• Dans un grand saint, il y a toujours un grand démon - Revue Message


    (extrait de « MESSAGE » Janvier - Février 2014 )

    Dans un grand saint,

    il y a toujours un grand démon

     Ce qui compte, c’est la création nouvelle.

     En la fête de Saint-François, un double sentiment m’habite.Dans un grand saint, il y a toujours un grand démon - Revue Message

    D’abord, je ressens la fierté d’avoir comme Père un tel homme. Ensuite, j’éprouve un sentiment bizarre fait de distance et d’absence, de proximité et de présence.

     Si je devais résumer ce deuxième sentiment, je dirais : Je suis cet homme au niveau de l’aspiration quand je suis dans le meilleur de moi-même. Mais, en même temps, je suis à cent lieues de cet homme par ma lourdeur, mon enfermement, ma possession.

     Le premier biographe, Thomas de Celano, fera cette prière à saint François :

    « Souviens-toi de tes fils, en butte à de graves dangers, qui n’arrivent que de très loin à suivre tes exemples !

     » C’est rassurant ! D’ailleurs, dans un grand saint, il y a toujours un grand démon. C’est toujours un bandit qui s’est converti.

     Mais revenons au premier sentiment qui est fait de fierté. D’abord, parce que j’ai été appelé, il y a bien longtemps et pour reprendre les mots d’un de ses fils, Bonaventure :
             « J’ai été arraché à la gueule de la mort par sa prière et ses mérites. »

    Quelle vie passionnante j’ai eue et j’ai encore.

     A la suite de celui qui se disait « idiota », je suis devenu intelligent. Ensuite, ce petit homme dépasse les temps, les lieux et même les religions. « Il est un de ces hommes dont l’humanité sera toujours fière. Rien ne date de ce qu’il dit.

    Aucun déchet ne se rencontre dans l’héritage qu’il nous a laissé » (Omer Englebert)

     J’aime entendre ce que disent de saint François les protestants, les athées, les agnostiques.

     Le pasteur Sabatier, lors de son premier cours à Strasbourg, dira : « En étudiant saint François, nous ferons connaissance avec le plus grand saint que

    l’Eglise catholique ait engendré à travers les siècles. »

     « Le premier après l’Unique », dira en écho le père Congar.

     Un ami psychanalyste me dit un jour : « Lis ça, tu va voir ce que dit Freud de ta religion ». Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que Freud parlait de saint François : « François d’Assise est l’homme qui est peut-être allé le plus loin dans la voie de l’intériorisation de l’Amour. » Freud parlera d’ailleurs « d’un amour capable de créer des liens avec les êtres les plus déconcertants ».

     Je prendrai encore Lénine. Sur son lit de mort, il a fait cette confidence à un condisciple prêtre hongrois :
    « Tu sais que c’est pour moi un cauchemar mortel de me sentir perdu dans un océan de sang. Pour sauver la Russie, ce qu’il fallait, c’est dix François d’Assise. »

     Mais qu’avait ce « sordide mendiant », c’est le mot de Renan, pour avoir un tel rayonnement à travers l’histoire ?

    Qu’avait ce petit homme pour être devenu une « créature nouvelle » pour avoir retrouvé l’harmonie de la création avant la chute ?

    Qu’avait-il, en lui, pour arriver à rencontrer des êtres de violence et de faire alliance avec eux ?

    Quel est son secret ?

     Son secret se trouve dans l’Evangile d’aujourd’hui : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. »

     Oui, François est arrivé à être tout petit devant Dieu et devant les hommes. Il s’est laissé complètement « re-construire », « re-naître ».

     Et cela n’a pas été facile, cette renaissance a pris du temps. Il lui a fallu quitter beaucoup de choses : son milieu, ses rêves de gloire, ses frères et même sa terre. Mais Dieu était là, lentement il a tissé sa toile avec des fils d’amour. Et François s’est laissé faire. Rien n’a été cassé, tout a été restauré. Ses rêves de gloire ont été absorbés par la gloire de Dieu. François est devenu le témoin fasciné et fascinant d’un dialogue possible avec le Très-Haut.

    L’amour du Très-Haut va fasciner toute sa vie. Cet Amour, il va le crier, le chanter, le pleurer, le danser. Il se laisse parfois aller dans une sorte d’ébriété divine, alors il n’a pas assez de mots pour chanter son Seigneur. Mais le plus impressionnant sera son amour sensible, tendre et fou pour le Christ. Cet amour sera spontané, libre et ardent. Il ne se laisse pas enfermer dans des formules ou des explications.

    Cet amour-là donnera à François la force de rencontrer les êtres les plus abîmés, les plus violents, les plus détruits. Il leur apportera l’infinie compassion de Dieu.

     C’est vrai qu’on se sent si loin d’un tel homme !

     Nos vies peuvent paraître bien ternes face à une telle passion, à un tel radicalisme.

    Il ne s’agit d’ailleurs pas d’imiter François, il vivait à une autre époque que nous et n’a pas le même tempérament et le même appel.

     Un saint ne doit jamais être imité mais il doit nous enflammer. Sa fréquentation va peu à peu me transformer par osmose.

     En fréquentant saint François, en cherchant son secret, lentement, quelque chose de lui va se distiller en moi. Il va me décentrer de moi-même pour me centrer sur le Christ.

    Alors, peut-être, pourrais-je dire avec saint Paul : « Que la Croix de Notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil. »

     Fr. Max de Wasseige, ofm

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  • Commentaires

    1
    ambrinette
    Lundi 27 Janvier 2014 à 14:05

    Heureuse de découvrir ce texte d'un presque voisin Franc-comtois sur un site canadien!.

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