• Une autre terre promise

    Terre-promise.jpg En étudiant le sens de la terre dans la Bible et chez les pères de l'Église, Frédéric Manns nous invite à porter un  autre regard sur le don de la terre.

         « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ». La Torah comme livre de commandements débute avec le chapitre 12 du livre de l'Exode. Mais ces commandements exigeaient une préface pour expliquer ce que Moïse et Aaron faisaient au pays d'Égypte, alors que leur terre était celle des Hébreux. Rashi, dans son commentaire du livre de la Genèse écrit :

    Si les nations du monde disent à Israël : « Vous êtes des brigands, puisque vous avez conquis les terres des sept nations », Israël leur répondra : « Toute la terre appartient à Dieu. Il l'a créée et l'a donnée à qui est droit à ses yeux. De par sa volonté il la leur a donnée et de par sa volonté il la leur a reprise et nous l'a donnée. »

         Le problème soulevé par ce texte est le suivant : la relation de Dieu à l'homme passe-t-elle par l'impersonnel des lois de la nature ou bien, comme le dit le récit biblique, cette relation passe-t-elle par l'histoire humaine et par l'histoire d'Israël. Dans le premier cas, Dieu serait le Dieu des philosophes, dans le second, il serait le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.

    Les sens du don de la terre

         L'installation en terre promise s'est révélée comme une préfiguration de la possession paisible que les derniers temps allaient assurer à Israël et que devait marquer une extraordinaire fécondité des vignobles. « Les montagnes distilleront du jus de raisin et toutes les collines se liquéfieront... Ils planteront des vignes et en boiront le vin. » (Am 9,13-14) À cette implantation définitive sur la terre : des promesses correspondent chez Osée et Jérémie le thème des épousailles irrévocables de Yhwh avec son peuple. Le vin, l'huile et le blé jouent de nouveau un grand rôle dans cette allégresse nuptiale.

         Pour Origène. dans son Traité des Principes 4,2,8, « ce qui est étonnant c'est qu'à travers des histoires de guerre, de vainqueurs et de vaincus des mystères sont révélés à ceux qui savent examiner cela. Et ce qui est encore plus admirable c'est qu'à travers la législation que contient l'Écriture les lois de la vérité sont prophétisées et tout cela est écrit en ordre logique avec une puissance convenant à la sagesse de Dieu ». Dans son Commentaire sur le livre de Josué, Origène reviendra sur le problème de la terre donnée à Israël.

         Le judaïsme avait donné différentes significations du don de la terre. Pour les Esséniens les humbles qui hériteraient de la terre étaient les fils de lumière qui entraient dans la communauté de l'alliance. Pour Philon d'Alexandrie la terre était le symbole de la sagesse que Dieu donnait. Pour les Pharisiens le don de la terre symbolisait le don de la vie éternelle.

         La tradition biblique avait rapproché les termes Adam et Adamah (la terre). La terre représente en effet la matière avec laquelle fut façonné Adam, le terreux. Elle est le symbole de la chair d'Adam. Du coup, la terre promise peut représenter aussi la chair du nouvel Adam, c'est-à-dire la chair du Christ. L’assimilation sera faite dès le deuxième siècle par l'Épître de Barnabé, par Tertullien et Hippolyte.

         La terre promise représente non seulement le corps du Christ dans sa nature humaine, mais toute la nouvelle création recréée dans le Christ (Barnabé 6,13). C'est par le baptême que les chrétiens sont introduits dans une terre excellente. Si la terre est le Christ, elle est aussi l'Église, c'est-à-dire les chrétiens incorporés au Christ.

         Cette terre promise est un symbole de vie parce qu'elle est une terre de liberté par opposition à l'esclavage en Égypte et terre de fécondité par opposition au désert.

         Le Christ, nouvelle terre promise, est symbole de Vie parce qu'il est le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14,6). Il est celui qui nous donne la semence de Vie éternelle, la Bonne Terre qui s'unit à notre terre (ls 62,4) qui n'a plus assez de richesses en elle pour que nous puissions, à notre tour, produire à nouveau de bons fruits. Tout jardinier sait qu'il faut amener de la nouvelle terre pour mélanger à l'ancienne afin qu'elle produise à nouveau car celle-ci est épuisée, elle a perdu sa vitalité! Cette terre ancienne et nouvelle, c'est l'Église. À la fin des temps, la terre pauvre, marquée par le péché va disparaître, il n'y aura plus que la terre nouvelle (Ap 21,1-2).

         La terre glaise du Christ nous apprend la patience du potier qui nous façonne avec l'eau du baptême et le feu de l'Esprit (Mt 3, 11). L’eau représente toutes les potentialités de la création. Jean-Baptiste invite à un baptême de conversion pour retrouver ses potentialités humaines.

         L'eau rend la terre souple, alors que le souffle représente les potentialités divines. L’esprit plane sur les eaux, le souffle symbolise quelque chose de supérieur à l'eau.

         Dans la symbolique de la poterie, l'eau cède sa place au feu, nous n'y voyons pas le symbole du divin qui supprime l'humain car l'humain n'est pas symbolisé par l'eau mais par la terre. Ce sont les potentialités humaines qui sont totalement transcendées par les potentialités divines données par le feu. Autrement dit, l'humanité est divinisée. La terre « enferme », elle a en son centre l'enfer de feu. Autre chose est de marcher sur terre, de la dominer, autre chose est d'être sous-terre, lieu des morts et du feu de l'enfer. Impossible à cet endroit de respirer, pas de souffle de vie possible, c'est le lieu des ténèbres (Dn 7,3.17).

         La terre d'un côté est semence de vie et de l'autre séjour des morts. Ne faut-il pas retourner dans la terre pour renaître à la vie?

