• La Bible et la science
     
    Science et récits de création (1 de 2)


    Science et récits de création - InterbibleQuestion
    Comment interpréter les récits de la création quand la science enseigne que l’homme descend du singe?

    RéponseSouvent posée aux biblistes, la question est double. Quelle est, aujourd'hui, l'autorité des textes bibliques qui semblent contredire les données de la science? Et les découvertes scientifiques peuvent-elles nous amener à lire autrement les récits des origines? À cette seconde interrogation, je répondrai par l'affirmative, car les sciences nous invitent à nous mieux concentrer sur la visée propre des écrits bibliques.

         Je me rappelle cet ingénieur qui, à la fin d'une session sur la Genèse, s'écrie : « Enfin, on m'a rendu mes origines! ». Formé à l'École technique, depuis plusieurs années, il présumait que les textes bibliques sur la création étaient périmés et qu'ils ne pouvaient plus parler aux croyants d'aujourd'hui. Une fois clarifiées quelques données de base, il se replongea dans la lecture de la Genèse avec le plus grand profit.

    « Rendez à la science ce qui appartient à la science... »

         Les recherches scientifiques relèvent de la méthode expérimentale. Les chercheurs proposent des hypothèses, puis ils les vérifient et, s'ils les retiennent, ils les revoient au besoin. Les conclusions de la science sont souvent, comme le disait l'un de mes anciens professeurs, l'hypothèse la moins mauvaise ou du moins, celle qui explique le mieux les différentes variables qui entrent dans le champ d'une recherche. Parfois, nous entendons parler de grandes théories comme le big-bang ou l'évolution pour expliquer l'origine de l'univers et de la vie. Même si la plupart des scientifiques s'entendent, toute hypothèse fait l'objet d'une continuelle réévaluation. Certaines, parmi les plus sérieuses d'autrefois, sont aujourd'hui complètement écartées.

         La science observe et explique le réel selon des méthodes et des normes qui lui sont propres. Et si, par exemple, le monde qu'elle permet de mieux connaître nous apparaît vieux de six milliards d'années, nous aurions tort, en tant que croyants, de rejeter cette explication. Les sciences abordent la question de l'univers sous l'angle du comment : comment l'univers a-t-il pu naître? Comment la nature s'est-elle développée? Etc. L'explication la plus plausible est celle qui rend le mieux compte de la réalité, telle qu'elle se donne à connaître.

    « ... et à la foi ce qui est du domaine de la foi. »

         Le développement des sciences a permis de mettre en lumière la visée propre des récits de la Genèse. Par exemple, le récit de création (Gn 1) se comprend mieux si l'on tient compte du genre littéraire et du contexte historique. Alors que l'auteur biblique et son peuple sont dépossédés de la Terre Promise et exilés en Babylonie, un royaume beaucoup plus puissant que le leur, les questions surgissent :  « Qui est Dieu? Que fait-il? Qui sommes-nous? Et quelle est notre place dans l’univers? » L’auteur ne se demande pas comment le monde est venu à l’existence. Sa question à lui, c’est plutôt : « L’univers où nous vivons a-t-il un sens? Si oui, lequel ?».

         La réponse est audacieuse et toujours actuelle. Au beau milieu de l‘Exil, l’auteur du premier récit de la Genèse invite son peuple à garder confiance. Dépossédés de tout, mais surtout de leur terre, confrontés au « silence de Dieu », les Juifs se voient proposer un message d’espoir. Non, dit le texte, le monde n’est pas dénué de sens; Dieu lui a donné naissance et, s’il a créé, du chaos original, cet univers merveilleusement ordonné, il saura bien tirer son peuple de l’Exil. Dieu est l’UN, l’éternellement UN et il a fait de sa créature préférée, l’être humain, le reflet de son pouvoir et de sa grandeur.

         « Notre » auteur biblique s'intéresse peu à la « manière » dont l'univers a progressé à travers les âges. Il lui suffit de savoir que le monde, tel que nous pouvons le connaître, est un don de Dieu et qu'il est sous la mouvance de son Souffle créateur. L'être humain hérite de cette conscience d'un monde où Dieu et présent. Et affirmer cela, c'est toujours actuel…

    Source : Parabole, Initiation à la Bible, collection La Bible

    pas à pas, feuillet no 9.

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  • Un archer sur un sceau judéen 

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    Le chantier ouvert en 2005 (BiblePlaces.com)

    En 2005, des fouilles ont été entreprises à Jérusalem sous la grande place du mur Occidental. À une centaine de mètres du mont du Temple, on a ouvert un chantier d’environ 1500 m2. On y a découvert, sous les dalles d’une rue à colonnades d’époque romaine, un bâtiment administratif de l’époque du premier Temple (Fer II) très bien conservé. En 2008, en examinant soigneusement les débris à l’intérieur du bâtiment, on a trouvé quatre sceaux personnels dont un présentant l’image très nette d’un archer.

         Cet artefact est unique car c’est la première fois qu’un sceau portant une inscription hébraïque est accompagné d’un motif influencé par l’art assyrien. De forme ovale, comme un scarabée, et gravé sur une pierre noire, le sceau indique clairement le nom de son propriétaire. Sur le sceau, l’inscription est inversée mais une fois imprimée, sur de la cire par exemple, on peut lire : « Appartenant à Hâgab ».

         Le nom Hâgab se retrouve dans la Bible [1] et figure sur la liste des chefs de familles revenues d’exil (voir Esdras 2,46) avec Zorobabel. Mais il est improbable que cet exilé soit le propriétaire du sceau car le contexte archéologique de sa découverte pointe plutôt vers une période antérieure : le sceau a été utilisé au VIIe siècle avant notre ère. Or, le retour des exilés dont parle le livre d’Esdras se situe en 536 avant JC.

    L’archer

    Sceau de Hâgab

    Le sceau vu de profil et de face

         L’archer ne porte pas de casque ni de cuirasse. Les traits de son visage sont indiqués par quelques incisions pour le nez, les yeux et la joue. Les incisions sous le menton pourraient représenter la barbe. La poitrine apparemment nue est traversée par la courroie du carquois. L’archer tient l’arc dans sa main droite (n’oublions pas que le motif est inversé) et vise de la gauche. La corde de l’arc n’est pas visible mais un trait horizontal représente la flèche. Le soldat porte une ceinture à laquelle est probablement attachée une épée. Comme sur les reliefs assyriens, on remarque la forte musculature des mollets du guerrier et ses pieds sont nus.

    L’art palatial assyrien

    Détail d’une scène de la prise de Lakish

    Détail d’une scène de la prise de Lakish

         L’artisan qui a fabriqué le sceau pourrait s’être inspiré d’un objet importé mais une autre possibilité serait une influence directe de l’art palatial assyrien. Sur les murs du palais de Sennachérib (roi d’Assyrie de 704 à 681 av. JC) à Ninive, on pouvait admirer des scènes de combat dont la célèbre prise de Lakish, une ville judéenne de la Shéphélah. Aujourd’hui conservés au British Museum, les reliefs de la prise de Lakish représentent la victoire assyrienne contre la révolte du roi Ézéchias en 701. Parmi les soldats assyriens qui figurent sur ces scènes de combat, on compte plusieurs archers représentés en formation de combat.

