• Le cardinal Cantalamessa offre une méditation sur la nature divine du Christ

    Le cardinal Cantalamessa offre une méditation sur la nature divine du Christ

    Pour son troisième enseignement du Carême 2021, le prédicateur de la Maison pontificale s'est penché sur la nature du Christ, après avoir abordé la semaine dernière sa nature humaine.
     

    Pour cette nouvelle méditation du vendredi matin, le cardinal Raniero Cantalamessa a poursuivi son exploration de la figure du Christ, à travers le dogme, c'est-à-dire non pas sous la forme d'une figure idéalisée ou humanisée comme le présentent certains courants, mais «le Christ vrai homme, le Christ vrai Dieu, le Christ une seule personne».

    «La terminologie dogmatique de l’Église primitive est comme un château enchanté, dans lequel se trouvent des princes et les plus gracieuses des princesses, plongés dans un sommeil profond. Il suffit tout simplement de les réveiller pour qu’ils se mettent debout et apparaissent dans toute leur gloire», indiquait avec une certaine emphase poétique le philosophe Kierkegaard dans son Journal, cité par le prédicateur de la Maison pontificale en guise de préambule.

    Le dogme du Christ «vrai Dieu»

    Le cardinal Cantalamessa a tout d'abord proposé un plongeon dans l'Histoire, dans le contexte des persécutions menées au IIe siècle contre les premières communautés chrétiennes disséminées dans l'Empire romain. «En l'an 111 ou 112 après J.-C., Pline le Jeune, gouverneur de la Bithynie et du Pont, écrivait une lettre à l'empereur Trajan, pour lui demander des instructions sur la manière dont il convenait de se comporter dans les procès intentés contre les chrétiens. D'après les informations qu'il avait prises - écrivait-il à l'empereur – “toute leur erreur ou leur faute avait été renfermée dans ces points: qu'à un jour marqué, ils s'assemblaient avant le lever du soleil, et chantaient tour à tour des vers à la louange de Christ, comme s'il eût été dieu: carmen Christo quasi Deo dicere”.  Nous sommes en Asie Mineure, quelques années après la mort du dernier Apôtre, Jean, et les chrétiens proclament déjà, dans leur liturgie, la divinité du Christ! La foi en la divinité du Christ est née avec la naissance de l'Église», a raconté le prédicateur franciscain.

    Proposant ensuite «une brève reconstitution de l'histoire du dogme de la divinité du Christ», le cardinal Cantalamessa a rappelé que c'est lors du Concile de Nicée en 325 que fut constituée cette affirmation du Credo: «Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ […] vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé, de même nature que le Père». Le sens de cette formulation est de montrer que «dans toute langue et à toute époque, on doit reconnaître le Christ comme Dieu dans le sens le plus fort et le plus élevé que le mot Dieu a dans telle langue et telle culture, et pas dans un autre sens dérivé et secondaire».

    Mais la diffusion de ce cadre théologique et dogmatique a été lente. «Il fallut près d'un siècle de mise au point avant que cette vérité ne fût reçue, dans sa radicalité, par l'ensemble de la chrétienté. Une fois surmontés les retours de l'arianisme dus à l'arrivée de peuples barbares qui avaient reçu la première évangélisation des hérétiques (Goths, Wisigoths et Lombards), le dogme devint le patrimoine pacifique de toute la chrétienté, tant orientale qu'occidentale», a expliqué le cardinal. 

    Beaucoup plus tard, la Réforme protestante a ouvert une brèche dont les conséquences ont dépassé ses propres acteurs. «En réaction au formalisme et au nominalisme qui réduisent les dogmes à des exercices de virtuosité spéculative», les réformateurs protestants opposent «une connaissance subjective, intime ; au témoignage extérieur de l'Église - et parfois même des Écritures - sur Jésus, on préfère le "témoignage intérieur" que l'Esprit Saint rend à Jésus dans le cœur de tout croyant».

    «Les Lumières et le rationalisme y ont trouvé le terrain propice à la démolition du dogme, a expliqué le cardinal Cantalamessa. Pour Kant, ce qui compte, c'est l'idéal moral proposé par le Christ, plutôt que sa personne. La théologie libérale du XIXe siècle réduit pratiquement le christianisme à la seule dimension éthique et en particulier à l'expérience de la paternité de Dieu. On dépouille l'Évangile de tout le surnaturel: miracles, visions, résurrection du Christ. Le christianisme devient seulement un sublime idéal éthique qui peut faire abstraction de la divinité du Christ et même de son existence historique.» C'est cette logique idéaliste qui a poussé Gandhi à écrire cet aveu paradoxal: «Il ne m'importerait même pas que quelqu'un prouve que l'homme Jésus n'a jamais réellement vécu et que ce que nous lisons dans les évangiles n'est que le fruit de l'imagination de l'auteur. Le Sermon sur la Montagne n’en resterait pas moins vrai à mes yeux».