    Frédéric Manns

    Suite de l'article : à  venir

     

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  • Ruines et cités bibliques

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    Capsule vidéo de 8 min. avec Robert David, professeur

     

    Faculté de théologie et de sciences des religions, Université de Montréal

    Depuis le XIXe siècles, les explorateurs et les archéologues ont réussi à identifier plusieurs villes bibliques. Mais les vestiges de ces villes israélites anciennes ne sont pas comparables à ce que l'on retrouve en Égypte par exemple. Ce sont, dans la majorité des cas, des ruines et le résultat des fouilles demandent à être inteprété. Si le texte biblique avait tendance à servir de référence unique pour cette interprétation pendant les belles années de l'« archéologie biblique », aujourd'hui la communauté scientifique est beaucoup plus prudente quand elle a recours à la Bible.

     

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  •                                                                                                              Le livre de Qohélet (4/5)
         
    Le travail et les biens matériels

    testamentIl y a un temps pour chaque chose, et chaque chose survient en son temps, écrit Qohélet. Notre philosophe identifient trois temps qui constituent la trame de fond de la destinée humaine : le travail, la vieillesse et la mort. Dans cette chronique, il sera question du travail et de son corollaire, l’usage des biens matériels. On trouve ces réflexions dans les passages suivants : 4, 4-16; 5, 9-19; 6, 7-12.
    Un temps pour planter et bâtir

        Les vieux mythes mésopotamiens concevaient le travail comme le service des dieux : pendant que les hommes travaillent, ils ne pensent pas à devenir comme eux. À l’inverse la tradition biblique considère le travail comme le moyen pour l’homme de collaborer à l’achèvement de la création. Le Seigneur Dieu n’avait-il pas confié à Adam la fonction de jardinier (Genèse 2, 8-24). On est porté à croire qu’Adam devait y trouver un plaisir fou, alors que Dieu paraît le seul à s’inquiéter de le voir tout faire, tout seul. D’où le besoin de lui donner une aide semblable à lui, qui s’est avérée sa compagne de vie plutôt qu’un aide-jardinier, quoiqu’ils aient dû jardiner ensemble. Dans les faits, il ne faut pas trop idéaliser le travail : dans la législation deutéronomique sur le sabbat, les six jours de travail sont assimilés au temps de la servitude en Égypte alors que le sabbat, jour chômé pour tous, est le mémorial hebdomadaire de la libération pascale (Deutéronome 5, 12-15).

        Si l’homme peut trouver du bonheur dans son travail, il court aussi le danger d’en devenir esclave. Certains propos de Qohélet ont des accents très modernes. Les rivalités liées au travail font penser à la concurrence et à la performance : J’ai vu aussi que toute la peine, tout le succès d’un travail, n’est que rivalité des uns contre les autres. C’est encore vanité et poursuite de vent (4, 4).

        Le travail est un don de Dieu qui permet à l’homme de trouver du bonheur et d’adoucir sa vie par une certaine aisance: Voilà donc ce que moi j’ai vu : c’est chose belle et bonne, pour l’homme de manger et de boire, de trouver son bonheur dans toute la peine qu’il se donne sous le soleil pendant les jours que Dieu lui accorde. Telle est la part qui lui revient. Si Dieu donne à quelqu’un biens et richesses avec pouvoir d’en profiter, d’en prendre sa part et de jouir ainsi de son travail, c’est là un don de Dieu. Il ne s’inquiète guère pour sa vie tant que Dieu emplit de joie son cœur (5, 17-19). Mais il y a une contrepartie. On peut se perdre dans le travail. Dans une autre réflexion, on dirait que Qohélet anticipe les «workaholiques» de la société contemporaine, attachés à leur portable, cellulaire et autres outils de travail qui les suivent partout : J’ai regardé encore et j’ai vu une autre vanité sous le soleil : voici un homme seul, sans personne, ni frère ni fils, qui travaille à n’en plus finir, toujours avide de plus de richesses. Il ne se demande pas : «Mais pour qui travailler ainsi en me privant de bonheur ?» C’est encore de la vanité, une besogne de malheur (4, 7-8). Le travail effréné peut devenir un esclavage et conduire l’homme à sa perte.

        Le travail amène Qohélet à réfléchir sur le rapport que l’être humain entretient avec les biens matériels. La richesse et la prospérité sont perçues dans la culture biblique proche orientale comme une bénédiction divine : Si Dieu donne à quelqu’un biens et richesses avec pouvoir d’en profiter, d’en prendre sa part et de jouir ainsi de son travail, c’est là un don de Dieu. Il ne s’inquiète guère pour sa vie tant que Dieu emplit de joie son cœur (5, 18-19). Mais elles peuvent provoquer l’effet contraire en détournant l’être humain du vrai sens de la vie, et de la perdre : Voici un triste cas que j’ai vu sous le soleil une fortune amassée pour le malheur de son maître. Il perd son avoir dans une mauvaise affaire, et quand lui naît un fils, celui-ci n’a rien en main. Sorti nu du sein de sa mère, il s’en ira comme il est venu. Il n’emportera rien de son travail, rien que sa main puisse tenir. C’est aussi une triste chose qu’il s’en aille comme il était venu. Qu’a-t-il gagné en peinant pour du vent ? Il ronge ses jours dans le noir, la tristesse profonde, la souffrance et l’irritation (5, 12-16). Comme on dit souvent, on n’a jamais vu un coffre-fort suivre un corbillard.

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    Yves Guillemette, prêtre


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  • L'ami des petits et des pauvres?

