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    Fukushima reste sur le qui-vive

    «Tant que le refroidissement ne s'effectuera pas en circuit fermé, on peut donc redouter de nouvelles fuites d'eau contaminée dans la mer»

    Pauline Gravel   9 avril 2011  Asie

    Photo : Agence France-Presse Nicholas Kamm
    La crainte du nucléaire est toujours présente au Japon. Près d’un mois après le séisme et le tsunami qui ont frappé le pays, la situation reste précaire.

    Toujours dans une situation précaire, toujours susceptible de contaminer l'environnement en raison de fuites hautement radioactives, la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi nous tiendra encore longtemps sur le qui-vive.

    La semaine s'achève toutefois sur une petite victoire qui a permis de stopper une potentielle catastrophe écologique. Des taux de radioactivité (d'iode 131) des milliers de fois plus élevés que la limite légale avaient été détectés plus tôt cette semaine dans l'océan à proximité de la centrale. Cette radioactivité provenait d'une fuite d'eau fortement contaminée (de l'ordre de 300 kilobecquerels par cm3) issue du réacteur numéro 2. «Au cours de l'arrosage de la cuve du réacteur dans le but de la refroidir, l'eau est probablement entrée en contact avec l'hydrogène et quelques produits de fission [nucléaire], tels que du césium 137 et de l'iode 131, qui s'étaient échappés du réacteur», explique Guy Marleau, chercheur en génie nucléaire à l'École polytechnique de Montréal. Cette eau contaminée s'est répandue dans le puits sous-jacent au réacteur, et par une fissure a rejoint les «tranchées», à travers lesquelles est acheminée l'alimentation des pompes qui aspirent l'eau de mer.

    Après avoir tenté de colmater la brèche qui laissait échapper cette eau très contaminée avec divers matériaux, tels que de la sciure de bois et du ciment, Tepco a finalement annoncé mercredi y être parvenue grâce à l'injection de silicate de sodium, un composé qui a permis de solidifier le sol entourant les fondations du réacteur numéro 2.

    Normalement, l'eau qui assure le refroidissement des barres de combustible présentes dans le coeur du réacteur ainsi que dans les piscines — où baigne le combustible usé — circule en boucle fermée afin de ne pas laisser échapper d'eau contaminée dans l'environnement, explique M. Marleau. Mais à l'heure actuelle, plusieurs installations sont arrosées depuis l'extérieur des bâtiments compte tenu des taux élevés de radioactivité qu'on y trouve. Cette eau s'écoule sur la cuve des réacteurs avant de rejoindre les parties inférieures des bâtiments, d'où elles peuvent s'échapper, si fissure il y a. «Tant que le refroidissement ne s'effectuera pas en circuit fermé, on peut donc redouter de nouvelles fuites d'eau contaminée dans la mer», ont prévenu les autorités japonaises.

    Toute cette eau hautement radioactive (environ 60 000 tonnes selon l'Autorité de sûreté nucléaire française) qui encombre les bâtiments 1, 2 et 3 représente le grand problème de l'heure. Pour le résoudre, Tepco a commencé à déverser dans la mer 11 500 tonnes d'eau faiblement radioactive qui était stockée depuis l'accident dans des réservoirs en attente de traitement. Une fois libérés de leur eau, ces réservoirs serviront à entreposer l'eau fortement contaminée, dont la présence empêche les techniciens de poursuivre leurs travaux (visant à remettre en marche un refroidissement en circuit fermé) dans les bâtiments des trois réacteurs accidentés. Selon les autorités, ce déversement ne menace pas la santé humaine, d'autant qu'on a interdit l'accès aux pêcheurs sur une zone de 30 km depuis le rivage de la centrale. On envisage aussi de stocker l'eau fortement radioactive sur une barge de la Marine américaine et dans une usine de traitement flottante appartenant aux Russes.

    Explosion d'hydrogène

    Par mesure de prévention, on a commencé à injecter de l'azote liquide dans le bâtiment du réacteur numéro 1 dans le but d'éviter une explosion d'hydrogène qui pourrait endommager les réacteurs et entraîner la libération de radioéléments dans l'atmosphère, comme cela s'est produit dans les réacteurs 1, 3 et 4 au cours des jours qui ont suivi le tsunami. L'injection d'azote devrait se poursuivre pendant six jours.

