• Compte rendu de mission au Maroc avril/mai 2013 (4 de 7) -Suzanne

    Compte rendu de mission au Maroc avril/mai 2013 (4 de 7)

    Notre sœur Suzanne Giuseppi-Testut, ofs, arrive d’une mission au Maroc et nous partage ses découvertes, Merci Suzanne.

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    La fraternité de la tente

    « Si le grain de blé ne meurt … » (Jn. 12. 25)

    On ne peut parler du début de la fraternité de la tente sans parler de celle qui en prit l’initiative à une période où cette « fondation » défiait toutes les idées reçues et allait à l’encontre de l’idée qu’on se faisait de la vie ‘régulière’ d’une Franciscaine Missionnaire de Marie. Sœur Cécile Prouvost.

    Peut-on imaginer, il y a une trentaine d’années, une FMM décidant  d’aller vivre hors de son couvent, sous la tente, au service des pauvres nomades, sans compagne d’abord, sans responsable, loin du cadre sécurisant et protecteur d’un couvent. En plus, comment le milieu berbère allait-il réagir ? Une femme étrangère passant la nuit sous la tente. N’y avait-il pas risque d’ambiguïté ? Il y fallait une nature d’exception, une grande audace, beaucoup de courage et un appel très fort du Seigneur. A la fin de l’année 1969, Cécile écrit : « Depuis deux ans, le Seigneur m’attire vers une intimité constante avec lui, et un profond désir de vie contemplative. Lors de ma dernière retraite, en septembre 1969, il me fit voir clairement que ma vie serait : « nomade-contemplative ».

    C’est au cours  de l’ascension de l’Ayachi qu’elle ressenti vivement et douloureusement combien les nomades étaient abandonnés au point de vue sanitaire, malgré la visite depuis plusieurs années,  une fois par semaine,  des sœurs infirmières de la Kasbah Myriem. Mais, aller plus loin, faire davantage était dans le caractère de sœur Cécile.

    « Le but premier de Cécile, dit un prêtre qui l’a bien connue, était de vivre avec les plus pauvres, de partager le dénuement de ce peuple berbère, nomade, qu’elle aimait. Le partage de leur vie avec tout ce qu’il y a de difficile, de dur, et parfois même de rebutant, était son choix et non pas une conséquence à supporter tant bien que mal. Elle aimait les pauvres, non pas en phrases et en théorie, mais dans la réalité des actes quotidiens ».

    Sœur Cécile, est une digne fille de saint François d’Assise ! A la fin de l’année 1969, sa décision est prise, elle décide de franchir le pas. Elle présente par écrit son projet qu’elle adresse à la provinciale et à son conseil, ainsi qu’à la Supérieure générale et au Père archevêque de Rabat.

    Rapidement, sœur Cécile  sait qu’elle ne se heurte pas à un refus, ni de la part des autorités de l’Eglise, ni de celle des autorités de l’Institut. Cependant, nombreuses sont les objections de sagesse, de prudence, les conseils d’aller doucement, de réfléchir, de se renseigner, d’attendre, les craintes « d’ambiguïté », de réactions dans la presse ou en haut lieu. Toutes ces choses étaient contraires au tempérament fonceur et impulsif de Cécile.

    Bref, le projet se met en place. Les premiers temps furent extrêmement difficiles, l’équilibre à trouver entre cet appel particulier et la présence en communauté posait quelques problèmes. En effet, comment répondre à un appel au secours pour aller soigner un malade, partir à 2h de l’après-midi à dos de mule, arriver vers 5h sur place, soigner, visiter quelques tentes environnantes, passer la nuit chez l’une d’elles et repartir de bon matin, en visiter d’autres jusqu’au soir et repartir ensuite, à dos de mule en communauté quelle que soit les distances, la température, les conditions de travail, les difficultés des pistes de montagne, la brièveté des jours en hiver… ?

    L’expérimentation des débuts est dure mais nécessaire. Sœur Cécile apprend à connaitre à fond la misère de la vie des nomades. Au début, le chef de la tribu, qui avait deux tentes, l’une pour la famille, l’autre pour les chèvres, lui propose celle des chèvres pendant la belle saison. La tente est installée au centre de la tribu, elle est très vite appelée « Tente hôpital ».

    Puis, très rapidement, le Père Evêque lui donne de quoi faire l’achat d’une tente qu’on appelle « Tente de la fraternité ».

    Si plusieurs sœurs aident et soutiennent Cécile, en communauté son orientation n’est pas toujours comprise et certaines sœurs en souffrent. Il y a donc encore beaucoup d’efforts à faire au niveau du partage communautaire. Mais à la tente, tout va pour le mieux. Cécile est accompagnée par sa fidèle Laaziza, jeune femme berbère divorcée qui travaillait au dispensaire des sœurs. Il s’est créé une amitié profonde et ces deux femmes vivent en fraternité, comme deux sœurs, heureuses l’une et l’autre de montrer à leur entourage qu’une musulmane et une chrétienne peuvent vivre ensemble en réalisant chacune à fond sa religion. Cécile et Laaziza vivent avec simplicité, mais dans la réalité, le dialogue islamo-chrétien.