    Conversion de Zachée : Luc 19, 1-10
    Autres lectures : Sagesse 11, 23 - 12, 2; Psaume 144(145); 2 Thessaloniciens 1, 11 - 2,2

     

    Zachee.jpgL’évangile de ce dimanche rappellera à plusieurs des souvenirs d’enfance. Parce qu’il était petit de taille (Luc 19,3), Zachée est souvent le héros des catéchèses pour jeunes. Les catéchètes insistent sur le regard d’amour de Jésus envers ceux qui, comme eux, sont petits de taille et aiment monter aux arbres. La « conversion » de Zachée invite les jeunes au partage et à l’honnêteté. Certes, il fait bon redécouvrir les catéchèses de notre enfance. Mais il importe aussi de relire le récit de Zachée avec des yeux d’adulte.

    Qui est Zachée ? Que cherche-t-il ?

         Depuis près de dix chapitres (voir Luc 9,51), Jésus est en route vers Jérusalem et il en est à la dernière étape de sa montée : Jéricho. Avant d’y entrer, il a guéri un aveugle mendiant qui l’avait supplié par deux fois : Fils de David, aie pitié de moi (18,38-39). Jésus lui dit : Vois. Ta foi t’a sauvé. À l’instant même, l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus en rendant gloire à Dieu. Et tout le peuple, voyant cela, adressa ses louanges à Dieu (18,42-43). Jésus reprend sa route et, tandis qu’il traverse Jéricho, Luc nous présente un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche (19,2). Il a tout contre lui. Les collecteurs d’impôts ou publicains travaillaient pour les Romains. C’étaient souvent des gens malhonnêtes qui exigaient plus que leur dû et empochaient la différence. Heureusement pour Zachée, Jésus fait bon accueil aux publicains (Lc 15,1-2). Mais la richesse de Zachée risque de jouer contre lui. Rappelons deux paroles de Jésus : Malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation ! (6,24). Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses de pénétrer dans le royaume de Dieu ! Car il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu (18,24-25). Mais Zachée persiste. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n’y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là (19,3-4). Zachée ne voulait pas seulement voir la célébrité de passage, il cherchait à voir qui était Jésus (19,3). Son désir profond était de connaître l’identité de celui qui devait passer par là (19,4).

    Celui qui cherche à voir est vu

         Une surprise attend Zachée perché sur le sycomore pour voir Jésus. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’interpella : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison » (19,5). Il veut voir Jésus, mais c’est Jésus qui le voit. Il veut voir qui est Jésus, mais Jésus sait déjà qui est Zachée : il l’appelle par son nom. Or Zachée n’est pas le seul à être surpris. Non seulement Jésus connaît Zachée, mais il s’invite chez lui : Aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison (19,5). L’initiative choque les gens qui marchent avec Jésus. Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur » (19,7). On se croirait revenu quatre chapitres plus haut. Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » (15,1-2).

         Fidèle à lui-même, Jésus ne se laisse pas arrêter par ce genre de réaction. Pour lui, aller demeurer chez Zachée signifie accomplir la volonté de Dieu : Il faut…, en grec dei, l’expression qui pour Luc exprime la volonté de Dieu (voir 2,49; 4,43; 13,14.16.33; 17,25).

    Désirer, voir, accueillir, se réjouir, se convertir

         Zachée avait un désir profond : Voir qui était Jésus (19,3). Ce désir l’avait mis en mouvement. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là (19,4). Un regard et une parole de Jésus allaient renverser le mouvement. Après avoir couru loin de chez lui et être monté dans un arbre, vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie (19,6) dans sa maison. Ce renversement du mouvement de Zachée en symbolise un autre, celui de son cœur. Au début du récit, pour être à la hauteur, Zachée doit monter sur un sycomore. Une fois Jésus entré chez lui,  Zachée, debout 1, dit au Seigneur… (19,8). L’interpellation de Jésus a provoqué ce changement. Zachée y a répondu avec joie et cela lui a permis de voir qui est Jésus. Bien plus qu’un homme et qu’un prophète, Jésus est le Seigneur (19,8). Et Zachée, quand il prend la parole pour la première fois du récit, le reconnaît d’emblée : Voilà, Seigneur… (19,8).

         Reconnaître Jésus comme Seigneur, le laisser demeurer chez lui, voilà qui change tout chez Zachée. Lui ne pouvait que se voir comme un homme de petite taille (19,3). Les autres ne voyaient en lui qu’un homme pécheur (19,7) 2. Jésus n’a pas vu en lui le chef des collecteurs d’impôts, mais il l’a appelé par son nom, « Zachée », et il s’est invité chez lui. Cela a permis à Zachée de faire preuve de bonté : Je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres (19,8), et aussi de reconnaître son péché : Si j’ai fait du tort à quelqu’un. « Mais n’oublions pas qu’en grec la condition est supposée réalisée et doit se traduire : “du moment que j’ai fait du tort” » 3. Zachée s’engage donc dans un avenir rempli de bonté (il donne aux pauvres la moitié de ses biens) et de réparation du passé (il compense au quadruple les méfaits du passé).

    Et Jésus dans tout cela ?

         Tout cela est bien beau, mais comment comprendre l’initiative de Jésus et surtout la conclusion à laquelle il arrive : Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham (19,9). Nous sommes habitués de voir Jésus laisser les pécheurs s’approcher de lui. Mais ici il prend les devants : Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison (19,5). Plus tôt, Jésus s’était montré fort exigeant : Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple (14,33). Ici, Zachée ne donne pas « tout ce qui lui appartient », mais bien la moitié de ses biens. Pourtant, Jésus déclare que sa maison est sauvée ! « S’agirait-il d’une demi-conversion ? Et le Seigneur se contenterait-il désormais d’une demi-mesure ? Certes non. Mais si notre percepteur avait annoncé qu’il donnait toute sa fortune, son immense fortune, aux pauvres, comment aurait-il pu rembourser au quadruple les gens qu’il avait lésés ? » 4.