         Puisque les sceaux étaient utilisés dans l’ancien Israël par des individus détenant une responsabilité gouvernementale, on peut penser que Hâgab avait un rôle militaire important dans le royaume de Juda. Le motif de l’archer atteste la forte influence assyrienne qui existait à Jérusalem au VIIe siècle de notre ère. Mais il démontre également que le royaume israélite jouissait encore d’une autonomie relative sous l’hégémonie assyrienne.

    [1] Le nom Hagab se retrouve également dans les lettres (ostraca) de Lakish et sur quelques impressions de sceaux hébraïques.

    Sylvain Campeau

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  • Les Évangiles de Garima

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    Un manuscrit trouvé dans un monastère éthiopien pourrait être la plus ancienne Bible illustrée dans le monde. Des examens de datation au carbone 14 ont permis de dater entre 330 et 650, une Bible trouvée dans le monastère de Garima, près d’Adwa dans le nord de l’Éthiopie et initialement datée du XIe siècle. Le manuscrit est à ce jour la plus ancienne Bible illustrée découverte.

    Les textes vieux de 1600 ans ont été copiés par un certain Abba Garima, un moine arrivé de Constantinople en Éthiopie vers 494 de notre ère. Il a copié les Évangiles sur une peau de chèvre, en langue guèze. Les pages du manuscrit richement enluminées et remarquablement bien conservées présentent des illustrations des quatre évangélistes et la première représentation du Temple de Jérusalem. Les Évangiles de Garima ont été maintenus au sec et à l’abri de la lumière, ce qui a permis leur préservation et aux couleurs de garder toute leur intensité.

     

    Gérard Blais
    directeur du Centre biblique Har'el
    Saint-Augustin, QC

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  • Une autre terre promise

    terre-promise.jpg En étudiant le sens de la terre dans la Bible et chez les pères de l'Église, Frédéric Manns nous invite à porter un  autre regard sur le don de la terre.

         « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ». La Torah comme livre de commandements débute avec le chapitre 12 du livre de l'Exode. Mais ces commandements exigeaient une préface pour expliquer ce que Moïse et Aaron faisaient au pays d'Égypte, alors que leur terre était celle des Hébreux. Rashi, dans son commentaire du livre de la Genèse écrit :

    Si les nations du monde disent à Israël : « Vous êtes des brigands, puisque vous avez conquis les terres des sept nations », Israël leur répondra : « Toute la terre appartient à Dieu. Il l'a créée et l'a donnée à qui est droit à ses yeux. De par sa volonté il la leur a donnée et de par sa volonté il la leur a reprise et nous l'a donnée. »

         Le problème soulevé par ce texte est le suivant : la relation de Dieu à l'homme passe-t-elle par l'impersonnel des lois de la nature ou bien, comme le dit le récit biblique, cette relation passe-t-elle par l'histoire humaine et par l'histoire d'Israël. Dans le premier cas, Dieu serait le Dieu des philosophes, dans le second, il serait le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.

    Les sens du don de la terre

         L'installation en terre promise s'est révélée comme une préfiguration de la possession paisible que les derniers temps allaient assurer à Israël et que devait marquer une extraordinaire fécondité des vignobles. « Les montagnes distilleront du jus de raisin et toutes les collines se liquéfieront... Ils planteront des vignes et en boiront le vin. » (Am 9,13-14) À cette implantation définitive sur la terre : des promesses correspondent chez Osée et Jérémie le thème des épousailles irrévocables de Yhwh avec son peuple. Le vin, l'huile et le blé jouent de nouveau un grand rôle dans cette allégresse nuptiale.

         Pour Origène. dans son Traité des Principes 4,2,8, « ce qui est étonnant c'est qu'à travers des histoires de guerre, de vainqueurs et de vaincus des mystères sont révélés à ceux qui savent examiner cela. Et ce qui est encore plus admirable c'est qu'à travers la législation que contient l'Écriture les lois de la vérité sont prophétisées et tout cela est écrit en ordre logique avec une puissance convenant à la sagesse de Dieu ». Dans son Commentaire sur le livre de Josué, Origène reviendra sur le problème de la terre donnée à Israël.

         Le judaïsme avait donné différentes significations du don de la terre. Pour les Esséniens les humbles qui hériteraient de la terre étaient les fils de lumière qui entraient dans la communauté de l'alliance. Pour Philon d'Alexandrie la terre était le symbole de la sagesse que Dieu donnait. Pour les Pharisiens le don de la terre symbolisait le don de la vie éternelle.

         La tradition biblique avait rapproché les termes Adam et Adamah (la terre). La terre représente en effet la matière avec laquelle fut façonné Adam, le terreux. Elle est le symbole de la chair d'Adam. Du coup, la terre promise peut représenter aussi la chair du nouvel Adam, c'est-à-dire la chair du Christ. L’assimilation sera faite dès le deuxième siècle par l'Épître de Barnabé, par Tertullien et Hippolyte.

         La terre promise représente non seulement le corps du Christ dans sa nature humaine, mais toute la nouvelle création recréée dans le Christ (Barnabé 6,13). C'est par le baptême que les chrétiens sont introduits dans une terre excellente. Si la terre est le Christ, elle est aussi l'Église, c'est-à-dire les chrétiens incorporés au Christ.

         Cette terre promise est un symbole de vie parce qu'elle est une terre de liberté par opposition à l'esclavage en Égypte et terre de fécondité par opposition au désert.

         Le Christ, nouvelle terre promise, est symbole de Vie parce qu'il est le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14,6). Il est celui qui nous donne la semence de Vie éternelle, la Bonne Terre qui s'unit à notre terre (ls 62,4) qui n'a plus assez de richesses en elle pour que nous puissions, à notre tour, produire à nouveau de bons fruits. Tout jardinier sait qu'il faut amener de la nouvelle terre pour mélanger à l'ancienne afin qu'elle produise à nouveau car celle-ci est épuisée, elle a perdu sa vitalité! Cette terre ancienne et nouvelle, c'est l'Église. À la fin des temps, la terre pauvre, marquée par le péché va disparaître, il n'y aura plus que la terre nouvelle (Ap 21,1-2).

         La terre glaise du Christ nous apprend la patience du potier qui nous façonne avec l'eau du baptême et le feu de l'Esprit (Mt 3, 11). L’eau représente toutes les potentialités de la création. Jean-Baptiste invite à un baptême de conversion pour retrouver ses potentialités humaines.

         L'eau rend la terre souple, alors que le souffle représente les potentialités divines. L’esprit plane sur les eaux, le souffle symbolise quelque chose de supérieur à l'eau.

         Dans la symbolique de la poterie, l'eau cède sa place au feu, nous n'y voyons pas le symbole du divin qui supprime l'humain car l'humain n'est pas symbolisé par l'eau mais par la terre. Ce sont les potentialités humaines qui sont totalement transcendées par les potentialités divines données par le feu. Autrement dit, l'humanité est divinisée. La terre « enferme », elle a en son centre l'enfer de feu. Autre chose est de marcher sur terre, de la dominer, autre chose est d'être sous-terre, lieu des morts et du feu de l'enfer. Impossible à cet endroit de respirer, pas de souffle de vie possible, c'est le lieu des ténèbres (Dn 7,3.17).

         La terre d'un côté est semence de vie et de l'autre séjour des morts. Ne faut-il pas retourner dans la terre pour renaître à la vie?

