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    Et la lumière fut

    Le Christ soignant un aveugle, par Nicolas Colombel, 1682

    Le Christ soignant un aveugle, par Nicolas Colombel, 1682 

    Jésus, la lumière du monde, donne la vue à un aveugle : Jean 9, 1-41
    Autres lectures : 1 Samuel 16, 1.6-7.10-13; Psaume 22(23); Éphésiens 5, 8-14

     Les troisième, quatrième et cinquième dimanches de l’année liturgique A, nous lisons les évangiles dits de l’initiation chrétienne. On les appelle ainsi parce qu’ils comportent les éléments essentiels de la catéchèse baptismale. En d’autres termes, ces trois longues lectures témoignent du cœur de la foi chrétienne. Le troisième dimanche, c’est le récit de la Samaritaine, le quatrième, celui de l’aveugle-né et le cinquième, le retour à la vie de Lazare. Ainsi apparaissent déjà trois composantes majeures de la veillée pascale : l’eau (la Samaritaine), la lumière (guérison de l’aveugle) et la victoire de la vie sur la mort (Lazare).

    Sur le banc des accusés

        Le récit du quatrième dimanche, la guérison de l’aveugle-né, est typique de l’évangéliste Jean. La trame narrative de l’ensemble de son évangile est agencée à la manière d’un procès. Jésus est accusé de diverses fautes par ses adversaires (que Jean appelle généralement « les Juifs »), mais leurs accusations se retournent contre eux et ils finissent par prononcer leur propre condamnation. Ce procédé littéraire apparaît nettement dans le récit de la guérison de l’aveugle-né. Le « procès » se déroule en trois temps; on interroge l’homme à qui Jésus a ouvert les yeux (vv. 13-17); les gens discutent du cas et hésitent à se prononcer (vv. 18-23); les pharisiens interrogent de nouveau l’aveugle guéri et prononcent la sentence (vv. 24-34). On y distingue tous les éléments qui peuvent survenir lors d’une comparution devant un tribunal : accusations, témoignages, contre témoignages, interrogatoire, contre interrogatoire, rapport d’enquête, mauvaise foi de certains intervenants, etc.

    « Qui a péché? »

        Le récit est particulièrement vivant, après deux chapitres plus austères. Une mise en scène alerte fait intervenir plusieurs personnages qui s’interpellent, se menacent, se contredisent, s’interrogent, etc. L’élément déclencheur est une question des apôtres adressée à Jésus : Qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? Dans la mentalité du monde juif à l’époque, la maladie était vue comme la conséquence d’un péché, qui pouvait même avoir été commis par l’enfant dans le sein de sa mère! La formulation de la question est révélatrice. Les disciples ne demandent pas : Est-il dans cette condition en raison d’un péché? mais bien : Qui a péché? Pour eux, il va donc de soi que si cet homme se trouve dans cet état, c’est parce qu’il a quelque chose à se reprocher.

        Jésus ne répond pas directement à la question. Il commence par contredire les apôtres quant à leur perception de départ : la cécité de l’homme n’est pas le résultat d’un quelconque péché. Puis il les emmène sur un autre terrain en spécifiant que le handicap en question servira à manifester la lumière du salut. Autrement dit, la condition malheureuse de cette personne permettra à Dieu de manifester ses œuvres en la personne de Jésus qui guérit les malades et apporte la lumière au monde pour éclairer les humains sur ce qu’ils sont appelés à devenir : des enfants de lumière.

    Un peu de salive et de boue

        Le miracle est raconté de façon très sobre et brève, en deux versets. Un détail a de quoi susciter la curiosité : le mélange de salive et de boue que Jésus applique sur les yeux de l’aveugle. Il est vrai que dans l’Antiquité on attribuait à la salive des propriétés curatives. Mais on va ici plus loin. Le Christ, en effet, mélange sa salive à de la boue, ce qui constitue une forme de travail (il transforme de la matière), ce qui suscitera les accusations des pharisiens. L’action se déroule en effet un jour de sabbat, au cours duquel tout travail est interdit. De plus, en mettant de la boue sur les yeux de l’aveugle, Jésus l’oblige à aller se laver à la piscine de Siloé, démarche hautement symbolique compte tenu du nom de la piscine. Comme le précise l’évangéliste, Siloé signifie « Envoyé ». En se trempant dans cette eau, l’aveugle plongera pour ainsi dire en celui que le Père a envoyé comme lumière pour les nations. Il n’est pas interdit d’y voir une allusion au rite du baptême.

