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                                        Épiphanie du Seigneur A - 2 janvier 2011
     
    Dieu avec tout le monde

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    La visite des mages : Matthieu 2, 1-12
    Autres lectures : Isaïe 60, 1-6; Psaume 71(72); Éphésiens 3,2-3a.5-6


     Le récit de la visite des mages fait partie de notre imaginaire religieux et culturel. Il a tout ce qu’il faut pour charmer un auditoire et capter son attention: une touche d’exotisme avec de mystérieux personnages venus d’Orient, un phénomène astronomique étrange, un roi jaloux de son pouvoir, une mère et son enfant… Mais cet épisode est plus qu’une scène de théâtre ou qu’un conte de fée. Il est au service d’un message théologique dont il faut tenir compte pour saisir toute la portée de la fête de l’Épiphanie.
    Manifestation

         Épiphanie signifie « manifestation », « révélation ». Il s’agit donc de célébrer Dieu qui se donne à voir au monde. Le temps de Noël, en effet, nous donne de célébrer non seulement l’incarnation du Fils de Dieu mais aussi sa manifestation. À la Nativité, les anges annoncent aux bergers la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur et leur donne un signe : un nouveau-né couché dans une mangeoire. Lors de la fête de sainte Marie Mère de Dieu (1er janvier), ces mêmes bergers se rendent à Bethléem et y contemplent l’enfant. À l’Épiphanie, les mages viennent à leur tour se prosterner devant lui. Puis le Baptême du Seigneur sera l’occasion de la première apparition publique du Fils de Dieu. Incarnation et manifestation constituent donc, pour ainsi dire, les deux fils conducteurs de tout le temps liturgique de Noël (25 décembre jusqu’au Baptême du Seigneur).
    Deux visions

         Mais voyons plus précisément comment cette manifestation se déploie lors de la fête de l’Épiphanie, avec le récit de la visite des mages. Pour bien le saisir, revenons d’abord au texte entendu lors de la messe de la nuit de Noël (Luc 2, 1-14). Saint Luc raconte que des bergers furent les premiers témoins de la naissance du Sauveur. Ce choix de sa part dénote une option théologique: l’évangéliste souligne ainsi que Dieu offre son salut en priorité aux gens des classes sociales inférieures. Les bergers, en effet, étaient des gens de modeste condition, pas toujours bien vus de leurs concitoyens. Luc en fait les premiers récipiendaires de la Bonne Nouvelle, ce qui s’harmonise bien avec les conditions humbles dans lesquelles Jésus vient au monde.

         Matthieu présente les choses de manière différente. Considérons d’abord le cas des mages, personnages assez difficiles à saisir. Le terme grec employé par l’évangéliste peut désigner, dans la littérature antique, un devin, un astrologue, un prédicateur ou un magicien. Compte tenu du rôle de l’étoile dans le récit, on peut supposer que Matthieu avait à l’esprit les astrologues babyloniens bien connus à l’époque. Quoi qu’il en soit, les mages, dans certains milieux, n’ont pas très bonne réputation, tout comme les bergers, mais pour des raisons différentes. Dans la Bible, on les considère comme des magiciens ou même des charlatans. Dans le récit évangélique, ils suivent d’ailleurs un signe ambiguë : l’apparition d’une nouvelle étoile dans le firmament. De plus, les mages, comme le précise Matthieu, sont «venus d’Orient». Il s’agit donc d’étrangers et de païens aux yeux de la population juive.
    Un long chemin

         Ce portrait des mages montre à quel point ils sont loin d’être un modèle de foi israélite. Ils vivent à des milliers de kilomètres du Temple de Jérusalem. Ils ignorent la loi de Moïse. Ils scrutent les cieux au lieu d’étudier les Écritures. Et pourtant, quelque chose leur a été révélé, puisqu’ils savent que le roi des Juifs […] vient de naître. Le signe – l’étoile – est équivoque, certes, mais le message est clair. Ils ne demandent pas à vérifier si le roi des Juifs est né, mais où ils peuvent le trouver. Et, un peu comme Abraham sur l’appel du Seigneur, ils entreprennent un long chemin hasardeux, dans l’espoir de se prosterner devant lui. Sur le chemin, guidés par l’étoile, ils éprouvent une très grande joie.
    Au-delà des frontières