    Frédéric Manns

     

    Source www.interbible.org

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  • Une vie partagée

    premiers-chretiens.jpg Chaque dimanche, nous sommes invités à nous rassembler en Église pour faire eucharistie ou, comme on le dit le plus souvent, nous allons à la messe. Quant aux premières générations chrétiennes, on se réunissait dans la maison d’un membre de la communauté qui devenait par le fait même la maison de l’Église. On s’y rassemblait pour prendre le repas du Seigneur, au cours duquel on faisait mémoire du geste de la fraction du pain.

     

         Jusqu’à maintenant, j’ai utilisé quatre expressions pour parler d’un même événement mais une seule, introuvable dans les Écritures, a fini par s’imposer et éclipser toutes les autres dans le langage populaire. Vous l’aurez sans doute reconnue : il s’agit du mot «messe». Les autres par contre font référence à l’un ou l’autre geste posé par Jésus au cours de la dernière Cène. La veille de sa mort, Jésus réunit ses apôtres pour un ultime repas au cours duquel il fait eucharistie, c’est-à-dire qu’il rend grâce au Père pour l’œuvre qu’il lui a demandé d’accomplir, celle de révéler son amour à l’humanité et lui proposer son alliance. Au cours de ce repas, Jésus pose un geste fondateur : la fraction du pain en signe d’une vie partagée, et le partage de la coupe en signe de l’alliance nouvelle. Quel sens ce geste fondateur, dont Jésus demande de faire mémoire, a-t-il pour lui-même et pour nous aujourd’hui?

     

         Pour Jésus, le geste de la fraction du pain n’est pas un geste magique. Il est pour le moins étonnant que plusieurs siècles plus tard on ait discuté longuement à propos du moment exact où, dans le prononcé des paroles de la consécration par le prêtre, le pain devient corps du Christ et le vin sang du Christ. Le geste n’est pas un instantané mais le condensé de toute une vie, une vie qui a sans cesse été donnée, partagée, offerte pour la gloire de Dieu et le salut du monde. La fraction du pain est le signe d’une vie qui n’a été que nourriture pour les personnes rencontrées sur la route : nourriture de compassion et d’écoute pour les malheureux, nourriture de pardon pour les pécheurs et de confiance redonnée pour les malades, nourriture de réinsertion sociale pour les laissés pour compte, nourriture de recentrage de la religion sur l’essentiel : l’adoration de Dieu passe par le respect de la liberté intérieure et de la responsabilité de la personne. C’est donc l’existence entièrement vécue pour les autres que Jésus condense et symbolise dans la fraction du pain et la coupe partagée. En en faisant mémoire, comme Jésus a demandé de le faire, c’est la vie donnée de Jésus qui va se perpétuer et s’incarner dans nos propres vies.

     

         Pour nous, faire mémoire de la vie partagée, fractionnée, de Jésus, c’est prendre notre propre vie entre nos mains pour l’unir à celle du Christ que nous accueillons entendant la main pour la recevoir. Il y a dans le repas eucharistique plus qu’une dévotion, il y a toute la volonté de faire corps avec le Christ. Il y a quelque chose de redoutable dans l’Eucharistie, car c’est s’engager à faire de notre vie une vie partagée, offerte aux autres. Il ne faut pas oublier que le quotidien de notre vie s’ajoute au pain et au vin que l’on apporte pour que, par la puissance de l’Esprit, tout soit

    transfiguré en corps du Christ, en sa présence réelle offerte au monde. Comme on le dit dans une prière de la messe : « Nous qui avons communié au corps et au sang eucharistiques du Christ, puissions-nous devenir ce que nous avons reçu : le corps du Christ. »

    Yves Guillemette, ptre

    yves guillemette

    source www.interbible.org

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  • Les surprises archéologiques de Saint-Paul-hors-les-murs
    Les nouvelles découvertes ouvertes au public
    (photo Internet)

    Saint-Paul-Hors-Les-Murs.jpg ROME, Vendredi 9 juillet 2010 (ZENIT.org) - Le pèlerin peut désormais découvrir la basilique Saint-Paul-hors-les-murs, témoin fidèle de deux mille ans d'histoire du christianisme, dans toute sa plénitude.

    Le 28 juin dernier, le pape Benoît XVI a inauguré un important complexe archéologique, avec des vestiges de la basilique ancienne construite à la demande de l'empereur Constantin au IVème siècle. ZENIT a visité ce complexe archéologique en compagnie de l'archiprêtre de la basilique, Mgr Francesco Monterisi.

    Parmi les nouveautés figure une galerie qui va de l'abbaye bénédictine (où vivent les moines qui sont chargés depuis 1300 ans de l'attention pastorale dans la basilique), à l'entrée des fouilles les plus récentes et à un bâtiment pour les touristes et les pèlerins où se trouvent une librairie et une cafétéria.

    Dans cette galerie, on peut voir des vestiges archéologiques découverts récemment lors des fouilles réalisées par l'Institut pontifical d'archéologie chrétienne et par les Musées du Vatican. Les vitrines contenant ces vestiges sont séparées par des schémas qui montrent l'évolution de la Basilique : de sa consécration au IVème siècle, jusqu'à nos jours.

    Un escalier conduit à la partie souterraine qui n'est pas encore ouverte au public mais où devraient être exposés des vestiges archéologiques des premiers monastères bénédictins de Saint-Paul-hors-les-murs.

     

    Son histoire en trois étapes

    La basilique fut consacrée en 324 par le pape Sylvestre I. Elle avait été construite à la demande de l'empereur Constantin.

    Par la suite, les empereurs Théodose, Valentinien II et Arcade firent construire la « deuxième basilique » qui avait les dimensions de la basilique actuelle. Celle-ci s'enrichit ensuite de nouveaux éléments comme le baldaquin d'Arnolfo di Cambio et la base du cierge pascal de Nicola D'Angelo et Pietro Vassalletto, conservés encore aujourd'hui.

    A droite de la basilique on peut voir des chapiteaux et vestiges de colonnes de la deuxième basilique.

    La basilique fut presque entièrement détruite lors d'un incendie en 1823. Mgr Monterisi a expliqué que les colonnes, presque entièrement consumées, ne pouvaient plus soutenir le toit. Le pape Léon XII lança un appel au monde entier pour que la basilique puisse être reconstruite de manière identique.

    Les catholiques envoyèrent des dons mais aussi des chrétiens d'autres dénominations. Le tsar Nicolas Ier fit don de deux blocs de malachite et de lapis-lazuli qui furent utilisés pour les autels latéraux, situés à droite et à gauche du baldaquin. Le roi Fouad I d'Egypte donna quatre piliers et de l'albâtre pour les fenêtres de la basilique.

    La basilique fut consacrée par le pape Pie IX le 10 décembre 1854, deux jours après la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception, a rappelé l'archiprêtre. Cette nouvelle construction est celle que nous connaissons aujourd'hui.

     

    La tombe de saint Paul

    Une des nouveautés de l'Année Saint-Paul a été l'ouverture du site où, selon la tradition, et selon les dernières fouilles, se trouvent les restes de saint Paul.

    Sur le territoire où est aujourd'hui construite la basilique se trouvait le cimetière Ostiense, le plus proche de l'endroit où l'on pense que saint Paul aurait été décapité. Une abbaye a été érigée à l'endroit où saint Paul aurait trouvé la mort : l'abbaye des Trois Fontaines. Une pierre formée de plusieurs morceaux et portant l'inscription : « Paul, apôtre, martyr » a été retrouvée sur la tombe de l'apôtre Paul.