    L'accumulation d'hydrogène dans certains réacteurs est signe que les manoeuvres déployées pour les refroidir ne suffisent pas à la tâche, fait remarquer l'ingénieur Michel Duguay de l'Université Laval. L'eau servant au refroidissement du coeur des réacteurs s'évapore et, faute de niveaux d'eau suffisants, la température monte. «Lorsque la température atteint les 400 degrés Celsius, le zirconium des gaines qui enveloppent les grappes de combustible est oxydé par la vapeur. À cette température, le zirconium accapare l'oxygène de l'eau et de l'hydrogène est émis. La pression s'élève en raison de la chaleur et de l'accumulation de gaz (hydrogène), c'est pourquoi on laisse échapper l'hydrogène dans le reste du bâtiment pour l'abaisser», explique Guy Marleau, de l'École polytechnique. «Lorsque l'hydrogène entre en contact avec l'oxygène de l'air, il y a danger d'explosion. L'hydrogène étant plus léger, il se retrouve au plafond, tandis que l'air plus lourd reste en bas. Si on introduit beaucoup d'azote, il y aura ainsi moins d'oxygène qui entrera en contact avec l'hydrogène, car l'azote est plus léger que l'oxygène et il formera ainsi une barrière entre l'hydrogène et l'oxygène contenu dans l'air. L'azote contribue aussi à chasser l'oxygène du bâtiment.»

    Les températures des piscines contenant le combustible usé ont quant à elles été stabilisées. Les piscines des réacteurs 2 et 3 sont refroidies par le circuit normal, tandis que celles des réacteurs 1 et 4 doivent toujours être arrosées à partir de camions-citernes. Ces procédés permettent de maintenir des niveaux d'eau adéquats.

    Des traces de plutonium ont été détectées en quelques endroits sur le site de la centrale, mais la quantité est infime.

    Point encourageant: une alimentation électrique externe permet maintenant d'assurer le fonctionnement des pompes à eau des réacteurs 1, 2 et 3, ce qui permettra d'améliorer graduellement le refroidissement des barres de combustible. Les réacteurs 5 et 6 sont «en arrêt froid et jugés stables».

    Contamination

    Des radioéléments continuent d'être rejetés dans l'atmosphère, mais ils sont «de moindre ampleur que ceux résultant des opérations de dépressurisation des enceintes de confinement qui ont eu lieu au cours de la première semaine suivant le début de l'accident. Ces rejets ne devraient pas empirer de manière notable la contamination de l'environnement déjà présente», affirme l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) en France. À mesure que l'on s'éloigne du site de la centrale, les concentrations diminuent. Dans le port de Tokyo, la radioactivité de l'air n'atteint plus que 0,1 microsievert par heure, le taux enregistré en temps normal.

    Selon la Société française d'énergie nucléaire (SFEN), les mesures effectuées «dans et autour de la zone évacuée montrent que le niveau de radioactivité est encore essentiellement dû à des radioéléments à vie assez courte, comme l'iode 131, et que par conséquent elle décroît d'environ un facteur 2 chaque semaine. Par ailleurs, les vents ayant été plutôt favorables pendant une grande partie de la période de crise la plus dure, seules certaines zones sont particulièrement touchées, comme la frange côtière.» Conséquemment, les autorités japonaises ont limité la consommation de légumes à feuilles captant les dépôts, comme les épinards par exemple.

    Au dire de Wolfgang Weiss, président du comité scientifique sur les effets du rayonnement atomique des Nations unies (UNSCEAR), «l'accident de Fukushima est beaucoup moins grave que celui de Tchernobyl, mais beaucoup plus sérieux que Three Mile Island». Bien que cet expert désire attendre avant de poser un verdict final sur les conséquences de cet accident, il ne s'attend pas à observer d'impacts sérieux sur la santé humaine, car la population locale a été évacuée avant les principaux échappements de radioactivité. «Par la nourriture qu'elle consomme, la population absorbera entre 1 et 5 millisieverts par année... donc rien qui pourrait avoir un impact majeur sur la santé», a-t-il déclaré. Selon la région du monde où nous habitons, nous pouvons absorber de telles doses naturellement.

    Hier, l'IRSN faisait savoir que les contrôles radiologiques effectués sur 144 Français (dont plusieurs journalistes et pilotes d'avion) qui sont revenus du Japon après l'accident de Fukushima «ont montré que leur contamination par des polluants radioactifs était soit inexistante, soit très faible, et en tout état de cause sans conséquence sanitaire attendue».

    Une fois que le système de refroidissement sera complètement rétabli et les fuites radioactives arrêtées, on envisage de recouvrir les installations de la centrale de Fukushima d'un matériau particulier qui empêchera la diffusion de substances radioactives. Les bâtiments qui n'abritaient pas de réacteur seront démolis, alors que ceux qui en contenaient devront demeurer intacts pendant au moins 40 ans, car leur démantèlement entraînerait la libération de matériaux radioactifs. Les réacteurs 5 et 6 pourraient quant à eux être réutilisés. Il est clair que l'on entendra parler encore longtemps de Fukushima.

    source http://www.ledevoir.com

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