• Golgotha, le lieu du don de l’amour - Revue MESSAGE - Mars - Avril 2017

     Mars - Avril 2017

     Golgotha, le lieu du don de l’amour

    Impossible de passer à côté du Golgotha si on entend parler d’amour et d’amour chrétien. Mais il faut dire que dans l’histoire et aussi dans notre histoire personnelle, ce lieu fait l’objet de connotations très diverses : scène plus ou moins sanglante, crucifix traditionnel, croix sans le corps de Jésus, mise en scène théâtrale « Grand-Guignol » aux Philippines, représentations hyperréalistes au cinéma, etc.


    « Vous tous qui passez sur le chemin, voyez s’il est une douleur pareille à la mienne ».
    Cette hymne « o vos omnes » chantée la semaine sainte met l’accent sur la souffrance.
    Mais il faut rappeler que cette façon de trouver du sens à la croix a été une
    manière de faire face au désastre en particulier en Europe quand elle a perdu deux
    tiers de l’humanité par deux pestes et la guerre de cent ans.
     

    Sans minimiser le caractère horrible du supplice réservé par les romains aux esclaves
    et aux étrangers – les citoyens romains étaient décapités – les récits des évangiles se
    focalisent sur un autre aspect de la scène, le sens de la mort de Jésus en croix. Nous
    sommes au coeur du mystère chrétien. Comment faire comprendre que la mort de
    Jésus est une victoire, que son abandon est le signe de l’amour, que l’échec n’est
    pas la fin. Quand on parle d’incarnation, le risque est de penser que Jésus quitte le
    ciel, la Trinité, pour se rendre sur terre. En bonne spiritualité franciscaine, en mourant
    sur la croix, l’homme Jésus reste le Fils, engendré par le Père dans l’Esprit. Autrement
    dit sa mort signifie l’amour qui se donne entre les relations des trois personnes de la
    Trinité. Comment le comprendre alors que ce qui est donné à voir c’est un homme
    condamné, supplicié et mourant sur une croix ?


    Il s’agit d’un mystère. On ne peut y entrer que par une foi vivante. Pour dire « je
    t’aime » les italiens disent : « ti voglio bene », « je te veux du bien ». Pour les francophones,
    cela peut paraître curieux, mais cette expression exprime deux choses :
    l’amour est un vouloir et il est un bien. Rapporté à Dieu, cela veut dire que l’amour
    que Dieu nous donne est une décision, un vouloir totalement gratuit. C’est par un don
    que le Père engendre le Fils, ce don est l’Esprit. Ensuite, l’amour est un bien. Pour
    être vraiment un bien, un bien doit se diffuser, se donner à un autre et être reçu par
    un autre. Si Dieu est le Bien, bien total, souverain bien comme le dit saint François, il
    se diffuse entre les personnes de la Trinité, mais également dans la création et pour
    les créatures que nous sommes. Dans cette dynamique du bien, la croix est donc à
    l’évidence la marque du don offert par le Père en son Fils dans l’Esprit. La preuve de
    cela c’est que Jésus ne se sauve pas lui-même, alors que des spectateurs goguenards
    l’invitent à le faire. Si Jésus l’avait fait, il sortirait de la gratuité du mouvement du
    bien qui se diffuse pour le salut de toute l’humanité.

    Une présence dans le drame

    La mort de Jésus est un drame. Au coeur de ce drame, il y a le cri de Jésus : « Eloï,
    Eloï, lama sabaqthani ? » Cette expression araméenne, écho du Psaume 22, est presque
    toujours traduite par « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? », mais
    si on se tient au plus près du texte grec, celui des évangiles, l’évangéliste traduit par
    « Mon Dieu, mon Dieu, vers quoi m’as-tu abandonné ? » Nous voilà donc face au
    drame avec deux questions. La première : un « pourquoi » et c’est vrai que chaque fois
    qu’il y a un drame, par exemple un accident de car avec plusieurs morts, eh bien on
    cherche une explication, une cause voire un coupable. La seconde question : un « vers
    quoi » qui nous incite à trouver à tout prix du sens à ce qui est arrivé, par exemple en
    promettant le ciel aux victimes innocentes. Toute question est légitime, mais il y a un
    risque, celui de s’épuiser dans la recherche des causes ou de sens là où il n’y en a
    pas forcément. Que reste-t-il ? Quelle attitude prendre face à la souffrance, à la détresse
    des personnes touchées ? Il n’y a pas d’autre attitude à avoir que celle de l’entredeux
    représenté par le centurion et les femmes présentes à la croix. Une présence à l’autre
    dans l’impuissance de ce qui s’est passé et à ce qui est vécu par la ou les personnes
    touchées par le drame. Cette qualité de présence est signe de l’amour même du Fils qui
    donne sa vie pour la vie du monde.

    Au coeur de la foi chrétienne, se dresse donc l’instrument de supplice des forces de
    l’ordre romaines, une croix. C’est là que fut exécuté, il y a quelque 2000 ans, un certain
    Jésus, accusé par ses compatriotes de se faire passer pour le « roi des Juifs ».
    Fait divers, erreur judiciaire, échec d’un mouvement révolutionnaire, issue fatale d’un
    rêve d’illuminé, destin exemplaire d’un prophète ? Quelques années déjà après l’événement,
    des communautés réunies en son nom proclament ce Jésus vivant, ressuscité,
    et l’adorent : leur Seigneur et leur Dieu. Loin de camoufler l’événement honteux
    de l’exécution de leur maître, ils en font le thème central de leur message au monde :
    cette mort a un sens, elle inaugure le nouveau chemin que Dieu s’est frayé pour parvenir
    jusqu’aux hommes, chemin mystérieux de faiblesse et de mort. « Ce qui est folie
    dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le
    monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort » (1 Co 1, 27). Le message chrétien
    propose un renversement des valeurs, une autre façon de définir l’amour.

    L’amour dont il est question à la mort de Jésus a essentiellement deux aspects : l’ouverture
    et le don. L’ouverture est symbolisée par le voile du Temple qui se déchire,
    l’accès à Dieu est ouvert à tous, mais surtout elle est représentée par le Centurion,
    l’étranger, le païen occupant qui confesse « Vraiment celui-ci est Fils de Dieu ! »
    L’amour chrétien est un amour universel qui va jusqu’à aimer l’ennemi. Le don est
    signifié par Jésus, le Fils, qui en donnant sa vie, nous montre le chemin à prendre,
    celui d’être aimant, fraternel à son image et ressemblance auprès de tous, spécialement
    les personnes touchées par le drame, la détresse, l’angoisse, la précarité. En
    contemplant ce Crucifié, nous sommes en union avec lui et il nous donne la capacité
    d’être présence compatissante et solidaire auprès de l’autre, notre frère, notre soeur
    en humanité.

    Fr. Marcel Durrer, ofm cap

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