    « En l'an 2002, la tombe fut l'objet d'une première intervention », a expliqué l'archiprêtre. « Le sarcophage de saint Paul était caché par un mur très épais qui le protégeait des inondations du Tibre. La première intervention a consisté à enlever une partie du mur pour rendre la pierre du sarcophage visible. Celle-ci apparaît maintenant au fond, à travers une fenêtre ouverte devant la tombe », a commenté Mgr Monterisi. Les pèlerins peuvent descendre les marches situées devant le baldaquin qui surplombe l'autel principal de la basilique, pour y accéder.

     

    La deuxième intervention a eu lieu en 2008.

    « Une toute petite caméra a été introduite par un trou dans le sarcophage ainsi qu'une pince destinée à des opérations chirurgicales, grâce à laquelle ont été prélevés un morceau de toile verte et rouge tissée de fils d'or - signe qu'elle recouvrait le corps d'une personne importante - et un os minuscule », a expliqué Mgr Monterisi.

    Les analyses ont montré qu'il s'agissait d'un « homme décédé entre le Ier et le IIème siècle après J-C. Une confirmation de la tradition selon laquelle les restes de l'Apôtre Paul sont conservés dans cette tombe, comme a souligné le pape dans son homélie de clôture de l'Année Saint-Paul », a ajouté l'archiprêtre.

    D'autres interventions artistiques ont été réalisées. En 1931 fut installée la porte de bronze d'Antonio Mariani et en l'an 2000 la Porte Sainte d'Enrico Manfrini.

    En dépit de la distance qui la sépare du centre historique de Rome - ce qui fait que certains parcours touristiques l'ignorent - la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs devient de plus en plus un point de référence, pour l'oecuménisme, pour les grands trésors de l'art et de l'architecture qu'elle renferme, pour les médaillons des papes, de saint Pierre jusqu'à Benoît XVI, qui montrent la continuité dans la succession des papes depuis Pierre, et maintenant, pour les nouveaux vestiges archéologiques qui témoignent de l'histoire du christianisme dans la Ville éternelle.

    Carmen Elena Villa

    Source www.zenit.org

     

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  • L’eau chez saint Jean

    Première partie : Le symbole biblique de l'eau

     

         Le quatrième évangile [2] ne pouvait pas ignorer ce symbole fondamental associé d'une part au Jourdain et à la mer de Galilée, d'autre part aux piscines de Béthesda et de Siloé. En effet il apparaît dans huit chapitres du livre des signes, et une fois dans le livre de l'heure. L’ajout du chapitre 21 le mentionne une fois. Une progression caractérise ce symbole : dans les chapitres 1 et 5 l'eau signifie ce qui est préparation; dans les chapitres 4-12 l'eau est élevée au rang de symbole christologique; dans les chapitres 9-19 elle signifie le salut eschatologique apporté par Jésus.

     

         Au chapitre 1 Jésus est baptisé dans les eaux du Jourdain. L’eau du baptême de Jean est opposée au baptême de Jésus dans l'Esprit. Je suis venu baptiser dans l'eau, affirme Jean et plus loin : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint. Et moi j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l'Élu de Dieu (1,33-34). La scène se passe à Béthanie, de l'autre côté du Jourdain! Le baptême dans l'eau évoque sans doute la purification précédant la nouvelle alliance annoncée par les prophètes Jérémie et Ézéchiel. C'est le Baptiste et ses disciples qui introduisent le symbole de l'eau dans le quatrième évangile.

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    Giotto di Bondone, Les noces de Cana
    Basilica San Francesco (basilica inferiore), Assise (Italie).

         Au chapitre 2, dans la scène des noces de Cana en Galilée, l'eau des jarres de purification [3] est opposée au vin. Le maître du repas ne sait pas d'où vient l'eau changée en vin. La scène est localisée en Galilée. L'eau devient un symbole qui annonce une réalité sacramentelle [4]. Le vin, œuvre du travail de l'homme, est symbole de justice et de joie eschatologique, tandis que l'eau, don gratuit de Dieu, exprime la piété divine. L’eau a une double fonction : elle permet la manifestation de la gloire de Jésus et transforme les disciples qui voyant ce signe croient en Jésus.

     

         Au chapitre 3, dans le dialogue avec Nicodème, un maître en Israël, il est question à nouveau de la naissance de l'eau et de l'Esprit. À moins de renaître d'eau et d'Esprit nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu (3,3). Le chapitre se termine par une mention du baptême de Jésus. L'entretien de Jésus avec Nicodème se situe à Jérusalem. Ici encore l'eau, associée à l'Esprit, est un symbole sacramentel [5].

    Jésus et la Samaritaine

    Étienne Parrocel dit le Romain, Jésus et la Samaritaine
    Musée Fesch, département des peintures italiennes. Ajaccio (France).

     

         Au chapitre 4, le dialogue avec la Samaritaine oppose l'eau du puits de Jacob à l'eau vive que donne Jésus. Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, c'est toi qui l'aurais prié et il t'aurait donné de l'eau vive (4,10). C'est à Sycar en Samarie que la scène se situe. Après l'entretien de Nicodème avec Jésus la nuit, Jésus rencontre la Samaritaine en plein jour. Généralement les femmes venaient puiser l'eau le matin et le soir. Ici c'est en plein jour que la femme vient étancher sa soif. C'est auprès des puits que de nombreuses alliances furent scellées dans le premier Testament. Jésus fatigué révèle sa propre faiblesse. L’évangéliste comme d'habitude joue sur le double sens des expressions qui atteste le vocabulaire distinct de la communauté. Le dialogue débouche sur le problème du culte authentique qui doit être un culte en Esprit et en Vérité. Le salut qui vient des Juifs passe par la loi et les prophètes, mais également par la soif de connaître la révélation.

     

         Au chapitre 5, lors de la guérison du paralytique à la piscine de Béthesda, il est question de l'eau agitée qui guérit. Le premier à entrer dans l'eau après qu'elle avait été agitée se trouvait guéri, quel que fût son mal (5,4). C'est à Jérusalem que la scène a lieu. L'eau a une vertu thérapeutique.

     

         Au chapitre 6, après le signe de la multiplication des pains, Jésus marche sur les eaux du lac de Galilée. La scène évoque le passage de la mer Rouge qui dans la tradition juive symbolisait le baptême des Pères (1 Co 10,2).

     

         Au chapitre 7, dans le contexte de la fête des Tentes, il est question de l'eau qui étanche la soif et de l'eau vive qui sortira du sein du Christ ou du croyant. Si quelqu'un a soif qu'il vienne et qu'il boive celui qui croit en moi. Selon le mot de l'Écriture : de son sein couleront des fleuves d'eau vive. Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui (7,37-38). C'est au temple, dans le contexte de la fête des Tentes, après la procession qui remontait de la piscine de Siloé où l'eau avait été puisée, que Jésus fait cette déclaration. Plusieurs textes de l'Écriture trouvent ici leur accomplissement [6]. La Tosephta Succot admettait que l'eau de Siloé qui était versée en libation sur l'autel résumait toutes les eaux du monde, depuis les eaux de la création jusqu'aux eaux qui devaient jaillir de sous le Temple selon la prophétie de Zacharie. À l'eau de Siloé était associé l'Esprit du sanctuaire.

     

         Au chapitre 9, dans la scène de la guérison de l'aveugle-né à Jérusalem, il est question de l'eau de Siloé. Or ce dernier terme devient un titre christologique. Les deux piscines de Jérusalem sont situées par rapport au Temple de Jérusalem [7].

