ORDRE FRANCISCAIN SÉCULIER
CHAPITRE ÉLECTIF SHERBROOKE
11 SEPTEMBRE 2010
Fr. André Chicoine ofmcap
MA VOCATION FRANCISCAINE ?...
OÙ EN SUIS-JE ?... OÙ EN SOMMES-NOUS ?...
* Vivre l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ en suivant les exemples de saint François d’Assise, qui fit du Christ l’inspirateur
et le centre de sa vie avec Dieu et avec les hommes. +
* Le Christ, don de l’amour du Père, est le Chemin vers le Père ;
il est la Vérité dans laquelle nous fait entrer l’Esprit Saint ;
il est cette Vie qu’il est venu nous apporter en abondance. +
* Les laïcs franciscains s’appliqueront à une lecture fréquente de l’Évangile,
passant de l’Évangile à la vie et de la vie à l’Évangile. + (Rg OFS 4)
Vous avez, sans aucun doute, reconnu ce texte que je vous ai lu... Est-ce que c’est toujours d’actualité ? ... Si c’est le cas... Faisons un bond dans l’histoire ou encore dans le temps...
Redécouvrons, je dis bien * REDÉCOUVRONS + durant la période qui nous est allouée, à travers François en s’arrêtant à son testament ce qui a été à l’origine de notre engagement et ce qui devrait encore être la source et l’impulsion première de notre agir.
Pourquoi, ai-je choisi de relire François à partir de son testament ?
Nous sommes réunis pour faire un geste important... Ce temps qui précède les élections pour que la Fraternité puisse toujours aller de l’avant, tout comme Jésus avant de choisir ses apôtres. Lui, il a passé une nuit en prière... Je vois bien que vous n’avez pas passer une nuit de prière... Moi le premier... pourquoi ne pas prendre cette petite heure où ensemble nous pourrons mieux discerner comme François et Claire ont su le faire durant leur vie...
# Choisir de réfléchir sur l’état de ma vocation franciscaine... sur l’état de notre vocation franciscaine à partir du testament de saint François, cela nous amène à réaliser de la distance qui nous sépare avec lui. Nous ne serons jamais François... C’est bien ainsi... Ne faut-il pas respecter les personnalités ?...
# Nous savons ce que François nous a légué mais n’oublions pas que les siècles ont façonné bien des facettes depuis... ou encore ce que le temps nous a apporté et c’est dans cet univers-là que nous vivons. Aussi tout ce qui nous environne et nous touche personnellement. Il ne faut pas s’attendre que l’Évangile nous donne un mode d’emploi tout fait que Claire et François l’ont suivi et par la suite, ils nous auraient laissé un livre de recettes. Bref, suivre leur route tout comme celle de l’Évangile ne nous dispense pas de réfléchir et d’exercer notre liberté. Il faut bien comprendre cela. Un exemple : * entre un pépin et un pommier, il y a la même essence, mais pépin et pommier ne sont pas identiques. +Pour nous, il s’agit de vivre pleinement notre vocation franciscaine. Il y aura une ressemblance mais aussi il y a en même temps et avant tout, une forte différence entre nous et eux... Pour nous, il s’agit donc de bien saisir l’esprit franciscain originel, de reconnaître ce que nous sommes réellement et de laisser cet esprit s’épanouir dans notre vie...
Regardons ensemble la vocation de François
< dans un premier temps comme un chemin de conversion;
< ensuite comme un chemin de foi ;
< et finalement comme un chemin de témoignage.
1. La vocation de François : un chemin de conversion.
La conversion de François est symbolisée, à tort ou à raison, par le baiser au lépreux. Les biographes ne s’entendent pas tous là-dessus. Ils ont raconté le commencement de sa vie de différentes manières, chacun le regardant à travers le prisme de sa propre expérience. C’est chose bien naturelle ! Il y a bien des manières de présenter cette conversion. Choisir le testament nous permet donc d’avoir l’avis du principal intéressé : François. Celui-ci nous confie ce qui a laissé des traces dans son existence. Il ne nous raconte pas sa vie ; mais, avec le recul que donne le temps, il se rappelle son itinéraire spirituel ; le point de départ et les moments les plus significatifs. En fait, François revient au don premier, à l’origine de ce qui va se développer tout au long de sa vie de converti.
