• Le pourquoi d’une réunion de Fraternité dans l’OFS

    Le pourquoi d’une réunion de Fraternité dans l’OFS

    Le pourquoi d’une réunion de Fraternité dans l’OFSFrère Roland, m'a-t-on dit récemment, parlez-nous de la réunion dans une Fraternité.

    Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que ça pourrait et devrait être ?

    Fraternité dans l’OFS Et un demi cynique m'a transmis une question qu'on lui avait posée dans les mots les plus utilitaires de la rentabilité moderne :

    Ça sert à quoi, une réunion ? Écrivez-nous quelque chose pour renseigner les nouveaux venus de ce qui les attend, afin qu'ils alignent leurs attentes sur ce qu'offre une Fraternité locale.

     À la façon du grand auteur libanais Khalil Gibran, j'ouvrirai l'horizon.

    Je dirai que je le fais d'abord pour la Fraternité locale qui se réunit fidèlement depuis tant et tant d'années, avec toute ma reconnaissance de fils de François et d'Assistant spirituel de notre Régionale.

      À cette fraternité, je dirai d'abord merci, au nom du Seigneur, d'avoir persévéré dans son apprentissage de la fraternité, jamais terminé ici-bas.

    La rencontre locale dans une Fraternité

    L'homme catholique et tout apostolique qu'était François, ayant compris que l'essentiel du Royaume de Dieu était la fraternité et la communion des coeurs qu'elle suppose, nous exhorterait à plus de fidélité encore et nous supplierait en premier lieu de nous réjouir d'être rassemblés au nom du Christ et surtout d'en prendre bien conscience.

    Cette conscience vive a la capacité de transfigurer n'importe quel rassemblement ! C'est tout un honneur que d'être les disciples du Christ à la manière de saint François, de se réunir en vue de quelque chose de rare : célébrer sa Résurrection, proclamer qu'Il est vivant et nous veut vivants entre nous, vivants aussi dans le milieu où nous sommes. Repartir de là ensuite plus vivants, avec la conscience vive d'être appelés à travailler avec d'autres, en Église... repartir plus dynamisés que jamais dans notre mission d'artisans d'amour et de paix travaillant ensemble, voilà le fruit d'une réunion réussie. Avant tout autre contenu, c'est le contenu principal d'une réunion.

    Être ensemble Communion et Corps du Christ

    C'est cette fraternité-là et cette communion-là que nous sommes appelés à recevoir ; la communion au Pain de vie (Eucharistie) en est le sacrement, le signe. Elle n'en est que le signe. À nous de réaliser cette communion ! En d'autres mots, même si l'on a reçu le Corps du Christ, - le maximum en principe, - c'est presque rien si l'on n'est pas devenu ensemble le Corps du Christ. Et on l'est vraiment, le Corps du Christ, quand on devient Vivant, comme lui, et qu'on favorise la vie !

    Seulement la Vie. Autrement, nous sommes comme de l'affreux bois mort, des êtres désenchantés qui ne font que promener des cadavres... Autrement, nous ne sommes que des semblants de Fraternité, des anti-Fraternités toute justes prêtes à se chicaner et à s'exercer à des luttes de pouvoirs. Le deux à deux évangélique, - le fait d'être ensemble, - est d'une extrême importance.

    Voilà ce que je dirais en introduction sur le mystère de grâce que représente la réunion fraternelle.

    C'est un mystère de grâce où le monde renaît, comme le chante un hymne à la Vierge Marie.

    Je vous invite à envisager dans ce sens plénier le thème du Congrès eucharistique international de Québec, en juin prochain  (15 juin 2008) : Eucharistie, don de Dieu pour la vie du monde.

    Voilà légitimé le fait de s'être engagé par promesse à faire communauté ; voilà qui autorise à pouvoir dire sans blague le premier mot de Notre Père : notre. C'est ce simple mot, avec celui de Père, qui nous constitue frères et soeurs dans le Christ, tous égaux à ses yeux. En conséquence, nous devons devenir, dans notre Fraternité, sans préjugés de race, ni de classe, ni de sexe, sans discrimination aucune quant aux diverses fonctions dans l'Église. L'idée de service (ministère) abolit toute hiérarchie (un très mauvais mot dans une bouche chrétienne) ; la seule hiérarchie que l'Évangile permet, c'est d'inverser les termes : que le plus grand se fasse le plus petit (Jésus, en Lc 9, 48).

