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    Une foi enracinée dans les Écritures


    Moise et les prophètes Jésus et la Loi : Matthieu 5, 17-37
    Autres lectures : Siracide 15, 15-20; Psaume 118(119); 1 Corinthiens 2, 6-10

     

    C’est ainsi que votre lumière doit briller aux yeux des hommes pour qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père céleste (Mt 5, 16). Ainsi se terminait le passage d’évangile proposé pour la liturgie de dimanche dernier. Après avoir exhorté ses disciples à faire les œuvres qui glorifieront Dieu, le Jésus de Matthieu, en ce 6e dimanche du temps ordinaire, leur rappelle que la norme de ces œuvres est l’Écriture (v. 17), particulièrement la Loi (v. 18), plus concrètement encore ses préceptes ou commandements (v. 19).  Les chapitres 5 à 7, dont on retrouve de larges extraits du 4e au 10e dimanche, constituent la première des cinq grandes instructions qui forment la trame essentielle de l’Évangile de Matthieu, un évangile qui illustre d’une façon éloquente les origines, les racines juives de la foi chrétienne.

         D’aucuns disent que l’Évangile de Matthieu aurait été rédigé par un scribe devenu chrétien. On va même jusqu’à supposer qu’un collectif de scribes devenus chrétiens en serait l’auteur. Ces remarques devraient nous aider à entrer dans la compréhension de l’Évangile de Matthieu qui est à la base de cette année liturgique. Le Jésus de Matthieu, faut-il le rappeler, nous est présenté comme un Juif fidèle, bien enraciné dans la foi juive, laquelle nous est exposée comme étant à la fois le fondement et le tremplin de la foi chrétienne. En fait, dès les débuts du christianisme il a été reconnu que sans l’apport de l’Ancien Testament, la foi chrétienne ne peut pas s’expliquer. Aujourd’hui on a tendance à remplacer l’appellation  « Ancien Testament » par celle de « Premier Testament », exprimant par là toute sa pertinence pour la compréhension de la foi chrétienne.

         Rédigé définitivement en Syrie vers la fin de l’âge apostolique, soit entre l’an 80 et 100, dix ou vingt ans après la destruction de Jérusalem par les Romains, cet évangile présuppose une longue période de foi, d’enseignement, d’expériences communautaires heureuses ou malheureuses. Composées de Juifs et de personnes issues du paganisme, ces premières communautés chrétiennes avaient pour fondement la personne de ce Jésus de Nazareth qui avait appuyé son enseignement, ses faits et gestes, toute son existence sur la personne de Dieu tel que révélé dans le Premier Testament. Pour bien comprendre et approfondir ce qu’il avait enseigné et fait, les chrétiens des premières communautés se devaient, comme on le fait encore aujourd’hui, d’ouvrir largement les livres du Premier Testament.

    Ne pensez pas que…

         Ne pensez pas que… C’est avec cette expression que Jésus poursuit un discours entamé au 4e dimanche de notre liturgie. Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes. Ce verset 17, contient en condensé les versets qui suivent et peut-être finalement tout l’évangile. Le verbe grec qui ouvre cette phrase décrit une erreur, un malentendu. Il peut se traduire par « n’allez pas estimer que », « n’allez pas vous figurer que ». Il peut être une allusion à une erreur qui circulait sur l’enseignement de Jésus.

         Je suis venu désigne la mission dont Jésus a été chargé par Dieu. Quant au verbe « abolir », il est très fort. Il peut être traduit par « détruire », « démolir ». Il ne désigne pas une réfutation théorique de la loi mais une activité propre à soustraire ou libérer les hommes de son autorité, ici, celle de « la Loi ou les prophètes », ce qui signifie à toutes fins pratiques la presque totalité du Premier Testament.

