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« La parabole du « bon samaritain ». (Luc 10, 25) - Élisabeth
« La parabole du « bon samaritain ». (Luc 10, 25)
(peinture sur Wikimedia Commons, la médiathèque libre.)Je n'aime pas cette parabole, elle me m’est mal à l’aise, ou plus justement, ce n’est pas la parabole que je n’aime pas, ce sont les commentaires qu’en font les prêtres en église qui m’insupportent. Ils me blessent. Je sens, et j’entends, toujours du mépris pour la loi du Dieu d’Israël, une condamnation rapide du Cohen et du Lévy, et l’encensement du Samaritain. Rien que le titre par lequel, elle est connue, « le bon samaritain » me hérisse.
Dernièrement, parce que j’entreprends cette année de réfléchir aux paraboles du Christ, je me suis dit : « Reprenons tout depuis le début, depuis l’origine, dégageons-nous de l’interprétation chrétienne et asseyons-nous à côté de Jésus de Nazareth pour l’écouter. C’est un maître juif qui enseigne à un public juif et son enseignement, puisqu’il est le Messie c’est à dire celui qui accomplit la Torah, sans désir d’en changer un iota, ne peut que révéler son amour pour elle.
Plantons le décor :
Jésus, est en train d’enseigner. Un homme, versé dans l’étude de la Torah, nous précise-t-on, se lève et lui pose une question, comme il est souvent de coutume dans les yéshivot, ou maison d’étude : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ». Il lui répond : « Dans la Loi qu’y a-t-il d’écrit ? Comment lis-tu ? »
Cette question est très importante. Jésus lui demande, en fait, comment interprètes-tu la Parole de Dieu, comment résonne-t-elle en toi ? Lire se dit koré en hébreu, mot qui signifie aussi appeler, crier. En même temps que je lis je suis lu, en même temps que j'appelle je suis appelé, il y a une interaction entre le texte et moi.
L’homme répond en citant ce que Jésus considère comme le premier des commandements, à savoir, aimer Dieu, et tout comme lui, je ne sais pas s’il avait écouté auparavant son enseignement, mais je ne le pense pas, il le fait suivre de celui d’aimer son prochain. Jésus est satisfait de la réponse et ce dialogue aurait pu s’arrêter ici, mais le « sage » pose une autre question très pertinente, « Et qui est mon prochain ? ». Jésus lui répondra alors par une parabole.
Il choisit de présenter non pas des individus mais des catégories de personnes : le Cohen et le Levy, représentent la classe sacerdotale, le samaritain est un étranger et un ennemi de cette classe et du Temple, faisant parti de ceux qui, au temps d’Ezra en ont empêché la construction ; ils ont cependant accepté comme Parole de Dieu le Pentateuque en refusant les interprétations, c’est-à-dire la loi ou enseignement orale, figeant le texte dans une lecture unique. L’homme qui est soigné est anonyme, on ne sait pas si c’est un juif ou un samaritain.
Que veut nous dire Jésus en nous donnant pour modèle le samaritain ? De plus, en vérité, il ne répond pas à la question posée, il la déplace en demandant : « Lequel des trois a été un prochain pour l’homme blessé ? »
Jésus veut nous faire comprendre que dès que l’on se demande qui est mon prochain, on entre forcément dans l’exclusion d’une ou de plusieurs personnes. Aussi, la question de l’amour du prochain, est plutôt, suis-je le prochain pour l’autre, suis-je le gardien de mon frère, suis-je signe de compassion pour l’autre ? Tout dépend et part de moi. Et l’on découvre ici, que mon attitude ne dépend pas forcément de ma foi. Je dirai en actualisant le texte, que ici, ce n’est ni le curé, ni le diacre, le religieux donc, mais bien l’étranger, l’ennemi qui a fait preuve de compassion. Combien de fois a-t-on vu, à notre grand étonnement, des personnes d’aucune confession, des laïcs, des athées, faire preuve de plus d’humanité que celui qui croit et pratique.
Nous n’avons pas à comparer, à juger, seulement à nous remettre en question et toujours approfondir notre lien à Dieu, à toujours l’unir et le relier à notre lien à l’autre.
Pour le Christ, il y a deux commandements centraux, qui se complètent l’un l’autre et se comprennent comme une unité : aimer Dieu et aimer son prochain ; une relation transcendantale et une relation horizontale, s’alimentant l’une l’autre.
Notre maitre et notre seigneur, veut nous faire comprendre, ce que disait Saint Vincent de Paul à ses filles de la charité, lorsque quittant leur moment de prières ou d’étude de la Parole elles partaient servir les plus pauvres. Ils leur disaient : « N’ayez crainte, vous quittez Dieu pour aller vers Dieu », en un mot, vous ne quittez jamais ni le Père, ni le Fils, ni le Saint Esprit, vous êtes toujours, si vous en avez conscience, en Sa présence. C’est cela que le Cohen, le Lévy n’avaient pas compris. Pour eux, Dieu était seulement dans le Temple, dans leur amour pour Lui, ne voulant pas se rendre impurs, ce qui les auraient empêchés de Le servir, ils n’ont pas secouru le malheureux qui se trouvait sur leur route. Ils n’avaient pas compris, et sans cesse le Christ reviendra là-dessus, que servir et aimer le prochain c’est servir et aimer Dieu. Et depuis que le Fils de Dieu a revêtu notre humanité, véritablement, le visage de l’autre est le visage du Christ, le visage du Père : « Qui m’a vu a vu le Père ».
Élisabeth
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Tags : dieu, samaritain, jesus, prochain, parabole
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Commentaires
1Alice Damay-GouinLundi 5 Décembre 2016 à 09:49Merci infiniment à Élisabeth pour ce texte magnifique qui replace ce texte dans le contexte d'alors! Joie et Merci. Personnellement j'aime beaucoup cette parabole qui nous montre la Miséricorde dans ce geste du Samaritain envers la personne rejetée, blessée, souffrante...
Mais je n'aime pas cette vision à sens unique du Samaritain qui rend service mais qui n'attend rien de l'autre.... Cette parabole du Bon Samaritain m'a longtemps fait oublier l'autre aspect du message évangélique qui fait intervenir une Samaritaine !
Servir, soigner mais aussi demander de l'aide! "Donne-moi à boire".
ou tout simplement la première béatitude: bienheureuses les personnes qui vivent dans l'esprit de pauvreté !
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Ce matin, j'ai la tête vide. Donc, je suis revenue sur ce site pour relire l'un de tes textes. C'est avec une joie incroyable que je relis ce texte que je vais méditer. Merci, Élisabeth... J'espère que tu continues à travailler sur ces textes car tu nous les livres avec un regard neuf! Merci! Merci! Merci!
Alice