         La Bonne Nouvelle de ce dimanche est donc du côté de Jésus. Par son regard sur Zachée, en s’invitant chez lui pour obéir à la volonté de Dieu, il a rendu à l’homme pécheur son identité de fils d’Abraham (19,9). En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (19,10). Aujourd’hui, le Seigneur Jésus s’invite chez nous. Descendons de nos arbres, accueillons Jésus dans la joie pour que chez nous aussi le salut fasse sa demeure.

    ___________________

    1 Nous préférons ici la traduction de la Bible de Jérusalem, « debout », à celle de la TOB et de la Bible de la liturgie, « s’avançant ». La BJ est ici plus fidèle au texte grec.

    2 Ici aussi, nous préférons la traduction de la BJ qui est plus proche du grec.

    3 Jean-Noël Aletti, L’art de raconter Jésus Christ. L’écriture narrative de l’évangile de Luc (Parole de Dieu), Paris, Seuil, 1989, p. 27.

    4 Aletti, L’art de raconter Jésus Christ, p. 36-37.

     

    Yvan Mathieu, SM

     

    Source: Le Feuillet biblique, no 2245. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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  •  

    La profession de Dieu est de pardonner

     

    Zachée, descends vite : il me faut aujourd'hui demeurer dans ta maison. (Luc 19, 5).

     

    condamne--jpg   Le peintre italien du moyen âge, Perugini, était sur son lit de mort. Il décida qu'il ne se confesserait pas si, par crainte, il tentait par là de sauver sa peau : ce serait sacrilège et insulte à Dieu.

     

      Sa femme, ignorant tout de la disposition intérieure de cet homme, lui demanda un jour s'il ne craignait pas de mourir sans confession. Perugini lui répondit : « Prenez-le comme ceci, ma chère: ma profession à moi, c'est de peindre et j'ai excellé comme peintre. La profession de Dieu, c'est de pardonner, et s'il est aussi bon dans sa profession que je l'ai été dans la mienne, je n'ai aucun motif de crainte » (A. De Mello, Dieu est là dehors).

     

    LIEN : C'est la miséricorde de Dieu qui pardonne nos péchés. Le pardon de Dieu a-t-il des limites? ... Dieu ne refuse jamais son pardon à quiconque reconnaît son péché, mais il ne peut le donner de force à personne. La conversion provoque la foi du peintre en la bonté et la fidélité de Dieu; chez Zachée elle bouleverse toute sa vie. À tous il donne comme preuve de sa conversion un cœur qui s'ouvre à l'accueil et au partage de ses biens. Sa grande richesse n'est plus le centre de sa vie: la joie dont la rencontre de Jésus a rempli son coeur lui fait découvrir une abondance d'amour jusque là insoupçonnée.


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  • 31ème dimanche du temps ordinaire

    Abbé Jean Compazieu | 31 octobre 2010

    Nouvelle-image-copie-2.jpgCélébration pénitentielle à Jéricho


    Textes bibliques : LIRE


    L’événement qui nous est rapporté dans l’évangile de ce jour est bien connu de tous, y compris dans les groupes d’enfants du catéchisme. Mais si nous le lisons d’une manière trop superficielle, nous risquons de passer à côté de la bonne nouvelle que Jésus voudrait nous transmettre. Nous devons donc prendre le temps de bien voir ce qu’il nous dit de Jésus et de nous. Cet évangile se présente un peu comme une célébration pénitentielle à Jéricho.

    D’un côté, nous avons Zachée. Il est percepteur des impôts et il travaille pour l’occupant étranger. La dernière guerre mondiale nous a appris comment on pouvait considérer les collaborateurs. Zachée ne pouvait qu’être détesté par tous ces pauvres gens accablés par les impôts qu’il fallait payer à l’occupant militaire. Il avait la réputation d’être intraitable et de profiter sans état d’âme de sa position dominante. De plus en tant que chef des publicains, il est tenu pour responsable du comportement et des violences de ses collaborateurs. Sa profession le rangeait donc dans la catégorie des pécheurs infréquentables.

    En ce jour, nous nous approchons de plus près pour mieux voir Zachée. Nous comprenons qui il est. Mais l’évangile voudrait nous inviter à nous mettre sous le regard de Dieu en nous posant la question : « Et moi, en vérité, qui suis-je ? » nous vivons dans un monde où les pauvres sont de plus en plus pauvre et de plus en plus nombreux. Tout au long de ces dernières semaines, nous avons entendu des cris de révolte. Nous devons les comprendre comme une aspiration à une société plus juste et plus fraternelle. Mais trop souvent, nous sommes un peu comme Zachée ; nous nous réfugions derrière des préjugés et nous nous laissons aveugler par l’indifférence.

    Mais voilà qu’un événement imprévu survient : C’est Jésus qui arrive à Jéricho. Comme tout le monde, Zachée voudrait bien le voir. S’il monte sur un sycomore, c’est pour être mieux placé car il est de petite taille ; c’est aussi sans doute pour passer inaperçu et se mettre à l’abri des insultes et des sifflets de la foule. Aujourd’hui, nous contemplons cette attitude de Zachée quand il a appris que Jésus venait dans sa ville. Mais le plus important c’est de ne pas oublier que le même Christ continue à venir dans notre monde. Il passe par les chemins de notre vie : chacun de nous peut se poser la question : »Sommes-nous prêts à le voir arriver ? »

    Voilà donc Zachée bien installé sur son perchoir et bien placé pour voir sans être vu. Il ne s’attendait certainement pas à tout ce qui allait arriver : en effet, au milieu de toute cette foule, Jésus ne voit que Zachée, celui-là même que personne ne veut voir. Et chose surprenante, c’est chez lui qu’il choisit de s’inviter : « Descend vite, aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi. » La foule n’en croit pas ses oreilles ; elle a dû mal comprendre ; Jésus a sûrement dû se tromper. Lui qui se dit « Envoyé de Dieu » ne devrait pas se compromettre avec un hors-la-loi. Ce n’est tout simplement pas possible et nous comprenons la stupéfaction de ces gens. Pour eux c’est inconcevable. Son activité professionnelle fait de lui un exclu.

