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    Jésus et la Terre Sainte

    Les visiteurs de la Terre Sainte qui désirent « marcher sur les pas de Jésus » sont parfois un peu surpris les premiers jours lorsqu’ils réalisent que l’identification précise des lieux bibliques est plus compliquée qu’elle n’apparaît à première vue. Plusieurs lieux rattachés à des passages des évangiles sont plus folkloriques qu’historiques. En d’autres mots, Jésus n’est pas toujours là où on le cherche...

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    Les vestiges d’une Béthanie... en Jordanie!
    (photo : C. Boyer)

    « Que cherchez-vous? » (Jn 1,38)

         Les évangiles mentionnent plusieurs lieux dont on a perdu la trace et qu’il est difficile, parfois impossible, de situer. C’est le cas de Béthanie, par exemple. On peut visiter une localité de ce nom aujourd’hui près de Jérusalem, de l’autre coté du mont des Oliviers, mais on peut aussi en visiter une autre, située en Jordanie et portant le nom de « Béthanie-au-delà-du-Jourdain ». Même chose pour Cana : deux villages de Galilée portent ce nom. Quant à Emmaüs, au moins cinq emplacements ont été suggérés.

         Il y a aussi des épisodes dont les évangiles ne précisent pas l’emplacement géographique. Lorsqu’il est question d’une montagne ou d’une colline par exemple, comment savoir laquelle est-ce, il y en a tellement en Terre Sainte! Où situer cette montagne où Jésus a été transfiguré (Mc 9,2-8)? Sur l’actuel mont Thabor? Et sur quelle colline Jésus a-t-il prononcé ses Béatitudes (Mt 5,1-12)? Sur celle que l’on a appelée le « mont des Béatitudes »? Peut-être, encore que selon l’évangile de Luc, ce n’est pas sur une montagne, contrairement à l’évangile de Matthieu, mais dans une plaine que Jésus a prononcé ses Béatitudes (Lc 6,17-23). Et puis... Jésus a sans doute annoncé des béatitudes à plus d’un endroit...

         Parfois, les évangiles fournissent des informations géographiques, mais celles-ci ne sont pas toujours assez précises pour pouvoir identifier le lieu même où tel épisode a eu lieu. Les évangiles précisent par exemple que c’est à Jérusalem que Jésus a pris son dernier repas en compagnie de ses apôtres (Mc 14,12-16), mais est-ce vraiment dans le « Cénacle » qui se trouve actuellement sur le mont Sion? Les évangiles indiquent aussi que l’arrestation de Jésus par les gardes du grand prêtre a eu lieu dans un jardin du mont des Oliviers (Jn 18,1). Mais est-ce précisément dans le « jardin des oliviers » que l’on peut visiter aujourd’hui? Ou un peu plus loin? Et ensuite Jésus a-t-il vraiment été emmené sur le lieu que l’on présente comme le site de la « maison de Caïphe » (Mt 26,57) situé aujourd’hui dans le quartier arménien?

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    Le « jardin des Oliviers », près de l’église de Toutes-les-Nations sur le mont des Oliviers.
    (photo : C. Boyer)

         Autres éléments à considérer : l’historicité de certains événements ainsi que l’existence de certains personnages des évangiles ne doivent pas toujours être pris au pied de la lettre. Inutile, donc, de chercher à les rattacher à des lieux précis. Le meilleur exemple est sans doute l’auberge du bon Samaritain, que l’on peut visiter aujourd’hui non loin de Jéricho. Il faut simplement oublier le temps de la visite que cet épisode des évangiles est une parabole racontée par Jésus... (Lc 10,25-37).

         D’autres localisations n’ont pas de fondement biblique précis et sont plutôt tirées d’écrits postérieurs, comme les évangiles apocryphes et les Pères de l’Église. C’est le cas de la « Grotte de la Nativité », à Bethléem. Jésus est-il né dans une grotte? Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas ce que disent les évangiles, même que le texte grec de l’évangile de Matthieu laisse plutôt croire que Jésus est venu au monde chez Joseph, tout simplement (Mt 1,24-25).