     

         Dans le livre de l'heure, l'eau associée au sang jaillit du côté du Christ en croix. Certains exégètes y ont vu la réalisation de la prophétie d'Éz 47, d'autres de la scène de Moïse qui frappe le rocher. Dans les deux hypothèses il s'agit d'eau vive que donne le Christ.

     

         Au total des références sont faites à l'eau dans dix chapitres de l'Évangile de Jean. Les chiffres dix et un sont symboliquement identiques. Dans la dizaine le multiple revient à l'unité. Il est plus parfait que tous les nombres parfaits. La création avait été faite avec dix paroles. Noé apparaît à la dixième génération et était parfait parmi ceux de sa génération (Gn 6,9). Les dix plaies d'Égypte attestent la puissance de Dieu. Moïse avait reçu les dix paroles de Dieu au Sinaï.

     

         Jésus fut baptisé par Jean, il fut immergé dans le Jourdain. On peut en déduire que l'humanité n'était pas encore totalement immergée et renouvelée ni en Noé, ni en Moïse et son peuple. Jésus, par contre, l'homme nouveau, (Jr 31,31-32) est capable de réaliser les prophéties de Jérémie et d'Ézéchiel, en créant une humanité régénérée par le bain du baptême, renouvelée avec un cœur et un esprit nouveau (Ez 36,26). Jésus est totalement purifié par l’eau vive. Son œuvre est de faire une nouvelle création.

     

         En marchant sur les eaux Jésus manifeste sa puissance par rapport au cycle des eaux qui reconduisent sans cesse au préforme et au déluge. Il maitrise aussi les forces hostiles qui habitent la mer (Ap 13,1). Il est aussi capable d'apaiser la tempête (Lc 8,22-25) et les forces du mal qui habitent la mer. Avec le Christ on passe par la mort : c'est le sens du baptême (Rm 6,4-6). On se dépouille du vieil homme définitivement et on revêt l'humanité nouvelle du Christ ressuscité. La mort physique est la réalisation plénière et concrète du rite de l'immersion baptismale. D'où l'importance du rite d'immersion totale au baptême car lui seul symbolise vraiment la plénitude du symbole de renaissance par la mort. On ne peut pas rester immergé sous l'eau sans mourir. Le Christ fera disparaître les forces hostiles, la mer (Ap 21,1), mais, par contre, il donne de devenir en lui source jaillissante de vie éternelle (Jn 4,14).

     

         Origène aborde dans ses Homélies sur la Genèse le thème privilégié du puits où les bergers des Patriarches abreuvaient leurs troupeaux. Il souhaite que l'eau du puits se transforme en source d'intelligence spirituelle pour tout homme, le juif et le chrétien :

    L'outre est la lettre de la loi dont boit le peuple charnel pour en tirer quelque intelligence; cette lettre lui fait souvent défaut et ne peut avoir d'explication car en bien des points l'interprétation historique n'en peut. L'Église, elle, boit aux sources évangéliques et apostoliques qui ne tarissent jamais et qui se répandent sur les places publiques car elles sont abondantes et coulent toujours dans la largeur de l'interprétation spirituelle... Nous sommes souvent à côté du puits d'eaux vives, c'est-à-dire des divines Écritures, nous trompant sur elles. Nous possédons les livres et nous les lisons, mais nous n'allons pas jusqu'au sens spirituel. C'est pourquoi il faut des larmes et des prières incessantes pour que le Seigneur nous ouvre les yeux.

     

    [2] Jones, L.P., The symbol of water in the Gospel of John. Sheffield 1977.

    [3] Sur l'aspect historique de ces jarres de purification, voir Y. Magen-O. Rimon, Purity' Broke Out in Israel. Stone Ves­sels in the Late Second Temple Period, University of Haifa : Haifa, 1994.

    [4] O. Cullmann, Les sacrements dans l'Évangile johannique : la vie de Jésus et le culte de l'Église primitive (Études d'histoire et de philosophie religieuses 42), Presses universitaires de France : Paris 1951.

    [5] O. Cullmann, Les sacrements dans l'Évangile johannique : la vie de Jésus et le culte de l'Église primitive (Études d'histoire et de philosophie religieuses 42), Presses universitaires de France : Paris, 1951.

    [6] G. Bienaimé, « L'annonce des fleuves d'eau vive en Jean 7,37-39 », Revue théologique de Louvain 21 (1990) 281-310; 417-454.

    [7] L. Devillers, « Une piscine peut en cacher une autre : à propos de Jean 5,1­9a.  », Revue biblique 106 (1999) 175-205.

    Source : La Terre Sainte 603 (septembre-octobre 2009).

    Frédéric Manns

    frédéric manns, ofm

    Source www.interbible.org

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  • Ève : la mère des « vivants »

    Ève, femme de vie
    Mère des vivants au banc des accusés
    Injustice à la Terre où se déploie le germe divin
    Quelle lumière nous réhabilitera
    Celle qui nous christianise?
    [1]

    Eve.jpg

    Ève, la mère des vivants
    Gertrude Crête, SASV
    encres acryliques sur papier, 2000
    (photo © SEBQ) 

    Dans la tradition chrétienne, peu de figures bibliques vétérotestamentaires ont frappé l’imaginaire autant que celle d’Ève. Étymologiquement, son nom signifie « vie » en hébreu. Comment expliquer que ce nom ait pu devenir synonyme de malheur et de mort? Malgré son apparente familiarité, Ève s’avère fort méconnue. La tradition chrétienne a caricaturé grandement la « première » femme en lui attribuant exagérément la responsabilité des malheurs de l’humanité, à l’instar de Pandore dans la culture hellénistique.

    Une lecture culturellement populaire

         Le récit populaire, totalement tributaire de la doctrine chute/rédemption [2], se structure autour de trois grands moments qui ne se fondent que vaguement sur la Bible. Dans le premier volet, Dieu crée « Adam » puis découvrant que ce dernier se morfond dans la solitude; il le fait sombrer dans une torpeur, retire une côte et façonne « Ève ». Dans le second temps, les deux personnes jouissent de la félicité éternelle dans le « paradis terrestre ». Or, « Ève », à la suite d’une ruse du serpent, consomme le fruit défendu, en partage à « Adam ». Le couple se découvre « nu » et comprend qu’il vient de commettre le péché de désobéissance. Conséquemment, Dieu les punit en les chassant du « paradis terrestre », en leur promettant toutefois qu’un futur sauveur pourra restaurer l’état primordial en portant le poids d’une faute infinie, d’une « dette » incalculable envers Dieu et en la « remboursant » par son sacrifice expiatoire. Cela clôt le récit dans un troisième moment.

    Quelques éléments bibliques

         Une telle interprétation rend-elle justice au récit biblique du second texte de création (Gn 2,4b-3,24)? Lorsque le passage biblique est examiné de manière plus détaillée, il apparaît que plusieurs éléments de la lecture traditionnelle et populaire constituent de véritables développements postérieurs étrangers au récit. Il est à souligner que nulle part dans le texte, il n’est fait mention d’un quelconque péché. De plus, la notion de « paradis perdu » n’apparaît pas aussi explicitement que le laisserait présager le mot « Éden » (signifiant « délices »). L’idée de perte provient de l’impression que les personnes étaient totalement heureuses dans l’époque précédant « la chute ». Or, le concept de « chute » ne se retrouve pas dans le texte. Elle résulte d’une interprétation messianique et chrétienne bien ultérieure projetée dans le récit.