    Le même Christ frappe aujourd’hui à notre porte : Comme autrefois, il ne cesse de nous dire : « Descend vite, aujourd’hui, il me faut demeurer chez toi. » Le verbe demeurer signifie  » habiter quelque part et y rester. Comme pour Zachée, Jésus ne vient pas pour nous faire des reproches mais pour apporter le salut de Dieu. Cette rencontre avec le Christ a bouleversé toute la vie de cet homme. Lui, qui était si avide d’argent, décide de partager et de réparer les torts qu’il a faits aux autres. C’est ainsi que Jésus a pu dire à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. »
    Cette visite du Christ, qui s’invite chez nous, nous provoque à un examen de conscience, ou plutôt un examen de confiance. Car c’est vrai, en venant chez nous, il nous fait confiance bien au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. Il vient nous dire tout l’amour de Dieu pour nous. Avec lui, c’est le salut qui entre dans notre maison car « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. » Rien ni personne ne peut arrêter le Christ dans cette mission. Il va la remplir jusqu’au bout, jusqu’au don de sa vie sur une croix.

    Mais rien ne sera possible si nous ne descendons pas de notre arbre ; cet arbre, c’est celui où nous nous cachons pour rester en dehors des combats des hommes ; c’est celui de nos certitudes, celui de notre bonne ou mauvaise conscience… Nous sommes tous invités à descendre de notre piédestal pour nous laisser habiter par Jésus lui-même. Il nous faut aussi accepter de laisser les autres entrer dans notre vie. Le vrai Dieu, celui qui Jésus est venu nous révéler, c’est précisément celui de tous les exclus, qu’ils soient riches ou pauvres, jeunes ou adultes.

    En ce jour, nous te prions Seigneur pour tous les Zachée de la terre, tous ceux et celles qui sont rejetés et méprisés à cause de leur passé et de leurs actes. Tu veux demeurer chez eux comme chez nous. Par ton Eucharistie, tu nous invites chez toi. Que notre rendez-vous à la messe et à l’adoration nous transforme comme il a transformé le publicain de Jéricho. Amen

    D’après diverses sources

    Source http://dimancheprochain.org

    Homélies précédentes


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  • Les affaires et la vie

    La parabole du gérant habile : Luc 16, 1-13
    Autres lectures : Amos 8, 4-7; Psaume 112(113); 1 Timothée 2, 1-8

     

    Gerant-habile.jpg « Les affaires sont les affaires », dit-on couramment. Dans notre société moderne, tout est bien compartimenté : le public et le privé, l’éducation et la santé, le travail, les loisirs, la politique, la religion ou la spiritualité, la science… et la sacrosainte économie, qui régit tout du haut de son piédestal. Aucune activité humaine ne peut plus se soustraire à son regard scrutateur. Elle juge de la valeur de tout, mais elle n’est elle-même jugée par personne. Tout doit désormais être comptable, rentable et profitable, sous peine de devenir insignifiant, délaissé ou même banni. Cet économisme outrancier assure son emprise sur des domaines jadis non monnayables : les arts, la culture, l’éducation, la science. Les artistes doivent produire de l’art qui se vend; les savants doivent chercher seulement si cela rapporte des dividendes. Même le bénévolat est aujourd’hui compté comme une activité qui contribue à l’économie et dont celle-ci ne saurait se passer!

    La religion « économie »

         L’idéologie économique en vogue est une véritable religion, avec ses dieux de la finance, ses clercs comptables, sa morale du profit et son seul péché : le déficit. Il faut sacrifier nos enfants à ces dieux invisibles qui nous promettent un développement durable, une croissance sans fin… croissance réservée aux seuls performants, paradis millénariste qui tarde à venir et qui impliquerait la destruction de notre monde par pollution et tarissement de nos ressources.

         Holà! Je blasphème. En levant la voix contre l’indicible mystère du dogme économique, je porte atteinte à la seule chose qui soit vraiment sacrée dans notre monde : l’argent. Son usage est strictement règlementé par des codes de lois et tout l’appareil étatique et médiatique la protège des impuretés de nos consciences. « Les affaires sont les affaires », c’est le tabou de sainteté qui nous tient à distance, qui nous empêche de profaner le culte célébré quotidiennement dans l’Empire moderne.

    De la dépendance à la liberté

         L’Évangile dénonce cette logique impériale. En tant que guide, l’argent est trompeur (Luc 16,9.11). Il engendre des liens basés sur la ruse et le mensonge, comme l’illustre la parabole du gérant malhonnête. C’est ça, « les affaires » laissées à elles-mêmes! L’argent est un maître ou un faux dieu, qui nous promet le bonheur si nous le servons, mais qui ne livre pas la marchandise en bout de ligne (Luc 16,13). Cette idole essaie de nous persuader qu’elle est compatible avec notre religion du cœur : tant que nous laissons autonomie et priorité aux « affaires », nous pouvons bien occuper notre temps libre à prier le Dieu que nous voudrons, en privé, à nos frais. Ce faux dieu nous inspire des habiletés de gérance et des stratégies de réussite qui font de nos proches des ennemis, ou au mieux des étrangers, et du reste des humains, des moyens pour s’enrichir.