    Au XXe siècle, une certaine dérive s'est poursuivie dans l'enseignement académique, sous l'influence notamment de l'enseignement du théologien luthérien allemand Rudolf Bultmann (1884-1976). Sous couvert d'une logique de «démythologisation» et de rupture avec l'enseignement traditionnel, de nombreux théologiens en sont revenus inconsciemment à des interprétations datant de l'Antiquité, qui considéraient que Dieu pouvait certes agir dans la personne de Jésus, mais que Jésus n'était pas Dieu lui-même. «On dit vouloir ainsi interpréter le dogme ancien avec des catégories modernes, mais en réalité on ne fait que reproposer, parfois dans les mêmes termes, des solutions archaïques (Paul de Samosate, Marcel d'Ancyre, Photin) déjà évaluées et rejetées par la conscience de l'Église», a averti le prédicateur de la Maison pontificale.

    En revenir à la clarté manifestée dans les Évangiles

    Il faut donc revenir à la question posée par Jésus, qui «ne s'intéresse pas tant à ce que "les gens" disent de lui, mais à ce que ses disciples disent de lui. La question est toujours dans l'air: "Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je?" (Mt 16, 15.)»

    Le prédicateur a donc relevé les occurrences de cette nature de Jésus dans les Évangiles Synoptiques, des textes dans lesquels «la divinité du Christ n'est jamais ouvertement déclarée, mais elle est continuellement sous-entendue. Rappelons quelques paroles de Jésus: "le Fils de l'homme a le pouvoir, sur la terre, de pardonner les péchés" (Mt 9, 6); "personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils" (Mt 11, 27); "Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas" (cette parole-ci est présente à l'identique dans les trois Synoptiques); "le Fils de l'homme est maître, même du sabbat" (Mc 2, 28); "Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs" (Mt 25, 31-32). Qui, sinon Dieu, peut pardonner les péchés en son propre nom et se proclamer juge ultime de l'humanité et de l'Histoire?», s'est interrogé le cardinal Cantalamessa.

    «Tout comme il suffit d’un cheveu ou d’une goutte de salive pour relever l'ADN d'une personne, une seule ligne de l'Évangile suffit, si on la lit sans a priori, pour relever l'ADN de Jésus, pour découvrir ce qu'il pensait de lui-même, mais ne pouvait dire ouvertement pour ne pas être mal compris. La transcendance divine du Christ transpire littéralement à chaque page de l'Évangile», a-t-il expliqué.

    «Mais c'est surtout Jean qui a fait de la divinité du Christ le but premier de son Évangile, le thème qui unifie tout. Il le conclut en disant: "Mais ceux-là [ces signes] ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom" (Jn 20, 31), et il conclut sa première lettre avec quasiment les mêmes mots: "Je vous ai écrit cela pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui mettez votre foi dans le nom du Fils de Dieu" (1 Jn 5, 13)», a expliqué le prédicateur.

    Frappé par la parole "JE SUIS" écrite volontairement en lettre capitale dans le lectionnaire d'un monastère où il avait célébré une messe, le cardinal Cantalamessa a délivré un témoignage personnel de son émotion devant ces deux mots très simples, mais qui résument l'essentiel de la façon dont Jésus s'est lui-même défini. «C'était le temps pascal et il semblait que le Ressuscité lui-même proclamait son nom divin devant le ciel et la terre. Son "JE SUIS" illuminait et remplissait l’univers. Je me sentais tout petit, comme quelqu'un qui assiste, par hasard et à l’écart, à une scène improvisée et extraordinaire, ou à un grand spectacle de la nature. Ce ne fut qu'une simple émotion de foi, rien de plus, mais de celles qui, une fois passées, laissent dans le cœur une empreinte indélébile.»

    Saint Jean, qui fut peut-être centenaire, a eu le temps de développer une réflexion thélogique très ample. «Il faut s'étonner de l'exploit que l'Esprit de Jésus a permis à Jean de porter à son terme. Il a embrassé les thèmes, les symboles, les attentes, tout ce, en somme, qu’il y avait de religieusement vivant, tant dans le monde juif que dans le monde hellénistique, faisant en sorte que tout cela serve une seule idée, mieux, une seule personne: Jésus Christ est le Fils de Dieu et le Sauveur du monde. Il a appris la langue des hommes de son temps, afin de crier de toutes ses forces l'unique vérité qui sauve, la Parole par excellence, "le Verbe".»

