• Pèleninage à Assise - « En route vers les ermitages de la Vallée Sainte » Suzanne (3)

     

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    PELERINAGE A ASSISE

    « EN ROUTE VERS LES ERMITAGES DE LA VALLEE SAINTE »

     

    Mercredi 26 mai – matinée.

    Poggio Bustone :

    LE-VILLAGE-DE-POGGIO-BOSTONE.JPGLa journée est longue mais exceptionnelle. Pour nous rendre à Poggio Bustone nous choisissons d’emprunter une petite route de montagne qui traverse de magnifiques villages et offre des points de vue d’une très grande beauté.

     

    Nous arrivons jusqu’au couvent San Giacomo – toujours occupé par les frères mineurs - qui domine le village de Poggio Bustone et la plaine de Rieti. Je donne quelques précisions sur ce lieu. A l’origine, l’ermitage saint Jacques a été donné à François et à ses frères par les bénédictins. Venu pour la première fois à saint Jacques en 1208 il a, selon ses habitudes, repéré une grotte dans la montagne où il se retirait chaque fois qu’il se rendait dans ce lieu. Au  XVème siècle les villageois y ont construit une toute petite chapelle pour en conserver la mémoire.

    L’ermitage saint Jacques peut être considéré comme le sanctuaire inférieur, et la petite chapelle dans la montagne, comme le sanctuaire supérieur. On appelle ce dernier, l’ermitage de la miséricorde de Dieu car trois évènements importants pour François et l’avenir de son Ordre se sont produits ici :
    Il a reçu l’assurance du pardon de ses péchés.

    « Il se retira comme il le faisait souvent en un lieu favorable à la prière, se plongea longuement … dans la contemplation du Maître de la terre entière, et revoyant dans l’amertume de son âme ses mauvaises années, il répétait : ‘Mon Dieu, aie pitié de moi pécheur ‘. Et peu à peu une indicible joie et une grande suavité filtrèrent au plus intime de son âme ; le ravissement commença, et disparurent alors les angoissPOGGIO-BUSTONE-EN-PRIERE-SUR-LE-LIEU-DU-PARDON.JPGes et ténèbres qui s’étaient comme épaissies dans son âme à la pensée troublante de ses anciens péchés. Avec la certitude du pardon complet, l’assurance lui fut donnée qu’il pouvait se reposer sur la grâce… Il se sentit un esprit entièrement neuf et paraissait un tout autre homme. » (Vita prima 26)
    Il a reçu l’assurance de l’avenir de sa fraternité.

    Il a reçu la certitude que son Ordre attirerait une multitude venant de tous pays pour vivre leur vie, sous leur habit, avec la volonté de se plier à la Règle de l’Ordre.

    « Mes bien-aimés, soyez pleins de courage et d’allégresse dans le Seigneur, et ne vous affligez ni de votre petit nombre ni de votre simplicité ou de la mienne : car le Seigneur m’a montré en vérité qu’il fera de nous une foule immense qui se multipliera et s’étendra jusqu’aux extrémités du monde. » (Vita prima 26-27)
    L’esprit missionnaire a vu le jour dans ce lieu.

    C’est d’ici que François et ses sept frères se sont répartis deux par deux, pour partir en mission. L’ermitage de Poggio Bustone est donc considéré comme le lieu du premier envoi et de l’essor missionnaire de l’Ordre Franciscain. La rencontre de l’autre dans sa religion différente remonte à saint François… Tout franciscain est donc missionnaire !

    Ensuite nous pénétrons à l’intérieur du couvent saint Jacques. Je signale, dès notre entrée dans la chapelle, une œuvre qui m’a toujours bouleversée. Elle représente François, déjà malade et très faible, entouré et accueilli par les gens du village, simples et généreux, venus pour l’écouter. Selon la tradition, François les saluait par ces mot : « Buon giorno, buona gente ! » « Bonjours, bonnes gens ! »

    Nous pénétrons ensuite dans une petite chapelle située dans la partie primitive de l’ermitage. Ce lieu, très simple, à même la roche, incite à la prière et à la méditation. Nous y partageons cette très belle prière de saint Augustin :

     

    Ouvre-moi.

    « Seigneur, donne-moi de m’accueillir

    Comme tu m’accueilles, de m’aimer comme tu m’aimes.

    Délivre-moi de la perfection que je veux me donner,

    Ouvre-moi à la sainteté que tu veux m’accorder.

    Epargne-moi les remords de judas

    Rentrant en lui-même pour n’en plus sortir,

    Epouvanté et désespéré devant son péché.

    Accorde-moi le repentir de Pierre,

    Rencontrant le silence de ton regard

    Plein de tendresse et de pitié.

    Et si je dois pleurer, que ce ne soit pas sur moi-même

    Mais sur ton amour offensé.

    Seigneur, tu connais le désespoir qui ronge mon cœur.

