• «Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » Revue MESSAGE

    Extrait de MESSAGE  page 8-9 Mars/Avril 2015

    «Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort »

    J’écris ce mot à la veille de Noël en méditant la venue de Dieu au milieu des humains, dans la faiblesse et la vulnérabilité d’une chair d’enfant. Dieu venu incognito et resté tel si les anges ne s’en étaient mêlés pour révéler le mystère étrange. Dieu nouveauné, Dieu fragile, Dieu sans défense qui se donne à aimer, soigner, langer, porter, éduquer…

    Dieu qui revêt comme seul manteau de gloire la chair des humains en sa fragilité extrême. Dieu qui épouse la condition humaine, jusqu’en ses humeurs, jusqu’en ses odeurs, jusqu’en sa finitude. Le mystère de Noël ne s’éclaire qu’à l’ombre de la croix, quand l’enfant devenu homme se donne à haïr, blesser, moquer, cracher, assassiner. La fragilité de Dieu s’est laissé deviner dans l’enfant nouveau-né puis voir dans le crucifié.

    Paul, l’apôtre, n’a eu justement de cesse de méditer l’événement «Jésus», de Bethléem au Golgotha, de Noël à Pâques, pour tenter d’en saisir les retentissementspour lui-même, pour Israël, pour le monde. Et dans ses lettres à ses amis de Corinthe, il n’en finit pas de chercher à comprendre, dans le concret de l’existence, au coeur des relations humaines, ce que signifie être disciple du Christ, lui appartenir, être chrétien.

    Dans la deuxième lettre aux Corinthiens, Paul ne parle pas de cela intellectuellement, depuis son bureau, en spéculant. C’est à partir de son expérience concrète, de sa chair blessée, qu’il en parle. S’il nous est impossible de savoir ce qu’était l’écharde dans la chair (souffrance morale ? faiblesse physique ? peu importe), nous savons par contre dans quel tourment l’apôtre s’est trouvé. Paul nous livre pudiquement ce que dans l’intimité du dialogue avec Dieu il a demandé et n’a pas obtenu. Plutôt que de faire du refus de Dieu le lieu d’une révolte ou le signe d’un abandon, Paul en fait le signe même de son apostolat. C’est dans sa faiblesse et sa vulnérabilité que se donne à voir le trésor qu’est le Christ. Ce que Paul dit autrement ailleurs
    dans sa lettre (4, 7) : « Ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous. »
    Or, n’est-ce pas aussi le parcours du Christ, traversant l’existence humaine : laisser apparaître le trésor de Dieu dans la faiblesse ? Le Dieu que Paul sert, n’a-t-il pas vécu dans sa chair la fragilité humaine ? N’est-ce pas dans la faiblesse et la vulnérabilité que le Christ donne à voir jusqu’où va l’amour de Dieu ? Paul n’a donc pas jugé indigne de son ministère d’être, à sa mesure, faible avec le Christ, vulnérable avec le Christ. Au contraire. Il a estimé comme un honneur que, par le vase qu’il est, la lumière du Christ soit portée et jamais confondue avec lui-même.

    Ce n’est justement pas le chemin emprunté par les adversaires de l’apôtre, les super apôtres qui se targuent des révélations ou expériences mystiques pour s’imposer aux chrétiens de Corinthiens. Au temps de Paul déjà, et aujourd’hui plus que jamais, c’est la force apparente, c’est la puissance, voire la toute-puissance des actes ou du discours, qui fait rêver, qui attire les êtres humains et les fascine. Et cette fascination guette aussi l’Eglise, les Eglises, qui pour se maintenir sont tentées de se donner à voir, dans l’apparat ou le miracle, selon les traditions. Or le Christ que Paul prêche n’est jamais que le crucifié (1 Co 2, 2), autrement dit l’impensable, le méprisable, le Dieu inimaginable.

    Loin des manifestations de puissance, des démonstrations glorieuses – pourtant l’apôtre aurait aussi pu en faire valoir – Paul se réjouit de sa faiblesse et de sa vulnérabilité qui laissent voir le Christ. Comme une amie, aujourd’hui décédée d’une longue maladie invalidante, le disait – elle en avait fait une sculpture – « Heureux les fêlés, ils laissent passer la lumière ».
                  

    Bernard Bolay, pasteur EERV

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