    « Cherchez et vous trouverez » (Mt 7,7)

         Pour comprendre la présence en Terre Sainte de tous ces lieux bibliques dont plusieurs ont un lien très ténu avec l’histoire, il faut se rappeler que ce sont des pèlerins chrétiens qui, dès les premiers siècles de notre ère, furent parmi les premiers à identifier certains sites de Terre Sainte avec des passages de la Bible. Leur souci, cependant, n’était pas la valeur historique de l’association, mais sa valeur symbolique et spirituelle.

         Lorsque les pèlerins s’arrêtaient pour se reposer et pour se revitailler, ils en profitaient pour prier et se recueillir. Et bien sûr, ils méditaient sur tel ou tel épisode biblique qui aurait pu s’être déroulé à cet endroit. Si les pèlerins s’arrêtaient à telle source, sans doute en profitaient-ils pour se rappeler la rencontre de Jésus et la Samaritaine au puit de Jacob (Jn 4,1-42). Et lorsqu’ils faisaient halte à l’ombre d’une montagne au désert, peut-être se commémoraient-ils les tentations que Jésus a eu à subir (Mt 4,1-11). À la longue, on a associé ce lieu de halte à l’épisode biblique lui-même.

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    Le puits de Jacob, à Naplouse.
    (photo : C. Boyer)

         Il y a ainsi, en Terre Sainte, bien d’autres lieux que la tradition a rattachés à différents passages des évangiles dès les premiers siècles et jusqu’à nos jours, mais qui n’ont aucun lien véritable avec l’histoire. On peut donc aujourd’hui visiter l’arbre dans lequel monta Zachée à Jéricho... ou encore le rocher sur lequel s’était posé Jésus lorsqu’il multiplia les pains en Galilée... le trajet exact emprunté par Jésus portant sa croix à Jérusalem...  et même le lieu précis où Jésus aurait amorcé son ascension au ciel à partir du mont des Oliviers et qui porte encore la trace de son pied...

    « Cherchez d’abord son royaume et sa justice » (Mt 6,33)

         À ceux qui seraient tentés d’être un peu attristés par le coté légendaire de plusieurs lieux saints, il faut rappeler deux choses. Premièrement, le christianisme est une religion qui s’inscrit fortement dans l’histoire; le message de Jésus, pour être valide, doit absolument s’être incarné dans un individu ayant réellement existé à une époque précise et dans un lieu identifiable. Et c’est exactement le cas : le personnage de Jésus a véritablement existé et il a bien vécu en Terre Sainte au début du premier siècle de notre ère. Le reste est très important et intéressant dans une perspective historique, mais est beaucoup plus intéressant qu’important dans le cadre de la foi.

         Dès lors, il est normal que pour les chrétiens les lieux saints agrémentent la foi et ne lui servent pas de pilliers. Les lieux saints peuvent être très propices au recueillement et à la prière, ils fournissent des occasions de réflexion, mais ils restent secondaires. Est-ce que la personne de Jésus perd de sa valeur du fait qu’on ne puisse pas identifier avec certitude les différents lieux qu’il a visités lors de ses déplacements en Terre Sainte? Bien sûr que non. Est-ce que les Béatitudes et les paraboles de Jésus perdent leur sens si on ne sait pas précisément sur quelle colline Jésus était assis lorsqu’il les a prononcées? Sûrement pas. La pertinence du message de Jésus ne dépend pas du tout de la valeur historique des lieux saints.

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    Vue sur le lac de Tibériade à partir du « mont des Béatitudes ».
    (photo : C. Boyer)

         Deuxième chose : existe-il des sites bibliques réellement historiques en Terre Sainte? Bien sûr, et il y en a plusieurs qui sont rattachés précisément à l’histoire de Jésus. On ne peut pas souvent affirmer avec certitude « Jésus a marché ici et là précisément », mais bien des sites peuvent être identifiés avec un haut degré de certitude comme ayant réellement été fréquentés par Jésus. C’est le cas par exemple de certaines localités de Galilée, notamment Capharnaüm, où ont été retrouvés des restes d’habitations de l’époque de Jésus ainsi que les fondations d’une synagogue du Ier siècle (voir Mc 1,21).