    «Seule une certitude révélée, qui a derrière elle l'autorité et la puissance même de Dieu et de son Esprit, pouvait se déployer dans un livre avec une telle insistance et une telle cohérence, arrivant, à partir de mille points différents, toujours à la même conclusion, à savoir, l'identité totale de nature entre le Père et le Fils: "Le Père et moi, nous sommes UN." (Jn 10, 30)», a insisté le cardinal Cantalamessa.

    Dans les différents niveaux de la vie spirituelle, et notamment dans le vaste champ des relations œcuméniques, les chrétiens doivent toujours «intérioriser la foi»«retrouver ses racines», non pas seulement en répétant le Credo mais en saisissant pleinement le sens et l'amplitude. C'est notamment la responsabilité des professeurs de théologie, qui enseignent aux futurs prêtres, et dont le manque de clarté dogmatique peut donc rejaillir, pour des générations entières, sur la santé spirituelle du peuple de Dieu. «Il me semble que l’on devrait avant tout s'assurer d'une chose, que ceux qui enseignent la théologie aux futurs ministres de l'Évangile croient fermement en la divinité du Christ. Pour s'en assurer par un discernement franc et fraternel, mieux qu'avec un serment. Après le Concile, il y a eu toute une génération de prêtres (certainement pas à cause du Concile !) qui ont fini le séminaire et se sont présentés à l'ordination avec des idées très confuses et floues sur le Jésus qu'ils devaient annoncer au peuple et rendre présent sur l'autel lors de la messe. De nombreuses crises sacerdotales, j'en suis convaincu, ont commencé et continuent à partir d'ici», a reconnu le prédicateur.

    L'œcuménisme doit se vivre dans la référence à la nature divine du Christ

    L'œcuménisme offre un horizon passionnant de débats et d'approfondissement spirituel, mais ce chemin n'est pas exempt de risques. «Une unité nouvelle et invisible est en train de se former, qui passe par les différentes Églises. Cette unité invisible et spirituelle a un besoin vital, à son tour, du discernement de la théologie et dumagistère, afin de ne pas tomber dans le danger du fondamentalisme ou d’un subjectivisme effréné et desordonné. Mais une fois qu’on voit cette tentation et qu’on la surmonte, c'est un fait que l'on ne peut plus se permettre d'ignorer.»

    «Il existe des bâtiments ou des structures métalliques fabriqués de telle sorte que si l'on touche un certain point ou si l'on soulève une certaine pierre, tout s'effondre. Telle est la construction de la foi chrétienne, et la "pierre angulaire" qui est la sienne est la divinité du Christ. Si on l’enlève, tout s'écroule et s'effondre, à commencer par la foi en la Trinité. De qui la Trinité est-elle formée si le Christ n'est pas Dieu ? Ce n'est pas pour rien, dès qu’on met la divinité du Christ entre parenthèses, que l’on offre le même sort à la Trinité», a-til averti.

    Le cardinal Cantalamessa a cité ces paroles essentielles de saint Augustin: «C’est peu de croire que le Christ est mort: les païens, les Juifs, les impies le croient aussi. Tous croient qu’il est mort ; la foi chrétienne consiste à croire en sa résurrection». Il a tiré de cette réflexion cette déduction simple: «Tous croient que Jésus est un homme ; ce qui fait la différence entre croyants et non-croyants, c'est de croire qu'il est aussi Dieu. La foi des chrétiens est la divinité du Christ!»

    Face à toutes les impasses philosophiques de la pensée moderne, «celui qui croit au Christ a la possibilité de résister à la grande tentation du non-sens de la vie qui conduit souvent au suicide. Qui croit au Christ ne marche pas dans les ténèbres ; il sait d'où il vient, il sait où il va et ce qu'il doit faire en attendant. Il sait surtout qu'il est aimé par quelqu'un et que cette personne a donné sa vie pour le lui prouver!», a martelé le cardinal.

    C'est précisément parce que le Christ est le «vrai Dieu » qu'il est aussi «la vie éternelle», et qu'il donne la vie éternelle. «Cela n'efface pas nécessairement notre peur de la mort, mais donne au croyant l'assurance que notre vie ne s'arrête pas avec elle», a conclu le prédicateur, répétant en épilogue le deuxième article du Credo:

    «Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ

    le Fils unique de Dieu,

    né du Père avant tous les siècles

    Il est Dieu, né de Dieu,

    Lumière, né de la Lumière,

    vrai Dieu, né du vrai Dieu,

    engendré, non pas créé,

    de même nature que le Père,

    et par Lui tout a été fait.»

     source https://www.vaticannews.va/fr
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