• Cours sur les Évangiles ou ressourcement spirituel 6 de 6


    RESSOURCEMENT SPIRITUEL

     

    La vie de Jésus, le Christ
     

     Exposé – Synthèse
     

     « Jésus est un homme ... mais il est Dieu »
     


     
    Arrivé dans la région de Césaré de Philippe, Jésus posa à ses disciples cette question: « du dire des gens, qui est le Fils de  l'homme? »

    Ils dirent: « Pour les uns, il est Jean Baptiste; pour d'autres encore, Jérémie ou quelqu'un des prophètes. »

    « Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je? » Mt 16, 13-15

     «La source de ces témoignages, c'est Jésus, sa personnalité et son message oral. Jésus a parlé ... Il a agi ... A tous, il annonce en paroles et en actes : Dieu vient vers nous : changez votre cœur et acceptez le message du salut. »

     
     
    Donald Thompson, prêtre Personne-ressource

     
    JÉSUS 
     
    VRAI HOMME - VRAI DIEU

     
     
    Cette dernière rencontre constituera une synthèse. Nous présenterons une clé de lecture des Évangiles, illustrée à partir des paroles de Jésus, tout en gardant toujours en tête cette conception tellement importante du Christ ressuscité-exalté, conception qui est au coeur de la vie chrétienne.


    Un laïc


     
    Jésus était un laïc. Il est important d'avoir en tête cette réalité. Il n'était pas quelqu'un qui faisait partie de la haute société ou qui avait une fonction officielle dans son peuple. C'était un simple laïc, un ouvrier, non pas parmi les plus pauvres cependant, puisqu'il avait un métier. Il n'était pas de ceux qui, comme dans la parabole des ouvriers de la onzième heure, attendaient sur la place publique en espérant être employés par les grands propriétaires. Non, il avait un métier, son établi, sa clientèle, une certaine aisance, sans être riche. C'était quelqu'un de très humble, originaire d'un petit village, Nazareth. Jésus devait expliquer ses origines, comme c'est souvent le cas des gens qui sont nés en dehors des grandes villes. Il y a quelque chose d'humiliant à devoir situer géographiquement un petit village inconnu. Nazareth n'est jamais mentionné ni dans l'Ancien Testament, ni chez Flavius Josèphe, ni dans les écrits rabbiniques. La seule raison pour laquelle on connaît Nazareth aujourd'hui est que Jésus y a vécu. Rappelons-nous cette parole en Jn 1,46: "De Nazareth, lui dit Nathanaël, peut-il sortir quelque chose de bon?"

     Jésus est donc un laïc, un homme ordinaire qui vient d'un petit coin d'une province méprisée, d'un petit peuple qui n'avait pas très bonne réputation dans l'Empire romain.


     
    Un disciple


     
    Jésus, on ne sait trop dans quelles circonstances, entendit parler un jour du fait que Jean-Baptiste avait commencé à prêcher, à parler de Dieu en Judée. C'était un événement extraordinaire car depuis plusieurs siècles il n'était pas apparu de si grand prophète en Israël. Le peuple s'attendait donc à ce qu'un grand prophète se fasse entendre de nouveau.

     Jésus ne pouvait pas rester insensible à un tel événement. Il se rendit donc à une centaine de kilomètres au sud de la Galilée pour entendre Jean-Baptiste. Sensible à la prédication de cet homme qui réveille en lui des intuitions profondes, Jésus est confronté à la voix de Dieu qui vivait en lui depuis longtemps. Les paroles de Jean-Baptiste lui révélaient un visage parlant de Dieu, l'invitaient à accomplir une tâche à laquelle il se préparait plus ou moins consciemment depuis plusieurs années. Jésus est tellement impressionné par Jean qu'il le considère comme le plus grand être humain apparu sur la terre (Mt 11,11). Il manifeste son appréciation en acceptant de se soumettre à l'invitation de Jean de changer de vie; effectivement, il changera de métier et deviendra prophète itinérant. Il ne retournera plus vivre dans son village, car toute son existence sera transformée et aboutira à la passion-résurrection.


