NUCLEAIRE – L’habile "construction" de la mémoire… pour mieux l’oublier
Le Centre mondial de la paix de Verdun est une imposante bâtisse – en fait l’ancien bâtiment de l’évêché-, construit à quelques encablures à peine de la cathédrale. Là se déroulent des colloques, expositions et autres manifestations alimentant la réflexion et la mobilisation pour la paix. Du 15 au 17 septembre, la conférence qui va se dérouler là est plus surprenante : il s’agit de faire mémoire des futurs déchets nucléaires qui vont être enfouis dans nos sous-sols. Est-ce que Verdun est bien le lieu pour faire mémoire de cela ?
Organisée avec le soutien de l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) et les grands organismes européens du même genre, cette conférence, qui sera proposée à quelques invités triés sur le volet, veut réfléchir à la préservation des documents, de la connaissance et de la mémoire (DCM) susceptibles d’être malmenés par le temps qui passe. Une bonne question en effet quand il s’agit de déchets radioactifs dont les échelles de temps se comptent pour certains en centaines de milliers d’années. Il s’agira donc, dit la présentation de cette conférence, dans un ton quasi biblique, de préserver ces DCM de "génération en génération".
La mise en œuvre de cette préservation doit être préparée tant que l’intérêt pour ce sujet est fort et le financement disponible. Cette conférence se veut une plate-forme d’échange pour les spécialistes et parties prenantes de la préservation de DCM en général et plus particulièrement de DCM liés aux déchets radioactifs. Elle leur permettra de discuter des perspectives, des projets en cours et des défis à affronter, mais aussi de construire des synergies. L’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire présentera les résultats de l’initiative internationale qu’elle coordonne sur ce thème.
Prometteuses donc, ces discussions sur la manière dont les "synergies" et les financements d’aujourd’hui vont assurer la maitrise de la mémoire du passé dans le futur ! Mais l e programme de la conférence montre clairement qu’il s’agit en fait d’évoquer le futur centre de déchets radioactifs en cours de construction à Bure (Meuse) à quelques kilomètres de là (sous la forme d’un laboratoire…). Avec le "court terme", jusqu’à la fermeture du centre, bien rempli de déchets venus des 48 réacteurs français (et qui sait ? peut être aussi d’ailleurs). Et le "moyen terme", dit de "période de surveillance continue". Ensuite (quand ?), viendra le "long terme", dite "période sans surveillance", précise simplement le programme de la conférence. Pour être bien sûr qu’on ait compris de quoi on parle, une visite du laboratoire souterrain de Bure est aussi prévue, au choix, avec la visite de lieux de mémoire à Verdun !! Pour le dire en bref, cette collusion si habile entre la mémoire d’un des conflits les plus sanglants du XXe siècle et celle, discrètement organisée, de déchets dangereux confiés aux bons soins des générations futures, est d’un très mauvais goût. Que les industriels du nucléaire se posent des questions, entre deux petits fours, sur leur responsabilité et sur le poids de leur activité laissé aux autres, est peut être honorable. Mais qu’ils le fassent dans un centre dédié à la paix, pas loin des mémoriaux où sont enfouis les corps de soldats sacrifiés par la folie de la guerre, est insupportable. L’élégance aurait voulu qu’on comprenne cela et qu’on organise de tels rendez-vous de pure communication ailleurs. Mais il semble bien que l’élégance et le respect des vivants et des morts ne pèse pas lourd sur la balance pour l’Andra. DL
source http://ecologyandchurches.wordpress.com