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    « L'esprit d'Assise: pèlerins de la vérité, pèlerins de la paix » (III/IV)
    Par Mgr Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi

    Traduction d’Océane Le Gall

    portioncule 2 ROME, novembre 2012 (Zenit.org) – « L’Eglise ne peut proposer de vrai dialogue qu’à partir de la vérité sur elle-même, affirme Mgr Müller. Cacher la foi authentique et abandonner l’unicité de la Révélation et de l’Incarnation du Fils de Dieu, au nom d’une dialogue politiquement correct, serait mensonger ».

    « L’esprit d’Assise: pèlerins de la vérité, pèlerins de la paix » : c’est le titre de cette réflexion deMgr Gerhard L. Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi dont nous avons publié le premier volet le 8 novembre et le deuxième volet le 9 novembre.

     

    L’archevêque allemand a en effet donné une conférence à Assise, le 29 octobre 2012, à l’occasion du 26eanniversaire de la Rencontre d’Assise promue par Jean-Paul II pour favoriser la paix entre les religions et grâce aux religions : il avait pris soin de manifester clairement qu’il ne s’agissait pas de syncrétisme, mais d’un dialogue entre les religions, à partir de leurs valeurs fondamentales. Un dialogue auquel Benoît XVI a également invité les non-croyants – toujours sur la base des valeurs humaines fondamentales et de la capacité rationnelle à dialoguer - à se joindre l’an dernier, pour le 25eanniversaire de cette rencontre.

    Un dialogue conçu comme « une méthode qui aide à avancer vers la vérité », explique Mgr Müller qui tient à souligner que « pour un chrétien, le respect de la religiosité d’un autre ne signifie pas, et ne saurait signifier un renoncement de sa propre foi ».

    Voici notre traduction  de l’italien de ce troisième volet.

     

    « L’esprit d’Assise: pèlerins de la vérité, pèlerins de la paix » 

        6. Après avoir relevé la valeur et l’universalité de la religiosité naturelle, ainsi que ses limites, il nous faut relever aussi la relation et la différence fondamentale entre celle-ci et la foi. La foi se distingue de la religiosité naturelle[1]. Celle-ci est un don, une vertu théologale reçue de Dieu. Elle n’est pas un produit de la nature humaine, même si elle permet à la nature humaine de se perfectionner. La foi est une réalité surnaturelle, c’est-à-dire un don de la grâce qui vient de Dieu et qui a pour objet Dieu qui se révèle, qui est l’origine et l’accomplissement de la foi. Les gestes de culte à Dieu sont l’objet de la religiosité, accomplis dans le respect dû au Dieu Créateur, que la raison naturelle peut connaître. En substance, le contenu de la foi est reçu à travers la Révélation de Dieu et il est transmis par le biais de l’enseignement de l’Eglise (cf. Ep. 3,10).  Les gestes de foi ouvrent à la puissance salvatrice de Dieu (cf. Mc  5,30) et ils introduisent à la vie surnaturelle, à la « vie éternelle »[2].

     

                Dieu se cache dans le mystère et seule la foi permet de Le connaître, non pas pour qu’il diminue la valeur de l’intellect naturel humain, mais parce que la foi, par la force de la grâce, offre à la raison de plus grandes certitudes sur Dieu. Elle l’aide à Le reconnaître, à avoir confiance en Lui, à s’ouvrir à Sa présence. Dans la Foi, Dieu se révèle comme un Dieu personnel, qui aime comme un Père. Il ne se laisse pas reléguer au seul concept d’un Absolu abstrait, que la raison peut peut-être percevoir, respecter ou craindre. A cela, on comprend combien il est incorrect de confondre la foi chrétienne avec la religiosité naturelle et d’utiliser le mot « foi » pour désigner la croyance des religions non bibliques[3]. On ne veut pas nier, par là, que Dieu puisse accorder la possibilité de croire à ceux qui ne connaissent pas la Parole révélée, ni ne connaissent le Christ et l’Eglise, croyant plutôt que Celui-ci « existe et récompense ceux qui le cherchent » (He 11,6). Mais dans ce cas, il faut souligner que cette croyance, si elle n’est pas nourrie de la Parole de Dieu et des sacrements de l’Eglise, se trouve néanmoins en situation de danger et risque d’être déformée.

     

                La foi éclaire la valeur de la religiosité naturelle, laquelle offre le bon humus à la première, même si la vie théologale donnée par Dieu elle la seule à pouvoir attribuer aux actes religieux une profondeur spirituelle et une valeur que les forces et les progrès humains à eux seuls ne peuvent atteindre. Donc de ce centre intérieur qu’est la religiosité, la religion peut et doit être analysée et purifiée. On ne saurait alors juxtaposer la religiosité à la foi. La foi, comme don de grâce, se greffe aux facultés humaines naturelles et elle produit un changement noétique et éthique. Celle-ci change la religiosité de l’intérieur, lui garantissant une fécondité surnaturelle, et ex parte sua, la religiosité naturelle offre à la foi un cadre accueillant qui la dirige et lui permet de s’exprimer à tous les niveaux de la nature humaine.