     
    Un baptisé
     

     T
    rois versets de l'évangile de Marc sont consacrés au baptême de Jésus, un événement historique dans la vie de l'homme de Nazareth.

     "Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. À l'instant où il remontait de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit comme une colombe, descendre sur lui. Et des cieux vint une voix: "Tu es mon Fils bien-aimé, il m'a plu de te choisir" (Mc 1,9-11).

     De façon plus littérale, on traduirait la finale ainsi:

     "C'est toi mon Fils le bien-aimé, de toi j'ai été content". Dans les Actes, Luc nous disait que c'est au cours de la résurrection-exaltation que Jésus a été fait Messie et Seigneur. En Rm 1, 3-4, Paul nous a rappelé que Jésus a été fait Fils de Dieu à partir de la résurrection. Ici, un texte rapporte qu'au baptême, l'Esprit se manifeste et une voix descend du ciel qui dit: "C'est toi mon Fils le bien-aimé, de toi j'ai été content." La parole de Dieu considère ici toute la vie de Jésus, tout ce qu'il a fait dans le passé, et exprime la joie de Dieu devant le déroulement de cette vie. C'est une reconnaissance fondamentale, totale de la part de Dieu. Pour comprendre ce texte et l'ensemble des Évangiles, il faut toujours garder en tête les deux aspects de la vie historique de Jésus et de la résurrection-exaltation.

     Quand l'auteur a conçu le texte du baptême, il ne pouvait prévoir qu'un jour Marc utiliserait ce texte pour l'insérer dans un ensemble beaucoup plus large qu'on appelle Évangile. Il ne pouvait soupçonner, non plus, que deux mille ans plus tard, des gens comme nous se poseraient la question suivante: comment un texte qui rapporte un événement du début de la vie de Jésus peut-il présenter celui-ci comme Fils de Dieu, alors que d'autres textes déclarent qu'il a été établi Fils, Seigneur ou Roi à partir de la résurrection?

     Justement, parce que l'Évangile a été rédigé à partir de la tradition orale, il nous faut, à deux milles ans de distance, en reprendre les textes et les resituer dans le temps pour mieux les comprendre. Lors de la première rédaction du texte du baptême, l'auteur fait, pour ainsi dire, une catéchèse à une communauté chrétienne afin de lui donner le sens de l'ensemble de la vie de Jésus. Pour ce faire, il part des débuts de la vie publique de Jésus, soit la rencontre avec Jean-Baptiste. Ce texte veut dire à peu près ceci: "la mission de Jésus a commencé avec l'arrivée de Jean-Baptiste. Jésus a été baptisé par Jean, a vécu sa vie, puis Dieu s'est exprimé sur le sens de cette vie qu'il a reconnue conforme à sa personnalité profonde." Voilà le sens de cette citation:

    "C'est toi mon Fils bien-aimé, de toi j'ai été content." Dieu a tellement été content de la vie de Jésus, du baptême jusqu'à la fin, qu'il l'a ressuscité et exalté, lui confiant ainsi la tâche de continuer sa révélation dans l'histoire.


    Un prophète. un homme d'action. un enseignant


     
    Ce Jésus a donc été baptisé par Jean pour manifester son accord avec l'invitation que ce dernier lui avait lancée. Il est parti sur les routes de Galilée et est devenu prophète du Règne de Dieu. Il a été celui qui, en paroles comme en gestes, a cherché à définir les caractéristiques fondamentales de la personnalité du Dieu vivant, à savoir sa passion pour la liberté, son amour profond pour les pauvres. Témoigner de cette tendance profonde, présente au coeur de Dieu, devient la tâche des croyants du christianisme, l’essentiel de la foi chrétienne.

     Jésus a été prophète par son action avant de l'être par sa parole. Il a parlé, certes, mais ses paroles étaient toujours l'expression de ses gestes. Il est important d'en prendre conscience pour comprendre Jésus, la foi chrétienne et la catéchèse. Jésus n'a pas d'abord été un enseignant, mais un homme d'action. De même, le but de la communauté chrétienne n'est pas d'abord de dispenser des connaissances sur Jésus ou sur le Dieu vivant, mais plutôt d'agir, dans l'histoire, avant d'expliquer le sens de son action. De la même façon, la catéchèse doit être fondée sur la vie; si la parole précède la vie, il peut en résulter des conséquences désastreuses.

