• OÙ S'EN VA L'EUCHARISTIE? -7 (TDN)

    (doc. 7)

    OÙ S'EN VA L'EUCHARISTIE?

    Le Forum André-Naud, Trois-Rivières

     

    Du 15 au 22 juin prochain, le Congrès eucharistique international fera chanter Québec d'une joie singulière. Car, venus du monde entier, des milliers de catholiques transformeront la capi­tale nationale en capitale mondiale de l'Eucharistie. C'est pourquoi, quelles que soient notre foi et nos pratiques religieuses, à nous, gens du Québec, nous pouvons considérer cet événement comme l'âme des célébrations du 400" anniversaire de la fondation de Québec.

    En prenant part, en tout ou en partie, à ce 4e Congrès eucharistique international, nous avons une espérance, fragile, il est vrai, parce qu'elle porte sur un changement important de l'enseignement du magistère. L'espérance que d'un Congrès à l'autre ­célébré tous les quatre ans - Rome en vienne le plus tôt possible à mettre graduellement fin à l'Eucharis­tie des exclusions. Car l'Eucharistie qui devrait nous rassembler aujourd'hui est, en fait, à cause de l'en­seignement du magistère, très excluant.

    En effet, au moment de la communion, le prêtre présente l'hostie aux fidèles en disant: « Heureux les invités au repas du Seigneur! » En d'autres mots : la table est dressée, réjouissez-vous et avancez. Mais l'invitation est sélective, loin d'être générale ou in­clusive. Car Rome a déjà décrété que ne peuvent communier ni les divorcés remariés (Catéchisme de l'Église catholique, no 1650), ni les personnes qui ont des relations sexuelles hors mariage (ibid., no 2390). Ces fidèles qui ont préparé la table comme les autres doivent donc se contenter de les voir man­ger.

    S'il est totalement aligné sur les directives romai­nes, le prêtre, pourrait dire en substance ces « paro­les amères: "Viens ici, étranger, prépare la table, si tu as quelque chose, donne-moi à manger [Puis] Va ­t-en, étranger, fais place à plus digne." » (Si 29, 25­27). Si l'on ne peut nourrir les gens, a-t-on le droit de les appeler.

    Jésus demande à un légiste de prendre exemple sur le Samaritain qui a fait preuve de bonté ou de compassion envers un homme abandonné à son sor4 malgré son état pitoyable: « Va e4 toi aussi, fais de même» (Let 0,37). Il nous semble que les liturgistes romains, qui n'ont pas l'air de briller de compassion pour les blessés de la vie, les blessés de l'amour, auraient plutôt dit à ce légiste: « Va, mais toi, fais tout le contraire »

    S'il y a un seul baptême, selon saint Paul (Ep 4,5), il Y a deux Eucharisties, selon les normes romaines. L'Eucharistie des catholiques, disons, de stricte ob­servance, et l'Eucharistie des autres, traités comme des exclus ou comme des sœurs et frères séparés avec qui « l'inter communion» est encore impossi­ble.

    Telle que Rome la veu4 l'Eucharistie fait encore d'autres exclus. Elle exclut de l'autel les femmes et les hommes mariés, car seuls les célibataires de sexe masculin peuvent accéder au sacerdoce. Il est vrai que les diacres permanents, des hommes pour la plupart mariés, ont une place à l'autel, mais leurs épouses, qui ne peuvent pas devenir diaconesses, doivent rester à distance. Pourtant ces hommes et ces femmes se sont unis devant l'autel. Qu'importe! Ils doivent se séparer à l'autel. Les lois romaines sont parfois des joueuses de tour ...

    Nous espérons qu'au 50" Congrès eucharistique international, Rome va moins nous désespérer en nous montrant à l'Eucharistie de clôture, au moins quelques femmes diaconesses et quelques hommes mariés devenus prêtres. Et pas trop loin du Saint-­Père ou de son représentant!

    Par son enseignement le magistère exclut direc­tement un nombre considérable de fidèles, mais combien plus encore indirectement! Surtout des jeunes. Parce que Rome n'admet ni au sacerdoce des hommes et des femmes mariés, ni à la communion les fidèles dont nous avons parlé, ni au mariage les prêtres de rite latin, les jeunes sont véritablement scandalisés. L'Église a perdu tout crédit à leurs yeux. Elle a beau s'engager de façon parfois héroïque pour certaines causes plus que nobles, les jeunes ont fait leur deuil d'elle, après leur confirmation qu'on peut appeler le dernier sacrement.

    Il faut une sérieuse dose de naïveté pour croire que les jeunes, sauf rares exceptions, reviendront à l'Eucharistie, d'autant qu'ils ne peuvent pas suppor­ter la parole unique et investie d'autorité du prêtre qui commente la parole de Dieu. Ce qu'ils veulent? Le dialogue ou le partage sur ce qui fait vivre et sur ce qui empêche de vivre. Que les prêtres se le tien­nent pour dit : pas de dialogue, pas de jeunes. Mais l'instruction Redemptionis Sacramcl1tum, publiée le 25 mars 2004 par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, en collaboration avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, prési­dée à l'époque par le futur Benoît XVI, stipule que seul le prêtre ou le diacre peut commenter, dans une homélie, la parole de Dieu.

    Où s'en va donc la messe? D'exclusion en ex­clusion, ne risque-t-elle pas de se retrouver à la porte de sortie d'un nombre grandissant de lieux de culte?

    La situation n'est pas sans issue si les fidèles, évêques et prêtres compris, osent parler franchement au magistère romain. La crise dans laquelle s'enfonce l'Eucharistie peut se résorber mais à la condition qu'on ait le courage de dire au Saint-Père qu'il pren­drait plus soin de la messe en levant quelques uns des interdits qui pèsent sur elle qu'en multipliant les paroles sur sa beauté.

    Que faire d'autre dans l'immédiat? Nous avons une proposition qui s'appuie sur une réflexion de François Varillon.« Il m'arrive de dire: "Si vous ne voyez pas comment tel enseignement de l'Église est une condition de l'amour ou une conséquence de l'amour, laissez provisoirement tomber, car tout doit apparaître, même les choses qui semblent les plus marginales, comme expression de l'amour, condi­tion de l'amour ou conséquence de l'amour."» ­(Beauté du monde et souffrance des hommes, p.126).

    Or, l'Eucharistie est le mystère même de l'amour qui se donne à manger. Nous disons donc aux di­vorcés remariés et autres fidèles qui vivent en union libre, pourvu qu'ils aient fait preuve de fidélité les uns envers les autres : si vous êtes peu confortables avec les interdits du magistère, n'hésitez pas à pratiquer la « désobéissance liturgique ». Dieu vous en saura gré, maintenant, et l'Église, aux Congrès à ve­nir.

    Les signataires :

    Raymond Anctil, Henri-Paul Bordeleau,

    Raymond Champagne, Louise Gaboury,

    François Gravel, Robert Hotte,

    Pierre Houle, François Lajoie,

    Murielle Lamarre, Yvon Leclerc,

     Gérard Marier, Jean Marineau,

    Mariette Milot, Michel Nolin,

    Jean Paillé, Marc Poirier, Jean Sabri.


    La suite UNE AUTRE MANIÈRE DE CÉLÉBRER -8

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