Le testament commence par ces mots : * le Seigneur me donna... + Dès le départ, François nous indique celui qui est l’acteur principal : Le Seigneur.Celui-ci * donna + à François. La conversion de François est donc une donation du Seigneur. Ayons donc bien en tête que François amorce sa nouvelle orientation de vie sous la lumière du Seigneur et cette lumière est un don, un cadeau, un appel. Cela a nécessité de sa part une ouverture et un accueil de ce cadeau. Un cadeau n’a de sens que si nous le recevons, que si nous l’accueillons, que si nous le laissons prendre sa place en nous, sinon nous ne pouvons pas parler de cadeau.
Ce cadeau, ce don du Seigneur, François le situe dans un appel à un changement à partir de ce qu’il est, avec ses limites, avec ses difficultés. Il nous dit : * Lorsque j’étais dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir les lépreux. + La Légendedes Trois Compagnons nous rappelle l’horreur qu’il éprouvait à simplement les rencontrer de loin. Ailleurs, on dit même : * il se bouchait le nez avec mépris et se tournait la tête +. C’est donc dire que sa répulsion était instinctive. (Je puis le comprendre en voyant les lépreux soit au Tchad et au sud du Cameroun.) Ce n’est pas une simple image. François, dans le lépreux voyait la figure même de cette contradiction qu’il vivait entre son désir de mener une vie de gloire et de réussite et cette déchéance qu’incarnait le lépreux. Le lépreux était pour lui le mal qu’il pouvait voir trop concrètement. Le lépreux était le reflet de sa propre faiblesse intérieure qu’il prenait grand soin de cacher à ses propres yeux.
François continue : * Le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je leur fis miséricorde. + Lui, qui ne peut pas voir ce monde qui incarne la misère, ce monde qui est l’image brisée de l’Humanité, n’aurait jamais réussi seul à vaincre cette peur viscérale, cette crainte, cette terreur qui le bloquent, le paralysent. Il entend bien l’appel au changement, à la transformation de son existence, mais il a tellement peur d’échouer. Il faudra, alors, l’intervention du Seigneur qui le conduit au milieu des lépreux. Il est incapable de s’y rendre de lui-même. C’est dans cette situation de blocage que François doit donner son consentement. On peut penser que l’épisode du baiser au lépreux, il était vraiment coincé et qu’il ne pouvait pas se défiler comme les autres fois. Il a été obligé de faire face.
Sa manière de faire face, il nous le déclare, et ce ne sont pas des mots mis au hasard, c’est : * je leur fis miséricorde ».Cette expression était pleine de sens pour lui. La miséricorde, c’est le cœur même de Dieu. C’est le lieu où on est lié de façon émotionnelle, la source de la compassion. Aussi, c’est le lieu des élans du cœur profond, enfin le dynamisme même qui détermine l’agir. Donc, le lieu de la conversion de François est un lieu d’action. Se convertir, pour lui, c’est se mettre à faire. C’est se mettre à agir. C’est se mettre en marche comme un pèlerin et un étranger.
* Le Seigneur me donna, à moi, frère François, de commencer à faire pénitence. +
Si nous regardons de plus près ce que nous dit François, nous nous apercevons :
Que le lieu de la rencontre du Seigneur n’est pas un lieu d’expérience mystique extraordinaire, ce n’est pas un ailleurs mais un ici et maintenant. C’est là même où il vit, dans sa ville d’Assise, en le menant vers ceux que l’on parque dans les lazarets, vers ceux que ses concitoyens rejettent, que le Seigneur l’a appelé. Il l’appelle non pas là où tout est gloire et réussite mais là où la société n’a plus de sens : le lieu de l’exclusion, de l’horreur.
François est invité par le Seigneur à habiter ce lieu non pas à la manière des hommes mais à la manière de Dieu. François est invité à faire le deuil de l’idéalisation en faisant appel au deuil d’un Dieu tout puissant. Si je poursuis ma réflexion : Jésus ne fait pas appel * aux anges + pour éviter la mort qui est révélée avec l’horreur de la croix. En d’autres mots, en Jésus, Dieu accepte de vivre le * fini + de l’homme pour vivre l’infini de son amour pour lui. Moltmann dirait : * Sur la croix, l’idéal d’un Dieu qui meurt ». C’est en mourant, en abandonnant un pouvoir sur l’homme, que Dieu, le Dieu de la Bible, nous révèle la toute puissance de son Amour. François doit donc laisser éveiller en lui la source divine de la miséricorde qui caractérise le Dieu-Amour. Ce Dieu qui, dans la personne de Jésus s’est incarnée pour habiter notre misère, nous rejoindre et nous tracer un chemin de vie et d’espérance. On peut donc sentir déjà se profiler la figure de Celui qui a endossé notre nature et l’a assumée jusque sur la croix afin de nous faire passer à la Vie. C’est là, l’expérience de François, une expérience décapante s’il en est une mais aussi une expérience de lumière et de résurrection.
