• S’immerger dans le sens profond du Carême - Élisabeth

    S’immerger dans le sens profond du Carême

    Le Carême avec ses pratiques d’abstinence, de jeûne, nous interpelle, nous appelle, nous interroge, creuse en nous une place : une place pour Dieu, pour le Christ.

    Cette période de dévotion a été instituée par l’Eglise catholique au IV siècle en référence aux 40 jours de jeûne de Jésus Christ dans le désert.

    Mais le Carême, ne nous prépare-t-il pas aussi à autre chose ? Une montée, un accompagnement, une dépossession de soi, un appauvrissement, une méditation…une marche aussi, mais en vue de quoi ? Qu’est-ce qui nous attend ? Qu’allons-nous commémorer ? Où allons-nous ?

    C’est un temps, et nous avons peut-être tendance à l’oublier, à nous préparer, nous qui sommes son corps mystique à la Passion du Christ. Sommes-nous prêts, là où nous sommes, à comme lui, de choisir librement, par amour, en accord avec le Père,  à donner notre vie pour racheter celle de nos frères en humanité ?

    Le Carême nous prépare, ni plus ni moins à la Croix. 

    O croix de Jésus Christ, O croix dressée sur le monde ! 

    Durant la fête de Pâques nous fêtons la mort et la résurrection du Christ. Nous commémorons la Passion du Christ, nous exaltons sa croix : croix douloureuse, croix dressée sur le monde, croix glorieuse.

    La célébration de cette croix qui témoignage de la souffrance et de l’agonie du Christ, reste encore aujourd’hui, comme il y a deux mille ans, difficilement compréhensible, même pour le croyant. Bien sûr, il ne la qualifiera pas de folie ou de scandale comme à l’époque, il se satisfera de la vivre comme l’objet d’une grâce incompréhensible ; elle demeura pour lui,  un mystère insondable.  

    Le sens de cette croix est si difficile à saisir qu’il est devenu dans le langage courant, synonyme de difficultés de toutes sortes, de fardeaux, d’épreuves, dont on n'aimerait bien se passer, se débarrasser mais qu’il nous faut supporter vaille que vaille.

    Il n’est pas rare, lorsqu’une personne vous raconte ses soucis, qu’elle termine sur un ton résigné : « C'est ma croix », comprendre c’est mon « boulet » ; à moins que ce ne soit nous qui lui disions en soupirant, pour très étrangement la réconforter : « Eh oui, c’est difficile ce que tu vis mais c'est ta croix ; on a chacun la nôtre ».

    Tout est dit. 

    Vraiment ? 

    Si la croix c'est réellement cet « enfer » comment comprendre que le christ nous demande de la prendre pour le suivre : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. » ? (Mathieu 16,24) Comment comprendre qu’elle est le signe du plus grand amour ?

    Et si nous la regardions autrement, avec le regard du Christ ? 

    Qu’est-ce que la croix ? Un « saut » (pessa’h en hébreu, mot traduit par « pâques ») de la mort à la vie. 

    Un lieu de passage. L’unique, qui transmute notre nature humaine en une nature divine. 

    Elle est passage parce qu’elle est ouverture ; elle est ouverture parce qu’elle est blessure. Une brèche est faite dans notre armure, « notre égo ». Par cette entaille, nous sommes devenus vulnérables et parce que nous nous sommes touchés, nous pouvons être touché par la blessure de l’autre : nous nous humanisons, nous divinisons. 

    Car plus je m’humanise, je devrais écrire, plus je « m’admise », plus je deviens à la ressemblance de Dieu, plus je me divine. 

    La croix est le point de jonction et de rencontre entre l'homme et Dieu,  le passage par lequel l’Adam né de la adama « la terre » accède à la ressemblance, devient fils du Père à la suite du Fils qui lui a montré ce chemin.

    La croix que le christ me demande de porter est le lieu de ma transfiguration , si je ne la fuis pas, si je ne la maudis,  si je ne me laisse pas écraser par elle ; si je l'empoigne avec amour et la dresse sur le monde. Ce n'est qu' ainsi, prise à plein bras,  debout, qu'elle est le lieu de toutes les grâces : « Il faut que le fils de l'homme soit élevé de terre... ».

     Ce n'est qu' ainsi qu'elle est offrande, parce que don totalement consenti. Ce n'est qu' ainsi qu'elle est Salut pour le monde.

    Aussi, prendre ma croix et te suivre, Seigneur, c'est à ton imitation réalisée toutes ces choses. Tu viens m’apprendre que c'est là, au cœur de ma blessure et seulement la, que peut s'accomplir l'œuvre du grand alchimiste qui transforme le plomb en or, l'obscurité en lumière.

    Si je sais faire de cette croix pesante un formidable levier qui me propulse hors de moi, alors mon cœur de pierre deviendra cœur de chair, cœur du Christ, cœur de Dieu.  

    Je pourrai crier : « J’ai soif ! »  Soif de toi mon Dieu,  soif d'un Dieu qui a soif de moi,  qui n’hésite pas à boire la coupe,  pour me rejoindre au seul endroit où je me laisse atteindre : ma blessure.  

    Tout le long du livre du Cantique des cantiques, la bien-aimée compare son Bien Aimé à une gazelle et à un faon, le petit du cerf.  

     Le cerf est le roi de la forêt. Par sa haute ramure qui se renouvelle périodiquement il est comparé à l'arbre de vie et symbolise la fécondité, les rythmes des croissances et la lumière car il guide vers la clarté du jour. Quand il a soif, quand il recherche une compagne son appel rauque est irrésistible ainsi en est-il de l'appel de Dieu. 

    Son amour plus fort que la mort,  nulle ne saurait l’entendre sans en être ébranlé jusqu'en ses fondements et sans y répondre. 

    En hébreu gazelle se dit, tsvi.

    Dans le verset l'expression employée est: létsvi. La préposition de comparaison est collée au nom. On peut alors lire en permutant les lettres, le mot tselvi qui signifie, « ma croix ».

    Mon Bien Aimé est comme l'arbre de la Croix,  qui dégoutte de myrrhe... de ses blessures suintent une résine de prix,  sang et larmes, sève de vie pour le rachat, le pardon et la vie éternelle.  Saisissons-nous des branches de cette croix lyre pour en extraire les plus beaux chants d'amour et de louanges, pour chanter le chant nouveau de la délivrance. 

    Le faon se dit, Opher. Ce mot, lu Aphar signifie « cendre ». Cendre sur mon front, poussière du mercredi des cendres, signe de la folie d’amour d’un Dieu qui nous aime jusqu’à nous donner son « fils » pour qu’aucun d’entre nous ne se perde. 

     

                                                                               Elisabeth Smadja

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