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    La chair du Christ, vraie terre promise (2/2)

    Tertullien, voulant prouver dans son De carnis ressurectione 26 que la chair doit ressusciter, assimile la terre à la chair de l'homme : « Les Juifs pensent que la terre sainte c'est leur propre sol, alors qu'il faut l'interpréter de la chair du Christ et par suite voir aussi une terre sainte chez ceux qui ont revêtu le Christ, une terre sainte par l'habitation de l'Esprit... si bien que cette terre est à la fois le temple de Dieu et Jérusalem ». À la terre sont liés les dons du pain, de l'huile, de l'eau et du vin qui deviennent chez Tertullien la préfiguration des sacrements.

         Hippolyte de Rome commente le texte de Genèse 49,15b : II vit que la terre était féconde : « Cette terre représente la chair de notre Seigneur qui est féconde, c'est-à-dire fertile, car c'est d'elle que coulent le lait et le miel » (CGS 1, pars 2, p. 63).

         La tradition apostolique, lorsqu'elle parle de l'offrande eucharistique, reprend le même symbolisme : « Il bénira le pain pour représenter la chair du Christ, la coupe où est mêlé le vin pour représenter le sang qui a été répandu pour tous ; pour l'accomplissement de la promesse faite à nos pères, lorsque Dieu dit : « Je vous donnerai une terre ruisselante de lait et de miel ». Or c'est le Christ qui nous l'a donnée, c'est sa propre chair dont se nourrissent les croyants comme de petits enfants » (23).

    La chair du Christ, la terre promise : sacrements de l'Église

    Terre-promise-2.jpg

    Nicolas Poussin (1594-1665)
    L'automne ou La grappe de Canaan, circa 1660/62
    De la série Les quatre saisons
    Huile sur toile, 118 x 160 cm
    Musée du Louvre (Paris)

         Josué avait envoyé des explorateurs avant la conquête de la terre. Ces derniers lui ramenèrent une grande grappe attachée à un bois. Clément d'Alexandrie applique ce symbole au Christ : « La grande grappe, c'est le logos pressé pour nous » (Ped 2,19,3). Le Christ est donc la grappe de la terre promise. Le repos, c'est-à-dire la terre promise, s'identifie au Christ signifié dans cette grappe.

         Pour Origène, Josué devient la figure du Christ par la ressemblance de son nom (lêsous) et aussi par sa fonction d'introducteur dans la terre promise. La typologie de Josué avait déjà été exploitée par la lettre aux Hébreux 3,7-4,11 et par Justin. Pour les Juifs nul n'est plus grand que Moïse. Les Chrétiens se plairont à montrer que dans la personne de Josué Dieu manifestait la supériorité de Jésus sur Moïse (Dialogue 75,1-2). Josué a ordonné une nouvelle circoncision, figure de la circoncision spirituelle opérée par le Christ (Dialogue 113,6).

         Origène greffe sur le thème de la terre promise celui de la chute de Jéricho avec l'épisode de Rahab qui reçut les envoyés de Josué et les sauva du roi de Jéricho. La tradition chrétienne avait célébré la foi de Rahab (He 11,31) et ses œuvres (Jc 2,25) et avait exploité la typologie du cordon d'écarlate (1 Clément 12). Rahab était ainsi élevée au rang de symbole des Gentils rachetés par le sang du Christ (Tertullien, Adv. Judaeos 10).

         De plus, la terre est à la fois le don définitif et le siège permanent des combats de Josué et du peuple. Elle symbolise l’âme chrétienne unie au Christ par les sacrements, car le Royaume est au-dedans de nous. La vraie guerre sainte se trouve à l'intérieur du chrétien. Des combats l'attendent après le baptême : « C'est en toi qu'est le combat qu'il faut livrer, à l'intérieur de toi l'édifice de malice qu'il faut détruire; ton ennemi sort du fond de ton cœur » (Origène, Hom 5,2 sur Josué). Comme les Cananéens demeurèrent en Ephraïm, de même l'ivraie demeurera dans l'Église jusqu'à la fin.

         Le chrétien doit tourner son regard vers la terre qui contient la Jérusalem d'en-haut. C'est là l'objet de son espérance (Hom 17,1 sur Josué). Au-dessus du monde planétaire Origène voit le vrai ciel et la vraie terre sur le modèle desquels ont été formés le ciel et la terre d'ici-bas. Le ciel et la terre d'ici-bas devraient porter le nom d'aride pour les distinguer du vrai ciel et de la vraie terre (Hom sur Ps 36,2,4).

    Jérusalem signifie vision de paix. Si nous avons construit Jérusalem dans notre cœur, c'est-à-dire, si nous avons établi dans notre cœur une vision de paix et que nous contemplions et conservions toujours dans notre cœur le Christ qui est notre paix, si vraiment nous sommes tellement fermes, tellement inébranlables dans cette vision de paix : nous pourrions dire que nous sommes dans Jérusalem et que seuls les saints habitent avec nous. (Origène, Hom 21,2 sur Josué)

         Jean Cassien dans sa quatorzième conférence revient sur ce thème : « Au sens historique Jérusalem sera la cité des Juifs; au sens allégorique. l'Église du Christ; au sens anagogique, la cité céleste qui est notre mère à tous; au sens tropologique, l'âme humaine que nous voyons souvent loué ou blâmé par le Seigneur sous ce nom. »

         Pour entrer en possession de la terre promise, il faut suivre Jésus le nouveau chef de l'Israël spirituel. Dans l'autel construit par Josué avec des pierres intactes, Origène voit les pierres vivantes du Christ mystique (Hom 9,1-2) et dans la lecture de la loi ordonnée par Josué il voit l'annonce de la loi nouvelle inscrite par Jésus sur les tables de chair de notre cœur (Hom 9,3). À travers les gestes de Josué se manifestent les mystères du Christ qui se poursuivent dans son Église : Jésus est le destructeur de Jéricho (7,1), celui qui rebâtit son héritage (13,3) et distribuera l'héritage éternel et donnera à la terre le repos (15,7).

         Cyrille de Jérusalem donnera lui aussi sur le cycle de Josué un résumé de catéchèse dans sa dixième catéchèse. Grégoire de Nysse invite également le chrétien au passage spirituel du Jourdain (De Baptismo PG 46,420C-421). La liturgie du lundi de Pâques chante : Le Seigneur vous a introduits dans une terre où coulent le lait et le miel. Ceux qui sont renés du baptême passent de la mort à la vie et sont introduits dans la terre promise aux pères.

     

    Frédéric Manns

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    Source www.interbible.org

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