vers la Décapole, les dix villes païennes aux confins du territoire d’Israël. Si la Galilée était le « carrefour » des païens, Jésus, en s’installant à Capharnaüm, village frontalier en quelque sorte, où il y avait un poste de douane, choisit de plonger au cœur de la mêlée des ethnies, des cultures et des valeurs. L’homme de Nazareth ne va pas se réfugier dans sa judaïté : il expose plutôt sa foi sur la place publique, en territoire juif certes, mais au carrefour des nations…

         Jésus choisit de prendre la parole publiquement. Il se met à proclamer, à faire connaître à tous les passants un message. Il communique donc ouvertement une conviction, avec courage, avec audace, sachant que l’homme qui l’a baptisé est déjà en prison pour avoir indisposé le roi Hérode par ses paroles. Jésus livre un message assez énigmatique pour nous, lecteurs modernes : Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. Qu’est-ce que cette chose qu’un Royaume qui se déplace? Et à qui, à quoi ou pourquoi faudrait-il se convertir? Abordons une question à la fois.

    La terre et le ciel se rencontrent

         Si nous prenons l’expression « Royaume des cieux » au sens spatial, c’est comme si Jésus annonçait la venue du ciel sur terre. La séparation entre le haut et le bas va être abolie. Le ciel imposera sa logique sur terre. Cette dernière deviendra un lieu divinement habitable. Capharnaüm, « village de compassion » deviendra-t-il la porte du ciel sur terre? Ou serait-ce plus largement la Galilée, « carrefour des païens », qui serait le point de chute du ciel sur terre? Comment un pauvre territoire cosmopolite et frontalier pourrait-il revêtir une aussi grande importance?

    S’abandonner à la miséricorde de Dieu

         C’est là que l’appel à la conversion entre en jeu. Il faut « se retourner » (sens premier du mot conversion), se déplacer, changer de point de vue, pour voir les choses autrement. Bien évidemment, la conversion est affaire d’attitude dans la vie, affaire de disposition intérieure. Cela prend de l’humilité, de l’ouverture, un acquiescement à  remettre en question ses acquis, à changer de cap, en remettant sa destinée dans les mains de Dieu. La conversion exige la foi au sens de l’abandon de soi à la miséricorde de Dieu. Lorsque nous y parvenons, des choses étonnantes se produisent.

         Jésus invite ses voisins et les gens de sa région à en faire l’expérience. L’évangéliste nous dit qu’il parcourait à pied la Galilée et qu’il guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple. Sans doute le retour à la santé des malades de sa contrée était une bonne nouvelle, mais ces guérisons étaient rendue possibles par la foi, par la conversion des personnes, par le changement de leur regard sur Jésus, ses compagnons, leur village et leur région. Le « carrefour des païens » devenait le « carrefour des nations », là où Dieu révélait aux humains sa compassion et sa capacité à transformer les situations. De bourgade au bout du monde juif, Capharnaüm devenait le lieu où le ciel s’approchait de la terre et la transfigurait.

    Faire confiance à Jésus pour le suivre

         La foi de Jésus devait être contagieuse. Simon et André, Jacques et Jean en savent quelque chose. Approchés par Jésus, interpellés par lui, ils laissent là leurs filets de pêche, leurs barques, leur métier, leurs compagnons. Ils ne se voient plus comme des simples pêcheurs, mais bien comme des pêcheurs d’hommes. La conversion a eu lieu! Leur pauvre père doit avoir été terrassé de les voir partir ainsi, à l’aventure, dans une insouciance troublante, fascinés par les paroles et le pouvoir d’attraction de leur nouveau maître : ce Jésus de Nazareth, devenu maintenant Jésus de Capharnaüm. Bientôt il sera Jésus le Galiléen et ensuite Jésus le Christ. Sans trop le savoir, Simon et André, Jacques et Jean, par leur geste audacieux de tout quitter sur le champ pour suivre ce Jésus, sont entrés dans l’aube d’un jour nouveau pour Capharnaüm, la Galilée, le Judaïsme et les païens. Une lumière se lève à l’horizon. Le Royaume des cieux est tout proche. Et ils ont choisi d’y entrer.

         Nous connaissons la suite de l’histoire et l’émergence d’un christianisme deux fois millénaire. Mais aujourd’hui, le monde a changé de nouveau. Aux yeux de beaucoup, il redevient le carrefour des païens; Jésus est de plus en plus méconnu. Alors il n’en tient qu’à nous de nous laisser atteindre par le message bouleversant de ce Jésus en qui nous croyons : Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. Le carrefour des païens qui nous entoure se transformera en carrefour des nations. Et nous aussi, à notre façon, nous deviendrons pêcheurs d’hommes.