        Contrairement au général syrien Naaman, qui hésite à se tremper dans le Jourdain à l’invitation du prophète Élisée (2 Rois 5, 10-14), l’aveugle-né se précipite à la piscine. Il démontre déjà une confiance, une ouverture d’esprit qui va se déployer dans la suite du récit. Il se révélera d’ailleurs un redoutable orateur, doté d’un indéniable sens de la répartie, capable de tenir un discours théologique cohérent.

    « Et lui, où est-il? »

        Entre les versets 8 et 12, Jésus disparaît de la scène, mais il demeure néanmoins au cœur du récit, dans les réactions des témoins de la guérison. Certains se montrent favorables à lui, d’autres doutent, tous le cherchent. Mais Jésus ne se laisse rencontrer finalement que par l’entremise de l’aveugle guéri, qui représente ici les disciples du Christ. Celui-ci est jugé par l’intermédiaire de l’homme qu’il a guéri, tout comme il le sera par le monde à la lumière de la conduite des chrétiens.

        L’aveugle guéri est alors soumis à un véritable interrogatoire par les témoins. Il répond sans peine aux deux premières questions et décrit dans le détail l’intervention du Christ à son égard. Mais il demeure sans réponse quand on lui demande où se trouve Jésus. Il n’en est qu’au début de son cheminement de foi. Il a reçu la lumière physique; il lui reste à accueillir pleinement la lumière du monde.

        Le fait que la guérison, une forme de travail, soit survenue un jour de sabbat permet à l’auteur de signaler une première division à propos de Jésus. D’une part, puisqu’il contrevient à la Loi, il est forcément un pécheur. D’autre part, comme il vient de réaliser un acte inédit (donner la vue à un aveugle de naissance), comment pourrait-il être pécheur? L’aveugle guéri, quant à lui, prend résolument position : «C’est un prophète.»

    La sentence

        Conclusion du procès : l’accusé est déclaré pécheur pour avoir reconnu que Jésus vient de Dieu. Il est exclu de sa communauté, mais pas encore introduit dans la sphère des disciples de Jésus. Celui-ci devra venir à sa rencontre pour que cette nouvelle étape soit franchie. Il se présente effectivement à l’homme à qui il a ouvert les yeux pour l’interroger à son tour. L’ancien aveugle finit par l’appeler «Seigneur» et se prosterne devant lui, ce qui manifeste qu’il reconnaît sa divinité. Les pharisiens, pour leur part, se réfugient dans la Loi et le passé : « Nous savons que Dieu a parlé à Moïse. » Du coup, ils se ferment à la nouveauté qui s’est manifestée dans le don de la vue à un homme qui en était privé. Refuser d’admettre qu’on ne possède pas la lumière et qu’on en a besoin, voilà le véritable péché. L’accusation des pharisiens se retourne contre eux et ils prononcent eux-mêmes leur condamnation : ils sont les véritables aveugles.

    « Le Seigneur regarde le cœur »

        La première lecture prépare bien le terrain à l’évangile de l’aveugle-né puisqu’elle souligne que Dieu voit au-delà des apparences. Samuel, envoyé pour désigner le nouveau roi d’Israël, aurait spontanément procédé à l’onction d’Éliab, fils aîné de Jessé. Le garçon, en effet, avait belle apparence et « haute taille ». Mais voilà, le Seigneur voit les choses différemment, il « regarde le cœur ». On a affaire ici à un thème biblique récurrent : Dieu préfère souvent ce qui semble faible, négligeable aux yeux des humains.

    « Comme des enfants de lumière »

        La deuxième lecture est courte, mais d’une remarquable richesse. Sans surprise, le thème central est la lumière. Paul invite ses destinataires à se conduire « comme des enfants de lumière ». Qu’est-ce à dire? Il s’agit d’accueillir et de mettre en œuvre tous les fruits que cette lumière produit, à savoir « bonté, justice et vérité ». Les pharisiens dans la lecture évangélique apparaîtront comme des contre-exemples en la matière. Aux yeux de Paul, ils comptent sans doute parmi ceux qui participent « aux activités des ténèbres ».

     Jean Grou, bibliste

     Source : Le Feuillet biblique, no 2526. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    source www.interbible.org

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