    Le dégoût de moi-même,

    Je Je le projette sans cesse sur les autres !
    Que ta tendresse me fasse exister à mes propres yeux !
    Je voudrais tellement déverrouiller la porte
    De ma prison dont je serre moi-même la clef !
    Donne-moi le courage de sortir de moi-même.
    Dis-moi que tout est possible à celui qui croit.
    Dis-moi que je peux encore guérir,
    Dans la lumière de ton regard et de ta parole.


    En ressortant du couvent, nous entamons notre marche sur le sentier caillouteux qui nousMONTEE-VERS-ERMITAGE-DE-LA-MISERICORDE-DE-DIEU.JPG conduit jusqu’à L’ermitage de la miséricorde de Dieu. Ce sentier qui grimpe à travers une belle forêt de feuillus, est jalonné de « stations » marquant symboliquement différentes « étapes » de « l’ascension » de François. Par exemple, l’empreinte de son bréviaire, de sa capuche ou de son genou etc. dans le rocher. Nous montons en silence en articulant la Prière de Jésus : « Seigneur, Jésus, Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur » et, à chaque station, nous méditons un texte spécialement rédigé à cet effet.
    Par exemple, pour l’empreinte du genou :

    « Veillez et priez afin de ne pas tomber dans la tentation » (Mt 26.41) « La prière, respiration essentielle à la vie véritable, la vie en plénitude, la vie éternelle… La prière est le seul moyen de rester en contact avec Dieu. Don de l’Esprit, nourrie par la Parole, elle nous ouvre au dialogue avec le Fils et avec notre prochain. Elle nous fait pénétrer dans l’intimité du Père, nous fait ressentir sa bonté et sa miséricorde et nous imprègne de son Energie d’Amour. Loin de nous couper de l’action ou de nous faire ERMITAGE-DE-LA-MISERICORDE-DE-DIEU.JPGperdre un temps précieux, elle reconstitue nos forces et nous envoie dans la joie, témoigner du pardon reçu… Un jour commencé par : « Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange » et terminé par : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » ne peut pas être un jour sans lumière et sans joie. »

    L’ermitage de la miséricorde de Dieu  est extrêmement émouvant. Réunis sous la roche, à l’endroit même où François venait se recueillir, nous récitons ensemble cette prière : « Toi, le juge des vivants et des morts, accorde ton pardon à ceux qui t’ont donné leur foi. Reste avec nous Seigneur, Jésus. » Et nous nous accordons un temps de méditation. Puis,  nous allons tous, dans la joie, sonner la petite cloche de l’ermitage qui résonne jusqu’au fin fond de la vallée.

     

    Mercredi 26 mai – après-midi.

    Fonte Colombo :

    Ce lieu est empli de gravité. François y a laissé l’empreinte deTAU-TRACE-PAR-FRANCOIS--FONTE-COLOMBO-.JPG son passage et de son message. Dans la petite chapelle de sainte Madeleine, il y a un « Tau » dessiné de sa main. Plus bas, au « Sacro Speco », nous pouvons imaginer François en train d’écrire sa deuxième Règle en 1223… Fonte Colombo abrite le noviciat des frères mineurs. Puis, nous accédons à l’ermitage primitif où les médecins tentèrent en vain de soigner ses yeux et de cautériser ses tempes à l’aide d’un fer porté au rouge par le feu.

    «  Le bienheureux François, pour réconforter son âme et calmer son émoi, dit au feu : ‘Frère feu, le Seigneur t’a créé noble et utile entre toutes les FRANCOIS-ET-FRERE-FEU-DE-PIERO-CASENTINI-copie-1.JPGcréatures. Use envers moi de courtoisie à cette heure, car je t’ai toujours aimé et je continuerai de le faire pour l’amour du seigneur qui te créa. Je prie notre commun Créateur de tempérer ton ardeur, que je puisse te supporter.’ Et sa prière terminée, il fit sur le feu le signe de la croix… » (Légende de Pérouse 46, 48)

    A Fonte Colombo, François est tellement en relation avec Dieu, au plus près de Jésus, qu’il ne ressent pas la douleur provoquée par la cautérisation de ses tempes. Le feu devient doux. Sans cette relation intime avec le Christ, sans cet abandon total, il aurait « envisagé » le mal et l’aurait ressenti. Cet évènement préfigure les stigmates. François était prêt pour les recevoir !

     

     

     

     

    Greccio :

    François et ses frères avaient repéré des grottes creusées dans le rocher à proximité du village de Greccio. Ces grottes leur servaient d’ermitages. C’est sur ce lieu-même qu’a été construit le couvent actuel. C’est dans l’une d’elle que François a célébré le Mystère de GRECCIO-CHRIST-SOURIANT.JPGl’Incarnation en demandant à son ami Jean de Velita, de se charger de l’organisation. « Je veux évoquer le souvenir de l’Enfant qui naquit à Bethléem et de tous les désagréments qu’il endura dès son enfance ; je veux le voir, de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne. » (Vita prima 84)

     

    Dès les premiers siècles il y avait des représentations de Jésus, pour faire mémoire. Tout d’abord, de la Sainte Famille – Marie-Joseph-Jésus. Puis des représentations du Mystère de Noël avec tout le merveilleux qui y est attaché, par exemple la présence des anges dans le ciel. Ensuite, des représentations qui faisaient mémoire de l’Incarnation sous forme de figurines en terre.