         L’évangéliste Luc est catégorique. Se soumettre aveuglement à l’impératif économique, c’est apostasier de la foi au seul Dieu qui sauve. L’argent est un moyen pour faire du bien, pas un bien en soi. Le bien véritable ne se compte pas, mais il se perd facilement. Et si nous n’apprenons pas à soumettre l’argent à l’impératif moral, si nous ne développons pas des habiletés à le gérer au lieu de nous laisser gérer par lui, qui nous confiera le bien véritable, le bonheur auquel nous aspirons profondément et pour toujours? Gagner au jeu de l’argent, c’est investir sur des faux amis et des fausses demeures pour l’éternité (Luc 16,9). Les affaires ne sont pas que les affaires. Il y va de nos vies!

    Le pouvoir outrancier de la richesse (Amos 8, 4-7)

    Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits (Amos 8,7)

         De tout temps, Dieu nous envoie des prophètes comme Amos, qui osent exposer au grand jour le véritable culte auquel se livrent parfois des gens bien religieux. Aveuglés par l’appât du gain, les riches et les puissants minimisent les impacts de leur activité économique sur des populations appauvries. Ils contournent les règles et les disqualifient lorsqu’elles ne font pas leur « affaire ». Ils créent des nouvelles règles qui les avantagent, au détriment des droits des petites gens. Comme ils sont en haut de la pyramide sociale, les grands peuvent souvent s’en tirer impunément et se donner même bonne conscience, en s’imaginant que leur succès a des retombées positives sur l’ensemble de la population. Non seulement effacent-ils les traces de leurs méfaits derrière eux, mais encore ils se cachent à eux-mêmes la vérité de leurs agissements, afin de bien dormir et de continuer leur vie sans tracas. Si la religion est l’opium du peuple selon Marx, l’économie s’avère être la religion des riches, et c’est une drogue des plus sophistiquées. Dès lors, la parole du prophète vise la mise en lumière de ce qui est caché, le rappel de ce que l’on ne veut pas entendre. Le prophète affirme que Dieu voit tout et que Dieu se souvient. Parce que Dieu et ses prophètes sont là, les injustices ne passeront pas sous silence.

    Prier et agir pour un ordre social juste (1 Timothée 2, 1-8)    

    … afin que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux (1 Timothée 2,2)

         L ’apôtre insiste pour que Timothée fasse des prières de demande, d’intercession et d’action de grâce pour tout le monde, incluant les dirigeants de la société. La sagesse apostolique veut que si l’on prie pour les chefs, les bonnes décisions seront prises et nous pourrons tous vivre en paix. Or prier ne veut pas dire fermer les yeux, ou taire les injustices dont on est témoin, même de la part des autorités. Nous sommes appelés à être sages comme l’apôtre et prophètes comme Amos. Notre dénonciation des abus du pouvoir ne vise pas l’anarchie, mais bien l’établissement d’un ordre plus juste et plus vrai. Nous devons prier pour que tous parviennent à connaître pleinement la vérité (1 Timothée 2,4), ce qui ne se fera pas en taisant ou en cachant les travers des gens notables. Ce serait un contre-sens de tolérer en silence des atrocités au nom de la stabilité sociale et de la paix publique. Il n’y aura de paix et de justice durables que dans la vérité. Autrement, « le calme et la sécurité » obtenus au prix des injustices et des cachoteries ne tiendra pas longtemps. Nous pouvons souhaiter comme l’apôtre qu’en tout lieu les hommes prient en levant les mains vers le ciel, saintement, sans colère ni mauvaises intentions (1 Timothée 2,8), mais pour que ce rêve devienne projet et réalité, il faut enseigner la foi qui sauve (2 Timothée 2,7), sans complaisance pour le culte de l’argent et du pouvoir.

     

    Rodolfo Felices Luna, bibliste

     

    Source: Le Feuillet biblique, no 2239. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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    La prière du pauvre


    Qui s'élève sera abaissé; qui s'abaisse sera élevé (Luc 18, 14).


    Andre-Beauchamp.jpg   L'autre jour, dans l'église, ils étaient là tous les deux et je les ai bien reconnus : le Pharisien et le Publicain.

     

    Le Pharisien était grand, fort, sûr de lui. Il a fait un large signe de croix avec l'eau bénite, s'est avancé bien droit dans le milieu de l'allée, a regardé tout autour avec son air supérieur, puis il s'est mis à prier. Ah l'hypocrite!

     

    Le Publicain, c'était une vieille dame toute courbée qui s'est glissée dans l'allée de côté et a fait son chemin de croix en marmonnant ses prières. Je n'entendais que des « s » qui glissaient entre ses dents usées. Je les ai regardés longuement l'un et l'autre, elle, la vieille éplorée, lui, le pédant. Quand ils eurent quitté l'église, j'ai décidé de partir à mon tour.

     

    C'est à ce moment-là qu'une voix a retenti derrière moi : « André, le Pharisien, c'est toi!

     

    » - « Mais non Seigneur, je viens de le voir, le Pharisien avec son complet chic, son air de businessman, son attitude dédaigneuse.»


    Mais la voix a repris : « Vois-tu André, ce monsieur-là, il a tout perdu dans la dernière crise économique. Il est ruiné. Dans sa prière, il a juste demandé la paix du cœur. La vieille, elle, priait pour un petit-fils en prison. Mais toi, tu n'as pas prié un seul instant. Tu jugeais les autres. Tu n'as eu d'amour pour personne, pas même pour la vieille dont tu te servais pour juger l'autre. Tu cherchais un prétexte pour blâmer quelqu'un. »


      Depuis ce jour-là, je me demande souvent si le Pharisien ce ne serait pas moi aussi.


    LIEN: Le monde est facile à juger quand il y a les bons d'un côté, et les mauvais de l'autre. On se pense toujours du côté des bons. Alors qu'en vérité chacun de nous est à la fois Pharisien et Publicain et que notre seule manière de nous en sortir est de renoncer à juger autrui (André Beauchamp).


