• UNE FOI QUI CHERCHE SON INTELLIGENCE - 12 (TND)

    (doc. 12)

    UNE FOI QUI CHERCHE SON INTELLIGENCE

    Le Centre culturel chrétien de Montréal

     

    Le congrès eucharistique international qui se tiendra en juin à Québec est loin de faire l'una­nimité. Plusieurs y trouvent une occasion importante pour restaurer l'ancien imaginaire religieux, d'autres y voient plutôt un alibi pour retarder les transfor­mations ecclésiales qui s'imposent. Certains grou­pes ont décidé de prendre la parole et de montrer que beaucoup de croyantes et de croyantes sont ailleurs. C'est le cas du Centre culturel chrétien de Mon­tréaL

    Bâti sur le modèle des Maisons de la culture, le Centre culturel chrétien de Montréal offre des espaces de débat, des soirées de musique et de poésie, un collo­que annuel. Bref, diverses activités portant sur des intérêts, des thématiques ou des enjeux contempo­rains. Jusque-là, rien de neuf. C'est l'option d'ins­crire un point de vue religieux, chrétien mais pas uniquement, dans des rencontres de réflexion sou­vent reliées à des controverses sociales qui en fait un centre culturel audacieux et original dans la ré­gion de Montréal.

    Les 60 membres du CCCM font partie d'un vaste réseau de croyants et de croyantes. Travailleurs et travailleuses de toute provenance, scientifiques, ar­tistes, musiciens, étudiants, professeurs, profession­nels retraités, jeunes couples et jeunes familles, ils et elles se disent préoccupés par l'éclatement des va­leurs sociales et religieuses en cours et, surtout, par les ruptures 'de société que cette situation impose aux générations montantes. Peut-être est-ce la rai­son pour laquelle de plus en plus de personnes s'allient à notre Centre? Avec nous, elles s'intéressent aux diverses religions, mais surtout au christianisme québécois, à l'héritage qu'on nous en a laissé, aux nouvelles propositions de sens ouvertes par la spiri­tualité, la théologie et la sociologie religieuse mo­dernes et par l'évolution inquiétante de l'Église ca­tholique actuelle.

    À la fois en rupture et en continuité

    En très peu de temps, le christianisme québécois a vécu une transformation radicale. Toute puissante au début des années 1960, l'institution catholique ne rallie plus qu'une minorité de Québécois et de Québécoises. En rejetant l'Église, certains ont re­jeté presque toute religion et plus particulièrement le christianisme. D'autres sont devenus indifférents, car ils et elles affirment ne plus avoir besoin du reli­gieux pour donner un sens à leur vie. Mais plusieurs personnes et groupes pour qui l'Évangile demeure un message essentiel s'interrogent et cherchent à faire autre et autrement. Pour y arriver, ils choisissent souvent de se situer en marge. Beaucoup d'entre nous ont déjà adopté cette position.

    S'inscrire comme des chrétiens et des chrétien­nes sincères et refuser le tout-dit et le tout pensé, avant même que les questions ne se posent, se comprend parfaitement lorsqu'on sait que griffonner dans la marge d'un livre, ce n'est pas déchirer le texte, ce n'est pas le gommer ou le biffer. Il s'agit bien davan­tage de se l'approprier en inscrivant ici et là une re­marque, une question, un lien avec ses valeurs, sa foi ou une expérience vécue. En fait, c'est chercher à faire sien ce texte qui nous parle, c'est l'intégrer, le corn-prendre (le prendre avec soi) et lui donner vie en le ré-écrivant à nouveau. Cela nous apparaît la seule façon de développer une intelligence de la foi résolument inculturée au monde contemporain.

    Un exemple de ce qui nous préoccupe

    La tenue du Congrès eucharistique international constitue un bon exemple de ce qui nous provoque à la réflexion, au débat, à la révision de nos expres­sions chrétiennes. À l'étape présente de préparation, nous percevons l'approche, l'organisation et l'idéo­logie motrices de ce congrès comme une tentative de retour vers un passé révolu; cela nous inquiète. Non pas qu'il faille rejeter le rite eucharistique tradi­tionnel cherchant à mettre en scène les signes d'une présence « réelle », mais il importe de prendre cons­cience qu'une certaine théologie et une pratique de l'eucharistie trop centrée sur l'adoration ne rejoint plus le « croyable disponible actuel », selon la belle expression de Paul Ricoeur. Nous pensons plutôt que l'intelligence chrétienne d'aujourd'hui exige une reprise des sources profondes de ce moment fon­dateur du christianisme, de leur originalité pour le temps présent, d'une traduction contemporaine de leurs effets sur la vie quotidienne d'hommes, de fem­mes et d'enfants en chair et en os.

    il y a trop de souffrances injustes, trop de morts, de déchirures, d'eXploitations dans le monde d'aujourd'hui pour que le geste de partager le pain et la coupe en mémoire de Lui laisse une place exa­gérée au mouvement intimiste d'adoration divine promu dans les textes préparatoires du congrès. Car si l'eucharistie comporte un appel personnel d'ouver­ture à la transcendance, elle est aussi la remémora­tion d'un homme qui vécut une telle implication sociale dans son milieu qu'il en fut dévoré vivant. Comme on le dit d'une personne sur qui reposent des attentes humainement démesurées et qui entend les réaliser jusqu'au bout, au risque de sa vie, pour que l'espérance, elle, ne meurt pas.

    C'est cette mémoire subversive d'un soir de re­pas partagé sans exclusion que nous voulons retrou­ver. Elle constitue la base révolutionnaire du chris­tianisme auquel nous adhérons. Ce Jésus qui convie encore et toujours à la table eucharistique a dansé, ri et bu aux noces de Cana ; il a invité à sa table les prostituées et les délinquants croisés sur sa route; il n'a pas hésité à donner un coup de main aux pê­cheurs harassés par un métier dur mais indispensa­ble à la nourriture de leur famille; il est allé jusqu'à accepter de partager le pain avec celui qui allait le trahir. Ce Mémorial a besoin d'être réactualisé, revu, complété à partir de perspectives modernes et de la foi que chacune et chacun porte en soi. C'est à cet effort que nous désirons collaborer honnêtement et librement.

     

    Le conseil d'administration du Centre culturel chrétien de Montréal

    Lise Baroni Dansereau et Guy Lapointe

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