• À Brive, Antoine de Padoue est le saint de tout le monde !

    À Brive, Antoine de Padoue est le saint de tout le monde !

    • famillechretienne.fr
    • Par Claire Frangi

    Les grottes de saint Antoine à Brive-la-Gaillarde sont un lieu de dévotion populaire pour les Limousins. Au-delà des objets perdus, pour lesquels saint Antoine de Padoue est souvent invoqué, les pèlerins découvrent sur place, au contact des Frères mineurs franciscains, des aspects méconnus de la vie du saint : fraternité et simplicité.

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    7 h 30 – La journée des six Frères franciscains de Brive-la-Gaillarde ne commencerait pas sans l’oraison et l’adoration. Le pèlerin accueilli à l’hôtellerie les rejoint pour les laudes, premier rendez-vous de prière de la journée. Une heure et demie « essentielle pour assurer notre mission de contemplatifs dans la ville », rappelle Frère Nicolas, dans sa bure brune nouée à la taille d’un cordon blanc.
    La présence des Frères mineurs franciscains à Brive, ville de 50 000 habitants, a traversé les siècles depuis le passage, en 1226, de saint Antoine.
    Ce missionnaire franciscain sillonnait le sud de la France pour renforcer la foi catholique menacée par les hérésies cathares.
    Dès l’annonce de sa mort en 1231 (aux portes de Padoue), des gens se mirent à prier devant les grottes où Notre-Dame de Bon-Secours lui était apparue (1226). Ces cavités naturelles, creusées dans la roche d’une colline, aux portes de Brive, lui avaient servi d’ermitage.


    Sur le chemin de Lourdes et de Compostelle


    À la fin du XIXe siècle, les voyageurs en provenance de Paris et à destination de Lourdes – jusqu’à 20 000 par jour – changeaient de train à Brive. De cette époque datent l’église et l’hôtellerie, bâties en brasier, la pierre grise de la colline, juste au-dessus des grottes. Le reste de la colline est occupé par un vaste parc. À son sommet, une immense statue a été érigée, en reconnaissance à saint Antoine, pour avoir protégé la ville pendant la Seconde Guerre mondiale. La coquille jaune du grand portail d’entrée ne trompe pas : les grottes sont une étape sur la route de Saint-Jacques.
    Mais à la fin des années 1990, les grottes de Saint-Antoine tombent dans l’oubli. Les Frères, vieillissants, ne parviennent plus à maintenir le sanctuaire vivant.

    Un souffle nouveau

    En 2002, le renouvellement de la communauté et des bâtiments a redonné un souffle nouveau aux grottes de Saint-Antoine. À présent, 60 000 personnes viennent tous les ans en pèlerinage. Les Grottes se veulent désormais un lieu d’accueil de tous ceux qui passent, « là où ils en sont ».
    « Nous ne faisons pas de prosélytisme », explique Frère Nicolas, qui ressentit l’appel de la vocation à l’adolescence. « Nous avons un ministère d’accueil et d’écoute important. Ces lieux sont un carrefour pour les gens en recherche d’eux-mêmes. Les lieux repères ne sont plus très nombreux dans notre Limousin déchristianisé. Je crois qu’ici les grottes apportent une petite réponse à la soif du monde ».

    8 h 30 – En contrebas de l’église, l’eau clapote doucement sur la roche des grottes et la végétation filandreuse qui les tapisse. Quatre anfractuosités où saint Antoine est venu se recueillir quelques semaines. Ces grottes sont devenues des oratoires. Les ex-voto y fleurissent, relatant miracles ou guérisons. Selon la légende, saint Antoine aurait posé son doigt sur le rocher, et l’eau en aurait jailli. La croyance populaire lui prête des vertus de guérison, comme à Lourdes. Sarenz vient faire le ménage des grottes tous les jours. Ses compatriotes portugais installés à Brive sont très attachés aux lieux. À 70 ans, la longue montée à vélo pour venir jusque-là ne rebute pas Sarenz. Elle balaye, retire les cierges consumés, coupe les fleurs fanées. Cet endroit fait « chaud au cœur » de cette femme analphabète, au français hésitant.

    Des pèlerins de Corrèze ou d'Australie…

    9 h 00
    – Les premiers visiteurs défilent au magasin monastique. Les pèlerins venus pour la fête de saint Antoine (13 juin), la veille, règlent leur séjour. Ils étaient 250, originaires de la région, mais aussi de Belgique, des îles ou d’Australie ! Deux repères dans ce tourbillon de questions : Pierre et Claire Dione. Sans cesse sollicités, ils répondent à chacun sans se départir de leur patience. Leurs enfants devenus grands, ils ont quitté emplois et amis pour devenir salariés de l’association des Amis de saint Antoine. Ce couple de Limougeauds, en quête d’une nouvelle fécondité, l’a trouvée en assurant depuis quatre ans la gestion hôtelière des grottes, de concert avec les Frères. Un partenariat original avec des laïcs, qui se développe également dans d’autres communautés religieuses. Car les contraintes administratives sont lourdes à gérer.
    En se lançant dans la restauration de l’église et de l’hôtellerie en 2002, les franciscains de Brive n’avaient pas imaginé mettre le doigt dans un tel engrenage d’obligations fiscales et réglementaires (mises aux normes, accessibilité, agrément Jeunesse et Sport). Les travaux ont été financés par les Brivistes, attachés au lieu, mais aussi par la Ville, et le Conseil général, quelles que soient leurs opinions politiques.