    Vie fraternelle : aller chercher son bois, son eau, faire sa propre cuisine, le pain sur place, entretenir le feu quand il fait froid en un mot, adopter dans la mesure du possible les coutumes du peuple berbère. Les contacts avec les gens qui l’entourent, ce « vivre avec »  est important pour sœur Cécile. Elle note que ces rapports « sont merveilleux : amitié, simplicité, joie ».

    Vie professionnelle en tant qu’infirmière : envoyée par la Santé Publique, Cécile fait de la prévention rurale, vaccinations, visites prénatales, surveillances des nourrissons, dépistage de tuberculose et bien sûr le travail de soins. L’éducation sanitaire est assurée par Laaziza.

    Vie de prière : « A midi, quand le soleil est au-dessus de la tente, tout le monde sait qu’il y a un arrêt dans les soins. Je quitte la tente où Laaziza reste pour l’accueil, et je me retire dans un creux de la montagne ? Je sors mon « Trésor » pour l’adoration, la prière d’offrande, la prière eucharistique, la communion. Je suis loin de tout, mais si près de tous. J’ai conscience d’être Eglise berbère ».

    Cependant, sa souffrance est grande lorsqu’elle parle de son désir : « Je sens très fortement la nécessité que cette insertion soit prise en charge par ma fraternité, ma Province et l’Institut tout entier. Je crois que cette prise en charge n’est encore qu’à l’état d’enfantement difficile. Malgré tout, j’ai confiance ». L’enfantement en effet, sera difficile et douloureux.

    Avec le temps, Cécile améliore son organisation. Elle sait se faire aider. Les pères de famille sont bien rodés comme agents de santé - particulièrement  Hamou Bouskou, très attaché à Cécile et qui restera bien des années plus tard, l’ami fidèle de la fraternité - ils ont appris à reconnaitre les cas graves nécessitant une hospitalisation ; les jeunes garçons, par l’intermédiaire de leurs amis bergers, font les convocations pour les vaccinations, la visite des nourrissons, expliquer, prendre les températures. Ils savent convaincre mieux que Cécile. En outre, plusieurs Franciscaines Missionnaires de Marie commencent par être attirées par la tente. Le nombre de trois sœurs est atteint, la quatrième va bientôt arriver. Une demande de reconnaissance de la fraternité est reposée le 12 septembre 1983 à Rome par la responsable provinciale et son conseil, brièvement le parcours de Cécile et de l’insertion. Elle ajoute :

    « Ce projet de présence dans un milieu très démuni, entraînant une vocation bien engagée, n’a pas toujours été bien compris par l’ensemble de la Province, mais soutenu de plus en plus par le Conseil Provincial. Aux CPE de décembre 1982-1983, il a été reconnu comme répondant aux options de la Province et correspondant au charisme de l’Institut : vie contemplative, présence parmi les très pauvres, vie fraternelle franciscaine, travail. L’envoi de deux sœurs, sur leur demande, nous amène à demander l’ouverture officielle d’une fraternité ».

    Vie laborieuse et austère. Cécile a beaucoup écrit, il ne reste rien de ses lettres ni de ses notes qu’elle prenait sur ses lectures, ses méditations ou ses cours. On lui doit un livret sur le traitement des plantes qu’elle complètera au cours des années, ainsi que des notes sur l’acupuncture. Cécile a désiré mourir sous la tente, auprès du peuple qu’elle aimait tant. Ce fut la veille de sa mort, le 10 octobre 1983, qu’arriva, dernière délicatesse du Seigneur, la reconnaissance de cette fraternité, par Rome. Nous ne pouvons nous empêcher de penser à Claire d’Assise et à l’acceptation de sa Règle de vie la veille de sa mort.

    Revêtue du linceul de coton blanc qui sera son seul cercueil, on la dépose  dans le cœur de la chapelle sur un grand tapis blanc. La chapelle est pleine : chrétiens et musulmans, prêtres, religieuses et ses frères de la montagne. Au cimetière de Midelt, la tombe a été préparée à la manière berbère, et Cécile y repose le visage tourné vers le soleil levant.

    Il faut noter ce fait exceptionnel : alors que les femmes musulmanes ne vont jamais au cimetière accompagner leurs morts, elles étaient très nombreuses dans le jardin et le cimetière de la Kasbah Myriem à accompagner Cécile à sa dernière demeure. Elle y repose parmi ses sœurs, au cœur de ce pays berbère qu’elle a tant aimé.

    Une vocation exceptionnelle pour une nature d’exception. Digne fille de saint François et de Marie de la Passion, fondatrice des Franciscaines Missionnaires de Marie.

     

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