     Un laïc qui vient d'un petit coin perdu, rencontre un prophète fascinant qui s'appelle Jean. Il accepte d'être radicalement transformé, change de vocation pour devenir prophète itinérant en Galilée, tel qu'on le voit dans les Évangiles. Il est important de garder, de façon très concrète, la densité de cette vie. Un jour Jésus se plaint que le Fils de l'homme n'a pas où reposer la tête. Parcourir un coin de pays, envoyé par le Dieu vivant, sans savoir où on va loger le soir, si on va être accueilli et si on va pouvoir manger, peut être une aventure stimulante à vingt ans, mais plus difficile à trente-cinq ou quarante ans, à l'âge où l'on a besoin d'avoir un toit, une certaine sécurité. Jésus a certainement connu des moments éprouvants.


     
    Un faiseur de miracles


    Cet homme, un jour, s'est découvert un don. Ce fait a dû le surprendre, l'étonner. L'artisan de Nazareth n'était sûrement pas un faiseur de miracles. Mais un jour, au hasard d'une rencontre sans doute, en parlant à un malade, il pose un geste de façon toute naturelle et s'aperçoit que le malade est guéri. Jésus vient de découvrir qu'il avait en lui cette capacité de faire du bien à l'autre. Comme il est dit dans les Actes: "il est passé parmi nous en faisant le bien." Il a été thaumaturge, non pour étonner, pour sa gloire ou sa renommée, mais pour faire du bien, pour donner de l'espérance à des gens qui n'en avaient pas. On trouve donc ici, dans ce don de faiseur de miracles, un autre élément extrêmement important.

     À ce propos arrêtons-nous brièvement à quelques chapitres de l'évangile de Matthieu. Dans les chapitres 5 - 7, se trouve le sermon sur la montagne. Dans ces chapitres, Matthieu veut nous présenter le Messie ou le Prophète de la parole, le nouveau Moïse. Jésus monte sur la montagne, comme Moïse l'avait fait autrefois pour recevoir la révélation de Dieu. Il s'agit donc pour Matthieu de présenter la révélation nouvelle à sa communauté. la communauté de Matthieu vient d'être exclue du Judaïsme et il est important pour l'évangéliste de lui dire qu'elle ne doit pas regretter Moïse, car le nouveau prophète est présent parmi elle. les chapitres 5 - 7 présentent donc le "nouveau Moïse" de la parole. les chapitres 8 - 9 vont présenter le "nouveau Moïse" en gestes dans dix miracles de Jésus qui rappellent les dix plaies d'Égypte.

     Cette réflexion nous donne déjà une clé de lecture des miracles. Quand Matthieu rapporte des récits, raconte des miracles, il ne nous décrit pas factuellement les miracles de Jésus, il ne fait pas à proprement parler de compte-rendu des miracles de Jésus, mais se base sur des récits déjà existants pour nous parler d'abord et avant tout de l'activité du Seigneur qui fait des choses merveilleuses dans sa communauté. Et ce qui est vrai pour Matthieu, l'est également pour ceux qui composaient les récits des miracles dans la tradition orale ou écrite. Jésus a fait des miracles, mais ne les a pas racontés lui-même. les narrateurs ou rédacteurs des miracles ne sont pas d'abord intéressés à parler des actions de l'homme de Nazareth. Ils sont surtout intéressés à parler du Christ-ressuscité qui agit dans leur communauté. "Comme il descendait de la montagne, de grandes foules le suivirent. Voici qu'un lépreux s'approcha et prosterné devant lui, disait: "Seigneur, si tu veux, tu peux me purifier" (Mt 8,1-2).

     Dans ces versets on parle de Seigneur. Qui est ce Seigneur? Ce n'est certes pas le Jésus de Nazareth de jadis. La communauté chrétienne ne s'adressait pas à Jésus de Nazareth, mais elle se situe devant le Christ-ressuscité en l'appelant "Seigneur". En lisant les chapitres 8 et 9 de Matthieu, il est bon de noter à quelle fréquence on rencontre le titre de Seigneur. Par exemple, aux versets 6 et 7: "Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, atteint de paralysie ... Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit..."