    La lumière d’un jour nouveau se lève
    Isaïe 8, 23b-9,3
    Il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée, carrefour des païens (Isaïe 8,23)

         L’évangéliste Matthieu a lui aussi vécu une conversion du regard. L’espérance du prophète Isaïe était de voir un jour libérées les tribus du nord d’Israël du joug des envahisseurs étrangers, en occurrence, les Assyriens. Pour ces tribus de Zabulon et Nephtali, l’oppression étrangère ressemblait aux ténèbres, à l’ombre et à la mort. Elle les couvrait de honte. L’avènement d’un roi libérateur serait comme le lever d’un jour nouveau, jour de réjouissances. En relisant ce passage d’Isaïe, Matthieu se rend compte que Jésus a couvert de gloire les bourgades de Galilée, le carrefour des païens, accomplissant de façon tout à fait inattendue l’espérance du prophète Isaïe. Sans couronne et sans armée, entouré de pêcheurs d’hommes, Jésus a brisé le joug qui pesait sur les épaules de ses compatriotes. Il a fait grandir la joie et diminuer la honte, prodiguant l’allégresse autour de lui. C’est lui, Jésus, la lumière qui devait se lever et que les gens ont accueillie avec foi.

    Annoncer l’Évangile d’abord et avant tout
    1 Corinthiens 1,10-13.17
    D’ailleurs, le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile (1 Corinthiens 1,17)

         Les chrétiens de Corinthe veulent aller aussi loin que possible dans leur cheminement spirituel. Chacun, chacune, cherche à trouver son maître personnel, son « modèle » dans la foi : pour les uns c’est Pierre, pour les autres, Paul, pour d’autres encore, il s’agit d’Apollos. L’Apôtre des Nations leur rappelle que la seule chose qui compte vraiment, c’est l’annonce de l’Évangile, sur les routes, les ports et les carrefours.

     

    Rodolfo Felices Luna, Bibliste

    Source www.interbible.org

     

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  • Myriam et la libération d’Israël

    Myriam.jpg

    Myriam
    Gertrude Crête, SASV
    encres acryliques sur papier, 2000
    (photo © SEBQ) 

    Dans le Premier Testament, un trio a marqué les événements de l’Exode. Il s’agit de Moïse, Myriam et Aaron. L’étymologie du nom de Myriam apparaît fort complexe et peut se relier étroitement à la mission de Moïse, qu’il s’agisse de l’enfant bien-aimé ou souhaité ou bien d’une allusion aux eaux.

         Quoi qu’il en soit, le personnage de Myriam représente une figure fondatrice d’Israël. L’importance de son rôle peut se laisser deviner puisqu’elle est mentionnée dans les généalogies (Mi 6,4; 1 Ch 5,29). Dans une société patriarcale, il est exceptionnel que des femmes soient nommées dans des généalogies. Cela indique, en particulier pour une femme, qu’elle a marqué l’imaginaire populaire.

         D’ailleurs la mention des trois noms des leaders d’Israël n’est pas innocente. Elle dévoile que Moïse n’est nullement isolé dans son œuvre de libération. Celle-ci est d’abord une action collective plutôt qu’individuelle :

    La fonction de ces noms [comporte] au moins trois directions de sens : celle de signifier que le Dieu des Hébreux s’exprime par les actions d’hommes et de femmes; celle de garder de l’idolâtrie (et de l’égolâtrie) chacun des trois leaders, en marquant sa place de frère ou de sœur d’un autre, homme ou femme, et de plus en les situant comme des pairs; enfin de souligner que, au-delà de cette collaboration humaine, l’organisateur de la délivrance et celui qui en donne la force, c’est Yahvé, et non pas Moïse, comme une partie de la tradition ultérieure pourrait nous le laisser entendre par son insistance sur ce nom. Non seulement Moïse n’était pas seul mais, parmi les trois, il y avait une femme. Le projet de salut originaire n’évince donc pas les femmes, même au niveau des leaders [1].

    Le sauveur sauvé par une femme

         Ce rôle prépondérant débute dès la naissance de Moïse. En effet, dans le récit d’Exode 2, il est intéressant d’observer le rôle de Myriam. À la suite d’un ordre du pharaon, tous les enfants mâles sont exécutés en les jetant au fleuve (Ex 1,22). Si la mention de la sœur de Moïse en Ex 2,1 correspond à Myriam [2],  le futur libérateur d’Israël est sauvé des eaux par sa sœur qui, par une discussion avec la fille du pharaon, dirige le nouveau-né vers une nourrice qui n’est autre que la propre mère de Moïse!

