• Quatre révolutions fondamentales pourraient changer le Vatican - Le Figaro

    Quatre révolutions fondamentales pourraient changer le Vatican

    Le pape François salue les cardinaux réunis dimanche place Saint-Pierre.

    Le pape François salue les cardinaux réunis dimanche place Saint-Pierre. Crédits photo : Alessandra Tarantino/AP

    La personnalité du nouveau pape diffère considérablement de celle de son prédécesseur, Benoît XVI. Un changement qui pourrait annoncer des évolutions considérables dans le fonctionnement de l'Église.


     

    Officiellement, tout va bien. C'est la continuité. «Il ne faut pas opposer» deux papes que tout, pourtant - sauf l'essentiel, la foi catholique -, sépare: le style, la culture, l'expérience pastorale, la vision de l'Église, la vision du monde. Au Vatican, il n'est donc pas question de parler de «rupture». Ce mot est banni dans l'Église. Pourtant, des yeux commencent à se lever au ciel devant le goût pour «la nouveauté» du pape François. La première semaine, la nouvelle attitude du Pape était «bien compréhensible». Cet archevêque argentin l'était encore, tout en étant à présent le 266e pape de l'histoire.

    La deuxième semaine, beaucoup jugeaient qu'il ne pourrait pas continuer ainsi. Qu'il devrait bien commencer à «faire le pape» («fare il Papa») comme l'on dit à Rome. C'est-à-dire son «métier de pape» en laissant de côté «ses goûts et options personnels». Mais cette troisième semaine a encore confirmé l'esprit libre tout autant que le caractère et la détermination de cet homme. Il ne s'en laissera pas conter. Il veut faire évoluer le système. Les choses sérieuses commencent donc aujourd'hui et d'ici à l'été. Si le monde est sous le charme, le Vatican est en état de choc.

    1. Une autre vision de l'autorité papale?

    En refusant d'utiliser le mot «pape» qu'il n'a prononcé que quelques rares fois, François en dit long sur sa vision de la papauté. Il est «évêque de Rome». Il ne cesse d'y insister. Ce n'est donc plus une coquetterie de langage. Il est «pontife romain» dans le sens d'un édificateur de ponts vers «la périphérie». Les «autres», ceux «qui ne croient pas» ou qui vivent une autre foi religieuse. Il a insisté, par exemple, à trois reprises sur l'importance des bonnes relations avec l'islam. On pourrait avancer cette formule: Benoît XVI fut un pape de l'intérieur de l'Église catholique, François veut aller vers l'extérieur.

    Mais ce n'est pas ce souci pastoral de toucher les âmes et les cœurs de tous, et en particulier des plus lointains, qui pose problème. Au contraire, cet impact est loué. Les cardinaux ont choisi à dessein ce jésuite de choc pour réveiller l'Église en ce sens.

    Ce qui interroge, c'est sa nouvelle façon d'exercer l'autorité du pape. Il ne se veut pas au-dessus mais «au milieu» de ses frères évêques. Le premier d'entre eux, parce qu'il est l'évêque de Rome, mais au sens d'un service. «Le plus haut placé doit être au service», a-t-il confié aux jeunes mineurs de la prison de Rome à qui il a lavé les pieds le jour du jeudi saint.

    D'aucuns voient déjà une «désacralisation» de la fonction alors que d'autres, plutôt à l'extérieur de l'Église, se trouvent rassurés par cette évolution. Une inflexion plus lourde qu'elle n'en a l'air, car le système ecclésial est fortement centralisé et hiérarchisé. Tout était d'ailleurs allé dans ce sens au cours de ces dernières années. Sauf que le pape François n'est pas de cet avis. En jésuite intelligent, il va piloter avec tact cette «normalisation» de la fonction papale, mais il n'est pas certain que tous ceux qui l'ont élu avaient prévu une telle inversion de tendances.