Prolongeons donc cette réflexion et demandons-nous si dans le monde d’aujourd’hui le scandale de la misère, de l’exclusion et la perte de sens auxquels nous sommes confrontés est seulement un lieu de désespoir et de démotivation ou si c’est aussi un lieu de révélation en négatif par rapport à l’Humanité !
Le pape Paul VI nous a fait remarquer que le Concile avait voulu regarder l’Humanité de façon évangélique et franciscaine. Le Concile a tenté de souligner les choses positives du monde d’aujourd’hui. Et, quand il regardait du côté de l’obscurité, il s’efforçait de trouver dans cette obscurité un appel en profondeur ou encore * en creux + à laisser naître ce qui n’a pas encore trouvé le chemin de la lumière. Voilà une conversion du regard ! Et nous, sommes-nous porteurs de cette Espérance dans ce monde si difficile, si déroutant, si désespérant ? Pour cela, sommes-nous prêts, chacun à notre manière et dans notre milieu, à assumer ce côté obscur et douloureux du monde sans devenir éteignoirpour les autres ? Sommes-nous prêts à être des lampes allumées pour le monde ou du sel pour chacun de nos frères et sœurs ? L’expérience de François nous rappelle que le négatif peut être un chemin d’ouverture et un chemin de mûrissement. Le Christ crucifié n’a pris de sens en lui qu’à travers ce long et difficile pèlerinage. Le Christ crucifié aura-t-il du sens pour nous et pour notre vie ?... Sommes-nous prêts à la suite de François à nous mettre en route, à chausser les sandales du pèlerin dans le désert de nos misères ?
2. La vocation de François : un chemin de foi.
Poursuivant son testament, François fait alors sa profession de foi personnelle : on peut remarquer que tous les verbes sont à la première personne. Dans ce passage François
< nous dévoile que sa vie s’enracine au lieu de la plus grosse difficulté de la foi ; là où il est nécessaire que des humains soient les médiateurs par lesquels le Seigneur passe et nous rejoint. On dit souvent que François est un charismatique mais il n’a quand même pas un cellulaire direct avec l’Esprit Saint. Le Seigneur est l’acteur principal mais il passe toujours à travers des événements, à travers des situations, à travers des personnes. François se met donc à l’écoute du Seigneur mais à travers des situations ou des visages précis. Pour nous, c’est quelque chose de fondamental à saisir. Nous vivons des difficultés ni plus ni moins grandes que du temps de François. Aujourd’hui, comme hier, l’Église est bien la figure visible du Royaume mais elle est en même temps le voile qui le cache. Le Royaume est là mais sa présence n’est pas éclatante. Il faut donc, si nous voulons suivre François, nous tenir là où lui-même a voulu se tenir.
< François est né dans un siècle et dans un milieu où contester l’Église est chose courante où juger de la conduite des prêtres a bonne presse tout près de chez lui. Dans la vallée de Spolète, il y a des Cathares qui ont leur propre évêque et ce mouvement hérétique est très vivant. François a sûrement dans son entourage des Cathares, peut-être même dans a famille ! Sa position est claire, il n’est pas Cathare. Il n’est jamais entré en grande discussion contre eux, ce n’est pas son terrain. Cependant, il prend position en affirmant le positif de la foi. Il est certain que le meilleur remède contre l’hérésie est de retrouver l’origine première de la foi et de laisser grandir en nous. Il développe donc, de façon positive tout ce qui est contenu dans l’adhésion à la foi. Dépassant les apparences extérieures, il cherche inlassablement à retrouver le chemin de la source intérieure.
< Les Cathares mettaient en doute la doctrine catholique sur la création, le rôle de la Vierge dans l’Incarnation, les sacrements donnés par l’Église, les mœurs des prêtres et leur dignité.