    Une prophétesse à l’œuvre

         Myriam est surtout connue pour son hymne chanté à la gloire de Yahweh (Ex 15,20-21). Au verset 20 de cet hymne, Myriam est explicitement considérée comme une prophétesse au même titre que son frère Aaron (Ex 7,1). À ce titre, elle révèle le sens profond de la sortie d’Égypte. Il s’agit bien plus que d’une simple fuite. C’est plutôt la mise au monde d’un nouveau peuple qu’Aaron, Moïse et Myriam ont contribué à faire naître. En d’autres termes, Moïse, Aaron et Myriam constituent de véritables sages-femmes pour Israël.

         De plus, il s’avère important de mentionner que dans cet hymne, Myriam saisit l’initiative sans demander une autorisation à ses frères. Elle crée son propre langage et regroupe un chœur féminin. Ce qui dans le contexte, indique qu’elle jouit d’une grande liberté par rapport aux conventions sociales de l’époque.

    La « châtiment » subie par Myriam

         Dans le livre des Nombres, au chapitre 12, le personnage de Myriam est au centre d’une controverse. Elle et Aaron ont récriminé contre Moïse parce que ce dernier a épousé une femme étrangère. Selon une lecture traditionnelle, Yahweh punit Myriam pour avoir osé questionner les décisions et gestes de son frère Moïse. Elle contracte la lèpre et doit se purifier pendant sept jours afin d’être réadmise au sein de la communauté. De facture sacerdotale, ce passage biblique ne dit aucun mot quant à un quelconque châtiment destiné à Aaron. Est-il possible que des rédacteurs de la tradition sacerdotale aient omis volontairement une mention du châtiment d’Aaron afin de ne pas l’associer à une femme? Cela peut apparaître plausible dans le contexte d’une relecture sacerdotale.

         Une autre interprétation du texte s’avère possible. Il s’agit de centrer l’attention non sur le personnage de Moïse, mais sur les motifs de récrimination. Dans cette perspective, il est possible de voir la maladie de Myriam non comme un châtiment, mais comme un processus de transformation et d’ouverture à l’altérité. En effet, elle découvre que d’autres peuples peuvent être associés au salut d’Israël et devenir membre de la même famille. C’est ainsi qu’il est possible de réinterpréter ce passage : il inviterait plutôt à l'ouverture, à l'accueil de l'altérité et à la solidarité avec toute personne peu importe son appartenance ethnique, sociale, religieuse ou de genre [3].

    Une figure inspirante pour aujourd’hui

         Par son exemple, son courage et sa détermination, Myriam représente une figure toujours inspirante pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui. Certes, à la différence de son époque, nos esclavages sont plus subtils. Au cœur d’un monde désormais globalisé, elle nous rappelle qu’il importe de quitter l’esclavage du sexisme pour créer un monde nouveau où l’égalité, la solidarité et la vie sont au cœur des relations interpersonnelles.

         Cette pâque se déroule déjà sous nos yeux. Au moment où notre monde vit des transformations majeures où les représentations, les relations et les images changent radicalement, la figure de Myriam révèle que la liberté, la création et l’accueil de l’inédit sont toujours porteurs de vie, de joie et d’espérance.

    [1] Michelle Bolli, « Le geste et le chant d’une prophétesse » dans Luce Irigaray, Le souffle des femmes, Paris, ACGF, 1996, p. 30.

    [2] Cette interprétation peut se justifier puisqu’il n’y a aucune mention d’autres sœurs de Moïse. Voir Alice L. Laffey, An Introduction to the Old Testament. A Feminist Perspective , Philadelphia, Fortress Press, 1988, p. 52.

    [3] Nous nous inspirons du commentaire d’Alice L. Laffey, op.cit. p. 54.

    Patrice Perreault

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  • Élie le prophète (4/6)

    La rencontre de Dieu à l'Horeb

    Horeb.jpg (Image sur le Web)

    Après sa victoire sur les prophètes de Baal, Élie subit cette fois les foudres de la reine Jézabel : Le roi Achab avait rapporté à Jézabel comment le prophète Élie avait réagi et comment il avait fait égorger tous les prophètes de Baal. Alors Jézabel envoya un messager dire à Élie : « Que les dieux amènent sur moi le malheur, et pire encore si demain, à cette heure même, je ne t’inflige pas le même sort que tu as infligé à ces prophètes. » Devant cette menace, Élie se hâta de partir pour sauver sa vie (1 Rois 19, 1-3).