         Cette lecture du texte selon la grille chute/rédemption s’appuie sur l’idée erronée que le récit traite de deux personnes au sens contemporain du terme, c’est-à-dire le «  premier homme, Adam » et « la première femme, Ève ». Or, dans le texte de Gn 2,4b-22, l’expression est ’adam (le glébeux selon la magnifique traduction de Lytta Basset) qui évoque davantage l’humanité dans son ensemble. Par la suite ce « fond » commun de l’humanité est divisé en mâle (ish) et femelle (ishah). Il n’y a donc pas d’identité personnelle, mais simplement une dimension mâle et femelle. Conséquemment, cette partie indifférenciée a entretenu un dialogue avec le serpent. Au sens strict, il ne s’agit pas d’Ève. L’usage de noms propres comme celui d’Adam n’est réellement certifié qu’après la manducation du fruit (Gn 5,3Gn 3,20 pour Ève). D’ailleurs, il importe de souligner que le texte insiste sur la solidarité foncière de l'être humain, entre homme et femme. En effet, les yeux des deux êtres, mâle et femelle, s’ouvrirent en même temps après avoir chacun consommé le fruit défendu. Cela ne s’est donc pas fait de manière séquentielle, comme il est généralement admis dans la compréhension traditionnelle du texte. pour Adam et

    Réhabilitons Ève

         Conséquemment, affirmer qu’Ève est responsable des malheurs de l’humanité ne rend pas justice au texte, mais représente une interprétation bien postérieure qui reflète le caractère proprement patriarcal tant du texte lui-même (l’homme exerce un contrôle sur la femme) que d’une compréhension androcentrique qui justifie et normalise la prédominance du caractère masculin. Cela conduit à enfermer les femmes dans la « faute » (selon le schéma chute/rédemption) et à légitimer le sexisme quotidien perçu comme une « juste punition »! La théologienne Lytta Basset le résume bien :

    En effet, le non-respect de la femme dans le texte suffit à attester que le mal est là dès les origines, indépendamment du drame du jardin. Si la punition de la femme en 3,16 – « et lui en toi dominera »- semble avoir un effet rétroactif sur le texte lui-même, n’est-ce pas que l’auteur est incapable de parler d’un monde où il est en soit autrement? Nous avons défini le mal comme ce qui fait mal. Comment une femme d’aujourd’hui, expérimentant quotidiennement un non-respect qui lui fait mal jusqu’au plus intime de son être-créé, pourrait-elle voir en Gn 2-3 autre chose que ce à quoi elle est bien habituée? Ce jardin-là n’a rien de plus paradisiaque que sa vie de tous les jours. [3]

         Heureusement, certaines pistes déjà formulées permettent une interprétation du texte hors des cadres androcentriques. Elles mettent l’accent non sur une quelconque chute/rédemption, mais sur l’idée de création et de transformation en fonction des choix exercés par les êtres humains. En effet, la partie « femelle », « Ève », de l’humanité a choisi de consommer le fruit afin de briser ce caractère indifférencié, une sorte de non-vie, pour garantir à l’humanité l’accès au statut de sujet, de personne autonome. Une lecture semblable diffère sensiblement de celle qui centre l’attention sur la manducation du fruit et le résultat néfaste que cela semble susciter. Or, ce n’est pas tant la consommation du fruit comme tel qui importe, mais bel et bien le fait de choisir une voie plutôt qu’une autre.

         Serait-ce trop audacieux de proposer l’hypothèse suivante : si l’humanité avait opté pour la non-consommation du fruit, les conséquences se seraient-elles révélées si différentes? Il est permis d’en douter. En effet, l’essentiel tient dans la prise d’une décision, d’un choix qui marque le début de l’aventure humaine. Dans le texte, en prenant sur elle de faire un choix, « Ève » a ainsi engendré l’humanité comme des êtres pleinement relationnels, se définissant comme êtres doués de parole, en tant que sujets. Ce choix a correspondu à une voie vers l'autonomie interdépendante (Gn 3,6-7).

         Autrement dit, « Ève » mérite bien son nom, mère des vivants (Gn 3,20) puisque, en solidarité avec la partie masculine, elle a amorcé un mouvement favorisant l’essor de l’identité personnelle. Ceci s’observe dans le texte par l’emploi de noms propres. Elle a ainsi donné naissance à l’humanité en devenir. Elle a ouvert les chemins de l’histoire! En ce sens, dans une perspective biblique, le « paradis » ne se situe pas au début de l’épopée humaine, mais plutôt dans sa pleine réalisation eschatologique, dans la dimension divine (Ap 21,1-4).

         Il s’avère impératif de réhabiliter « Ève », passablement mal-aimée dans la tradition occidentale. Il s’agit d’une tâche essentielle, car même aujourd’hui, certaines approches s’enracinent malheureusement dans un schéma bien problématique de chute/rédemption. Sur le plan théologique, le récit « mythique » d’Ève est à rapprocher de celui de Marie de Nazareth (Lc 1,26-38) qui, tout comme Ève a choisi la vie pour offrir à l’humanité la possibilité de croître en dignité, solidarité, conscience, humanisme et égalité.

    [1] Bernise Genesse, Ève, femme de vie, poème inédit, 2010.

    [2] Pour de plus amples informations sur cette notion voir Matthew Fox, La grâce originelle,  Montréal et Paris. Bellarmin et Desclée de Brouwer, 1995.

    [3] Lytta Basset, Guérir du malheur, Paris, Albin Michel, p. 266-267. Dans ce chapitre, elle propose une interprétation fort pertinente de Gn 2-3.

    Patrice Perreault

    patrice perreault

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  • Dans l'intimité de Dieu

    INTIMITE-de-DIEU.jpgLe départ de Jésus et la venue du Défenseur: Jean 16, 12-15
    Autres lectures : Proverbe 8, 22-31; Psaume 8; Romains 5, 1-5

     

    Des enfants demandent à leurs parents : « Racontez-nous comment vous nous avez faits ». Le père et la mère se sentent un peu envahis dans leur intimité! Mais justement, cette question spontanée des enfants traduit un besoin inné de s'insérer dans l'intimité des parents. Lorsque les adultes finissent par trouver les mots pour raconter tant bien que mal ce qui peut se raconter au sujet de la conception des enfants, toute la famille y gagne en maturité.

    Dieu, dans son intimité

         Aujourd'hui, l'Église nous met en contact avec la très sainte Trinité. Nous voici plongés au cœur des relations intimes de Dieu. Dans notre tête et dans notre cœur, des freins s'enclenchent automatiquement. Le contact joyeux et serein avec cette réalité du cœur de notre foi n'est pas spontané. Cette célébration devrait être une joyeuse rencontre avec notre Dieu. Le risque de voyeurisme nous force à prendre quelques précautions. Car nous avons la sensation désagréable de violer l'intimité de Dieu... Ne serions-nous pas plongés en plein milieu d'une scène de famille, dans un endroit où nous n'avons rien à faire?

         La réponse est « non ». Nous sommes concernés, parce que la Parole même de Dieu nous introduit dans l'intimité de Dieu. Il se fait connaître avec ses habits de travail!

