• Crise du sens de l’appartenance dans la réalité post moderne - CIOFS

    Pour ceux et celles qui désirent approfondir la spiritualité franciscaine je vous souligne un excellent articles que j'ai publié pour la première fois en 2009. Bonne lecture.

    Voici la première partie d'un article qui sera
    publié en plusieurs lettres il provient du

    CHAPITRE GENERAL
    DE L’ORDRE FRANCISCAIN SECULIER
    Novembre 15-22, 2008

     

    L’APPARTENANCE A L’OFS

    Emanuela De Nunzio

      

    Préambule. Crise du sens de l’appartenance dans la réalité post moderne

     

    1. Le cadre général. Zygmund Bauman, un des plus grands sociologues du 20ème siècle, compare le monde actuel à un corps qui a passé au cours des derniers siècles de l’ “état solide” à l’ “état liquide”. Dans le “monde liquide” n’existe plus la culture de l’apprentissage, de l’accumulation, mais celle du désengagement et de la discontinuité. Dans la modernité “liquide” viennent toujours plus à manquer ces certitudes qui rendaient les structures solides comme: l’Etat national, les institutions, la famille, le travail. Rien n’est fixe, garanti, tout se modifie et change avec une facilité incroyable, à commencer par les biens de consommation. Même les rapports interpersonnels sont devenus plus superficiels et il n’y a plus la volonté de maintenir stables dans le temps les relations amoureuses et l’amitié, parce que l’individu craint souvent le futur, il n’est plus porté à faire des projets à long terme et ainsi tout ce qu’il fait est exclusivement orienté vers la satisfaction de son bien-être passager.

     

    Devant l’incertitude et le risque, la réaction des personnes est la recherche de l’immédiat, de la satisfaction hic et nunc. La société de consommation actuelle alimente le désir d’avoir plus, créant artificiellement de nouveaux besoins, et s’efforce de donner à chacun l’impression qu’il peut choisir et acheter ce qu’il veut. Dans la sphère de la vie personnelle, se diffuse une mentalité dans laquelle chacun se considère patron absolu de ses décisions et accepte toujours moins les orientations traditionnelles, quelquefois même les impératifs éthiques les plus élémentaires. La recherche du bonheur, de la réalisation personnelle, de la satisfaction individuelle (aspirations qui en soi sont légitimes) prises comme critère absolu de conduite ont de lourdes conséquences négatives sur les relations sociales. Personne ne veut se lier à rien et à personne. Surtout, personne n’ “appartient” à rien de manière définitive. Les liens interpersonnels ou avec les institutions s’en trouvent fragiles et sont facilement omis.

     

    Un tableau très complet et efficace de la situation actuelle a été fait par le Ministre Général OFM, P. José Carballo, au Chapitre des nattes des jeunes Frères Mineurs (30 juin 2007): “Ils sont nombreux ceux qui vivent sous l’effet de l’émotion et du provisoire et se laissent dominer par la dictature du relativisme pour laquelle tout est suspect, tout est  toujours négociable. Dans beaucoup de cœurs elle alimente des sentiments d’incertitude, d’insécurité et d’instabilité, il n’existe plus rien de sacré, de sûr ou à conserver. Elles sont nombreuses les victimes du doute systématique, contraintes à se réfugier dans l’immédiat et dans l’émotivité. Beaucoup sont séduits par la culture du part time et du zapping, qui conduit à ne pas assumer les engagements de longue durée, à passer d’une expérience à l’autre, sans en approfondir aucune. Beaucoup sont séduits par la culture light, qui ne laisse pas de place à l’utopie, au sacrifice, au renoncement. Beaucoup sont séduits par la culture du subjectivisme, pour eux l’individu est la mesure de tout et tout est vu et évalué en fonction de soi-même, de sa propre réalisation. Cette réalité post-moderne engendre, particulièrement dans les nouvelles générations, une personnalité indécise, qui rend plus compliqué la possibilité de comprendre ce qui déjà en soi est difficile: les exigences radicales de la sequela du Christ, du chemin à la suite du Christ”.