    Ces simples mots notre Père dit famille, rassemblement, fraternisation, union des coeurs en devenir, et en voie de réalisation. L'Assistant spirituel lui même est l'un d'entre vous, pas plus important que le plus petit d'entre vous, pas plus avancé en vécu de foi et de charité que la mère de famille la moins généreuse. Il est, comme ceux et celles qui ont d'autres fonctions de service dans la Fraternité, sur le même niveau que n'importe quel membre de la Fraternité face à ce qui constitue le plus grand défi d'aujourd'hui : faire communauté, faire Église, faire fraternité, c'est-à-dire passer du morceau de cassetête isolé dans son coin, à celui de puzzle rassemblé formant un paysage d'ensemble ; c'est-à-dire aussi passer de la situation de pierres mortes à celle de Pierres vivantes, comme l'écrivait saint Pierre (1 P 2, 4). Un défi immense, qui va à contre culture de notre monde moderne, mais qui montre bien toute l'originalité de notre baptême et de notre appartenance à une fraternité ecclésiale.

    Voilà à quoi ça sert une rencontre de Fraternité locale.

    Les trois grandes intuitions de saint François : l'Évangile, la Fraternité, le Discernement de groupe

    L'Ordre franciscain séculier reprend les trois intuitions majeures de saint François :

    1-l'Évangile,

    2- la Fraternité

    3- le discernement spirituel en groupe.

    On pourrait inverser ces valeurs, car tout est orienté vers la troisième intuition : la communion dans les prises de décisions en vue d'un agir apostolique. Si l'on observe l'Évangile, c'est pour être fraternels; si l'on est fraternel, c'est en vue de faire consensus dans nos décisions et nos manières d'annoncer un Dieu fraternel. Non pas un Dieu impérial ou royal, comme a pu le faire à certains siècles notre sainte Église, quand elle a pu céder à la tentation de troquer la réalité du service pour celle de l'autorité et du pouvoir. La Fraternité franciscaine a mission d'annoncer un Dieu fraternel, celui du Christ Jésus. Il y a du pain sur la planche, avouons-le!

    L'Évangile comme Livre de vie, c'est beaucoup plus qu'un livre avec un message exceptionnel, c'est le Christ Jésus lui-même, Lumière du monde. C'est ce que veut dire vivre le saint Évangile : être son Corps, un autre Christ. Voilà pourquoi sont si importants les Partages d'Évangile en groupe comme École de croissance spirituelle. L'étude et la méditation des Évangiles sont lors de la réunion de la Fraternité locale des éléments déterminants pour connaître le message de Jésus, message sans précédent, qui s'adresse au coeur humain, et est destiné à être vécu dans la générosité et la fidélité.

    On peut tous, individuellement, lire les Évangiles et s'en imprégner, mais sur le modèle de la petite troupe qui suivait Jésus, le Maître, nous sommes conviés à faire cet exercice en groupe, en confrontant notre vie personnelle au message des Évangiles, «en passant de la vie à l'Évangile et de l'Évangile à la vie» selon une expression chère à l'OFS.

    Ce que nous vivons concrètement dans nos vies de séculiers est exprimé dans ce Partage et nous cherchons ensemble la Parole que le Seigneur nous adresse ici et maintenant. Il s'ensuit toujours un grand enrichissement : nous allons de découvertes en découvertes, en sortant des ténèbres pour arriver à la pleine lumière.

    Nos Fraternités de l'OFS peuvent ressembler à une École de Partages d'Évangile. L'un des avantages qu'a un partage sur une prédication, qui garde toute sa valeur, bien entendu, c'est qu'il tombe dans les esprits comme une pluie fine qui féconde la terre. La pluie fine a souvent plus d'effets à long terme qu'un gros arrosage. Les partages d'Évangile permettent de développer la confiance entre les membres d'un groupe, car chacun est porteur de l'Esprit de Dieu. C'est l'élément le plus soudeur de la Fraternité évangélique.