< François ne cesse pas de dire les vérités de la foi et d’en vivre. C’est ce qu’il nous dit dans son testament. Il n’use cependant pas de violence pour convaincre comme font certains. Son attitude est totalement différente, c’est une ouverture de confiance, de foi ; à la limite il va même jusqu’à demander l’assistance d’un pauvre prêtre reconnu indigne. Il lui permet de vivre son ministère, et, comme cela, l’amène doucement sur le chemin de la conversion. Il ne l’exclut pas, il ne le met pas de côté : il ajuste son regard à celui du Seigneur. Il voit, derrière l’homme faible et pécheur, l’instrument par lequel le Seigneur passe.
< Dans ce passage, on peut également remarquer le désir de François d’aller vers le Seigneur par le chemin ordinaire. Sa parole est une parole de laïque. Il n’est pas un docteur en droit canon... Il vient simplement rappeler que le ministère du prêtre est un service. L’honneur du ministère n’est pas dévolu à la personne mais à la fonction. Ce qu’il voit, ce n’est pas la perfection de la personne ou ses limites mais bien le ministre au service du mystère divin. François dit :
* Je fais cela, parce que dans ce siècle, je ne vois rien corporellement du très haut Fils de Dieu, sinon son très saint corps et son très saint sang qu’eux-mêmes (les prêtres) reçoivent et qu’eux seuls administrent aux autres. Et ces très saints mystères, je veux qu’ils soient par-dessus tout honorés, vénérés et placés en des lieux précieux. Ses très saints noms et ses paroles écrites, partout où je les trouverai en des lieux illicites, je veux les recueillir et je prie qu’on les recueille et qu’on les place en un lieu honnête. Et tous les théologiens et ceux qui administrent les très saintes paroles divines, nous devons les honorer et les vénérer comme ceux qui nous administrent l’Esprit et la Vie. + (10-13)
< Dans ce contexte, nous pouvons comprendre que la figure de Marie est essentielle pour François, pour le ministre et pour chacun des fidèles.
< En effet, le ministre, à la suite de Marie, devient une portion de l’Humanité appelée à recevoir le don du Père, le Christ, pour le donner aux hommes. Marie a reçu Jésus dans son sein. Le ministre le reçoit dans ses mains. Les deux le reçoivent non pour le garder personnellement mais pour le remettre à l’Humanité entière.
< Marie est aussi figure de la foi qui s’accomplit dans l’écoute de la Parole, dans la maternité spirituelle et dans la conversion tout autant que dans le rayonnement qui permet aux existences de se transformer. Chacun de nous n’est-il pas appelé à cette même mission ? Chacun de nous ne devrait-il pas enfanter le Seigneur pour le donner au monde ?
< Pour François, le Seigneur ne peut devenir contemporain de notre vie que s’il est accueilli au cœur même de notre existence. Il nous demande donc d’accueillir et d’aimer le Christ qui, à l’Eucharistie, devient notre propre substance comme nous devenons sa propre présence. Nous pourrions nous demander si nos célébrations eucharistiques sont vraiment le centre et le sommet de notre existence et si elles transforment notre ouverture, notre écoute et notre disponibilité aux autres ? Lorsque le célébrant nous dit Ite missa est, refermons-nous notre * Prions en Église + jusqu’à la prochaine fois ou nous mettons-nous en tenue de service ?... (À la Chapelle de la Réparation: * C’est maintenant que la messe commence. +)
3. La vocation de François : un chemin de témoignage.
Pour François, la vie fraternelle est un don. Il la voit comme quelque chose d’embarrassant mais aussi de créateur. À l’arrivée de ses premiers frères, François s’est senti bien embarrassé. Il n’avait jamais pensé se retrouver à la tête d’un si grand nombre... Il n’avait surtout pas imaginé devenir fondateur d’un ordre. Il a donc dû se laisser guider par le Seigneur en les voyant arrivés si nombreux. Ensemble, ils ont dû chercher quelle forme prendrait leur existence.
François ne s’était pas engagé dans une structure religieuse et son choix de vie n’avait rien de ressemblant avec ce qui existait alors. On le voit bien devant l’embarras des autorités de la ville d’Assise lorsque son père veut lui faire un procès. Les magistrats ne se sentent pas d’autorité sur lui et en même temps, il n’est pas encore officiellement un pénitent, donc il n’est pas un homme d’Église.