     

         Élie quitte donc la Samarie, traverse la Judée et s’arrête à Bershéba, dans le désert de Juda. Le prophète est pris de découragement. Il se trouve isolé dans une société qui rejette son appel à la conversion. Alors qu’il fuit pour sauver sa vie, le voilà qui préfère mourir plutôt que de s’acharner à faire entendre une parole qui n’est pas écoutée : Il marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit (1 Rois 18, 4-5). Que veut dire Élie quand il constate qu’il n’est pas meilleur que ses pères? Il se compare à la génération des Hébreux qui a parcouru le désert vers la terre promise et qui n’a cessé de murmurer contre le Seigneur. Cette génération s’est éteinte au désert sans jamais voir la promesse se réaliser (Nombres 14, 22-23). Élie souhaite donc pour lui-même le destin qu’a connu cette génération.

     

         À deux reprises, un messager du Seigneur le réveille, le force à manger et lui ordonne se lever et de se remettre en route : L’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange! Autrement le chemin serait trop long pour toi. » Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu (1 Rois 18, 7-8). Telle est la réponse du Seigneur qui engage son prophète dans un nouvel exode. Ce temps de pèlerinage en sera un de mise à l’épreuve, de purification et de formation en vue d’une étape nouvelle de sa vie et de sa mission. Élie met donc ses pas dans ceux de Moïse. Son chemin le conduira jusqu’à l’Horeb, la montagne sainte, là où le Seigneur s’était manifesté à Moïse et avait conclu l’alliance avec son peuple.

    La voix d’un fin silence

         Une fois arrivé à l’Horeb, Élie entre dans une grotte, celle où selon la tradition le Seigneur cacha Moïse quand il passa devant lui (Ex 33,21-23) : Là, il entra dans la caverne et y passa la nuit. Et voici que la parole du Seigneur lui fut adressée. Il lui dit : «Que fais-tu là, Élie ?» Il répondit : «J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur, Dieu de l’univers. Les fils d’Israël ont abandonné ton Alliance, renversé tes autels, et tué tes prophètes par l’épée ; moi, je suis le seul à être resté et ils cherchent à prendre ma vie.» Le Seigneur dit : «Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer» (1 Rois 19, 9-11). 

     

         Il est intéressant de noter la manière divine d’entrer en contact avec Élie. Le Seigneur n’est pas sans savoir quel motif a conduit Élie jusque là. Loin de le juger, il l’aborde plutôt par une question. Il permet ainsi à Élie de prendre conscience de ce qu’il est venu chercher dans le désert. Élie a besoin de sortir de son désarroi, de détourner son regard de lui-même pour se recentrer sur le Seigneur dont il prétend être le serviteur fidèle et jaloux. Mais l’est-il réellement puisqu’il a fui le terrain de sa mission? N’a-t-il pas encore besoin de devenir fidèle? Le Seigneur invite Élie à sortir de la grotte, à sortir de lui-même pour attendre son passage.

     

         Élie fera la rencontre du Seigneur non pas dans la violence du vent, du feu ou du tremblement de terre, mais dans la voix d’un fin silence. Le Seigneur ne s’impose pas mais il se laisse découvrir. Pour le rencontrer, l’être humain doit se tenir en éveil et opérer un discernement. Une fois le Seigneur passé, le même dialogue se répète mais, cette fois, c’est pour renouveler l’envoi en mission : Le Seigneur lui dit : « Repars vers Damas, par le chemin du désert. Arrivé là, tu consacreras par l’onction Hazaël comme roi de Syrie ; puis tu consacreras Jéhu, fils de Namsi, comme roi d’Israël ; et tu consacreras Élisée, fils de Shafath, comme prophète pour te succéder » (1 Rois 19, 15-16).

     

    Yves Guillemette, ptre

    Source www.interbible.org

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  • Élie le prophète (3/6)

    Le serviteur du Dieu vivant

    quiz biblique Notre connaissance du personnage d’Élie se limite aux données rapportées dans quatre chapitres du Premier livre des Rois : 17, 18, 19 et 21. Élie exerce son ministère dans le royaume d’Israël, au temps du règne d’Achab (874-853). Les premiers versets du chapitre 17 présentent le prophète comme le serviteur passionné du Dieu vivant, qui se révélera par la suite comme un solitaire et un défenseur de la foi yahviste : Le prophète Élie, de Tisbé en Galaad, dit au roi Acab : «  Par le Seigneur qui est vivant, par le Dieu d’Israël dont je suis le serviteur, pendant plusieurs années il n’y aura pas de rosée ni de pluie, à moins que j’en donne l’ordre. » (1 R 17, 1) 

         Cette foi en YHWH, le Dieu de l’Alliance, Élie aura à la défendre au péril de sa vie, dans un conflit qui l’oppose au roi impie Achab et sa femme Jézabel qui apportent leur soutien au culte cananéen du dieu Baal. C’est notamment à l’occasion d’une sécheresse qui se prolongera durant trois ans que YHWH se révélera comme le Dieu vivant. L’affirmation que le Dieu d’Élie est vivant revient comme un refrain tout au  long de ses deux chapitres. On retrouve cette proclamation de foi dans la bouche de la veuve de Sarepta (1 Rois 17, 7-24) et de Obadyahu, le maître du palais du roi Achab (1 Rois 18, 1-19) mais sympathisant d’Élie. La victoire de YHWH contre Baal remportée au pied du mon Carmel apparaît comme le couronnement de cette proclamation de foi (1 Rois 18, 20-40).