         Le verbe « accomplir » terminant la phrase a comme premier sens : « remplir ». L’image d’un verre qu’on remplit à ras bord peut nous aider à comprendre. Fidèle à la foi de ses ancêtres, Jésus a emmenée cette foi juive à son ultime perfection. Les trois versets suivants (vv. 18, 19, 20) ne sont ni plus ni moins qu’un commentaire ou une explicitation de ce verset 17.

    Eh bien, moi je vous dis… 

         Après cette introduction, suivront six points de la Loi. Sans doute, ces points faisaient-ils l’objet de discussions au temps de Matthieu. Le texte de ce dimanche s’arrête après le quatrième point, réservant les deux derniers pour dimanche prochain. Ces six points sont présentés avec la formule : «  Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens […] eh bien moi, je vous dis », toujours la même. Ce procédé en facilite la mémorisation. L’écoute étant à la base de la foi juive, il serait plus exact de traduire par « vous avez entendu, ou écouté », le « il » étant Dieu et les « anciens » ou « ancêtres » étant les pères du peuple, ceux qui ont reçu la Loi et ses premiers commentaires. En fait le terme « anciens » ne revient que deux fois dans la formule six fois répétée alors que eh bien, moi je vous dis revient intégralement dans les six répétitions, faisant écho au en vérité, je vous le dis du verset 18. Ainsi l’affirmation sept fois répétée serait une façon pour Matthieu qui aime la symbolique des chiffres d’exprimer l’autorité incontestable de Jésus qui remplace progressivement celle des anciens nommés deux fois seulement. La conjonction qu’on a rendue par « eh bien » peut aussi bien se traduire par « mais », ou « or », ou « et » selon l’interprétation que l’on donne au texte. Cette formule est-elle le reflet du souci de conduire autant les Juifs que les chrétiens vers le plein accomplissement de la Loi ? La conjonction devra alors être rendue par « or » ou « et ». Témoigne-t-elle de polémiques qui sévissaient entre la synagogue et la communauté chrétienne au moment de la rédaction de l’évangile ? La conjonction sera alors rendue par « mais ».

    Quatre repères pour la foi chrétiennes

         S’appuyant sur quatre repères de la foi juive,  Mt 5, 21-37 invite les convertis, et nous à leur suite, à aller plus loin. Connaissant le plan de Dieu sur le monde, les disciples de Jésus sont invités à remonter aux origines de ces repères donnés aux anciens. C’est comme s’ils participaient avec le Créateur à l’élaboration des principes directeurs de la création pour qu’elle atteigne sa pleine maturité. À l’origine de la Parole tu ne commettras pas de meurtre rappelé au verset 21, se cache le projet du Créateur désireux d’emmener tous les humains à vivre en harmonie les uns avec les autres.

         Cette harmonie doit d’abord se vivre là où la vie humaine prend sa source, d’où les deux interdits l’un de l’adultère et l’autre du divorce traités aux versets 27 à 31. S’en tenir au rappel de ces balises ne suffit pas. À la limite, la stricte obéissance à la lettre de la loi  peut être une forme d’esclavage. Se référant à cette balise, le disciple de Jésus, tout comme le Juif fidèle est appelé à  aller plus loin que la lettre en vérifiant le type de regard qu’il porte sur la femme, sachant qu’un regard chargé de convoitise ne peut que la réduire à l’état d’objet, ce qui est contraire au plan du Créateur révélé au début du livre de la Genèse.

         Après l’interdiction de l’adultère et du divorce, l’interdiction de faire des serments arrive à point nommé. Car, qu’est-ce que le serment si ce n’est une béquille ajoutée à une parole prononcée. Et pourquoi une parole prononcée a-t-elle besoin de s’appuyer sur une béquille ? Les disciples de Jésus sont invités à retrouver le plan d’origine du Créateur pour qui le langage a été fait pour créer la communion entre les êtres reconnus comme égaux entre eux et non pour tendre des pièges qui ne peuvent que conduire à la division et à la domination des uns sur les autres.

     

    Claude Julien, F.CH.

     

    Source: Le Feuillet biblique, no 2260. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    Source http://www.interbible.org/

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