     

    2. L’appartenance à la famille. Nous parlons à présent de tout ce qui pourrait être appelé une identité familiale. Le thème est complexe. Dans la définition même de “mariage”, un homme choisit une femme pour compagne de vie et de destin. Une femme opte pour un homme déterminé comme époux et compagnon. Tous deux font un projet de vie. L’un appartient à l’autre. Ils décident de vivre le temps de leur vie ensemble, un temps non pas  provisoire mais caractérisé par un “pour toujours”, dans la joie et dans la tristesse, dans la santé et dans la maladie, dans le respect réciproque et dans l’accueil délicat de l’autre à tout moment. Ce n’est qu’avec ces présupposés qu’il est possible d’organiser la vie de telle sorte que les enfants arrivent dans la stabilité d’une maison, d’un foyer, d’une famille.

     

    La famille, qui constitue la plus grande ressource pour la personne et pour la société en tant qu’espace de générosité, d’accueil inconditionnel, de solidarité dans les diverses circonstances de la vie, se voit aujourd’hui confrontée à tant de défis du monde moderne: à la précarité que nous avons  déjà mentionnée, s’ajoute le matérialisme régnant, la recherche du plaisir immédiat, l’influence des moyens de communication. Par ailleurs, la famille est affaiblie et agressée par des projets de lois qui l’assimilent à une quelconque cohabitation sous le même toit. La famille, le mariage et les enfants ne sont souvent pas la réalisation d’un projet conçu ensemble et construit peu à peu, mais constituent un incident de parcours. Les gens choisissent toujours plus la cohabitation “de fait” et, même dans le mariage, souvent l’un des deux ou tous deux optent pour un état que nous pouvons définir de “célibat dans le mariage”. La très grande incidence des séparations et des divorces en est  une preuve (une recherche conduite récemment aux USA a relevé que les couples mariés vers la fin des années 70 ont une chance inférieure à 50% d’être encore mari et femme). Le nombre de mères seules et d’enfants qui vivent hors d’un contexte familial qui puisse se définir “normal” croît. Dans ce contexte, que Benoît XVI a défini “préoccupant”, il est important d’indiquer des voies pour consolider la famille et pour éduquer les nouvelles générations dans la foi catholique, comme le plus grand patrimoine que les parents puissent transmettre aux enfants. Le fait que la famille soit une “zone tampon” entre l’individu et la société la fait être l’antagoniste naturel aux tendances culturelles, c’est pourquoi on tente de la détruire.

     

    3. L’appartenance professionnelle. Les effets de la précarité s’avèrent pesants également dans la vie de travail des gens. Dans le monde du travail, on parle précisément de précarité, qui porte des millions de jeunes à ne pas faire de projet de vie, à remettre continuellement les grands rites de passage, du départ de la maison des parents à la naissance des enfants. La crise de l’emploi fait que beaucoup doivent accepter un travail vers lequel ils ne se sentent pas portés ou abandonner leur carrière et chercher à gagner de l’argent dans des champs pour lesquels ils n’ont pas été préparés. De ce fait ils se sentent étrangers et sans racines dans la profession qu’ils exercent.

     

    4. L’appartenance territoriale. Selon une récente enquête de l’Agence Fides sur l’émigration, 175 millions de personnes résident dans une nation différente de celle dans laquelle ils sont nés, et si on  tient compte que dans les pays en voie de développement réside 85 % de la population mondiale, qui doit vivre avec 3.500 dollars par an par personne, on comprend que les flux migratoires représentent un phénomène irrépressible. Mais le sens de l’appartenance à un territoire déterminé a profondément changé, non seulement en raison de la grande mobilité culturelle et professionnelle, mais aussi parce qu’aux réalités nationales, dans lesquelles on se sentait autrefois profondément enraciné et qui représentaient un point ferme de l’identité personnelle (je suis italien, je suis espagnol, je suis anglais...), ont été substituées des entités supranationales qui imposent toujours davantage, même aux particuliers, des cadres de référence et des règles de comportement qui ne plongent pas leurs racines dans une tradition confirmée. Par contre, l’attention aux réalités régionales, à un espace restreint dans lequel situer ses intérêts propres et la tutelle de ses intérêts, croît comme si aux avancées pour l’unification du monde devaient s’opposer celles pour la construction de tant de “petites patries”, autocéphale et autosuffisantes.

