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    Myriam et la libération d’Israël

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    Myriam
    Gertrude Crête, SASV
    encres acryliques sur papier, 2000
    (photo © SEBQ) 

    Dans le Premier Testament, un trio a marqué les événements de l’Exode. Il s’agit de Moïse, Myriam et Aaron. L’étymologie du nom de Myriam apparaît fort complexe et peut se relier étroitement à la mission de Moïse, qu’il s’agisse de l’enfant bien-aimé ou souhaité ou bien d’une allusion aux eaux.

         Quoi qu’il en soit, le personnage de Myriam représente une figure fondatrice d’Israël. L’importance de son rôle peut se laisser deviner puisqu’elle est mentionnée dans les généalogies (Mi 6,4; 1 Ch 5,29). Dans une société patriarcale, il est exceptionnel que des femmes soient nommées dans des généalogies. Cela indique, en particulier pour une femme, qu’elle a marqué l’imaginaire populaire.

         D’ailleurs la mention des trois noms des leaders d’Israël n’est pas innocente. Elle dévoile que Moïse n’est nullement isolé dans son œuvre de libération. Celle-ci est d’abord une action collective plutôt qu’individuelle :

    La fonction de ces noms [comporte] au moins trois directions de sens : celle de signifier que le Dieu des Hébreux s’exprime par les actions d’hommes et de femmes; celle de garder de l’idolâtrie (et de l’égolâtrie) chacun des trois leaders, en marquant sa place de frère ou de sœur d’un autre, homme ou femme, et de plus en les situant comme des pairs; enfin de souligner que, au-delà de cette collaboration humaine, l’organisateur de la délivrance et celui qui en donne la force, c’est Yahvé, et non pas Moïse, comme une partie de la tradition ultérieure pourrait nous le laisser entendre par son insistance sur ce nom. Non seulement Moïse n’était pas seul mais, parmi les trois, il y avait une femme. Le projet de salut originaire n’évince donc pas les femmes, même au niveau des leaders [1].

    Le sauveur sauvé par une femme

         Ce rôle prépondérant débute dès la naissance de Moïse. En effet, dans le récit d’Exode 2, il est intéressant d’observer le rôle de Myriam. À la suite d’un ordre du pharaon, tous les enfants mâles sont exécutés en les jetant au fleuve (Ex 1,22). Si la mention de la sœur de Moïse en Ex 2,1 correspond à Myriam [2],  le futur libérateur d’Israël est sauvé des eaux par sa sœur qui, par une discussion avec la fille du pharaon, dirige le nouveau-né vers une nourrice qui n’est autre que la propre mère de Moïse!

    Une prophétesse à l’œuvre

         Myriam est surtout connue pour son hymne chanté à la gloire de Yahweh (Ex 15,20-21). Au verset 20 de cet hymne, Myriam est explicitement considérée comme une prophétesse au même titre que son frère Aaron (Ex 7,1). À ce titre, elle révèle le sens profond de la sortie d’Égypte. Il s’agit bien plus que d’une simple fuite. C’est plutôt la mise au monde d’un nouveau peuple qu’Aaron, Moïse et Myriam ont contribué à faire naître. En d’autres termes, Moïse, Aaron et Myriam constituent de véritables sages-femmes pour Israël.

         De plus, il s’avère important de mentionner que dans cet hymne, Myriam saisit l’initiative sans demander une autorisation à ses frères. Elle crée son propre langage et regroupe un chœur féminin. Ce qui dans le contexte, indique qu’elle jouit d’une grande liberté par rapport aux conventions sociales de l’époque.

    La « châtiment » subie par Myriam

         Dans le livre des Nombres, au chapitre 12, le personnage de Myriam est au centre d’une controverse. Elle et Aaron ont récriminé contre Moïse parce que ce dernier a épousé une femme étrangère. Selon une lecture traditionnelle, Yahweh punit Myriam pour avoir osé questionner les décisions et gestes de son frère Moïse. Elle contracte la lèpre et doit se purifier pendant sept jours afin d’être réadmise au sein de la communauté. De facture sacerdotale, ce passage biblique ne dit aucun mot quant à un quelconque châtiment destiné à Aaron. Est-il possible que des rédacteurs de la tradition sacerdotale aient omis volontairement une mention du châtiment d’Aaron afin de ne pas l’associer à une femme? Cela peut apparaître plausible dans le contexte d’une relecture sacerdotale.

         Une autre interprétation du texte s’avère possible. Il s’agit de centrer l’attention non sur le personnage de Moïse, mais sur les motifs de récrimination. Dans cette perspective, il est possible de voir la maladie de Myriam non comme un châtiment, mais comme un processus de transformation et d’ouverture à l’altérité. En effet, elle découvre que d’autres peuples peuvent être associés au salut d’Israël et devenir membre de la même famille. C’est ainsi qu’il est possible de réinterpréter ce passage : il inviterait plutôt à l'ouverture, à l'accueil de l'altérité et à la solidarité avec toute personne peu importe son appartenance ethnique, sociale, religieuse ou de genre [3].

    Une figure inspirante pour aujourd’hui

         Par son exemple, son courage et sa détermination, Myriam représente une figure toujours inspirante pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui. Certes, à la différence de son époque, nos esclavages sont plus subtils. Au cœur d’un monde désormais globalisé, elle nous rappelle qu’il importe de quitter l’esclavage du sexisme pour créer un monde nouveau où l’égalité, la solidarité et la vie sont au cœur des relations interpersonnelles.

         Cette pâque se déroule déjà sous nos yeux. Au moment où notre monde vit des transformations majeures où les représentations, les relations et les images changent radicalement, la figure de Myriam révèle que la liberté, la création et l’accueil de l’inédit sont toujours porteurs de vie, de joie et d’espérance.

    [1] Michelle Bolli, « Le geste et le chant d’une prophétesse » dans Luce Irigaray, Le souffle des femmes, Paris, ACGF, 1996, p. 30.

    [2] Cette interprétation peut se justifier puisqu’il n’y a aucune mention d’autres sœurs de Moïse. Voir Alice L. Laffey, An Introduction to the Old Testament. A Feminist Perspective , Philadelphia, Fortress Press, 1988, p. 52.

    [3] Nous nous inspirons du commentaire d’Alice L. Laffey, op.cit. p. 54.

    Patrice Perreault

    source www.interbible.org

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