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    Inde: croissance spectaculaire de l'Eglise dans l'Arunachal Pradesh
    Par Mgr Kattrukudiyil, évêque d'Itanagar

    envoie en mission 1,0 ROME, vendredi 10 février 2012 (ZENIT.org) – A l’extrême nord-est de l’Inde, où les religions traditionnelles maintiennent dans la peur, l’Eglise catholique enregistre en moyenne 10 000 baptêmes par an, malgré la loi anti-conversion. Alors que les missionnaires étaient bannis depuis des générations de l’Etat de l’Arunachal Pradesh, ce sont des laïcs qui ont commencé à évangéliser leur pays, il y a une trentaine d’années. Mais aujourd’hui, « tout le monde sait que toute la région du nord-est doit beaucoup aux missionnaires », affirme l’évêque. Déterminé, le pasteur de cette jeune Eglise a deux priorités :  l’éducation des pauvres et la catéchèse.

     

    Mark Riedemann a interrogé Mgr John Thomas Kattrukudiyil, évêque d’Itanagar, la capitale de l’état d’Arunachal Pradesh, pour l’émission télévisée hebdomadaire « Là où Dieu pleure », du Réseau catholique de radio et de télévision (Catholic Radio and Television Network, CRTN), en collaboration avec l’association internationale de l’ « Aide à l’Eglise en Détresse » (AED).

     

    Mark Riedemann  - Depuis les années 70, l’Eglise catholique a explosé dans la région nord-est de l’Inde, atteignant aujourd’hui un chiffre un peu inférieur à 200 000. A quoi peut-on attribuer ce développement spectaculaire de la foi catholique ?

    Mgr Kattrukudiyil - C’est un phénomène qui a surpris l’Eglise, le gouvernement, tout le monde. La première raison que je pourrais donner, c’est le désir qu’ont eu les jeunes de l’Arunachal Pradesh de bénéficier des activités caritatives des missionnaires chrétiens. Ils voyaient les bonnes œuvres des missionnaires et, comme les missionnaires n’étaient pas autorisés dans l’Arunacha Pradesh, ils se sont dit :  « Et bien, sortons et allons les inviter ». De fil en aiguille, ils ont été baptisés et ils sont devenus chrétiens, catholiques. Un autre facteur a été que ces jeunes n’aimaient pas du tout les pratiques religieuses traditionnelles. Par exemple, ils devaient offrir beaucoup de sacrifices quand quelqu’un était malade. Cela revient très cher et, comme la religion traditionnelle leur imposait toujours plus de telles dépenses, ils ont fini par se tourner vers la nouvelle religion, le christianisme, qui ne leur demandait que de prier Jésus.

     

    Peut-on dire que les religions traditionnelles sont basées sur la peur ?

    Elles sont essentiellement basées sur la peur. Les gens croient qu’il y a beaucoup de mauvais esprits, que ces esprits contrôlent leur vie et qu’il faut passer son temps à calmer ces mauvais esprits. Et comment fait-on pour les apaiser, par exemple, dans une région qui n’offre pas de soins médicaux ? En offrant de plus en plus de sacrifices d’animaux. Lorsque quelqu’un est malade, le chef de la religion traditionnelle du village leur dit que c’est à cause d’un mauvais esprit et qu’ils doivent offrir en sacrifice dix Mithun – bison indien – ou cinq cochons ou dix vaches. Pour un village, cela représente des centaines ou des milliers d’animaux et c’est un poids énorme. Dès qu’ils ont vu une alternative, ils l’ont aussitôt saisie. En particulier si on leur présente Dieu comme notre Père qui nous aime, ce qui contraste avec ces esprits qui ne sont là que pour nous menacer et nous persécuter. Je pense que cela fait une grande différence. 

     

    Parlez-nous de cette croissance extraordinaire si l’on réalise que, dans l’Arunachal Pradesh, et dans les autres Etats du nord-est de l’Inde, il y a une loi anti-conversion. Qu’est-ce que cette loi anti-conversion et comment en est-on arrivé là ?