         Tous ces éléments inattendus, étonnants en raison du contexte religieux de l’époque, se conjuguent pour transmettre un enseignement cher à l’évangéliste Matthieu. Pour celui-ci en effet, Dieu a choisi de faire éclater les limites ethniques et géographiques. Il a voulu manifester sa gloire et son salut à toutes les nations et aux personnes de toute allégeance spirituelle. Les mages en sont l’archétype : ce sont des étrangers qui ont recours à des procédés non orthodoxes pour découvrir et rencontrer le Sauveur. Dans le récit de l’annonce à Joseph de la naissance de Jésus, l’ange dit que le fils de Marie s’appellera Emmanuel, qui se traduit ‘Dieu-avec-nous’ (Matthieu 1, 23). Avec l’épisode de la visite des mages, l’évangéliste précise que « Dieu-avec-nous », c’est aussi, pour ainsi dire, « Dieu-avec-tout-le-monde ». Dieu se donne à rencontrer au-delà des idées, des lieux et des milieux dans lesquels nous  sommes tentés de l’enfermer.
    L’étoile et les Écritures

         Matthieu ne laisse cependant pas entendre que n’importe quel signe ou n’importe quelle voie peut conduire au Christ vivant. L’apparition de l’étoile a suffit aux mages pour les mettre en route et susciter leur désir de chercher « le roi ». Mais l’astre ne les a pas conduits à lui seul à destination. En effet, ils ont eu besoin de l’éclairage des Écritures pour diriger leurs pas vers Bethléem. L’intrigue comporte ici une touche d’ironie. Tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël décodent avec justesse les Écritures. Mais au lieu de se précipiter à Bethléem – pourtant située à quelques kilomètres seulement de Jérusalem – ils laissent aux mages le soin de mener la recherche. De plus, en apprenant la nouvelle de la venue d’un autre roi des Juifs, les gens de Jérusalem sont pris d’inquiétude. Les mages, au contraire, ressentent une grande joie à la vue du signe de cette arrivée hors du commun : l’étoile.

         On voit ici se profiler tout le drame de l’incompréhension entre le peuple juif et Jésus, qui conduira celui-ci à son tragique destin. Matthieu donne le mauvais rôle aux autorités religieuses de Jérusalem et à sa population en général. À l’inverse, il dépeint l’attitude des païens sous un jour favorable. Matthieu vivait sans doute douloureusement la déchirure entre sa communauté d’origine et sa condition de disciple du Christ. Il lui a fallu accepter que Dieu ne puisse limiter son salut à un peuple particulier et que le monde entier fût appelé à en bénéficier.
    La même promesse

         Dans la deuxième lecture (Éphésiens 3, 2-3a.5-6), saint Paul formule un constat semblable: Les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse. L’apôtre a franchi une étape : après l’échec de sa prédication en milieu juif, il se tourne vers les autres nations qui se montrent plus réceptives à l’Évangile. Pour la fête de l’Épiphanie, ce passage de la Lettre aux Éphésiens ne pouvait être mieux choisi. Elle prépare le terrain pour la lecture évangélique qui met en scène, effectivement, des «païens» qui cherchent et trouvent «le roi», contrairement à la population de Jérusalem.
    « L’or et l’encens »

         Le récit de la visite des mages est truffé d’allusions et de citations de l’Ancien Testament. Une des sources d’inspiration de l’évangéliste est certainement le passage du livre d’Isaïe retenu comme première lecture (60, 1-6). Le prophète dépeint l’affluence des nations vers Jérusalem, les bras chargés de présents, dont « l’or et l’encens ». L’accomplissement de cette prophétie surviendra quelques siècles plus tard, avec une nuance cependant: le lieu vers lequel convergeront les mages sera non pas la ville sainte mais l’humble Bethléem. Dieu se manifeste, oui, mais pas toujours où on l’aurait cru…
     
    Jean Grou, bibliste

    Jean Grou, bibliste

     
    Source: Le Feuillet biblique, no 2254. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    Source www.interbible.org

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