• Le sens de la souffrance

    Le sens de la souffrance


     Le sens de la souffrance Question:
    Pensez-vous que Jésus a besoin des Saints, des Voyants, des Stigmatisés comme moyens pour sauver le monde ? Hier je lisais un peu sur la vie de Marie-Julie Jahenny, une stigmatisée bretonne ; sa souffrance a été si grande, sa Passion qu'elle vivait chaque vendredi la faisait tellement souffrir ainsi que ses stigmates, le démon l'attaquait beaucoup comme il le faisait aussi par exemple avec le Saint Curé d'Ars ou avec le Padre Pio, et Jésus leur faisait comprendre qu'Il avait besoin d'eux pour sauver des âmes. Je crois beaucoup en ces Saints, mais pourquoi le Seigneur aurait-Il besoin d'eux pour sauver le monde ? Ne l'a-t-Il pas fait en mourant pour nous sur la Croix ?

     

    À cette question posée par une intervenante sur le Forum des AmiEs de s. François et Claire, le Frère Luc Mathieu ofm apporte les éclaircissements suivants :

     

    Bonjour,

     

    Je réponds à ta demande d’éclaircissement sur le sens de la souffrance.- Il y a eu, au cours des siècles plusieurs interprétations de théologiens, à ce sujet.- Mais il est certain pour tous (sauf pour les Jansénistes), que :

     

    1°- Les mérites de Jésus-Christ dans toute sa vie, y compris sa Passion et sa Résurrection sont pleinement suffisants et agréés par Dieu pour le Salut du monde entier et de chaque personne. Je cite seulement 2 textes : Actes 4, 12 : « …Le Salut ne se trouve en aucun autre (que Jésus de Nazareth) ; car il n’est sous le ciel aucun autre nom parmi ceux qui sont donnés chez les hommes, par lequel nous pourrions être sauvés… » ( = discours de Pierre devant le Sanhédrin).- Et 1 Timothée 2,5 : «  Il n’y a qu’un Dieu, et un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est donné en rançon pour tous… ».

     

    2°- Ce n’est pas la souffrance comme telle qui est salvatrice, mais c’est l’amour dont témoigne la façon dont la souffrance est acceptée et offerte.

     

    3° - Lorsque Paul dit « Je me réjouis des souffrances que j’endure pour vous et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ en faveur de son corps qui est l’Eglise… » (Col 1, 24), il parle des épreuves qu’il doit affronter pour porter la bonne nouvelle aux païens et construire l’Eglise-Corps du Christ.

     

    De plus, il y a une tradition « franciscaine » à ce sujet.- L’auteur des « Considérations sur les Stigmates » met dans la bouche de François la double prière qui suit, qui reflète bien la pensée habituelle de François : (3è Considération) :

     « Mon Seigneur Jésus-Christ, je te prie de m'accorder deux grâces avant que je meure : la première est que, durant ma vie, je sente dans mon âme et dans mon corps, autant qu'il est possible, cette douleur que toi, ô doux Jésus, tu as endurée à l'heure de ta très cruelle Passion ; la seconde est que je sente dans mon cœur, autant qu'il est possible, cet amour sans mesure dont toi, Fils de Dieu, tu étais embrasé et qui te conduisait à endurer volontiers une telle Passion pour nous pécheurs. »

     Il resta longtemps en cette prière et il comprit alors que Dieu l'exaucerait et que, autant qu'il serait possible à une simple créature, il lui serait concédé de sentir en une faible mesure les choses susdites.

     

    Ce texte manifeste que St François, par amour du Christ, veut « compatir » à ses souffrances d’une part, et d’autre part « éprouver autant que possible le même amour pour les pécheurs ».

    D’autre part, le grand théologien franciscain Bx Jean Duns Scot, s’est posé la question : « pourquoi fallait-il que le Christ endure la Croix pour nous sauver ? »  Sa réponse est limpide : L’ homme était tellement embourbé dans le péché qu’il n’était plus capable de saisir l’amour miséricordieux du Père qui voulait le sauver, ni le témoignage explicite de la sainteté du Fils-Incarné dont la seule présence parmi nous sanctifiait l’humanité. Or la rédemption du péché devait rencontrer l’adhésion libre de l’homme. Il fallait donc que le Christ nous donne une preuve indubitable de son amour pour que nous soyons amenés à l’accepter librement.  « c’est pour nous séduire par son amour, que le Christ a donné sa vie pour nous ».

     

    Quand nous lisons que des mystiques ont participé en leur corps et par leurs souffrances à la Passion de Jésus (comme Padre Pio et autres), cela veut dire que librement ils se sont associés à cette Passion, pour donner au Seigneur le témoignage de leur amour pour Dieu et pour l’œuvre du Salut. Mais il s’agissait pour eux d’une expérience mystique « ineffable » et eux-mêmes, pour l’exprimer employaient le langage de leur environnement culturel. Il y a eu une période « doloriste » de la   théologie du Salut…, ce n’est certes pas la plus assurée dans la tradition chrétienne.-  Mieux vaut s’en tenir à l’Ecriture et aux paroles de Jésus, interprétées par le Magistère de l’Eglise, plutôt qu’aux messages des voyants postérieurs, si saints et si bien intentionnés soient-ils.

     

    Fr. Luc Mathieu ofm

    Avril 2008

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