     

    Le tableau général est celui d’une précarité générale, du travail aux liens interpersonnels, à la famille, à la solidarité. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les personnes ne se sentent plus profondément liées à la patrie, à la famille, au monde professionnel. Avec d’autres conséquences de caractère social:

    ü la fragmentation de la société: c’est une carence de la pensée et de la culture de la solidarité, qui rend les gens étrangers dans la ville. Les particuliers vivent “à côté” ou “contre”, non “ensemble”;

    ü le sens du social insuffisant: la privatisation exaspérée crée un conflit permanente entre le bien individuel et le bien commun;

    ü la culture du soupçon: le soupçon et la défiance, engendrés par le climat de violence qui nous entoure, paralysent le rapport serein et cordial avec les autres, ils sont le vrai ver rongeur qui mine les bases de la société civile.

     

    5. L’appartenance à la vie ecclésiale. L’objet du débat entre l’Eglise et le monde n’est plus, comme un temps, un point déterminé de la morale catholique, comme cela arrivait dans les années 70, quand on discutait sur le divorce, l’avortement ou l’usage de la pilule, mais où on acceptait la position chrétienne de la vie. Aujourd’hui le débat se centre sur des visions alternatives et globales de l’homme et de la femme, de la paternité, de la maternité, de la sexualité, et surtout sur les voies à parcourir pour que les hommes et les femmes se réalisent dans la vie et se sentent satisfaits et heureux. Ceux qui, par le Baptême, sont membres de l’Eglise catholique, comment y appartiennent-ils et s’identifient-ils à elle ? Il y a des appartenances totales et sans réserve. Il y a ceux qui vivent dans l’Eglise tranquillement et sereinement, avec la pleine conviction d’appartenir à l’âme de l’Eglise, d’être membres du Corps Mystique du Christ. Mais il y a aussi ceux (et peut-être sont-ils les plus nombreux) qui sont liés à l’Eglise par un fil très ténu, avec un sens d’appartenance limité aux formes extérieurs et quasi bureaucratiques. Et enfin il y a ceux qui vivent seulement quelques aspects de la foi, en dehors d’une quelconque appartenance à l’Eglise (believing without bilonging). Dans la Note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation publiée le 15 décembre 2007 la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dénonce justement la “crise d’appartenance” à l’Eglise comme un des thèmes sur lequel il faut veiller parce qu’il compromet la conscience originelle du devoir d’évangélisation des disciples de Jésus.

     

    L’Eglise, bien qu’étant toujours animée de l’espérance chrétienne inébranlable, ne cache pas sa préoccupation face aux phénomènes que nous avons sommairement rappelés. Elle s’applique à donner une réponse prophétique aux défis de notre temps. Elle estime, en fait, que l’unique thérapie est le recouvrement des valeurs authentiquement humaines et chrétiennes, avec le retour des fidèles à leurs propres origines et à leur propre identité dans une optique christocentrique. De là découlent trois conséquences : le lien très solide entre foi et réalité; l’importance du Christ dans le “quotidien”; l’attention continuelle au juste rapport vérité/liberté.

     

    Pour l’OFS, la plus grande attente est de trouver des chemins à travers lesquels partager cet effort, cette tâche énorme, mais pour le réaliser il a besoin d’une continuelle re-fondation, d’un retour à nos propres racines les plus authentiques, qui rendent possible à la fois de vivre l’Evangile et de l’annoncer, sans le trahir et sans l’édulcorer.
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    1- http://ofs-de-sherbrooke.over-blog.com/article-26411134.html
    2- http://ofs-de-sherbrooke.over-blog.com/article-26465095.html
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    6- http://ofs-de-sherbrooke.over-blog.com/article-26680827.html
    7- http://ofs-de-sherbrooke.over-blog.com/article-26719113.html
    source: http://www.ciofs.org/

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