    Source www.interbible.org

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    M. Beauchamp est théologien et environnementaliste


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  • Il faut toujours prier


    enf-chien-priere.jpgParabole du juge qui se fait prier longtemps : Luc 18, 1-8
    Autres lectures : Exode 17, 8-13; Psaume 120(121); 2 Timothée 3, 14 - 4, 2

     

    Lorsque Luc écrit qu’il faut que telle chose arrive, il exprime la conviction que les événements envisagés font partie du plan de Dieu qui ne peut être qu’un plan de salut (voir, par exemple : Luc 2,49; 4,43; 24,7.26.44). Lorsqu’il écrit qu’il faut toujours prier il affirme que la prière est une nécessité inhérente au projet de Dieu. Il ne s’agit pas seulement d’obéir à une loi mais de répondre adéquatement à l’initiative de Dieu en entretenant avec lui une relation vivante. Le verbe prier peut recouvrir un vaste éventail d’attitudes : louer, remercier, demander pardon, demander une faveur etc. Tout au long de sa vie Jésus donne l’exemple de la prière : lors de son baptême (Lc 3, 21), avant le choix des apôtres (Lc 6, 12), lors de sa transfiguration (Lc 9,28). Sa prière est sa nourriture quotidienne (Lc 5,16; 6, 12; 9,18 etc.). Sa manière de prier impressionne ses disciples qui lui demandent de leur apprendre à prier comme lui (Lc 11, 1-2). Et le livre des Actes des Apôtres montre comment la communauté chrétienne mit en pratique la consigne de Jésus (Ac 1,24; 6, 6; 8,15 etc.).

    Prier sans se décourager (v. 1)

         S’il est une récrimination commune à tous les croyants, c’est celle-ci : « Je prie, je demande des bonnes choses, et Dieu ne m’écoute pas ». Cette plainte s’exprime même dans le livre de prière par excellence, les Psaumes : Mon Dieu, le jour j’appelle et tu ne réponds pas (Ps 22(21), 3; voir aussi : Ps 44(43),24-25; 69(68),14; 88(87),14-15). Jésus se montre sensible à cette expérience souvent douloureuse. Sans proposer d’explication, il exhorte à la patience et à la persévérance.

         Ce thème est illustré par la parabole de l’ami importun (Lc 11, 5-8) qui est le pendant masculin de celle de la veuve persévérante. Luc utilise ce procédé en d’autres endroits : le semeur (Lc 13, 18-19) et la femme qui fait du pain (Lc 13, 20-21), le berger (Lc 15, 4-7) et la maîtresse de maison (Lc 15, 8-10). Il est possible que dans la source utilisée par Luc, ces deux paraboles se suivaient. D’ailleurs la conclusion de l’enseignement sur la prière (Lc 11, 1-13) s’applique bien à l’histoire de ce juge : Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient? (Lc 11, 13). 

         Voilà la réponse de Jésus à l’apparent silence de Dieu. Dieu ne donne pas d’abord des choses, il se donne lui-même en envoyant son Esprit. Seul l’Esprit peut inspirer une vraie prière, conforme au projet de Dieu : L’Esprit vient au secours de notre faiblesse; car nous ne savons pas quoi demander pour prier comme il faut; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et Celui qui sonde les cœurs sait bien quel est le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu (Rm 8, 26-27). La prière qu’il faut faire sans cesse est celle de Jésus au mont des Oliviers : Que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne, qui se fasse (Lc 22, 42). Partant de là, toutes les demandes inspirées par l’Esprit peuvent être adressées à Dieu puisqu’elles se situent toujours à l’intérieur de son projet de salut car Dieu notre Sauveur … veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Tm 2, 3b-4; voir tout le développement sur la prière chrétienne : 1 Tm 2, 1-8).

    Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus? (v. 7)

         Luc a vraisemblablement détaché cette parabole de l’ensemble sur la prière pour en faire la conclusion du discours sur la venue du Fils de l’homme (Lc 17, 20-37). On trouve, dans le Nouveau Testament, plusieurs échos de l’attente des premiers chrétiens concernant la venue prochaine du Royaume (cf. 1 Th 4, 13-18; 2 Co 5, 1-5 etc.). Mais à mesure que passe le temps l’impatience fait place à l’inquiétude : Dieu aurait-il oublié sa promesse (cf. Jacques 5, 7-11; 2 Pierre 3, 8-10)? Dans son évangile et dans les Actes Luc réagit à cette préoccupation en montrant comment l’œuvre du salut s’inscrit dans l’histoire. La Bonne Nouvelle a besoin de temps pour se répandre jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1, 8). En attendant le Jour, les disciples doivent affronter l’hostilité et la persécution (cf. Lc 21, 12-19) comme leur maître avant eux (cf. Lc 17,25). Dans cette situation dramatique, la prière est l’outil le plus utile pour garder courage et faire face aux difficultés : Veillez et priez en tout temps, afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme (Lc 21, 36). La veuve persévérante met en pratique cette consigne. À cause de son insistance elle finit par obtenir justice de la part d’un juge inique. Combien plus Dieu, qui est juste et bon, fera-t-il justice à ceux qui le prient?

    Trouvera-t-il la foi sur la terre? (v. 8)

         Le retard apparent dans l’accomplissement de la promesse produit inquiétude, découragement ou assoupissement (cf. 2 Pierre 3, 9). Luc se demande si les chrétiens, en s’installant dans le monde comme s’il devait durer toujours, ne perdent pas quelque chose d’essentiel; la venue du Règne, qui fait l’objet de la prière (cf. Lc 11, 2) est-elle encore au centre de la foi et de l’espérance? L’inquiétude exprimée par la conclusion du passage concerne moins la foi dogmatique que la vigilance active des croyants tendus vers la réalisation des promesses du salut.