    2. Un changement d'attitude extérieure, y compris dans la liturgie?

    Dans le petit monde ecclésial, il y a des prêtres passionnés de belles liturgies et d'autres qui attachent moins d'importance à la façon de célébrer la messe dans ses formes les plus parfaites. «Ce n'est pas un liturge», dit-on alors pour signifier que tout en étant bon prêtre, tel curé n'est pas à cheval sur les détails liturgiques. Le pape François, entend-on de la même façon à Rome, «n'est pas un liturge». Au contraire de son prédécesseur, Benoît XVI, qui l'était. Ce dernier n'avait-il pas rétabli la forme du rite ancien - dit de la messe en latin selon le missel de Jean XXIII - admis désormais comme forme extra-ordinaire? Ne célébrait-il pas, lui-même, en latin et dos au peuple dans sa chapelle privée avec un soin respectueux? Même comparés au pontificat de Jean-Paul II, les cérémonies et ornements pontificaux ont pris, sous Benoît XVI, beaucoup plus de rigueur, d'ampleur et de magnificences. Le pape François - il l'a déjà démontré par sa manière tout aussi intérieure mais très dépouillée de célébrer la messe - n'est pas très à l'aise avec une certaine pompe vaticane. Sa volonté, par exemple, de garder depuis son arrivée son aube liturgique et sa simple mitre d'archevêque est un signe. Peut-être superficiel aux yeux de beaucoup, mais Benoît XVI a passé son pontificat - tout comme sa vie d'évêque et de cardinal - à corriger certains «excès liturgiques» qu'il considérait comme une «simplification et désacralisation» finissant par atteindre, dans son esprit, la substance même de la foi catholique. Il apparaît toutefois que le pape François, qui a cette même profondeur d'homme de Dieu que son prédécesseur, ne le suivra pas sur la voie liturgique. Là n'est pas vraiment son chemin.

    3. Un changement de politique dans l'interprétation du concile Vatican II?

    En décembre 2005, le pape Benoît XVI avait marqué son pontificat par un «discours à la curie romaine» où il expliquait son intention de mettre fin à l'application du concile Vatican II (1962-1965) «interprété» comme une «rupture» avec la plus ancienne tradition de l'Église catholique. Pour, au contraire, promouvoir une réconciliation entre tradition et modernité. Ce faisant, Benoît XVI prônait un retour à lettre même de ce concile. Et combattait ouvertement ceux dans l'Église - à commencer par le clergé et bon nombre d'évêques - qui n'avaient jamais vraiment considéré cette lettre pour ne s'en tenir qu'à «l'esprit du concile». C'est-à-dire à «l'ouverture de l'Église vers le monde» de cette réforme catholique.

    Les propos cinglants du père Cantalamessa, prédicateur officiel de la maison pontificale, n'ont pas rassuré

    Malgré toutes les précautions oratoires entendues ces jours-ci au Vatican visant à minimiser cette différence, il apparaît, sans caricaturer - tant dans les prises de position précédentes du cardinal Bergoglio que dans ses réseaux d'amitiés -, que la culture du nouveau pape est fortement inspirée par «l'esprit du concile»… Lors des premiers tours du conclave de 2005, qui avait élu Benoît XVI, il avait été soutenu par le cardinal jésuite Martini et par un groupe, dit «progressiste», comprenant le cardinal belge Danneels. Certains avaient même fait apparaître Bergoglio comme le candidat «anti-Ratzinger». Un état d'esprit que le jésuite, aujourd'hui pape, récusait du reste profondément. Il se situe à un autre niveau. On sait, de plus, pour le conclave de cette année, que cet Argentin n'était pas du tout le candidat de «l'appartement»… C'est-à-dire du pape sortant, qui le connaît à peine.

    Mais il est élu pape à son tour, contre toute attente. Il va devoir composer, tout en assumant la grande responsabilité «politique» d'orienter l'Église catholique. Certes, il n'est pas un théologien réputé mais plutôt un pasteur hors pair. Il ne devrait pas s'embarrasser des subtilités «de la lettre» et «de l'esprit» du concile Vatican II, mais plutôt s'employer à l'appliquer concrètement afin de ramener des brebis au bercail. En travaillant, notamment, les «périphéries» de l'Église et non ses sacristies. Et en posant un regard de latino-américain, résolument optimiste, sur le monde, tel qu'il est.

    4. Changement dans le gouvernement de l'Église: quand et comment?

    Il règne une ambiance particulière au Vatican. Beaucoup sentent bien que l'ère Benoît XVI passe, mais que l'ère de son successeur est pleine d'incertitudes, non sur la qualité de sa personne et encore moins sur son charisme, mais sur les décisions concrètes qu'il va prendre. Beaucoup pensent que ce dossier de la réforme de la curie sera mis en route «avant l'été».

    Mais l'audace des propos cinglants du père Cantalamessa, prédicateur officiel de la maison pontificale, vendredi saint, dans la basilique Saint-Pierre, devant le Pape et toute la curie romaine, n'ont pas rassuré. Citant Kafka, il a enjoint à l'Église de ne pas devenir un «château compliqué». Il a affirmé que «l'excès de bureaucratie, les restes d'apparats, lois et controverses passées» - des «empêchements qui peuvent retenir le messager» - sont «désormais de simples détritus». Et que «le moment arrive» où il faut avoir «le courage d'abattre» les «cloisons des salles et petites salles» pour «ramener l'édifice à la simplicité et à linéarité de ses origines». Sa conclusion a frappé comme un éclair: «C'est la mission que reçut un jour un homme qui priait devant le crucifix de saint Damien, à Assise: “Va, François, répare ma maison”». À bon entendeur…

     

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