    Le dieu Baal

         Le terme baal est un titre qui signifie « seigneur, maître ». Il peut s’appliquer autant à un individu (par exemple, le mari d’une femme) qu’à une divinité. Dans ce cas, le titre a fini par se substituer au nom du dieu qui le portait, en l’occurrence Hadad le dieu cananéen de l’orage, que l’on représente souvent la foudre à la main. Hadad, devenu Baal, occupe une position dominante le panthéon cananéen. Comme la pluie est associée à l’orage et qu’elle apporte la fertilité au sol, on en arrive à considérer Baal comme le dieu de la fertilité. Ses lieux saints privilégiés sont les montagnes où il se révèle avec éclat et puissance. Le Baal du Carmel est en fait le dieu Melquart de la ville de Tyr, dont le culte a été importé en Israël par Jézabel, la femme du roi Achab.

    Une lutte à finir entre YHWH et Baal

         Dans le récit du sacrifice du Carmel, Élie apparaît comme le champion de YHWH. Il ne s’agit pas seulement de combattre les dieux étrangers, mais aussi de purifier la religion des Israélites qui avaient tendance à associer YHWH au Baal. Ce sont deux conceptions religieuses qui s’affrontent. Élie oblige le peuple à un choix radical et sans équivoque : « Combien de temps plierez-vous le genou des deux côtés ? Si c’est le Seigneur qui est Dieu, suivez le Seigneur ; si c’est Baal, suivez Baal. » Et la foule ne répondit mot (1 Rois 18, 21). Le silence du peuple montre qu’il ne se résout pas à choisir, préférant sans doute miser sur deux dieux plutôt qu’un. Mais Élie arrivera à ses fins en organisant une sorte de lutte à finir entre YHWH et Baal par prophètes interposés. Élie sera seul à défendre YHWH devant 450 prophètes de Baal. Dans cette lutte, Élie se distingue par son ironie. Alors que les prophètes de Baal se livrent à toutes sortes de transe pour faire descendre la foudre de leur dieu afin d’embraser les victimes animales qui au préalable avaient été abondamment aspergées d’eau, Élie se met en prière, dans une attitude de prostration, d’adoration et de soumission. Il sera exaucé : le feu tombera du ciel et dévorera les offrandes du sacrifice. Devant ce prodige qui atteste la gloire du Seigneur, le peuple des Israélites doit se rendre à l’évidence et choisir : c’est YHWH qui est le Dieu vivant.

     

    Yves Guillemette, ptre

    source www.interbible.org

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  • Le vin de Noé (Genèse 9, 18-27)

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    Noé faisant du vin
    Manuscrit enluminé de 1320

    L’histoire de l’arche de Noé est l’une des plus connues de la Bible. Elle contient plusieurs éléments assez insolites, telles les dimensions énormes de l’arche ou la motivation de Dieu à détruire sa propre création. Les événements qui font suite au déluge sont moins connus, mais tout aussi intéressants.

     Sem, Cham et Japhet étaient les fils de Noé qui sortirent de l’arche; Cham, c’est le père de Canaan. Ce furent les trois fils de Noé, c’est à partir d’eux que toute la terre fut peuplée. Noé fut le premier agriculteur. Il planta une vigne et il en but le vin, s’enivra et se trouva nu à l’intérieur de sa tente.

    Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père et il en informa ses deux frères au-dehors. Sem et Japhet prirent le manteau de Noé qu’ils placèrent sur leurs épaules à tous deux et, marchant à reculons, ils couvrirent la nudité de leur père. Tournés de l’autre côté, ils ne virent pas la nudité de leur père.

    Lorsque Noé, ayant cuvé son vin, sut ce qu’avait fait son plus jeune fils, il s’écria : « Maudit soit Canaan, qu’il soit le dernier des serviteurs de ses frères! » Puis il dit : « Béni soit le Seigneur, le Dieu de Sem, que Canaan en soit le serviteur! Que Dieu séduise Japhet, qu’il demeure dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur serviteur! » (Genèse 9,18-27)

         Le texte nous permet d’abord de mieux connaître Noé. À travers l’histoire du déluge, nous avons appris qu’il est un constructeur et un navigateur compétent. Ici, nous découvrons qu’il est l’ancêtre de tous les agriculteurs. Il cultive la vigne et en récolte du vin. C’est à partir de là que ses problèmes commencent. Apparemment, il ne sait pas boire modérément et il se retrouve complètement soûl! Celui-là même qui, quelques versets plus haut, parlait avec Dieu et faisait alliance avec lui, « le seul juste », le voici ivre mort… et nu!