    Les mains de Moïse demeurèrent levées (Ex 17,12)

         On connaît Moïse comme libérateur et comme législateur, moins peut-être comme intercesseur. Pourtant, plusieurs textes le présentent dans ce rôle (voir, par exemple : Ex 32, 11-14.30-32; Dt 9, 7-21 : l’affaire du veau d’or; Nb 14, 13-19; Dt 9, 25-29 : l’exploration de la Terre promise). Le texte retenu par la liturgie raconte une bataille livrée par les Israélites contre des nomades, les Amalécites. Le succès des armes est attribué à la prière constante de Moïse. La prière n’a pas d’effet magique; Josué et ses guerriers doivent livrer bataille, mais ils sont soutenus par l’intercession de Moïse, le chef du peuple, qui présente à Dieu la cause des siens. Le geste de lever les mains vers le ciel pour prier existe dans plusieurs cultures. On le retrouve dans le Nouveau Testament (1 Tm 2,8) et Tertulien y associe le vol des oiseaux : Quant aux oiseaux, lorsqu’ils se lèvent, ils se dirigent vers le ciel et ils étendent leurs ailes, comme nous étendons les mains, en forme de croix et ils font entendre ce qui apparaît comme une prière (De oratione 29).

    Tu connais les textes sacrés (2 Tm 3,15)

         La Commission biblique pontificale travaille actuellement sur l’inspiration et l’autorité de la Bible. Le sujet est toujours d’actualité. Paul affirme l’origine divine des Écritures : Tous les passages des Écritures sont inspirés par Dieu, et leur importance pour la vie de l’Église : Celle-ci est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice (3,16). La connaissance de la Bible est nécessaire pour alimenter la piété personnelle mais aussi toute l’activité missionnaire et pastorale. Timothée, qui connaît les textes sacrés depuis son jeune âge (cf. 3,15), reçoit la consigne de proclamer la Parole à temps et à contretemps (4,2) car elle est le chemin qui conduit au salut (3,15).

     

    Jérôme Longtin, ptre

    Source www.interbible.org

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  • dessin palestine

    Question« Bible, spiritualité et action sociale », n’est-ce pas un peu forcé comme lien? (J. Lalancette)

    RéponseCette personne réagissait à quelques mots lus sur l’affiche d’une session que j’ai donnée pendant une dizaine d’années pour SOCABI : « Des histoires à se tenir debout. Bible, spiritualité et action sociale ». Elle se demandait comment chacun des éléments du sous-titre pouvait s’arrimer aux deux autres.

    Bible et spiritualité

         Pour beaucoup, la dimension « spirituelle » des Écritures semble difficile à percevoir au premier abord. Cette difficulté a quelque chose à voir avec leur expérience. Certaines personnes lisent abondamment des auteurs spirituels ou mystiques; d’autres se passionnent pour ce qu’on appelle les « révélations privées »; d’autres encore s’intéressent aux textes de grandes traditions orientales, comme l’hindouisme ou le bouddhisme. Elles s’attachent alors à un genre d’« écrits spirituels » qu’elles s’attendent à retrouver dans la Bible.

         La quête de Dieu inspire la Bible tout entière. Presque toutes les pages se réfèrent à lui. Nous avons tendance à négliger la profondeur de vision de récits ou de textes, apparemment banals. La Bible ne serait pas « spirituelle »? Comment expliquer alors l’intérêt que lui portent de grands auteurs de tous les temps et des millions de personnes encore aujourd’hui? Une telle lecture ne va pas sans défis - comme celui de décoder le langage d’une autre époque et d’une autre culture ­ mais une profonde vision spirituelle reste bien présente dans la Bible.

    Bible et action sociale

         De même, dans la Bible, la vision du monde et de la société diffère de la nôtre. Nous séparons volontiers le « sacré » du « profane », comme s’il s’agissait de deux réalités indépendantes.

         Pour le peuple de la Bible, la quête de Dieu ne s’arrête jamais. Ce que nous appelons la « religion » ou la « vie spirituelle » irrigue toutes les dimensions de l’existence : la gestion domestique, l’économie, les relations avec l’étranger, la justice. Autant de domaines qu’un Israélite souhaite vivre « sous le regard de Dieu ».

    Spiritualité et action sociale

         Le seul lien entre spiritualité et action sociale définit toute notre vision de Dieu et de sa présence dans le monde. Ce point de jonction s’avère, dans les faits, révélateur de la qualité de notre vie de foi.

         Que nous le voulions ou non, que nous en soyons conscients ou non, notre vie (manière de penser et d’agir) s’organise autour d’un absolu. Nous avons tous un point de référence plus ou moins avoué, et cette mesure joue le rôle de « Dieu ». La recherche du profit, le confort, l’affirmation de soi au détriment des autres, autant de dieux modernes auxquels beaucoup sacrifient leur temps et leur énergie.

         Au dire des prophètes, nous ne choisissons pas d’avoir ou non un dieu. Nier Dieu ou s’en désintéresser laisse entière la question. Notre vie quotidienne, nos rapports avec les autres, notre manière de consommer ou de voter s’inspirent de l’absolu qui donne sens à notre existence. Le nier relève de l’inconscience. La Bible, patiemment étudiée, méditée, interprétée avec d’autres, devient alors un formidable révélateur de nos incohérences, de l’écart entre le Dieu dont nous nous réclamons en paroles et celui dont nous témoignons par notre comportement. Pour les prophètes et pour Jésus, le véritable Dieu de notre vie est celui qui donne sens à notre agir.

    Guylain Prince


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