Par cette année de la Miséricorde, le Pape entend bien réveiller la conscience du peuple chrétien « souvent endormie face au drame de la pauvreté ». Le réveil demandé est double : il s'agit de redécouvrir les oeuvres de miséricorde corporelles, « donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts » sans oublier les oeuvres de miséricorde spirituelles « conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts ».
L'Année de la Miséricorde s'ouvrira donc le 8 décembre prochain, jour de la fête de l'Immaculée Conception et du 50e anniversaire de la clôture du Concile Vatican II. Elle s'achèvera le 20 novembre 2016 jour de la solennité du Christ Roi. Dans sa bulle le pape a insisté sur l'importance symbolique de cette date anniversaire d'ouverture du Concile : « L’Eglise ressent le besoin de garder vivant cet événement, a-t-il affirmé. C’est pour elle que commençait alors une nouvelle étape de son histoire. Les Pères du Concile avait perçu vivement, tel un souffle de l’Esprit, qu’il fallait parler de Dieu aux hommes de leur temps de façon plus compréhensible. Les murailles qui avaient trop longtemps enfermé l’Eglise comme dans une citadelle ayant été abattues, le temps était venu d’annoncer l’Evangile de façon renouvelée. Etape nouvelle pour l’évangélisation de toujours. Engagement nouveau de tous les chrétiens à témoigner avec plus d’enthousiasme et de conviction de leur foi. »
Par ailleurs, le Pape François affirme sa volonté d'inscrire la miséricorde dans une foi populaire avec deux axes : remettre le pardon au coeur du monde contemporain et faire de la confession un geste plus naturel. « Il est triste de voir combien l’expérience du pardon est toujours plus rare dans notre culture, a-t-il ainsi déploré. Même le mot semble parfois disparaître. Sans le témoignage du pardon, il n’y a qu’une vie inféconde et stérile, comme si l’on vivait dans un désert. Le temps est venu pour l’Eglise de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance. » Appelant à une pastorale de la tendresse, il a martelé que la miséricorde était le « pilier qui soutient la vie de l'Eglise », affirmant qu'il en allait de la « crédibilité de l'Eglise » de passer par un « chemin de l'amour miséricordieux et de la compassion ».
Parmi les initiatives concrètes, il a annoncé son intention d'envoyer des Missionnaires de la Miséricorde qu'il a défini comme « des prêtres à qui (il aura) donné l’autorité pour pardonner aussi les péchés qui sont réservés au Siège Apostolique ». Pour faciliter la mission de ces super-confesseurs, il a exhorté les diocèses à organiser des « missions vers le peuple » de sorte que « ces Missionnaires soient les hérauts de la joie du pardon » : « Qu’ils célèbrent le sacrement de la Réconciliation pour le peuple, pour que le temps de grâce de l’Année Jubilaire permette à de nombreux fils éloignés de retrouver le chemin de la maison paternelle. »
Avant, il a défini le profil idéal du confesseur qui doit « accueillir les fidèles comme le père de la parabole du fils prodigue : un père qui court à la rencontre du fils bien qu’il ait dissipé tous ses biens ». Les confesseurs sont « appelés à serrer sur eux ce fils repentant qui revient à la maison, et à exprimer la joie de l’avoir retrouve », ne pas se lasser « d’aller vers l’autre fils resté dehors et incapable de se réjouir, pour lui faire comprendre que son jugement est sévère et injuste, et n’a pas de sens face à la miséricorde du Père qui n’a pas de limite ». Ils ne doivent pas poser de « questions impertinentes », a ajouté le Pape, « mais comme le père de la parabole, ils interrompront le discours préparé par le fils prodigue, parce qu’ils sauront accueillir dans le coeur du pénitent l’appel à l’aide et la demande de pardon ».
En résumé, « les confesseurs sont appelés, toujours, partout et en toutes situations, à être le signe du primat de la miséricorde ». A ce titre, il n'est pas anodin qu'il ait annoncé son intention de lancer l'année jubilaire le 13 mars dernier, au cours d'une célébration pénitentielle à la basilique Saint-Pierre, célébration au début de laquelle il s'était lui-même confessé.
Son souci de donner une dimension plus populaire à la miséricorde est une constante depuis le début de son pontificat. Quelques mois après son élection, lors de l'angelus du 17 novembre 2013, il avait fait distribuer de mystérieuses boîtes de « Misericordine », très similaires à des boîtes de médicaments, contenant un chapelet, « médicament de la miséricorde », toujours commercialisées dans les boutiques romaines. L'idée lui avait été soufflée par des séminaristes polonais consacrés à sainte Faustine Kowalska, une soeur polonaise qui a beaucoup oeuvré à faire connaître la « miséricorde divine » et avait été canonisée en 2000 par Jean-Paul II lors du précédent Jubilé.
En décidant de ce Jubilé de la Miséricorde, François prolonge donc l'héritage spirituel du Pape Jean-Paul II qui avait fait de la Miséricorde un thème central de son pontificat, lui consacrant une encyclique, Dives in misericordia, et plaçant l'Eglise dans une démarche d'humilité en multipliant les paroles de repentance, notamment lorsqu'il avait prononcé la litanie des fautes de l'Institution lors du Jubilé de l’an 2000. Litanie à laquelle les voeux cinglants de François à la Curie ont offert un écho particulier en décembre 2014.