    Il y a donc une évolution dans le témoignage chrétien mais tout cela manque de vie. Le Christ Seigneur est représenté mais il semble être très loin de nos réalités terrestres. Il est dans un Au-delà qui nous échappe. Seules les figurines de terre font peut-être allusion à notre humanité ? Mais c’est une humanité inerte, vases de terre sans souffle de vie ! Ainsi, au cœur de ces témoignages, le peuple de Dieu n’est jamais représenté. Où est l’homme ?

    A partir de saint François, nous passons de la représentation à la Présence. Cela va modifier complètement la relation de l’homme à Dieu. Nous passons avec lui du Mystère du Fils de Dieu c’est-à-dire du Christ Seigneur dans sa toute puissance, au Mystère du Fils de l’Homme c’est-à-dire au Christ Enfant Jésus, Homme parmi les hommes, ses frères.

    La-Creche.jpg Ainsi, en ce jour de Noël 1223, tous les pauvres gens de la montagne accourent. Le Christ, comme Incarnation de Dieu, est « l’Au-delà au milieu de nous » (Dietrich Bonhoeffer), Il vient parmi nous, avec notre chair. Nous pouvons le voir et établir avec Lui une vraie relation. Il n’est plus inaccessible, le Mystère se dévoile. Un niveau de réalité entièrement différent fait alors irruption dans notre vie.

    Cela se traduit par la possibilité pour l’homme de procéder à un véritable retournement. En effet, à partir de la crèche vivante, François permet à l’humanité de dépasser la représentation et d’accéder à la réalité de la Présence, en un mot, de passer du connu au vécu. Elle ne va plus se contenter de « faire mémoire » mais va pouvoir vivre la Présence.

    Cette nuit-là, « François devint ‘enfant avec l’Enfant’ » « Cette célébration intérieure traduisait un devenir intérieur » vita secunda 35)  En vérité, François contemple le Fils de Dieu se laissant déposer dans les bras de l’humanité et il se dépose à son tour. Il entre totalement dans cette dynamique. François meurt à lui-même pour renaître.

    « Accepter de mourir à soi-même, ne peut être vécu qu’à partir d’un désir immense de rencontre, de communion, désir qui balaie tout sur son passage »(voir note)

    ermitage-de-Greccio.jpgL’ermitage de Greccio renferme des merveilles et impose silence et prière. La roche où François se reposait, le vieux dortoir avec ses petites cellules datant du XIIIème siècle sont particulièrement émouvants ainsi que le chœur des religieux où nous nous réunissons pour prier le Notre Père paraphrasé par François. Dans la chapelle attenante, nous contemplons un Christ « souriant » d’une grande beauté mais qui passe malheureusement souvent inaperçu. Puis, dans un petit oratoire, se trouve la copie, unique, – faite au XIVème siècle – d’un portrait de François, commandé semble-t-il par Dame Jacqueline de Settesoli, un an avant la mort du saint, d’où la grande probabilité de ressemblance avec le vrai visage de François. De la grande terrasse on peut contempler l’immensité du paysage et sa beauté, malgré une certaine austérité. François aimait ce lieu « parce qu’il le trouvait riche  de pauvreté » (Vita secunda 35)

    Il faut aussi évoquer le Troisième ordre dont une fraternité existait à Greccio déjà du vivant de saint François. En parlant des hommes et des femmes de ce bourg il disait : « il n’y a pas une grande ville où tant de gens se soient convertis à la pénitence ; et pourtant Greccio n’est qu’un petit bourg ! » (Légende de Pérouse 34)

    En quittant les lieux, nous faisons une halte pour admirer la beauté saisissante du couvent construit à flanc de falaise sur les grottes.

     

    Le mot du pèlerin.

    « A Poggio Bustone, pensant à la pénitence, j’ai marché humblement dans les pas de François et, à chaque station, la « charge » s’allégeait car je faisais corps avec les textes médités. » (Christian)

    « A Poggio Bustone, tes paroles m’ont soutenue, Seigneur. Dans ma prière, tu étais là. Dans mon silence, j’ai entendu les mots de ton pardon : Fu crocefisso per noi » (Marie-Hélène)

    « La prière de Jésus, au rythme de mes pas, m’a aidée à descendre en moi-même et m’a confrontée à la passion qui m’anime, à la souffrance que cela entraîne, mais aussi à l’amour de l’autre pour moi et à l’amour du Tout-Autre. » (Andrée)

     

    (La Crèche : Gertrude Crête, sasv 2002 encrylique, 29 x 21,5 cm collection privée © Claude Lacroix, ofm)


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    Note : LA DEPOSITION – Suzanne Giuseppi Testut – chez Nouvelle Cité

     

     

     

     

     

     

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