Il y a plus de trente ans, après la crise énergétique [le deuxième choc pétrolier, en 1979] qui venait
de frapper le monde, un prêtre catholique de Lubbock, au Texas, a pris position pour la défense de l’environnement. Sa paroisse avait besoin d’une nouvelle église, et le père Joe James s’est
assuré que celle-ci aurait des fondations profondes afin de bénéficier de la meilleure isolation thermique possible. Il a également placé cinq éoliennes autour de l’église. La plus grande,
haute de presque 25 mètres, était surnommée “Big Bird” [le grand oiseau].
“Je ne pense pas que nous puissions gaspiller l’énergie”, expliquait le père James dans une vidéo
tournée à l’époque. Fixant la caméra d’un air grave, il affirmait que ce n’était pas seulement pour faire des économies qu’il souhaitait limiter la consommation d’énergie.
Le père James, qui vit toujours près de Lubbock, était une exception. Depuis, peu d’églises ont fait des
économies d’énergie une priorité. Selon les spécialistes, la conversion à des systèmes plus écologiques est particulièrement difficile pour les églises, comme pour tous les lieux de culte, à
cause des spécificités architecturales et de la lenteur des prises de décision propre à ces institutions. Les éoliennes du père James ont elles-mêmes été démontées après son départ, dans les
années 1990.
Empreinte carbone.
Pourtant, les conséquences du réchauffement climatique, pour les hommes et pour la nature, sont de plus en
plus évidentes et encouragent certains responsables religieux à s’impliquer davantage. L’Eglise d’Angleterre a ainsi pour objectif de réduire son empreinte carbone de 42 % d’ici
à 2020 et de 80 % d’ici à 2050. Selon Peter Pavlovic, qui s’occupe du programme environnemental de la Conférence des Eglises européennes, les inquiétudes provoquées par le
changement climatique poussent de plus en plus de paroisses à sensibiliser à ce problème leur communauté et les dirigeants politiques. “Le réchauffement est causé par l’homme. Nous y
participons, nous devons donc en assumer la responsabilité”, explique-t-il.
Réduire l’empreinte carbone des églises pourrait néanmoins se révéler plus difficile que
prêcher l’écologie en chaire. Il y aurait fort à faire pour les églises, qui sont souvent des bâtiments anciens et mal isolés. Selon Bee Moorhead, directrice exécutive de l’association
multiconfessionnelle Texas Impact, l’énergie est le deuxième poste de dépenses des églises, après les salaires des membres du clergé et du personnel. Les églises sont parfois si grandes que le
chauffage doit être allumé deux jours avant le service dominical, ajoute Jochen Geraedts, spécialiste néerlandais de la conservation des édifices religieux. De plus, souvent, certaines parties
des bâtiments qui ne sont pas utilisées sont tout de même chauffées. Selon lui, le principal objectif des églises est de faire des économies.
Mais les investissements nécessaires peuvent donner le tournis. Il faut parfois débourser plusieurs
centaines de milliers de dollars pour moderniser un système de climatisation ou de chauffage, et les héritages de l’Histoire, comme les vitraux, posent souvent de gros problèmes en termes de
rendement énergétique, reprend Bee Moorhead. En outre, dans certains pays d’Europe et aux Etats-Unis, les subventions publiques aux économies d’énergie ont été réduites. Même quand des aides
existent, il arrive que les organismes à but non lucratif ne bénéficient pas des mêmes avantages fiscaux que les entreprises.
Par ailleurs, installer des panneaux solaires fait naître des difficultés sur le plan architectural et
esthétique. En théorie, les toits des églises sont des emplacements idéaux, explique Jochen Geraedts. D’abord, les surfaces disponibles sont très importantes ; ensuite, comme la plupart
des églises européennes ont été bâties dans l’axe est-ouest, la moitié de la toiture est orientée plein sud, une position optimale pour générer de l’énergie solaire dans l’hémisphère Nord.
Toutefois, les toits doivent pouvoir supporter le poids des panneaux, et l’aménagement des monuments historiques est parfois encadré par des règles strictes.
La conversion à l’énergie solaire fait partie des projets de l’église épiscopale St David, dans le
centre d’Austin. Celle-ci propose de recycler les téléphones portables, les batteries et d’autres objets inattendus. Récemment, elle a amélioré ses systèmes de chauffage et d’air conditionné.
Parfois, l’office est célébré en plein air. “Quel meilleur endroit pour prononcer un sermon sur la Création par une belle matinée de printemps ?” lance Rosera Tateosian, qui
dirige le conseil paroissial pour l’environnement. Mais l’église, construite au XIXe siècle, est un bâtiment historique. “Les gens ont-ils vraiment envie de voir des panneaux solaires
sur son toit ?”
Fixations.
En Angleterre, la cathédrale de Bradford a été équipée de 42 panneaux solaires en 2011, devenant
ainsi la première à sauter le pas au Royaume-Uni. Selon le chanoine Andy Williams, le projet a coûté environ 50 000 livres [58 600 euros d’aujourd’hui]. L’investissement
devrait être amorti en une quinzaine d’années. De crainte que les panneaux n’endommagent le toit si le vent souffle dans une certaine direction, des crochets de fixation ont été spécialement
conçus pour la cathédrale.
Cependant, l’un des obstacles les plus importants pour toute mutation écologique des églises est sans doute
la manière dont elles fonctionnent. Vu le nombre de bénévoles impliqués dans une paroisse, explique Bee Moorhead, les réunions ont lieu de manière irrégulière et les procédures budgétaires sont
lentes. “Les églises ne fonctionnent pas sur le même modèle économique que les entreprises”, conclut-elle.