     Au verset 15, la belle-mère de Pierre est guérie. "II lui toucha la main, et la fièvre la quitta; elle se leva et se mit à le servir." En présentant ce trait, Matthieu a probablement en tête le service du Seigneur, les fonctions de diacres ou de diaconesses de l'Église primitive. Matthieu parle également beaucoup de foi dans ses textes. "En vérité, je vous le déclare, chez personne en Israël je n'ai trouvé une telle foi" (v. 10). Le récit du miracle est raconté en gardant présente à l'esprit la foi de la communauté chrétienne. On n'avait pas foi en l'homme de Nazareth. La foi, au sens strict, commence à partir de la résurrection-exaltation. On a foi dans le ressuscité; on avait confiance en un thaumaturge. La foi commence avec Pâques. Quand il est dit: "chez personne en Israël je n'ai trouvé une telle foi", il ne s'agit pas de la foi qui aurait pu exister au temps de Jésus, mais de la foi qui existe dans la communauté chrétienne. Quand un évangéliste dit: "gens de peu de foi", il n'est pas question de la petite ou de la grande foi des disciples de jadis, mais de la petite ou de la grande foi de la communauté qui lit le récit.

     Nous devons toujours essayer de lire les Évangiles en ayant les deux dimensions de Jésus-Christ en tête. La dimension des événements qui se sont passés au temps de Jésus et la dimension de la foi de la communauté qui lit ou· entend le récit de ces événements.


     
    Un homme


     
    Quand on parle de Jésus en rapport avec la foi chrétienne, il est important d'aborder la question de l'homme de Nazareth et non seulement celle de Jésus, Seigneur, Fils de Dieu, Messie ou Roi. N'est-ce pas le sens de l'affirmation de foi en Jésus, vrai Dieu et vrai homme? L'humanité de Jésus est à prendre au sérieux. Jésus a été un être humain en tout semblable à nous, sauf en ce qui a trait au péché. Il y a des portraits de Jésus qui ne sont que des caricatures, surtout celles qui nous imposent une grille de lecture des Évangiles à partir du fait qu'il était Dieu. Il n'aurait pas vécu les choses à la façon d'un être humain parce qu'il était Dieu. Il nous faut reprendre la question de Jésus en tant qu'homme, la densité de l'homme de Nazareth. Tout être humain est un mystère à ses propres yeux. L'être humain est beaucoup plus complexe qu'on peut le penser. Souvent nous nous identifions en nous nommant, en décrivant notre emploi, en racontant notre vie. Mais il est plus difficile de parler de notre identité profonde, de ce que nous sommes fondamentalement comme être humain, de ce qui nous distingue profondément des autres êtres humains. Nous ne savons pas vraiment qui nous sommes. Le mystère profond de notre être nous apparaît inaccessible. Selon cette dimension fondamentale de notre être, si nous avons une identité, une conscience, c'est parce que nous sommes en dialogue profond avec le Dieu vivant. Mais nous ne pouvons atteindre directement cette dimension, ce lieu de nous-même en dialogue avec le Dieu vivant et où se fait l'emprise de la foi. Nous n'avons pas de contrôle sur ce dialogue; nous ne pouvons pas nous donner la foi. C'est le Seigneur qui, de l'intérieur, nous interpelle, nous dynamise, nous pousse en avant et nous pouvons seulement prendre conscience de ce dynamisme qui nous oriente. Nous le partageons avec d'autres et dirigeons notre vie avec plus ou moins de facilité en découvrant ce dynamisme à mesure que nous avançons. Nous sommes donc un mystère à nos propres yeux. Souvent, notre esprit ou notre conscience de nous-même sont les derniers à apprendre ce qui se passe dans notre vie. Il suffit de penser à l'expérience de l'amour. On peut tomber amoureux et ne pas en prendre immédiatement conscience. Autrement dit, notre être a pris une certaine direction que notre conscience ignore encore. Ces situations sont très courantes dans nos vies d'êtres humains; elles font partie de la nature de l’être humain.

