• VOYEZ L’HUMILITE DE DIEU -art 36 - Suzanne

    VOYEZ L’HUMILITE DE DIEU

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    Le sous-couvercle d’un coffre du 14ème siècle sur lequel est représenté François d’Assise, la Portioncule, la crèche, le Christ de Saint Damien, le mont Subasio etc.

    Ce coffre se trouve dans le cloître de la cathédrale d’Elne dans les Pyrénées Orientale (12ème/13ème siècle). Pratiquement laissé à l’abandon, je l’ai trouvé derrière une porte et ma curiosité m’a fait soulever le couvercle et là, j’ai découvert cette petite merveille.

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    Greccio Noël 1223.


    François d’Assise contemple le Mystère dans toute sa profondeur, c’est-à-dire, l’Humilité qui nous rapproche des plus humbles. En vérité, François contemple le Fils de Dieu se laissant déposer dans les bras de l’humanité.


    Ce que François d’Assise a voulu montrer au monde en reconstituant la nativité, c’est le Christ dans ses humbles attaches naturelles, dans sa matrice cosmique ; c’est le Christ assumant le destin de l’homme, de cet être « qui prend racine dans la nature animale et, dépassant ce qui est seulement humain, s’élève jusqu’à la divinité » (Jung) ; c’est la descente du Christ dans nos profondeurs, la réconciliation de l’homme avec ses forces obscures François disait à ses frères « Voyez l’humilité de Dieu ». Dieu, pour naître dans l’homme a besoin de tout l’homme, et d’abord de ses racines obscures, vitales et cosmiques. C’est là qu’Il attend.[1]


    Avec l’évènement de Greccio, nous touchons l’esprit franciscain.


    En effet, cultiver la beauté sans s’ouvrir à la misère des hommes ou pour la fuir, c’est se placer au-dessus des réalités du monde. C’est une opération stérile. C’est se condamner à ne jamais connaître le grand émerveillement, cela équivaut à se voiler la face, à refuser la réalité de notre nature humaine et tout ce qu’elle contient. C’est se condamner à ne pas voir « l’Image » derrière la misère humaine, derrière ma propre misère.


    La vie spirituelle ne peut se construire que dans une ouverture à tout ce qui est, elle ne peut être qu’une croissance totale.

    Cependant, vouloir venir en aide aux méprisés, aux humiliés, sans leur apporter la lumière de la beauté, c’est ajouter au mépris et manquer à la vraie fraternité. Cela équivaut à être riche parmi les pauvres, c’est-à-dire à se contenter de poser un acte « charitable » tout en refusant notre hospitalité intérieure, celle du cœur. C’est ne pas donner à l’autre la capacité de s’émerveiller au cœur d’une vraie rencontre, de personne à personne, qui lui permettrait de découvrir sa beauté intérieure.

    Afin de ne pas refuser aux pauvres l’essentiel nous devons nous voir en eux au point de nous partager avec eux.


    Le véritable ré-enchantement du monde ne peut naître que de la rencontre fraternelle des humiliés et de la beauté. Le Christ de nos abîmes est aussi Celui de nos résurrections. C’est parce que le Christ attend au plus profond de notre misère, qu’Il peut nous ressusciter, mais à condition d’aller à Sa rencontre. Pour cela nous ne devons pas renier ce que nous sommes si nous désirons franchir tout ce qui fait obstacle à notre relation.


    « J’ai reçu un jour un témoignage émouvant. Celui d’un homme d’une trentaine d’années. Il avait un visage « taillé au couteau », creusé, ravagé même. Son corps laissait deviner les marques et les raideurs des pires souffrances, des pires expériences. Chaque mot était grave, choisi, pesé dans sa bouche. Cet homme avait touché le fond du fond, il avait fait l’expérience des profondeurs de la vague, de cette vague qui vous entraîne de plus en plus vers les profondeurs abyssales, celles dont on revient rarement. Mais là, devant moi, conscient de sa misère mais aussi de ses pulsions de mort, il était debout, fragile et fort en même temps, animé d’une foi bouleversante. Cet homme qui, à première vue, aurait pu déclencher un jugement négatif tant sa marginalité transparaissait, reflétait par sa beauté intérieure, l’image du Christ. »[2]


    « Si quelqu’un est en Christ, dit l’apôtre, il ou elle est une créature nouvelle ; le monde ancien est passé, voici que tout est devenu nouveau, une réalité nouvelle est là ». (2 Co5,17 ; Ga 6,15)

    L’apôtre témoigne : « Nous avons contemplé sa gloire, la gloire du Fils unique envoyé par son Père : plénitude de grâce et de vérité » (Jn 1,14)


    La Bible nous présente Moïse occupé à dialoguer avec Dieu sur le mont Sinaï. Soudain il s’écrie : « Fais-moi de grâce voir ta gloire ! » Ce vœu exprime bien le désir de tout être humain. Or, le principal obstacle à la foi n’est-il pas justement le fait qu’on ne peut voir Dieu ? Mais la réponse du Seigneur est toute empreinte  de douceur : « Je ferai passer devant toi toute ma bonté (beauté)… » (Exode 33, 18-19)


    La venue de Jésus sur terre est une révélation.

    Dieu a aimé, Dieu aime. Dieu a donné, Dieu se donne ! Voilà ce que répètent les Noëls qui reviennent année après année. Voilà ce que redira la naissance du Christ aussi longtemps qu’il y aura des hommes pour lire l’Evangile et pour recevoir son message.


    Demandons-nous encore une démonstration de puissance ? Mais, dans la crèche, Dieu se révèle et nous révèle tout son amour. Et cette révélation d’amour, c’est une personne, Jésus-Christ, un être de chair et de sang, dont le cœur peut s’émouvoir à l’unisson de notre cœur. Quelle joie, quelle paix dans cette certitude.


    La plus belle des crèches est donc à l’intérieur de nous, au plus profond de notre cœur.

    Aussi, le soir de Noël, lorsque nous recevrons l’hostie dans le creux de notre main, réalisons que ce n’est pas un simple morceau de pain que nous tenons. C’est l’Enfant Jésus qui est là. Contemplons-le, berçons-le et ensuite, laissons-le se déposer en nous et laissons-nous bercer à notre tour.

     

    Redevenons enfants avec l’Enfant. Notre joie sera parfaite.

     

    Suzanne Giuseppi Testut  -  ofs

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    [1] Eloi Leclerc « Le Cantique des créatures »

    [2] Suzanne Giuseppi Testut « La déposition » Ed. Nouvelle Cité

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