         La première lecture, un extrait du livre des Proverbes, nous lance sur une piste très intéressante. Elle raconte à quel point l'univers est inventé par Dieu pour la beauté et le plaisir de la chose. Pour faire ce récit, le texte recourt à un personnage à l'identité nébuleuse. En effet, on ne nous fournit pas une fiche d'identité claire de la Sagesse qui prend la parole. Elle travaille comme un journaliste. Elle nous fait vivre de l'intérieur le moment de la création tel que l'imaginaient nos ancêtres dans la foi. La bonne nouvelle pour nous, dans ce récit, c'est que nous sommes des compagnons et des compagnes de Dieu, voulus, désirés, tout à fait à leur place dans l'univers créé par ses soins.

         Mais qui donc est cette Dame Sagesse? Les interprètes offrent deux hypothèses. Pour certains, il s'agit d'une esquisse de celui qui sera révélé deux siècles plus tard comme Fils de Dieu... en fait sa Parole, son Logos. Pour d'autres interprètes, Dame Sagesse est un prélude à la révélation de l'Esprit saint par Jésus.

         Quelle que soit la piste d'interprétation que vous préférez, elle vous rend plus sensible à la présence des trois personnes de la Trinité dans la Bible. La deuxième lecture (un extrait d'une lettre de Paul) et l'évangile (une section de l'Évangile selon Jean) décrivent clairement les relations entre le Père, le Fils et l'Esprit saint, l'Esprit de vérité.

    Profession : communication

         Il y a un autre bénéfice à tirer de la première lecture. Elle confirme l'évangile : l'occupation préférée de Dieu, c'est la communication. Voilà son métier principal!

         Dieu n'est pas un cachottier. Dieu est un révélateur. Il se fait connaître pour que chacun et chacune, en l'accueillant, puisse se connaître soi-même à fond. Cette communication se fait au moment choisi par lui: c'est la venue de Jésus dans une société précise, à une époque donnée.

         Cette communication se vit aussi au moment où nous décidons d'en profiter. Entre alors en scène l'Esprit de Jésus, qui nous guide vers la pleine révélation de l'identité et de l'œuvre de Dieu.

         Le fonctionnement de Dieu se compare au fonctionnement d'une équipe. Dans une équipe, il y a des choses qui se font à plusieurs et ensemble. Il y a aussi des moments où il faut que chacun fasse sa part à sa façon, dans une certaine solitude. C'est ce qui se passe pour notre Dieu, dans son intimité... Il est tellement amour qu'il ne peut rester seul... Il est tellement débordant d'amour qu'il crée un univers, donne la vie comme un Père, se fait connaître par le meilleur messager qui soit, le Fils, Jésus vrai Dieu devenu vraiment humain... et assure sa présence continue par l'Esprit saint.

         Il vaut la peine de relire l'évangile dans cette optique. Comment l'Esprit vient-il prolonger le travail du porte-parole du Père, Jésus? L'Esprit est chargé de redire ce qu'il a entendu. Il peut ainsi faire connaître ce qui va venir. Cette communication contribue à la gloire de Jésus, car il reprend ce qui vient de Jésus pour le faire connaître. Qu'est-ce qui justifie une telle continuité entre Jésus et l'Esprit de vérité? La réponse de Jésus est claire : Tout ce qui appartient au Père est à moi.

    Une famille tissée serrée

         Vous connaissez sans doute des gens incapables de sortir sans qu'on voie apparaître derrière eux le père, la mère et la belle-sœur. Vous êtes peut-être vous mêmes membre d'une tribu familiale tricotée serrée. On se tient, on prend du temps ensemble. On est toujours en train de mijoter ensemble des projets d'affaires ou de vacances.

         En regardant de proche l'évangile et les autres lectures bibliques du jour, on constate justement que « Jésus sort toujours en famille ». On s'étonne moins, alors, que Jésus parle tant de son Père et de l'Esprit. Jésus, Dieu-Parole, nous fait comprendre que la vie divine est un immense tourbillon d'amour où notre propre vie trouve enfin son sens.  Parce que nous trouvons place au cœur de la vie de Dieu.

         Qu'est-ce que fait ce Dieu Père dont parle Jésus? Il donne. Et pas n'importe quoi. Il donne son égal, son image, son Fils! Si Dieu envoie son Fils unique sauver le monde, c'est qu'il nous veut avec lui, et qu'il veut être au milieu de nous. Toute la Bible trouve sens dans ces constats.

    Laissons-nous étonner

         Plus nous entrons en contact avec la vraie nature de Dieu, plus nous découvrons qu'il est intéressant et passionnant, proche de nous tout en étant si différent. Dieu n'est pas un célibataire ennuyeux (comme moi)!

         Dieu créateur, Dieu Parole, Dieu Esprit, ils s'aiment, et ils le font avec transparence... Comme nous l'apprend la deuxième lecture, l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné (Rm 5,5).

         Essayons de nous laisser prendre au vertige de cette affirmation. Essayons de nous laisser surprendre. Ça ne va pas de soi, que Dieu soit amoureux. Qu'il soit puissant, juste, d'accord. Mais amoureux? Oui, l'amour qui relie les trois personnes en Dieu est disponible en abondance au bénéfice de la création tout entière.

     

    Alain Faucher, ptre

     alain faucher

    Source: Le Feuillet biblique, no 2232. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

     

    Source www.interboble.org

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  • Femmes de marque « sans nom » à vendre

    La Coupe du monde 2010 a rassemblé en Afrique du Sud des milliers de fans de football. Cet afflux de touristes s’accompagne malheureusement de la traite d’êtres humains. Avec plus de 500 000 visiteurs internationaux attendus en Afrique du Sud pour la Coupe du monde, on estime que des centaines de bandes criminelles sont impliquées dans la traite des personnes pour le commerce du sexe.

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         La traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle est un problème important en Afrique australe. De jeunes femmes ont été victimes de la traite en provenance de Thaïlande et de la Chine vers l'Afrique du Sud. Bien que la prostitution y soit illégale, le pays a peu de services publics destinés à aider les victimes de la traite.

         Le trafic humain est pratiqué partout dans le monde; il repose sur l’exploitation de personnes par des criminels dans le but d’en retirer un profit financier. Ceux-ci leur font miroiter de bons emplois ou des études, puis les forcent à se prostituer. Ces criminels gagnent beaucoup d’argent sur le dos surtout de jeunes filles et de femmes qui subissent des viols et d’autres violences physiques et mentales.

         De nos jours, le trafic humain représente l’une des trois activités criminelles les plus lucratives au monde, après le trafic illégal de drogues et d’armes. Les victimes sont trafiquées contre leur gré - elles sont trompées, leurrées par de fausses promesses ou encore forcées ; elles sont soumises à l’esclavage. Les trafiquants violent les droits humains fondamentaux de leurs victimes, qui sont dépourvues de leur droit de libre-circulation, d’auto-décision, de contrôle sur leur corps et esprit, de contrôle sur leur avenir.

         Selon l'Organisation des Nations Unies, chaque année environ 2,5 millions de personnes dans le monde sont victimes de la traite, pour le travail forcé et pour l’exploitation sexuelle, les plus vulnérables étant les femmes et les enfants. 

    Coupe du monde de football et exploitation sexuelle – un mélange explosif

    Texte biblique : Juges 11

    1 Il y avait en Galaad un valeureux combattant, Jefté, le fils d'une prostituée et d'un homme appelé Galaad. 2 La femme de Galaad lui avait aussi donné des fils. Lorsqu'ils furent devenus grands, ceux-ci chassèrent Jefté en lui déclarant : « Tu n'as aucun droit sur l'héritage qui vient de notre père, car tu es le fils d'une autre femme. » 3 Alors Jefté s'enfuit loin de ses frères et s'installa dans la région de Tob. Des aventuriers se groupèrent autour de lui et le suivirent dans ses expéditions.