     Il convient donc de regarder Jésus dans cette perspective. Jésus était un mystère à ses propres yeux. La divinité de Jésus doit être située au coeur du "je" humain de Jésus, en une partie de lui-même à laquelle sa conscience d'être humain n'a pas directement accès, pas plus que notre conscience d'être humain n'a accès au noeud vivant où se joue la foi en nous. Jésus a donc eu à prendre conscience de l'emprise de Dieu sur lui, comme nous avons à prendre conscience de l'emprise de la foi sur nous. Autrement dit, notre foi est l'équivalent pour nous de l'expérience de Dieu chez Jésus. De même que la foi nous apparaît très mystérieuse, ainsi sa divinité a dû lui apparaître très mystérieuse. Assurément, il faut partir du fait que Jésus a été un être humain au sens strict. Il ne faut absolument pas projeter chez lui la science de Dieu. Il n'a pas à sa disposition le pouvoir de Dieu, qu'il aurait pu contrôler. Jésus est un être humain interpellé de l’intérieur par le Dieu vivant. De plus, il n'avait pas la chance, comme nous, d'être entouré d'autres croyants semblables à lui qui l’auraient aidé à comprendre et à interpréter sa vie. Les autres, autour de nous, nous aident à saisir l'existence humaine et nous aident aussi à mieux discerner et à mieux vivre.

    Jésus était seul pour apprendre comment vivre quand on est complètement de Dieu. Il ne s'est probablement jamais posé la question de sa divinité. Un grand mystère habite Jésus et le pousse à orienter sa vie dans une certaine direction. Il n'a personne pour l'accompagner et l'aider à discerner les choses extraordinaires qu'il vit. Il n'a personne pour le confirmer dans sa fidélité et lui expliquer le peu d'enthousiasme de son entourage.

     Il est donc un mystère à ses propres yeux, comme c'est le cas de tout être humain. Il a fait l'apprentissage de la vie et de sa croissance comme tout homme. Il a subi l'influence de ses proches, l'influence de Marie, de Joseph, l'influence de sa famille immédiate, de ses amis, de Jean-Baptiste, comme un être humain. Il avait les connaissances d'un Juif du premier siècle. En tout il était semblable à nous, sauf en ce qui a trait au péché.


     
    Un être humain parmi d'autres



     
    Jésus étant un être humain comme tous les êtres humains, avec un caractère et une personnalité, ne pouvait posséder tous les caractères et toutes les personnalités. Il avait donc une façon de réagir bien à lui qui était celle d'un homme prompt, radical; celle d'un homme d'action. Par exemple, Jésus n'a pas été un contemplatif mais un homme d'action. Certes, on le voit prier, aller à la synagogue comme nous allons à l'église le dimanche. Quand il doit prendre une décision importante, il se retire pour réfléchir, comme nous le faisons. Mais la prière n'a pas été chez Jésus un trait dominant qui aurait frappé la communauté à ses débuts. La communauté a plutôt remarqué son sens de la justice, son amour des pauvres, son radicalisme et sa fidélité à son genre de vie. Jésus a prié, mais il n'a pas été un contemplatif. Il a été un homme d'action qui faisait son expérience de Dieu en agissant, en rencontrant des gens et en réfléchissant sur sa vie. C'est un type spirituel qui ne nie aucunement la valeur des autres types spirituels. Mais Jésus ne pouvait cumuler toutes les personnalités sur le plan spirituel. Il avait ses défauts et ses qualités, ses hauts et ses bas, ses difficultés à aimer. Ces affirmations sur Jésus n'ont rien de surprenant, car c'est ainsi que vivent les êtres humains.