    Le geste de Cham

         Quelle est la cause de la malédiction de Cham? Le texte dit qu’il « vit la nudité de son père ». Cette expression très particulière a un sens beaucoup plus précis que nous le croyons.

         Dans le livre du Lévitique, elle désigne les relations sexuelles incestueuses! Par exemple : « Nul d’entre vous ne s’approchera de quelqu’un de sa parenté, pour en découvrir la nudité. » (Lévitique 18,6) Le commandement se fait encore plus précis : « Tu ne découvriras pas la nudité de ton père, ni celle de ta mère » (Lévitique 18,7). Dans ce chapitre du Lévitique, Dieu interdit à son peuple certaines pratiques des pays voisins, l’Égypte et Canaan : les relations sexuelles avec le père, la mère, les sœurs, les demi-sœurs, les petits-enfants, la tante, la belle-fille. Il proscrit aussi les relations homosexuelles et la bestialité. Dans chaque cas, l’expression utilisée est : « Tu ne découvriras pas la nudité de… » (Lévitique, chapitres 18 et 20)

         Cham aurait donc fait peut-être plus que regarder dormir son père Noé soûl et nu. Si on retient cette interprétation, Noé aurait été violé par son propre fils alors qu’il était complètement ivre! Étrange, puisque Dieu voulait justement faire disparaître le mal de la terre par le déluge… La violence et le mal semblent donc faire partie de l’être humain depuis sa création, puisqu’ils persistent après le déluge.

         L’hypothèse de l’acte homosexuel apparaît plus explicitement dans les traductions grecques de la Bible d’Aquila, de Théodotion et de Symmaque [1], où le terme traduit en français par « voir » (Genèse 9,22) n’est pas traduit en grec par gumnôsin, mais par aschemosune, un mot désignant les relations homosexuelles.

         Par contre, une tradition juive affirme que plutôt que de violer son père, Cham l’aurait castré. Cette interprétation est connue de Théophile d’Antioche [2] et est admise comme une évidence dans plusieurs midrashim [3] compilés en Israël. Le texte biblique ne donne aucune indication pour cette interprétation sinon une omission : il n’est pas précisé que Noé « enfanta des fils et des filles » après Sem, Cham et Japhet, comme c’est le cas des autres patriarches bibliques.

         Si l’on retient l’hypothèse du viol incestueux ou de la castration, la malédiction à la fin du récit semble plus justifiée. On comprend mieux pourquoi Noé maudit Cham qui a commis une très grave offense. Mais ultimement, rien ne permet de trancher la question. Quoi qu’il en soit, le récit contient encore un autre élément problématique.

    Cham ou Canaan?

         Même si c’est Cham le coupable, ce n’est pas lui qui sera maudit, mais son fils, Canaan. Pourquoi? Lorsque Flavius Josèphe, un historien juif, mentionne ce récit, il souligne que Dieu n’a pas maudit Cham directement parce qu’il est le fils de Noé, l’homme avec qui il avait conclu une alliance. C’est donc la descendance de Cham qui subit la malédiction divine. On retrouve l’idée des répercussions de la faute sur les descendants dans plusieurs textes bibliques.

         La raison la plus vraisemblable de ce transfert de malédiction provient de la mise en commun de deux traditions différentes au sujet d’un même récit [4]. L’une des sources se serait centrée sur le geste de Cham alors que l’autre aurait vu comme primordiale la malédiction de Canaan.

    La visée du récit

         La conclusion du récit porte sur la malédiction de Canaan, qui deviendra le serviteur de ses frères, et la bénédiction de Sem, le frère de Cham. Sem est présenté comme l’ancêtre des peuples sémitiques et en particulier du peuple hébreu. Canaan sera l’ancêtre des adversaires des Hébreux : les peuples de la terre de Canaan. Ce récit pourrait donc viser à rabaisser les peuples cananéens entourant les Hébreux et, surtout, à condamner leurs mœurs sexuelles. Ils ne cesseraient de répéter la faute de leur ancêtre. Le livre du Lévitique invite à faire cette interprétation quand il transmet la parole de Dieu : « Ne faites pas ce qui se fait au pays de Canaan, ne suivez pas leurs lois… » (Lévitique 18,3).

