(suite) II - « Péché », culpabilité, béatitude du ciel
La déviance aime la mort, ou plus, elle hait la naissance. Elle révèle une méfiance fondamentale envers l’Autre et, « parce qu’il n’est de vie qu’à L’aimer » elle introduit le refus de la vie, masqué en affirmation de puissance : la non-naissance. La substance de la vie, la richesse du réel sont l’objet profond de sa haine. Telle est l’essence du « péché », le meurtre suicidaire. L’enfermement dans l’impuissance à vivre. Le « péché », c’est donc l’acte de mort, sous le mirage du contraire. Dans la Genèse, c’est ne pas croire la Voix, (la voix de Dieu) et croire plutôt le Satan « menteur et meurtrier à l’origine ». (Cf. Jn 8, 44). C’est par la déviance, ou transgression primordiale que l’homme « sort du Paradis », le lieu de paix, espace infini, et qu’il naît à son existence : mort, séparation, angoisse… Paradis perdu, épée de feu de l’ange qui veille à ses portes afin de nous interdire à jamais, bien heureusement, de revenir en arrière. Dès lors, si quelque chose du Paradis est possible, ce n’est pas par retour imaginaire en arrière, ce ne peut être que devant nous, par une naissance à nouveau. Par « l’amour ».
Sommes-nous vraiment coupables ? Nous sommes tentés de faire de la déviance, un trait de notre condition humaine, malheur essentiel qui nous hante, culpabilité intenable qui reflue sur la naissance même, jusqu’à faire croire à l’homme qu’il n’est pas justifié d’être. La tentation est alors grande de nous faire innocents de la chute que nous ne pouvons cerner. Dès lors, prétendre à l’innocence c’est refuser de reconnaître ce que nous portons en nous de puissance « meurtrière », c’est alors la non représentation, le non dévoilement de ce mal premier qui finit par triompher en l’homme : non coupable. L’être humain se perd ainsi dans les filets des pouvoirs de mort. Par rapport à quoi, la loi, en tant qu’interdit, devient malheur pédagogique. Elle peut certes éveiller la culpabilité – culpabilité négative - comme conscience nécessaire d’une vérité, sans pour cela l’accomplir.
Christ est là, Il advient et agit. Il vient pour un recommencement, pour nous ramener à la vie. C’est souvent dans l’actualité d’un évènement que la relation s’établit et que peut prendre vie un désir autre. Les transgressions y révèlent leur portée, la déviance prend sens, nous en découvrons le piège mortifère sans pouvoir en rejeter la cause ou le tort sur un autre que soi-même. L’esclavage atteint la liberté elle-même. Dès lors, la prétention de s’en tenir à l’observation d’une loi ou à compenser les transgressions, ne suffit plus, à ce petit jeu, nous restons à l’ombre de la mort.
Christ est là qui, par sa présence donne la vie possible et met fin à la puissance du « péché ». Dès qu’un pas est fait sur le chemin de vie, si l’amour enfin peut être, les transgressions antérieures ne sont rien1 , la déviance n’est plus qu’un mauvais rêve, même s’il faudra et pendant encore longtemps, mettre fin à ses séquelles.
L’espace est ouvert. L’homme quitte ce lieu de sa prison – don, pardon - tout est pardonné, c’est-à-dire, le monde ancien est mort, chacun est justifié de vivre. Tout prendra sens, même le pire, et les traversées seront encore chemin de vie.2 La culpabilité – non niée - est alors sans force, sans poids devant la relation « d’amour » où l’homme est libre de la déviance fondamentale. Il sait maintenant que la déviance est la tristesse, le goût de mort caché peut-être sous la frénésie de ses appétits par lequel il refuse le mode de relation mettant fin au jeu sans issue de la répression-transgression et aussi de la domination et de l’avilissement. L’homme restauré, se sait bon et il lui est donc bon d’être né.
Suzanne Giuseppi Testut - ofs
1- Scandale que les transgressions passées soient renvoyées à rien ! Revenir à l’Evangile, au Christ thérapeute.
2- Cf. notre livre « La déposition » Ed. Nouvelle Cité
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I - « Péché », culpabilité, béatitude du ciel - Suzanne
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