     
    Un homme devant Dieu


     
    Jésus subit donc l'influence de ses proches et se situe par rapport à Dieu. Il parle de Dieu, il parle de son Père et va réagir fortement à quelqu'un qui l'appelle: "Bon Maître". Seul Dieu est bon. Parce qu'il est un être humain, Jésus a à se situer par rapport au Dieu vivant. Il est donc important pour comprendre Jésus de faire une distinction entre conscience et être. L'être de Jésus a dû monter lentement à sa conscience. Et nous pouvons saisir ce qu'est la conscience de Jésus en gardant à l'esprit cette nécessaire distinction entre un être humain et Dieu. Parce que Jésus est un être humain, il se situait par rapport à Dieu comme par rapport à une autre personne, une personnalité qui était autre que sa propre personnalité humaine. Il est important d'attribuer à Jésus la nécessaire liberté qui est l'apanage de tout être humain qui a à se faire dans l'histoire. En tout semblable à nous, sauf en ce qui a trait au péché. Il y avait chez Jésus une transparence vis-à-vis du Dieu vivant. Mais il faut laisser à Jésus cette humilité qui l'empêchait de se prévaloir de ce privilège d'être sans péché. La conception du fait que Jésus a été complètement correct aux yeux de Dieu, nous la formons à partir de la foi en l'expérience de Jésus ressuscité. À la résurrection, le Dieu vivant déclare s'être complètement reconnu en Jésus. Mais Jésus lui-même devait se comporter de façon très humble et très simple face au Dieu vivant; et chaque soir il devait se questionner sur la valeur de sa journée et la pertinence de son action: "Ai-je bien fait de m'éloigner de la foule pour aller prier car je devenais impatient?" Il y a toujours ce nécessaire discernement entre les exigences de la vie, les exigences de ceux qui nous entourent et l'exigence de se maintenir à la hauteur de sa tâche. Il y a donc en Jésus une sorte de transparence quotidienne vis-à-vis du Dieu vivant.


     
    La divinité de Jésus et du Dieu de la Bible


     I
    l est donc important de situer la divinité chez Jésus au coeur de l'expérience d'un être humain, et de ne pas projeter sur Jésus ou en Jésus une expérience ou une conception de Dieu qui n'est pas judéo-chrétienne. Nous devons nous méfier de nous-mêmes qui avons parfois tendance à concevoir Dieu de façon païenne. Le Dieu tout-puissant, le Dieu omniscient, le Dieu désincarné n'est pas le Dieu de Jésus. Le Dieu de Jésus est un père qui a des enfants et est tourmenté à la pensée que certains sont malheureux. Il a dans la conscience, si on peut parler ainsi de Dieu, une sorte d'obsession vis-à-vis de ses enfants qui sont malheureux. C'est là le Dieu de Jésus, le Dieu du Règne. Le Dieu en lutte contre les lois qui rendent l'être humain esclave et qui font mal à la vie humaine. Ce Dieu scandaleux est bien le Dieu de la révélation judéo-chrétienne, en guerre contre l'autre Dieu que nous avons tendance à nous fabriquer parce qu'il nous interpelle moins.


     
    Le martyr


     
    Jésus, comme nous le savons, a été fait Seigneur, Roi, Messie au cours de sa résurrection-exaltation. Il a reçu la tâche de revenir oeuvrer dans l'histoire mais a connu, avant cette mission, l'expérience de la mort d'un martyr. Il y a des interprétations erronées de la mort de Jésus qui font tort à l'image de Dieu. Ainsi, celle selon laquelle Dieu aurait voulu faire souffrir son fils et l'aurait lui-même envoyé à la mort. Jésus est mort parce qu'il était un prophète qui a contesté le monde politique, social et religieux de son temps. Ce faisant, il a dérangé des personnes, nuit à des intérêts, apeuré des gens. Il a vécu d'une grande liberté, trop éblouissante aux yeux de certains. Il a défié les puissants, c'est pourquoi on a jugé bon de le faire disparaître. En fait, si Jésus est mort, c'est parce qu'il a été fidèle à introduire dans l'histoire une conception de Dieu difficile à accepter pour les sociétés humaines, qui véhiculent d'autres valeurs. Il a subi le sort de beaucoup de prophètes dignes de ce nom. Il est mort martyr, mort comme quelqu'un qui a été fidèle jusqu'au bout.


     
    Les débuts


     
    Il est diffICile de parler de Jésus sans aborder la question délicate des récits de l'enfance. Voyons le chapitre premier de l’évangile de Luc.