         En général, la malédiction de Cham et la bénédiction de Sem semblent viser à donner de la force et du courage à Israël dans son combat contre ses adversaires. Les Babyloniens, en particulier, étaient considérés comme de la lignée de Cham. Ils réduisirent les Hébreux en servitude, au VIe siècle av. J.-C. Une partie de la population fut emmenée en exil à Babylone. En racontant cette histoire, les Hébreux de l’époque devaient sans doute se dire que, malgré leur état de servitude, leur ancêtre Sem avait été béni de Dieu, alors que Cham, l’aïeul des Babyloniens qui les opprimaient, avait été maudit. Ils devaient trouver là un motif d’espérance dans leur malheur.

    [1] Aquila, Théodotion et Symmaque sont les auteurs de trois traductions de l’Ancien Testament en grec, réalisées au IIe siècle pour les Juifs de la diaspora qui ne savait pas lire l’hébreu.

    [2] Théophile est évêque d’Antioche au IIe siècle. Il fait partie d’un groupe de Pères de l’Église appelés « apologètes » à cause de leurs écrits qui visaient à défendre la foi chrétienne contre les attaques des penseurs non chrétiens de l’époque.

    [3] Le midrash (littéralement, « recherche ») est un procédé exégétique juif qui sert tant à définir les lois à partir du texte biblique qu’à éclairer le sens immédiat d’un verset et son esprit.

    [4] Les exégètes s’accordent généralement à dire que les récits que nous lisons dans le Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible, proviennent de différentes sources et expriment différents points de vue religieux. Les deux sources les plus souvent identifiées sont la source sacerdotale et la source deutéronomiste. Il est parfois difficile de les départager dans les récits bibliques.

    Sébastien Doane

    Source www.interbible.org

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  • Des sièges aux portes de la ville

    Cette chronique a déjà fait rapport de la découverte de trois portes de ville salomoniennes, qui présentaient toutes le même plan et à peu de choses près, les mêmes dimensions. Si l’auteur revient sur le sujet, c’est pour attirer l’attention sur un détail de ces portes, détail que nous retrouvons bien attesté aux portes de Gézer, Megiddo, Hazar, Tell-el-Far’ah (Tirza), Mizpah, Beersabée, etc. En effet, à l’époque israélite, depuis la période des Juges, même, des banquettes sont dressées le long des murs des salles de ces portes; dans quel aspect se présentent-elles, et à quoi pouvaient-elles servir?

         Les portes de ville, dans l’Antiquité proche-orientale, étaient des constructions souvent gigantesques. Donnant accès à la ville, elles devaient donc être situées à un endroit qui présente le moins d’obstacles possible tant au piéton qu’à la charrerie; elle est ainsi bâtie à un point du site qui est de nature difficilement défendable. Comme la porte est elle-même une percée dans le rempart, nous voyons qu’elle présente une double faiblesse qu’il faut solidement colmater. Voilà pourquoi la porte de la ville doit être un énorme bastion qui résistera sans peine à l’assaut de l’ennemi.

         Ce bastion israélite se présente essentiellement comme une série de salles s’affrontant les unes les autres, alignées sur deux ou trois rangées. Une rampe d’accès monte le long de la pente pour aboutir à une avant-cour, elle-même défendue, qui précède immédiatement cette porte. On peut s’imaginer l’impression de force qu’offrait l’ensemble d’un tel ouvrage défensif.

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    Reconstitution de la porte de Tell el-Far’ah

         Les banquettes signalées au début de cet article se trouvent le long des murs des salles de la porte elle-même. On les voit très bien dans une des salles de la porte de Tel Dan et dans celles de Tel-el-Farah (A sur les plans). Elles ont souvent disparu lors des destructions mais celles qui ont survécu nous donnent une idée juste de leur structure.

         Elles ne dépassent pas beaucoup les 50 cm de hauteur, pour une largeur à peu près égale. Le cœur de l’ouvrage est fait de grosses pierres et de cailloutis, que l’on recouvre ensuite d’un plâtre dur, pour adoucir la surface. Ce dernier détail est un indice non équivoque de l’usage d’un tel dispositif : il est fait pour s’asseoir, comme nous le suggèrent aussi de nombreux textes de l’Ancien Testament. En effet, c’est à la porte de la ville que les Anciens siègent, que les transactions sont opérées, que les contrats sont signés, et, en général, que la cour de justice est dressée (voir Dt 21,19; 22,24; Am 5,10; Rt 4,1-11; Pv 31,23; Néh 3,1.18; sans doute Ps 1,1, etc.).

