• Fr. Jean-Pierre Schumacher, une "figure de moine en milieu musulman"

    Fr. Jean-Pierre Schumacher, une "figure de moine en milieu musulman"

    Le père Jean-Marie Lassausse est prêtre de la Mission de France depuis 40 ans, et résidant en Algérie depuis 21 ans. Envoyé en 2001 à Tibhirine, sur demande de l’archevêque d’Alger, il reprend l’héritage du monastère tel que laissé par les frères quelques années auparavant. Il quitte Tibhirine en 2016 pour Mostaganem, au nord-ouest de l’Algérie. Il rend ici hommage au frère Jean-Pierre Schumacher, son compagnon de mission en terre musulmane.
     

    Entretien réalisé par Claire Riobé – Cité du Vatican

    Père Jean-Marie Lassausse, vous aviez pris la succession de frère Jean-Pierre Schumacher au monastère de Tibhirine peu après son départ vers le Maroc, en 2001. Comment vivez-vous son décès aujourd'hui ?

    J’avais rencontré frère Jean-Pierre quatre fois à Midelt, au Maroc, et je connaissais bien aussi frère Amédée. Le départ de Jean-Pierre me touche profondément, parce qu’il est une très, très belle figure de moine en milieu musulman, c’est-à-dire quelqu’un qui aimait les gens. Et les petites gens. J’ai eu la chance inouïe de lui succéder dans son rôle [au monastère de Tibhirine] en apportant les légumes au marché […], je me suis fait des amis grâce à lui. Jean-Pierre, dans la région de Tibhirine à Médéa, était vraiment la façade visible du monastère.

    Quand les gens de la région vont apprendre la nouvelle, ils seront très peinés : pour eux, frère Jean-Pierre était vraiment quelqu’un de tellement bon, agréable, doux, souriant… Nous étions tous les deux Lorrains, lui de Moselle et moi des Vosges. Il avait un bon caractère, mais une douceur qui désarmerait quiconque!

    Lors de son départ de l’Algérie vers le Maroc à Midelt, au début des années 2000, frère Jean-Pierre Schumacher a continué de faire vivre cet esprit de Tibhirine…

    Nous seulement il l’a fait vivre, mais il l’a prolongé et développé! Cela, je m’en suis rendu compte lorsque j’ai passé trois mois au monastère il y a quelques années. Et l’insertion humaine du monastère dans la région était plus profonde encore que celle du monastère de Tibhirine. C’est-à-dire que les relations avec les gens se traduisaient régulièrement par des invitations dans des familles musulmanes en particulier pendant le Ramadan, ce que n’avaient pas vraiment vécu les frères de Tibhirine. Ils avaient de très bonnes relations [avec les personnes musulmanes], très très bonnes, mais ce signe de l’hospitalité de la table, les frères de Midelt le vivent de manière plus intense aujourd’hui qu'hier à Tibhirine.

    On le voit quand on se promène aujourd’hui dans le village et le quartier. Evidemment, nous sommes les seuls étrangers, et tout de suite, on se met à parler des frères. Et pour la population qui environne le monastère, ce sont vraiment des frères.

    Frère Jean-Pierre Schumacher a été artisan du dialogue interreligieux avec l'Islam. Que retenez-vous de l’héritage que laisse aujourd’hui à l’Église ce missionnaire ?

    Je retiens une phrase que lui a dite une mère abbesse... car il a fallu que frère Jean-Pierre vive ce drame de ne pas avoir été enlevé avec ses frères – il faut quand meme imaginer -, sept de ses frères sont enlevés et lui reste vivant. Mais cette mère abbesse lui a dit un jour: «Tu as été épargné pour que tu puisses témoigner». Et je crois que cela fait 25 ans que le frère Jean-Pierre est un témoin vivant du long film de Tibhirine, à la fois de ce drame mais aussi de la vie concrète de la communauté, en particulier pendant les dix années noires de l’Algérie.

    Jean-Pierre n’était pas un naïf pour autant. Il était joyeux, mais avait une analyse sur les évènements. À côté de sa bonhommie, il témoignait de cela. Un des exemples les plus criants, selon moi, est son accord de fond avec le film Des hommes et des dieux. Il a donné son "imprimatur" à ce film car il s’est retrouvé tout à fait dans cette manière de témoigner de la vie d’une communauté cistercienne dans le monde musulman.

    Vous êtes vous-même l’auteur de N’oublions pas Tibhirine, paru 2018 aux éditions Bayard. Comment l’esprit de Tibhirine continuera-t-il à être vécu, selon vous, dans les années à venir ?

    Nous n’avons pas attendu 2021 pour répandre cet esprit de Tibhirine. Il se traduit par de multiples associations de dialogues inter-religieux en France et ailleurs. Plusieurs groupes s’appellent aujourd’hui «fils ou filles de Tibhirine». Le dialogue religieux trouve son épanouissement dans la vie de ces moines qui ont mené une vie de convivialité et de fraternité vraiment ajustée dans le monde musulman. Et Je crois que Tibhirine a été comme un starter pour le lancement ou la relance du dialogue interreligieux, en particulier avec l’islam.

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