• Un récit revisité... et déroutant - docteur Sébastien Doane

    COLLABORATION SPÉCIALE: Jean Grou, rédacteur en chef de Prions en Église

    Le mardi 13 février dernier, j’assistais à la soutenance d’une thèse de doctorat à l’Université Laval. Son titre? Analyse de la réponse du lecteur au récit des origines de Jésus en Mt 1 – 2. Son signataire? Sébastien Doane, auteur pour les Éditions Novalis et collaborateur régulier de Prions en Église. En plus d’être aussi chroniqueur à l’émission Plus on est de fous, plus on lit, à Ici Radio-Canada Première, il vient d’être engagé comme professeur d’Écritures saintes à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval.

    Pour toute personne arrivée au bout du parcours de la recherche et de la rédaction d’un doctorat, soutenir sa thèse devant un jury et des membres de son entourage est toujours un moment stressant, pour ne pas dire éprouvant. Sébastien Doane s’en est tiré avec brio, répondant aux questions des examinateurs avec éloquence et précision. Ces derniers n’ont d’ailleurs mis que quelques minutes à délibérer avant de rendre leur décision unanime et féliciter le nouveau docteur. Celui-ci était visiblement soulagé et ravi.

    Comme son titre l’indique, la thèse porte sur les deux premiers chapitres de l’Évangile selon Matthieu, que l’on appelle parfois «le récit de l’enfance de Jésus». Ses épisodes nous sont si familiers que nous pouvons avoir l’impression de les connaître par cœur : Marie enceinte avant d’avoir «connu» Joseph, le songe de ce dernier et sa décision d’accueillir l’enfant chez lui, la visite des mages, la fuite en Égypte, le massacre des petits innocents de Bethléem, le retour de la famille de Jésus en terre d’Israël et son installation à Nazareth. Je n’ai pas encore lu la thèse de Sébastien, mais il laissait entendre dans sa présentation qu’il a découvert dans ces textes archi-connus des éléments insoupçonnés, étonnants et même subversifs.

    Le doctorant a procédé à un examen en détail des deux premiers chapitres de Matthieu selon une méthode relativement récente dans le domaine des études bibliques appelée «analyse de la réponse du lecteur». Elle consiste à se demander comment le texte «agit» sur la personne qui le lit, quels effets provoque-t-il chez elle? L’auteur s’est attardé particulièrement à ce qu’il considère comme des «éléments ambigus». Ainsi, le nom de cinq femmes apparaît dans la généalogie de Jésus, alors que ce type d’écrits dans la Bible n’énumère habituellement que des hommes. De plus, le nombre des générations mentionné au verset 17 ne concorde pas avec la liste d’engendrements dans les versets 1 à 16. Aussi, en quoi Joseph peut-il être qualifié de «juste»? Ce n’est pas si évident quand on y regarde bien. Et puis, comment un astre peut-il indiquer précisément un lieu? Sans compter que le rapprochement qu’on fait habituellement entre cet astre et Nombres 24, 17 pose certaines difficultés… Mentionnons finalement la référence à une citation des Écritures (Matthieu 2, 23: «Il sera appelé Nazaréen»)… qui n’apparaît nulle part dans l’Ancien Testament!

    Contrairement à ce qu’une recherche exégétique plus traditionnelle ferait, la thèse ne cherche pas à retracer les intentions de l’auteur (ce qui demeurera toujours hypothétique), mais en quoi ces éléments «étranges» agissent sur le lecteur. Pour ce faire, Sébastien s’est lui-même prêté au jeu en relevant ses propres réactions, bien ancré dans tout ce qu’il est, avec ses présupposés, sa culture, sa condition masculine, sa paternité, sans prétention aucune à l’objectivité pure. L’intérêt de sa démarche est d’inscrire le lecteur ou la lectrice dans l’acte interprétatif du texte. Comme le signale le résumé de sa thèse : «En tablant sur les effets produits par le texte, il appert que dès les premiers versets, l’Évangile selon Matthieu cherche à dérouter ses lecteurs pour le préparer à lire un récit déconcertant.»

    Déconcertant, en effet, en raison de son message central dont nous avons peut-être perdu le caractère inouï, improbable et renversant: Christ est ressuscité.

    Image: the knitted Bible, Kate (2013)

    source  http://www.carnetsduparvis.ca/

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