• La pagaille - "Babel" - Revue Message

    (extrait de « MESSAGE » Novembre - Décembre  2013 )

    La pagailleTour de babel

     Parler de Babel, c’est parler de la confusion du langage, à l’heure où pratiquer une même langue ne garantit plus vraiment de se comprendre. Car le sens qu’on prête à un mot peut singulièrement varier selon la personne qui le prononce ou le journal qui l’imprime, et ceci sans parler du langage informatique, inénarrable mystère ! D’ailleurs, à l’heure où j’écris ces lignes, mon ordinateur me ferme résolument sa porte pour motif de « mot de passe incorrect ». On n’est plus chez soi, je vous dis...

     Babel, c’est l’histoire de gens bien intentionnés, qui avaient conçu un projet cohérent, réalisé dans le bon ordre, et puis pof, Dieu arrive et c’est la pagaille. Qu’est ce qui lui prend ? Mais est-ce que cette histoire ne nous rappelle pas d’autres histoires, la nôtre peut-être ? Mystérieux épisodes où s’envolent nos châteaux de cartes, où un grain de sable, de folie vient dérégler nos rouages trop bien huilés ?

     Elle n’était pas en carton, cette ville-là, mais en briques. C’est qu’on est dans la plaine, loin des écueils de la montagne, loin de carrières où vont tailler les bâtisseurs. Les briques, voyez-vous, c’est bien pratique. Ce n’est pas comme ces pierres, toutes si différentes, et avec ça jamais de la forme voulue. Les briques, c’est carré, ça ne fait pas de chichi, ça s’empile et puis voilà. Et toute une ville comme ça, c’est vite monté même si ça manque un peu de poésie. Mais vous imaginez ça, vous, toute l’humanité massée dans une plaine, tassée dans une seule ville ? Notez qu’à vivre dans certaines mégapoles, on pourrait avoir un peu cette sensation, la qualité d’humanité n’augmentant d’ailleurs pas forcément avec le nombre, quand celui des enfants de la rue atteint parfois le chiffre des habitants d’une ville de Suisse.

     « L’Esprit Saint serait-il l’apôtre de Babel ? » Cette question posée par le Pape François fait écho à la neuvaine de Pentecôte : « Toi, l’amour qui fait le monde », « la force qui rassemble », « la paix que rien ne trouble », « comment es-tu le souffle », « le glaive », « la guerre qui divise et disperse ? » Mais Dieu n’est pas comme les idoles. Le veau d’or, c’est pratique, il ne bouge pas, ne mange pas de foin, comme on dit. Notre Dieu, lui, s’amourache d’un peuple de rien, se taille une généalogie qui se rit de la loi, va naître en voyage et s’épuiser à expliquer aux bons religieux que si les cadets s’en vont dilapider l’héritage, c’est peut-être que les aînés, n’osant pas y entrer eux-mêmes, ne leur ont pas donné envie de rester ?

     Mais au fait, pourquoi veulent-ils se mettre comme ça en ménage tous ensemble, ces Babelliens ? Pas besoin de chercher bien loin, ils le disent eux même, se le disent à eux-mêmes : « Afin que nous ne soyons pas dispersés sur la surface de la terre ». Ah, mais justement, c’est que Dieu veut la leur donner, cette terre, et pas juste un petit replat de terrain ! Les plaines, les montagnes, et bien davantage encore ! Quel manque d’audace… Alors hop, voilà qu’il embrouille tout ! Du coup, les voici forcés de se faire face, de s’expliquer, d’aller plus loin, d’explorer les possibles… On n’est pas migrants seulement avec les pieds, on migre aussi dans ses idées, ses conceptions, ses pratiques… Imaginez qu’après les faits, au lieu de réciter tous ensemble : « Moulons des briques et cuisons-les au four », l’un ait juste dit : « Moulons des briques », et l’autre: « Ah oui, et cuisons-les au four », le 3 e : « Mais non, les sécher au soleil serait plus écologique ! », le 4 e aura proposé des pierres de tailles et le 5 e planté sa tente… Ainsi commence le laborieux enfantement d’une humanité balbutiante, le déploiement du dialogue international avec sa complexité de langues, de codes, de coutumes et d’écus, mais aussi le dialogue tout court, ses crises et sa beauté profonde… Pas forcément simple, tellement fragile, mais tant bien que mal en route vers le Royaume, la vraie communion, l’étendue infinie des promesses de Dieu.

     Soeur Laetitia-Catherine

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