    10 h 00 – Autour des Frères, une équipe de bénévoles vient nettoyer les chambres, refaire les lits. Lors des grandes fêtes, ils mettent le couvert, servent à table. L’une d’elles, Monette, 74 ans, aime ici « l’accueil, la fraternité, le ressourcement spirituel. L’esprit franciscain est palpable, on sent la foi très vive des Frères. Il y a beaucoup d’amitiés, on ne regarde pas le niveau social, ce qu’on ne trouve pas toujours partout ». Comme le prouve cette femme de ménage, qui se retrouve à la vaisselle avec le chef de l’établissement qui l’emploie. Bénédicte, 42 ans, mère de 5 enfants, fait partie des fraternités franciscaines séculières, un mouvement de spiritualité pour les laïcs : « Saint-Antoine est notre deuxième maison. C’est un lieu structurant pour notre foi et celle de nos enfants, un lieu d’expérience de la fraternité ».

    … au buraliste admiratif

    11 h 00« À Brive, on fait partie du paysage », reprend Frère Nicolas. À 800 mètres du sanctuaire, les Frères sont connus du buraliste. Il s’est rendu aux grottes par curiosité. La pizzeria a rassasié les Frères, un jour où ils mendiaient. Quant à l’armurier, qui troque à la demande le canon contre la lame du barbier, il les coiffe ! Une tradition familiale de père en fils. Petit, il est venu se promener avec sa mère et ses deux sœurs : « C’est peut-être pour cela que l’une des deux a été appelée, 25 ans plus tard, chez les franciscaines », avance-t-il. Il n’est pas peu fier que son petit-fils soit venu faire sa retraite de première communion aux grottes, comme lui-même l’avait fait. « Les Brivistes sont admiratifs de la façon dont les Frères ont fait évoluer le site », assure-t-il.

    12 h 00 – Trois élèves du lycée voisin, ancien petit séminaire fermé en 1965, sont venues allumer un cierge et faire un vœu, qu’elles préfèrent pudiquement garder pour elles.

    Le saint « de tout le monde, des pauvres et des ménagères à cabas »

    14 h 00 – Aux grottes, le passage est régulier. On vient déposer un cierge, remplir ses bidons, discuter sur un banc face aux grottes, s’emplir de la paix du parc. Pour Pierre et Claire Dione, « Les gens découvrent ici un lieu calme. C’est comme si tout ce qui a été vécu de bon ici ressortait mystérieusement ». Bernadette a ses racines ici : « Dans mon enfance, nous venions en promenade avec maman. De ma chambre, je voyais l’immense statue de saint Antoine, qui surplombe la ville. Quand nous avions mal quelque part, Maman nous disait : lave-toi avec l’eau de saint Antoine. Je suis venue prendre l’eau pour les biberons de mes filles ! Même les gens athées trouvent une âme à ce lieu, proche de la ville, mais hors du temps ».
    « Les gens recourent à saint Antoine pour beaucoup de choses, commente Frère Alain, trésorier de la communauté. C’est le saint de tout le monde, des pauvres et des ménagères à cabas, dit-on parfois. Au-delà de cette piété populaire, c’est un docteur de l’église, un grand savant, et encore aujourd’hui, les gens ne le savent pas. Il a rejoint les Frères mineurs pour leur humilité et leur vie de pauvreté. Il était très fraternel, et savait se faire proche des gens, tout en enseignant des choses profondes. Trente ans après son inhumation, sa langue a été retrouvée intacte, signe qu’il a transmis une parole de vie, d’amour. »

    Saint Antoine veille

    16 h 00 – La messe du pèlerinage, pour les malades, rassemble chaque mardi une vingtaine de Brivistes. À la sortie, ils s’attardent pour discuter. Le dimanche, l’église est pleine. Pourtant, Marie-Thérèse, 59 ans, a demandé à ses enfants de ne venir ici que pour des occasions particulières. « Car si on abandonne nos paroisses, il n’y en aura plus ! ». Cette mère de famille déplore l’absence des jeunes, y compris chrétiens : « Ma fille est allée à Paray-le-Monial : sur 4 000 jeunes, elle était la seule du Limousin ! À mon époque, on était une flopée de jeunes de Brive dans les pèlerinages. Il n’y a pas de travail pour les jeunes ici. Alors je pousse ma fille à partir dans une grande ville ».

    18 h 00 – Les lieux se vident. Les cierges blancs des grottes ne s’éteindront qu’au petit matin. Si Brive glisse doucement dans l’obscurité, les grottes de saint Antoine continuent inlassablement d’illuminer l’âme de la ville qui doit son deuxième nom de « la Gaillarde » au courage (saint Antoine aidant ?) dont elle fit preuve lors des nombreux sièges qu’elle subit.

    Claire Frangi


    Grottes de Saint-Antoine

    41 avenue Edmond-Michelet
    19100 BRIVE-LA-GAILLARDE
    Tél. : 05 55 24 10 60
    Franciscains : fratgsa@fratgsa.org

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    Source http://www.famillechretienne.fr

     

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