    La Fraternité, comme lieu d'apprentissage concret d'une vision égalitaire est un fruit de l'Évangile accueilli. La grâce de la fraternité est d'abolir tout préjugé de classes, de races, de sexes, de conditions sociales, pour arriver à n'être qu'un dans le Christ, tous artisans de l'unique paix. Voilà pourquoi la vie en Fraternité, avec ses sessions fréquentes, est comparable à une véritable Université de la Fraternité. Une Fraternité locale compte des gens aux origines et aux traditions culturelles diverses, vivant les expériences ordinaires de la vie séculière, et voilà que toutes ces personnes ne font plus qu'un dans le Christ qui les réunit. Comme dans la communauté de Claire et de François d'Assise, au début!

    La vitalité qui règne à l'intérieur d'une Fraternité, grâce au message du Christ, voilà qu'elle se met à rayonner à l'extérieur. Elle apporte partout la charité du Christ. Rien n'est trop malaisé pour elle; sa vigueur spirituelle se déploie, selon les besoins d'un milieu. Ces besoins deviennent déclencheurs de toutes les générosités.

    Cet apprentissage de la vie en Fraternité ne se fait pas tout seul. Il a besoin de témoins, vrais disciples du Christ à la manière de saint François.

    Cette Fraternité, quand elle, est vécue et réalisées, est le sceau du charisme franciscain, comme manière de former une Église vivante, foncièrement égalitaire.

    Toutes les autres valeurs, comme la pauvreté, le détachement des biens de la terre, la recherche de la volonté du Seigneur, la prière elle-même sont au service de cette réalité essentielle qu'est la Fraternité. C'est une illustration concrète du mystère de la Charité du Christ.

    Le discernement spirituel en groupe, comme façon de partager et de décider de choses importantes,  découle de la pratique de l'Évangile et de la Fraternité, qui rendent possible le vrai discernement spirituel, qui est écoute des autres, frères et soeurs, et écoute de l'Esprit. Il s'agit ici, non pas de l'écoute des ténors, mais de l'écoute de tous, même du plus petit. L'accueil inconditionnel que nous avons reçu en tant que séculiers nous rend capables d'accueillir l'Esprit de Dieu lui-même. Et c'est nécessairement un Dieu fraternel, pas un Dieu impérial, seul à parler et seul à ordonner !

    On doit à François l'institution des chapitres, où l'on décide ensemble des choses essentielles, dans la prière, sous le modèle de l'élection de l'apôtre Matthias. La pratique du discernement spirituel, plus près de la vérité de l'Esprit que toute décision prise seule, est le signe de la véritable Église du Christ, sur le modèle de la Trinité.

    L'OFS a mission de promouvoir ce type d'autorité dans l'Église. Une telle autorité morale n'a rien d'un pouvoir autoritaire, mais elle est un ministère et un humble service de l'humanité.

    Les principales balises du discernement sont : la prière au début et à la fin de l'exercice de discernement, un temps de réflexion et d'expression assez long. On prend le temps qu'il faut pour s'écouter mutuellement, sans rien précipiter, dans un climat de paix confiante. L'écoute attentive de tous, sans entrer en discussion sur les opinions émises, et l'arrivée à un large consensus sont le signe d'une véritable écoute du Seigneur lui-même et de son Esprit. C'est l'assurance que tous ressentent d'avoir été entendus qui rend possible des consensus dans un véritable esprit fraternel. Le climat de prière qui permet à tous d'être d'accord et même unanimes, surtout quand c'est un point de vue différent du sien qui remporte l’adhésion.

    Après avoir parlé d'École et d'Université, on pourrait ici, au sens spirituel, parler d'une O.N.U. du discernement. Ainsi on peut le mesurer, d'étapes en étapes : une Fraternité séculière passe peu à peu de la petite école à plus grandes institutions du savoir-faire, toujours dans la ligne de l'Évangile.

    Conclusion

    Oui, notre héritage franciscain est précieux, très précieux dans l'Église, très précieux pour la Fraternité franciscaine séculière. Voilà ce que je répondrais à quelqu'un qui me dirait, parlez-nous de la réunion dans une Fraternité. Voilà ce que peut offrir, jamais parfaitement mais toujours de son mieux, une fraternité franciscaine séculière à ses membres et aux nouveaux venus.

    Roland Bonenfant, ofm Assistant spirituel

    Fraternité régionale Saint-Jean-Longueuil-Valleyfield

    Source : Bulletin "Paix et joie" (2008)

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