         C’est aussi le cas de Jérusalem, bien sûr, dont la vieille ville actuelle chevauche celle de l’époque de Jésus sur à peu près la moitié de sa superficie. Les murailles et les portes actuelles ne sont pas celles qu’a franchies Jésus et la ville qu’a connue ce dernier était plus basse de quelques mètres par rapport au niveau actuel, mais la Jérusalem de l’époque n’est pas totalement perdue. On peut par exemple visiter, sous une partie de la vieille ville, le « Quartier hérodien », qui présente les restes de riches habitations détruites lors de la guerre juive de 66-70 et qui représentent tout-à-fait le type de demeure dans laquelle vivaient Caïphe et les autres grand-prêtres. On peut aussi visiter les restes du palais d’Hérode, qui servait de résidence aux gouverneurs à l’époque romaine et qui est probablement l’endroit où Jésus fut condamné à mort par Pilate (Mc 15,1ss).

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    Le sous-sol de la vieille ville de Jérusalem contient des vestiges
    de riches demeures juives datant du Ier siècle.
    (photo : C. Boyer)

         Le temple de Jérusalem n’existe plus, il a été détruit par les Romains durant la guerre juive, mais le grand parvis sur lequel il était érigé et où s’est vraisemblablement déroulé l’épisode des marchands du temple est encore accessible (Mc 11,15-18). Une partie du mur qui entourait ce parvis est d’ailleurs toujours debout, c’est le fameux mur des Lamentations. Et un peu plus au sud, on peut visiter un site archéologique comportant les restes d’escaliers et de bains rituels associés au temple ainsi que le tracé de deux portes qui donnaient accès à l’esplanade.

         Lorsque Jésus se rendait à Jérusalem à partir du mont des Oliviers, il avait nécessairement sous les yeux les tombeaux de la vallée du Cédron, qui sont encore debouts aujourd’hui. Et à Jérusalem, il a fort possiblement emprunté l’escalier de pierre datant de l’époque hasmonéenne qui se trouve aujourd’hui sur le terrain de l’église Saint-Pierre-en-Gallicante et qui est toujours accessible.

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    Cet escalier à Jérusalem existait et était utilisé à l’époque de Jésus.
    (photo : C. Boyer)

    « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts » (Lc 24,5)

         Certains sites qu’on peut associer à Jésus étaient à son époque situés hors des murs de Jérusalem mais sont aujourd’hui à l’intérieur des murailles actuelles de la vieille ville. C’est le cas de la piscine de Bethesda, cette « piscine aux cinq portiques » où l’évangile de Jean situe la guérison d’un infirme par Jésus (Jn 5,1-18). C’est le cas aussi de ce qui pourrait bien avoir été le lieu du Golgotha ainsi que le lieu de la tombe de Jésus et qui ont été intégrés à l’église du Saint-Sépulcre; on peut en effet y voir les restes d’un monticule ainsi que les tombes d’un cimetière utilisé au Ier siècle de notre ère.

         Bien sûr, il y a toujours les différentes régions de la Terre Sainte, qui sont rattachées à leur façon à divers passages des évangiles. Notamment la Galilée, où Jésus a passé la majeure partie de sa vie, et le pourtour du lac de Tibériade, qu’il a fréquenté avec ses disciples. Il y a aussi le fleuve du Jourdain, où Jésus a été baptisé par Jean Baptiste (Mc 1,4-11), et qui, avant de se déverser dans la mer Morte, passe non loin de Jéricho, où Jésus a guéri le mendiant aveugle Bartimée (Mc 10,46-52).

         Comme on le voit, des sites en Terre Sainte qui bénéficient d’un haut degré de certitude quant à leur rapport historique avec Jésus, il en existe. Si tous les lieux saints n’ont pas le fondement historique qu’on leur souhaiterait et s’il faut souvent beaucoup d’imagination pour se représenter la Palestine à l’époque de Jésus même en étant sur place, Jésus n’est jamais vraiment très loin.

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    Chrystian Boyer

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