    Reconstitution de la porte de Tel Dan

    Reconstitution de la porte de Tel Dan

         Les fouilles de la ville de Dan, sorte de capitale de la région nord du royaume d’Israël (1 R 12,30), ont d’ajouté un nouveau détail à cette institution. En effet, les bases d’un petit podium carré étaient dressées dans l’avant-cour, et contre le mur extérieur de la porte (B sur le plan). À ses quatre coins et encore en place, on a trouvé les bases rondes de colonnettes. Elles sont taillées dans la pierre, offrant l’aspect d’un bol dont les parois sont ornées de corolles de fleurs (C sur le plan). Le sommet de ces bases présente une cavité ronde qui a été visiblement creusée pour recevoir le fût d’une colonnette sans doute en bois. Des bases à peu près identiques ont été trouvées en Syrie et en Assyrie, dans des palais royaux; elles sont aussi bien visibles sur des bas-reliefs ornant les palais de Ninive.

    Podium à baldaquin pour le trône royal

    Podium à baldaquin pour le trône royal

         D’après ces témoins, nous sommes ici en présence d’un petit podium à baldaquin, pour y placer le trône d’un dieu ou d’un roi. En Israël, on voit mal comment on a pu représenter Yahvé assis sur un tel trône; il nous faut plutôt songer à un trône royal, et ceci grâce encore au témoignage de l’Ancien Testament. C’est à la porte que David va s’asseoir pour y rencontrer son armée afin d’établir des plans militaires (2 S 19, 8-9); c’est surtout devant la porte de Samarie que des trônes royaux sont mentionnés pour Achab et Josaphat, réunis là en grand conseil de guerre, avant de monter à l’attaque des Araméens (1 R 22,10). Cette scène se passe au temps d’Achab (874-853 av. J.-C.), qui est aussi le bâtisseur de la porte de Dan, dans l’état que nous décrivons ici. L’archéologie nous montre bien que non seulement les activités juridiques courantes du petit peuple se passaient à la porte de la ville, mais que celle-ci était souvent le théâtre des grandes décisions royales qui présidaient aux destinées du même peuple.

    Source : Parabole v/5, 1983.

    Guy Couturier

    source www.interbible.org

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  • Élie le prophète (2/6)

    Le contexte politique et religieux au temps d'Élie

    À la fin du règne de Salomon, le royaume de David connaît l’éclatement (1 Rois 12, 1-19). Les tribus établies en Samarie et en Galilée font sécession et leurs chefs, dans une assemblée tenue à Sichem, choisissent comme roi Jéroboam, de retour d’Égypte où il s’était réfugié à la suite d’une révolte contre les travaux imposés par Salomon aux tribus d’Éphraïm et de Manassé. Quant à la tribu de Juda, établie au sud, elle demeure fidèle à la dynastie de David et reconnaît la royauté de Roboam.


         Jéroboam, le premier roi d’Israël (931-910), choisit le sanctuaire de Béthel comme sanctuaire national. Ce centre religieux, jadis fondé par Jacob, devient ainsi le concurrent de Jérusalem. Il y fait installer une statue de jeune taureau qui sert de piédestal au Seigneur, comme c’était le cas de l’Arche d’alliance dans le temps de Jérusalem. Cette statue crée cependant une équivoque, car le taureau est le symbole du dieu cananéen Baal. Omri (885-874), un successeur de Jéroboam, fonde la ville de Samarie et en fait la capitale du royaume d’Israël. Il établit un réseau d’alliances politiques et économiques avec les pays voisins.


         À la mort d’Omri, son fils Achab monte sur le trône. Il régnera durant 22 ans, de 874 à 853 (1 Rois 16, 29 - 22, 38). Il épouse Jézabel, fille de Ethbaal, roi phénicien de Sido. Ce mariage constitue une alliance politique entre les deux royaumes voisins. La reine Jézabel pratique et propage le culte de Baal et d’Astarté. Elle installe à Samarie les prophètes et les prêtres de ce culte. Elle se livre aussi à une persécution des défenseurs de la religion yahviste, en particulier du prophète Élie qui dénonce les pratiques idolâtriques. Il faut attendre le coup d’état militaire de Jéhu en 841, soutenu et investi par Élisée, le disciple d’Élie, pour que cesse la persécution.


         Le livre des Rois porte un jugement sévère sur le règne d’Achab : Achab fils d’Omri fit ce qui déplaît à Yahvé et fut pire que tous ses devanciers. La moindre chose fut qu’il imita les péchés de Jéroboam fils de Nebat : il prit pour femme Jézabel, fille d’Ittobaal, roi des Sidoniens, et se mit à servir Baal et à se prosterner devant lui; il lui dressa un autel dans le temple de Baal qu’il construisit à Samarie (1 Rois 16, 3-32).

     

    Yves Guillemette, ptre

    Source www.interbible.org

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