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    Les trésors et les préoccupations

    Cima da Conegliano

    Dieu le Père par Cima da Conegliano (1499) 

    Ou Dieu ou l'argent : Matthieu 6, 24-34
    Autres lectures : Isaïe 49, 14-15; Psaume 61(62); 1 Corinthiens 4, 1-5


    Dans ce passage, Jésus place l'être humain devant un choix, soit Dieu, soit l'Argent, littéralement Mamon. Ce terme sémitique, qui désigne l'argent ou l'ensemble des richesses matérielles dans le judaïsme du 1er siècle de notre ère, personnifie, s'il est écrit avec une majuscule, l'argent comme une puissance qui s'asservit le monde, comme une puissance que l'homme risque de vénérer. Qui idolâtre l'Argent et s'en fait l'esclave ne peut aimer Dieu (1 Jn 2,15), ni penser à la souveraineté de Dieu (Lc 12,15-21) ni accomplir sa volonté (Mt 19,21-22) puisque, selon les termes de l'Alliance, Yahvé est un Dieu, un Dieu qui ne supporte aucun autre dieu à ses côtés (Ex 20,3; Dt 6,4). Par conséquent, le « service à Dieu » est total, indivisible. Pour Jésus, l'argent est la place où est le cœur d'une personne, quand il n'est pas avec Dieu ou avec le « trésor du ciel ».  Voilà pourquoi il faut choisir ou Dieu ou l'Argent, car l'un comme l'autre exige tout l'être humain. Selon Jésus, il est  impossible d'aménager un compromis, car l'individu serait dans la situation peu enviable de l'esclave appartenant à deux maîtres, ce qui arrivait parfois à l'époque. Mais compter sur les seuls « trésors » de Dieu, n'est-ce pas s'exposer à l'angoisse incessante du lendemain? Le développement qui suit relate les réflexions de Jésus à ce sujet.

    Les préoccupations (vv. 25-34)

         Dans cet exposé, Jésus recourt à divers éléments de la nature, témoins de la providence divine. Si Dieu nourrit les oiseaux du ciel (v. 26), si Dieu habille merveilleusement les plantes périssables qui poussent à l'état sauvage et qui sont destinées à passer éventuellement au four, Dieu ne fera-t-il pas davantage pour les êtres humains (v. 30)? Ici, Jésus invite les individus à mettre leur confiance en Dieu de sorte qu'ils ne soient pas partagés entre le service de Dieu et la recherche anxieuse des biens nécessaires à leur subsistance. Cela ne signifie pas que Jésus invite les gens, riches comme pauvres, à l'insouciance ou au rejet des responsabilités. Il s'en prend au travail poursuivi dans l'anxiété ou l'angoisse du lendemain, puisqu'un piège menace autant le riche que le pauvre. Pour le riche, la sécurité que les biens matériels semblent lui assurer et le souci de la conservation et de la croissance de ses biens font en sorte qu'il oublie le Royaume de Dieu. Pour le pauvre, comme le pain et le vêtement ne lui semblent pas assurés, tellement il en possède peu, le souci de se donner des garanties pour le lendemain, en augmentant ses maigres ressources, peut occuper le champ de son esprit au point qu'il n'est plus assez libre pour penser au Royaume de Dieu.

         Jésus continue son discours et explique qu'il est futile d'amasser de l'argent et de s'attacher aux biens matériels, car une fois le terme de sa vie arrivé, l'être humain en sera privé (v. 27). Toute cette richesse devient donc inutile! Dans cet enseignement, Jésus ne veut-il pas rappeler à ses auditeurs une parole des  sages : Comme il est sorti du sein de sa mère, nu, il s'en retournera comme il est venu : il n'a rien retiré de son travail qu'il puisse emporter avec lui (Qo 5,14; Jb 1,21; voir Ps 49 (48,18).