     

                            7.  Donc, si l’Eglise catholique et le Christianisme ne refusent pas le dialogue avec les religions, c’est justement parce que la foi chrétienne implique « respect » pour la sensibilité religieuse naturelle des hommes[4]. Le respect dû à la conscience – même dans le cas où celle-ci semble cachée dans une religiosité incapable de discerner les valeurs morales et d’en être responsable – exige un dialogue à accomplir pas à pas, dans une attente patiente entre l’ouverture de la raison et la vérité pleine. L’Eglise, tout ayant foi en la grandeur de la ratio – qui invite à ne pas s’enfermer dans des limites trop réductrices[5] et à s’ouvrir à la recherche de la vérité – sait en même temps que la seule ratio, rarement, peut arriver à découvrir les vérités fondamentales. Généralement, seuls les penseurs, honnêtes et profonds, dotés d’une sagacité hors du commun, arrivaient, en se fondant sur la raison naturelle, à la pleine et respectueuse découverte de la dignité et de la destinée humaines, de la valeur de la paix et de la solidarité. A noter toutefois que l’Eglise, qui connait bien les limites de la raison naturelle, ne perd pas la confiance qu’elle donne à la raison et n’accepte pas le pessimisme certitatif qui distingue les milieux nihilistes ou relativistes. C’est précisément au nom de cette confiance dans les capacités naturelles de la raison, et en se fiant à elles, que l’Eglise peut s’engager dans le dialogue interreligieux.

     

                Deuxièmement,  il faut rappeler que le but du dialogue n’est pas le dialogue en soi. Le but du dialogue c’est la connaissance de la vérité. Le dialogue est une méthode qui aide à avancer vers la vérité. Le dialogue socratique servait déjà à cela, comme voie pour une recherche philosophique de la vérité et pour libérer l’esprit, de manière à ne pas s’éloigner de la vérité. Parfois ces éloignements, bien que cachés et inconscients, sont dus au fait que la vérité connue est exigeante. Après avoir découvert la vérité, il faut accepter son autorité et, justement parce qu’elle est vraie, il faut la suivre, même si tous ne sont pas prêts à accepter les efforts que cela demande. Quelque fois, l’homme se ferme dans des positions relativistes ou dans une religiosité naturelle simplifiée pour se sentir libre des exigences de la vérité. Le relativisme préfère le doute permanent pour ne pas se laisser dominer par la certitude de la vérité. Ainsi, les religions naturelles peuvent offrir quelque réponse aux questions fondamentales de l’homme, calmer une certaine inquiétude intellectuelle et spirituelle et offrir un certain horizon de vie, mais parfois aussi exonérer de l’obligation de chercher la vérité dans sa plénitude et d’en informer la conscience. Le dialogue interreligieux sert donc à provoquer l’homme, pour qu’il avance avec courage dans la recherche de la vérité et s’ouvre à se exigences avec confiance.

     

                Par ailleurs, dans le dialogue interreligieux il se crée un contexte où il est possible aussi de témoigner la foi en Jésus-Christ. L’Eglise est pliée à jamais à la mission que lui a confiée le Christ lui-même (Mc 16,15-16), de proclamer la bonne nouvelle de Jésus-Christ, unique sauveur du monde. Si bien que pour un chrétien, le respect de la religiosité d’un autre ne signifie pas, et ne saurait signifier un renoncement de sa propre foi, de son identité et de la vérité définitive reçue, à travers l’Eglise, dans la Révélation de Dieu. Tel respect et dialogue ne signifie pas « dissolution » de son propre credo dans une religiosité générique, fondée sur l’axiome de l’impossible connaissance de Dieu, ni « réduction » de la foi chrétienne  à un niveau d’expression générale, commun à d’autres formes de religiosité. Au contraire, l’Eglise ne peut proposer de vrai dialogue qu’à partir de la vérité sur elle-même. Cacher la foi authentique et abandonner l’unicité de la Révélation et de l’Incarnation du Fils de Dieu, au nom d’une dialogue politiquement correct, serait mensonger. Un dialogue n’est justifié et correct que s’il est conduit dans la vérité et dans l’amour. Si bien qu’à chaque occasion de dialogues entre chrétiens et non chrétiens, notre foi, tournée vers le Christ, et la vérité sur nous-mêmes, doit avoir une place de choix.

     

    (à suivre demain,  pour le 4e et dernier volet)

    [1] Cf. Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, IIa-IIae, q. 81, a. 5.

    [2] Cf. Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, IIa-IIae, q. 4, a. 1: «Fides est habitus mentis, qua inchoatur vita aeterna in nobis, faciens intellectum assentire non apparentibus».

    [3] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus Christ et de l’Eglise, n. 7.

    [4] Concile Vatican II, Déclaration Nostra aetate, n. 2; cf. Benoit XVI, Exhortation Apostolique Post synodale Verbum Domini sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Eglise, n. 117; Discours pour la Rencontre avec les organisations pour le dialogue interreligieux, Jérusalem, 11 mai 2009.

    [5] Jean Paul II, Lettre Encyclique Fides et ratio, n. 56.

    Source www.zenit.org

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