    Cette loi anti-conversion n’existe pas seulement dans le nord-est comme dans l’Arunachal Pradesh, mais dans d’autres Etats aussi comme l’Orissa et le Pradesh. Comment en est-on arrivé là ? Cette loi repose sur la crainte, chez une partie de la population hindoue, que le christianisme se répande dans toute l’Inde. C’est une crainte infondée, mais peut-être est-elle utilisée comme un argument politique pour arriver au pouvoir. Il y a des Hindous qui attisent les sentiments de la majorité hindoue en disant qu’ils sont en danger, dans l’idée de rassembler tous les Hindous sous un appareil politique unique, et en faire un pouvoir politique. C’est peut-être le côté politique de toute cette affaire ; parce qu’il est impensable que les chrétiens, qui ne représentent pas plus de 2 % de la population, puissent être une menace pour un grand pays comme l’Inde.

     

    En l’absence de prêtres, ce sont les laïcs qui ont commencé l’évangélisation dans l’Arunachal Pradesh ?

    Oui, surtout les femmes. Un prêtre avait construit une mission aux portes de l’Arunachal Pradesh, près de la place du marché. Il a rencontré quelques femmes de l’Arunachal et les a invitées dans sa mission. Ces gens étaient tellement heureux d’avoir quelqu’un à qui parler ! Pendant que les femmes faisaient leur commerce au marché, le prêtre bavardait avec elles et il a appris quelques mots dans leur langue. Elles lui ont fait confiance. Il leur a ensuite expliqué sa foi. Elles ont accepté et beaucoup d’entre elles se sont fait baptiser avant de retourner dans leur village. Il leur dit aussi que leurs enfants pouvaient venir apprendre à lire. Alors elles ont amené leurs enfants à la mission, et il les a accueillis dans des écoles. Finalement, la mission est devenue un centre de préparation au baptême. Beaucoup disaient : « Je vais à Harmuti me faire baptiser », ils y allaient, y restaient un jour ou deux, étaient baptisés et retournaient dans leur village.

     

    Quel est l’apport le plus important de l’Eglise catholique dans l’Arunachal Pradesh ?

    Le gouvernement et la population tribale nous acceptent à cause de notre contribution dans le domaine de l’éducation. Tout le monde sait que toute la région du nord-est doit beaucoup aux missionnaires, parce qu’un grand pourcentage de la population instruite est passée par nos écoles

     

    En fait, beaucoup de ceux qui accèdent aujourd’hui à des postes de dirigeants sont passés par ces écoles catholiques ?

    Parmi ceux qui ont initié cette loi anti-conversion, nombreux sont ceux qui ont leurs enfants ou leurs petits-enfants dans des écoles catholiques. Ils disent : « Oui, oui, c’est bien que les missionnaires aient des écoles pour nous, mais pas pour les pauvres, parce qu’ils pourraient se convertir ». Ils veulent maintenir les pauvres dans l’ignorance. Ils veulent uniquement utiliser les équipements de l’Eglise pour eux.

     

    Uniquement pour leurs propres besoins ?

    Oui, et en fait, cette tendance est sensible aussi parmi certains groupes de l’élite dans l’Arunachal Pradesh. Ils me demandent : « Monseigneur, pourquoi perdez-vous votre temps à ouvrir des écoles dans les villages éloignés ? Vous avez une belle école à Itanagar. Mettez-y toutes vos ressources ; faites payer des frais très élevés et nous y enverrons nos enfants ». Mais je leur réponds : « Non, ce n’est pas pour cela que je suis ici. Je préfèrerais ouvrir une école dans le village le plus éloigné plutôt qu’ici en ville ».

     

    Diriez-vous que la première phase de l’évangélisation est passée, ou sommes-nous encore dans cette première étape ?

    L’expansion rapide de l’Eglise a ralenti. D’une certaine manière, avec le temps, la venue de missionnaires, l’institutionnalisation de l’Eglise, cette phase rapide a ralenti mais l’estime que suscite l’Eglise est toujours là et les gens continuent de venir. Il faut maintenant mettre l’accent sur l’enracinement avec des catéchèses, et cela soulève des difficultés particulières : le terrain rend les villages difficiles d’accès et il y a aussi la question du langage, avec tous ces dialectes ; tous les prêtres ne sont pas capables d’apprendre tous ces dialectes, si bien qu’il nous faut des traducteurs et des catéchistes laïcs.

    Propos recueillis par Mark Riedemann

    Traduction de Zenit par Hélène Ginabat

    Source www.zenit.org

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