Amets Arzallus et Ibrahima Balde, auteurs de 'Hermanito' (photo: Susa Argitaletxea)
Jean Charles Putzolu – Cité du Vatican
Régulièrement cité par le Pape François depuis 2001, "Hermanito" est un ouvrage qui raconte l'odyssée d'un garçon guinéen parti de chez lui il y a plus de huit ans. Ibrahima Balde est l’ainé de la famille. Depuis la mort de son père, il sent sur ses épaules le poids des responsabilités familiales vis-à-vis de son petit frère notamment, parti plus tôt en direction de la Libye dans l’intention de traverser la Méditerranée et arriver jusqu’en Europe. Dans le but d’accomplir la mission que son père lui a confiée, de faire tout le possible pour assurer l’éducation de son petit frère, Ibrahima part à son tour, non pas pour émigrer, mais pour retrouver son cadet avant qu’il ne se lance dans la traversée en mer. Son périple vers le nord lui fait traverser le Mali, l'Algérie, jusqu’à la Libye, sans retrouver la moindre trace de son frère. Ibrahima décide de poursuivre son chemin jusqu’en Espagne, où il arrive en 2018, trois ans après avoir quitté la Guinée. Il fait alors le deuil de son frère, et devient habité par un sentiment de culpabilité lié à l’échec de ses recherches.
Ibrahima travaille aujourd’hui dans un garage de Madrid. Il est mécanicien et a un contrat en règle. Pendant 4 ans, sa demande d’asile ayant est refusée. Il vit alors dans l’illégalité, et est soutenu et aidé entre autres par Amets Arzallus. En plus de son métier de journaliste au Pays basque, ce dernier aide bénévolement les migrants. Amets l’aide à constituer son dossier. Pour ce faire, les deux hommes décident de mettre par écrit toutes les étapes de l’odyssée d’Ibrahima dans le but de faciliter la narration du parcours devant les autorités espagnoles. En vain, puisque la première demande d’asile échoue. À force de persévérer, les autorités espagnoles lui ont finalement délivré un permis de séjour d’un an qui arrivera à échéance en avril 2024.
L’histoire d’Ibrahima, éditée en langue basque d’abord, puis en espagnol et traduite dans plusieurs langues depuis, ressemble tristement à celle de tant d'autres migrants.
Amets et Ibrahima vivent aujourd’hui à 400 km l’un de l’autre et sont des amis très proches. Ils se téléphonent plusieurs fois par semaine. Cette historie a changé la vie d’Amets: «Je pense que chaque personne voudrait vivre et planifier sa vie sur sa terre natale, là où vit sa famille», dit le journaliste basque, «mais en connaissant le malheur et la situation économique ou sociale dans des pays comme la Guinée, on se rend compte que beaucoup de gens sont obligés de planifier leur avenir ailleurs, en tentant d'aller vers l'Europe». Ibrahima a ceci de particulier précise Amets Arzallus. Quand ils se sont rencontrés à Madrid, le jeune guinéen a tout de suite souligné que son objectif n’était pas de venir en Europe. «Ce point de départ a quelque peu changé les stéréotypes, et l'archétype du migrant que j'avais en tête».