Le temps de sa conversion a été long. Il a tâtonné pendant une période de trois à cinq ans. Lorsque nous lisons les écrits des biographes, nous nous rendons compte que ceux-ci ont pris des raccourcis dans son parcours sur le chemin de la sainteté. Mais, il est important pour nous que nous ne perdions pas de vue cette durée, ces espaces de temps qui permettent le mûrissement, l’ajustement. Nous sommes trop souvent impatients. Laissons donc dans notre vie de la place pour le tâtonnement. Ne sommes-nous pas en marche, dans l’obscurité vers la Lumière ?...
Il est intéressant de voir que le cheminement de François s’inscrit dans la nouveauté. Il nous dit : * Personne ne me montra ce que je devais faire, mais le Seigneur me révéla que je devais vivre selon la forme du Saint Évangile ». Nous voyons ainsi que le Seigneur fait du neuf, il ne rapièce pas l’ancien. Pourtant, devant le nouveau, l’inédit, nous nous déconcertons et souvent nous résistons et nous nous accrochons au passé... nous nous imaginons avoir tout fait quand il nous reste tout à faire...
Nous pouvons aussi remarquer que ce qui a donné un sens à l’existence de François, c’est l’Évangile qui est au cœur de l’existence chrétienne. Ce n’est pas un cadre juridique, ce n’est pas un état de vie mais c’est l’accueil de Jésus qui révèle l’Amour du Père par ses gestes et ses paroles. Comme c’est rassurant de penser que ce qui doit nous animer : c’est le souffle évangélique et non le règlement. Mais comme c’est exigeant de questionner son propre engagement à ce même souffle évangélique.
Le chemin que François a entrepris n’était pas sans risque, tout n’était pas balisé, tout n’était pas prévu d’avance. Il a dû se heurter à des réticences de la part de ses frères, du cardinal d’Ostie qui voulaient revenir en arrière et l’obliger à suivre des chemins déjà existants, celui de Basile, d’Augustin ou de Benoît. Il n’a pas accepté de glisser dans cette tradition car, conscient de sa vocation, il sait trop bien que le Seigneur attend de lui et de ses frères qu’ils soient de nouveaux fous dans ce monde. C’est donc ce chemin qu’il veut prendre. Sans mépriser la tradition, il sent qu’il doit ouvrir un chemin nouveau ayant pour modèle le groupe des apôtres autour de Jésus. Voilà le modèle de notre fraternité, nous qui le suivons, sommes-nous encore aujourd’hui des fous dans notre monde ?...
François voit donc que sa mission ainsi que celle de ses frères est d’inscrire sur le visage de l’Église, le visage du Christ crucifié. Pour lui, l’Église doit être, non une Église de succès mais une Église mineure, une Église qui est d’abord * servante + et * d’en-bas ».
Son intention n’est pas de prétendre qu’il n’y a pas d’autres facettes de l’Église qui peuvent être proposées mais il vient nous dire que le Seigneur, à travers nous, veut inscrire dans l’Église, le chemin de la croix : folie qui est Sagesse suprême et faiblesse qui est la seule force. François n’est pas sans savoir que ce n’est pas notre penchant naturel mais il nous rappelle que c’est le lieu de notre fécondité.
Il veut casser les ailes aux rêves de grandeur et nous inviter à ne jamais oublier que le lieu normal de notre présence et de notre épanouissement c’est le petit, le faible, le malade, l’exclu, le sans voix lesquels nous devons servir et aimer.
Il ne nous est pas demandé d’avoir du succès, il nous est demandé d’être le grain qui tombe en terre et qui meurt. C’est pourquoi, il veut que nous soyons avant tout au service, que nous soyons à la place d’en-bas et que nous soyons les outils obéissants du Seigneur. Est-ce que notre attitude de témoigne de cette fécondité ? Est-ce qu’au sein même de notre fraternité séculière nous exerçons cette responsabilité de service que la suite de François nous demande ? Est-ce que notre implication dans la fraternité séculière, dans l’Église, dans le monde témoigne de notre humble disponibilité, de notre discrète participation dans l’œuvre du Très-Haut qui s’est fait pour nous Très-Bas ?...