         Au v. 31, Jésus commande pour une deuxième fois à son auditoire de ne pas s'inquiéter des trois besoins normaux, la nourriture, le boire et le vêtement. Encore une fois, il ne désire point reprocher à ses disciples de se préoccuper des nécessités fondamentales, mais de les ressentir avec inquiétude. Il souhaite leur faire comprendre que la foi devrait leur faire découvrir en Dieu leur Père : un père prend soin de ses enfants, il veille sur eux et pourvoit à leurs besoins. Jésus demande à ses adeptes d'être confiants en la Providence et l'amour du Père, non pour qu'ils sombrent dans la paresse (Pr 6,6-11), mais pour les libérer de certains soucis. Ainsi, ils pourront chercher le Royaume et la justice de Dieu (v. 33). En tant que prédicateur, ne désire-t-il pas indiquer que cet enseignement est en lien avec diverses instructions qu'il a données? D'abord, avec la prière du Notre Père qui parle en premier lieu du Royaume de Dieu (6,9-10) et ensuite des besoins de l'être humain (6,11-13). Puis, avec le Sermon sur la montagne qui s'adresse aux affamés de la justice (5,6), c'est-à-dire ceux qui ont faim de correspondre à ce que Dieu attend d'eux par le travail et la patience. Autrement dit, la justice requise de tout être humain recherchant le royaume doit correspondre à la pratique concrète de la justice divine : la droiture dans l'agir. Que les païens (v. 32), qui sont sans espérance et sans Dieu dans le monde (Ep 2,12), se tourmentent du lendemain et recherchent avec passion les biens qui satisferont leurs besoins, la chose se comprend.

         ésus termine son discours en disant, ne vous inquiétez pas du lendemain, car le lendemain s'inquiétera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine! (v. 34). Ces paroles, qui font écho au proverbe de la sagesse ancienne (Pr 27,1), gagnent un nouveau sens. Selon Jésus, l'anxiété pour le lendemain est folie parce que le tout-puissant Père des cieux est Seigneur du futur. Les préoccupations de la vie quotidienne sont superflues, car l'individu qui s'abandonne à Dieu, le Père céleste le libère des préoccupations (Mt 16,5-12; 1 P 5,7).

    L'enseignement de Jésus dans son contexte 

         Prêchant dans un contexte eschatologique, ce discours sur les préoccupations n'est pas adressé à toutes les personnes qui écoutent les enseignements du Galiléen, mais à certaines gens en particulier. Ces individus sont des hommes et des femmes, car, par la mention que les oiseaux « ne sèment ni ne moissonnent (v. 26), Jésus fait allusion à deux travaux attribués à l'homme de l'époque; par celle que les lis ne peinent ni ne filent (v. 28), il renvoie à des tâches assignées aux femmes. Ces gens, qui ont entendu parler du Royaume, ont, comme Jésus, quitté leur métier et/ou leur famille à cause du Royaume. Cependant, ils s'alarment pour leur subsistance quotidienne et des jours suivants en raison du manque de confiance en la bienveillance du Seigneur. Par cet enseignement, Jésus désire réconforter et encourager ces « gens de peu de foi » qui ont peur d'être privés des nécessités de la vie et qui s'inquiètent du lendemain.

    L'enseignement de Jésus dans le contexte contemporain  

         Dans le contexte actuel, l'attitude commandée dans cet enseignement de Jésus est-elle réaliste et praticable? Peut-on vivre dans notre monde sans travailler pour assurer sa subsistance et sans prévoir pour l'avenir? Prêtons attention à l'exigence du v. 33 : Cherchez d'abord le Royaume et la justice de Dieu; tout cela vous sera donné par surcroît, commandement qui fait écho à d'autres enseignements évangéliques. Dans la prière du Notre Père, n'est-il pas question du souhait de la venue du Règne de Dieu et du respect de sa volonté (6,10), et de l'obtention du pain quotidien (6,11)? Dans le Sermon sur la montagne n'est-il pas question du thème de « la justice de Dieu »? Dans ce discours, « chercher la justice de Dieu », c'est chercher la conduite qui correspond à la volonté divine, non seulement dans sa relation aux autres (5,20-48) et à Dieu (6,1-18), mais aussi dans sa relation aux biens matériels (6,19-34), c'est-à-dire en ne recherchant que l'essentiel. Le disciple de Jésus du XXIe siècle se doit de chercher le Royaume, la justice et sa propre subsistance à la fois par la prière et par ses efforts humains. Cet enseignement de Jésus ne proscrit pas, mais plutôt comporte un souci légitime pour les besoins fondamentaux de l'existence. Le disciple de Jésus du XXIe siècle qui recherche en premier lieu le Royaume de Dieu et sa justice ne se laissera pas maîtriser par l'anxiété face aux biens nécessaires à sa subsistance, mais s'abandonnera à la Providence car il sait que Dieu pourvoira à ses véritables besoins. 

    Béatrice Bérubé, bibliste 

    Source : Le Feuillet biblique, no 2522. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    source www.interbible.org

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