     Un ange dit à Marie: "Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; il règnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n'aura pas de fin. Marie dit à l'ange: "Comment cela se fera-t-il puisque je suis vierge?" L'ange lui répondit: "L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre; c'est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu" (Lc 1, 31-35).

     Dans ce texte, nous devons remarquer le vocabulaire: «Fils du Très Haut, Seigneur Dieu» et les verbes au futur: «il règnera, son règne n'aura pas de fin». Dans ce passage très intéressant, il faut reconnaître dans la bouche de l'ange, la théologie de la résurrection-exaltation que Luc reprendra dans les Actes au chapitre deuxième. Autrement dit, range Gabriel dans le récit de l'Annonciation, sous la plume de Luc, annonce ce qui sera réalisé au moment de la résurrection-exaltation. C'est comme si Luc faisait prédire par l'ange dans le récit de l'Annonciation ce qui s'est réalisé après la mort de Jésus. Quand Luc dit: "c'est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu", il tire la conclusion des événements de la fin de la vie de Jésus et réinterprète la vie de l'homme de Nazareth à la lumière de ces événements. La résurrection-exaltation nous permet de comprendre que la vie de Jésus, depuis le baptême de Jean jusqu'à la fin, a été révélation fidèle du Dieu vivant actif en Jésus.

     Luc, dans son récit de l’enfance, fait un pas de plus et reporte cette réalité au tout début de la vie de Jésus. Luc conclut que l'événement de la résurrection-exaltation permet d'interpréter toute la vie de Jésus, depuis le début, comme étant une vie qui a été entièrement consacrée au Dieu vivant. Pour cette raison, les biblistes s'entendent pour dire que les récits de l'enfance sont parmi les derniers à avoir été rédigés dans les Évangiles. Ils sont porteurs d'une vision théologique, d'une compréhension de Jésus, qui est le fruit de plusieurs décennies de réflexion, d'interprétation, de méditation et de prière sur le sens de la vie de cet homme.

     Il ne s'écrit plus de vie de Jésus depuis plusieurs années, parce que depuis quelques décennies on a pris conscience de la difficulté d'une telle entreprise. Nous n'avons pas assez de données sur la vie de Jésus. Nos connaissances sur Jésus se résument à bien peu. Nous ne pouvons en savoir plus parce que les membres des communautés primitives, tout comme les évangélistes, n'étaient pas intéressés à faire oeuvre d'historiens et à nous parler en termes purement historiques de Jésus de Nazareth. Marc, par exemple, dans son évangile, ne nous décrit ni le physique de Jésus, ni son caractère. Marc ne répond pas à notre curiosité parce qu'il ne connaissait pas ces détails sur Jésus et que les communautés précédentes n'avaient pas été intéressées à les raconter. Ce qui les fascinait. c'était d'abord et avant tout l'activité du Christ au sein de leur communauté.

     Aujourd'hui, nous ne pouvons donc dire que très peu de choses sur les événements de la vie de Jésus ou sur sa psychologie. Ainsi le récit des vendeurs chassés du Temple se trouve à la fin de la vie de Jésus chez les Synoptiques, mais au début de sa vie publique chez Jean. Qui peut dire le moment et les détails de cet événement? Bref, nous ne pouvons plus écrire des vies de Jésus à la façon dont on les écrivait jadis.

     Finalement, la vie de Jésus est une existence historique relue à la lumière de la foi. La foi chrétienne pourrait se résumer ainsi: Dieu a tellement été satisfait de la vie de Jésus de Nazareth, qu'il l'a ressuscité des morts. Il l'a fait Seigneur et lui a donné le pouvoir d'agir dans l'histoire au moyen de son souffle. Jésus accomplit cette tâche de Messie, de Roi, de Seigneur, de Fils de Dieu en réunissant des hommes et des femmes dans des communautés qui sont chargées de le continuer dans l'histoire. La foi n'est pas une théorie ou une pensée philosophique, mais une sorte de dynamisme orienté que des hommes et des femmes ressentent dans leur vie et qui les met en rapport avec l'existence historique d'un homme qui a vécu il y a deux mille ans et qui les oriente dans l'histoire.


     FIN DE CE COURS

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