    4 Quelque temps plus tard, les Ammonites attaquèrent les Israélites. 5 Quand les hostilités éclatèrent, les anciens de Galaad allèrent chercher Jefté dans la région de Tob. 6 « Viens prendre le commandement de nos troupes, lui dirent-ils, pour que nous puissions lutter contre les Ammonites. » 7 Mais Jefté leur répondit : « N'êtes-vous pas mes ennemis, vous qui m'avez chassé de la maison de mon père ? Pourquoi faites-vous appel à moi maintenant que vous êtes dans la détresse ? » 8 Les anciens reprirent : « Eh bien, nous nous tournons vers toi maintenant, pour que tu viennes combattre avec nous contre les Ammonites et que tu sois notre chef ainsi que celui de toute la population de Galaad. » 9 Jefté leur dit : « Si vous me ramenez avec vous pour combattre les Ammonites et que le Seigneur me les livre, je serai votre chef. »

    29 L'Esprit du Seigneur s'empara de Jefté. Il parcourut la région de Galaad et le territoire de Manassé, puis il se rendit à Mispé en Galaad, pour passer dans le territoire des Ammonites. 30 Il fit cette promesse solennelle au Seigneur : « Si tu livres les Ammonites en mon pouvoir, 31 je te consacrerai et t'offrirai en sacrifice complet la première personne qui sortira de ma maison pour venir à ma rencontre, lorsque je reviendrai victorieux de chez les Ammonites. »

    34 Lorsque Jefté revint chez lui à Mispa, ce fut sa fille qui sortit à sa rencontre, en dansant au rythme des tambourins. Elle était sa fille unique, il n'avait pas d'autre enfant. 35 Dès qu'il la vit, il déchira ses vêtements et s'écria : « Ah ! Ma fille, tu me plonges dans le malheur, tu es toi-même la cause de mon désespoir ! J'ai pris un engagement envers le Seigneur et je ne peux pas revenir sur ma promesse. »

    Commentaire

    Ça suffit

         Dans le contexte de la traite des femmes aujourd’hui, reprenons un texte de terreur qui raconte l’histoire de la fille sans nom de Jefté [1]. Le livre des Juges nous est peu connu; c’est une collection de récits sur la période qui précède l’institution d’un État organisé en terre de Canaan. Ces chroniques disparates racontent les faits d’armes de ceux qu’on nommerait aujourd’hui des seigneurs de guerre, histoires de violence, de sexualité débridée, de domination des femmes où celles-ci sont au service du chef de bande. Le patriarcat dans toute son horreur!

         Jefté, un bâtard, fils d’une prostituée, est rejeté par ses demi-frères. Devenu chef de gang armée, on sollicite son appui pour vaincre un peuple voisin qui agresse son clan. Il négocie le pouvoir et devient leur chef. Cet homme rejeté, plein de ressentiment à l’égard des siens qui l’ont exclu, a l’occasion de reprendre sa revanche. Il émerge dans l’ambiguïté : je vais combattre avec vous et si le seigneur me donne la victoire, je serai votre chef! Le divin n’est ici qu’un prétexte pour le sauveur du peuple, car, une fois vainqueur, il s’attribuera la victoire et agira comme un sot.  

         Le rédacteur nous dit que le Seigneur est avec lui pour défendre sa terre et affirme que Dieu a remis ses ennemis entre ses mains. L’ennemi est décousu, massacré, la guerre a fait son œuvre. N’est-ce pas que cette scène nous rappelle que les seigneurs de ce monde continuent de la même façon à croire que leur dieu leur donne la victoire et que leurs guerres sont saintes, faites pour défendre les femmes, la démocratie, la liberté. Des massacres beaucoup plus saisissants que ceux perpétrés par Jefté, prennent place en Colombie, en Irak, en Afghanistan, au Congo, en Palestine. In God we trust  lit-on sur le dollar de l’empire américain : ce dieu-là occulte les vrais motifs de nos guerres, la soif de pétrole ou de métaux précieux, etc.

         Ce dieu prétendu a soif de sang. Les peuples de la bible avaient l’habitude d’offrir des sacrifices humains à leurs idoles. Le message biblique s’oppose à ces pratiques et substitue des animaux aux enfants immolés. Abraham se verra empêché de poignarder Isaac, mais Jefté, lui, voudra offrir un sacrifice complet, un holocauste pour sa victoire militaire. Il ne reculera pas devant l’assassinat de sa propre fille unique, la prunelle de ses yeux, pour satisfaire et remercier son dieu. Le vœu de Jefté d’immoler une personne choisie arbitrairement dans sa famille est insensé: « Si tu livres les Ammonite en mon pouvoir, je te consacrerai et t’offrirai en sacrifice complet la première personne qui sortira de ma maison pour venir à ma rencontre. »

         Jefté est rempli de lui-même et quand sa fille vient joyeusement à la rencontre de son père, celui-ci, dans un geste de désespoir et de deuil, s’apitoie sur son propre sort : « Ah! Ma fille. Tu me plonges dans le malheur; tu es toi-même la cause de mon désespoir. » La victime doit porter le poids de ce qui lui arrive; c’est elle la responsable! Pourtant cette enfant mourra de façon prématurée; elle ne deviendra jamais une femme accomplie. Sa mort est violente et préméditée : elle mourra en holocauste, par le feu qui devra la dévorer entièrement et ce, des mains de son propre père. Elle est vierge et n’aura pas de descendants. Contrairement à Isaac, aucun ange ne viendra retenir le bras assassin.

         Beaucoup se plaignent de lire dans la bible de tels textes de violence et de terreur. Pourtant, si la mort cruelle de la fillette sans nom de Jefté a été retenue, c’est pour que les femmes continuent chaque année de pleurer son sort (v. 40) afin que de tels actes ne se reproduisent plus. Garder la mémoire pour que plus jamais… Il serait temps que les hommes se joignent à ces protestations et se solidarisent avec leurs compagnes et partenaires de vie pour mettre fin à ces sacrifices humains barbares.

         Nous pourrions écrire des récits bien aussi horribles aujourd’hui. Les femmes sont plus que jamais des trophées de guerre. Le militarisme promu par nos gouvernements mène à l’utilisation des femmes comme armes de guerre. Elles sont violées, séquestrées comme esclaves sexuelles. La traite des femmes, les ventes d’esclaves, l’industrie de la prostitution font d’elles des objets de servitude et de plaisir. Les grands rassemblements mondiaux sportifs, les jeux olympiques sont des occasions en or pour les mafias de toute espèce. Le capitalisme carbure au profit rapide et les êtres humains sont livrés en marchandise. Les Romains dominaient leurs esclaves avec du pain et des jeux. Désormais, on n’offre plus que des jeux comme opium pour endormir les esclaves et les femmes sont jetées aux lions du crime organisé par millions.

         Oui, la Bible est pleine d’histoires peu édifiantes de terreur concernant des femmes sans nom; elles sont là pour nous rappeler que malheureusement, les choses sont loin d’avoir changé. Le dieu du patriarcat est bien vivant et s’infiltre partout jusque dans nos temples. À nous d’y voir!

    [1] Ce commentaire est inspiré du livre de Phyllis Trible, Texts of Terror. Literary-Feminist Readings of Biblical Narratives, Fortress Press, 1984.

    Claude Lacaille

    claude lacaille

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    Source www.interbible.org

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