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    Une autre terre promise

    terre-promise.jpg En étudiant le sens de la terre dans la Bible et chez les pères de l'Église, Frédéric Manns nous invite à porter un  autre regard sur le don de la terre.

         « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ». La Torah comme livre de commandements débute avec le chapitre 12 du livre de l'Exode. Mais ces commandements exigeaient une préface pour expliquer ce que Moïse et Aaron faisaient au pays d'Égypte, alors que leur terre était celle des Hébreux. Rashi, dans son commentaire du livre de la Genèse écrit :

    Si les nations du monde disent à Israël : « Vous êtes des brigands, puisque vous avez conquis les terres des sept nations », Israël leur répondra : « Toute la terre appartient à Dieu. Il l'a créée et l'a donnée à qui est droit à ses yeux. De par sa volonté il la leur a donnée et de par sa volonté il la leur a reprise et nous l'a donnée. »

         Le problème soulevé par ce texte est le suivant : la relation de Dieu à l'homme passe-t-elle par l'impersonnel des lois de la nature ou bien, comme le dit le récit biblique, cette relation passe-t-elle par l'histoire humaine et par l'histoire d'Israël. Dans le premier cas, Dieu serait le Dieu des philosophes, dans le second, il serait le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.

    Les sens du don de la terre

         L'installation en terre promise s'est révélée comme une préfiguration de la possession paisible que les derniers temps allaient assurer à Israël et que devait marquer une extraordinaire fécondité des vignobles. « Les montagnes distilleront du jus de raisin et toutes les collines se liquéfieront... Ils planteront des vignes et en boiront le vin. » (Am 9,13-14) À cette implantation définitive sur la terre : des promesses correspondent chez Osée et Jérémie le thème des épousailles irrévocables de Yhwh avec son peuple. Le vin, l'huile et le blé jouent de nouveau un grand rôle dans cette allégresse nuptiale.

         Pour Origène. dans son Traité des Principes 4,2,8, « ce qui est étonnant c'est qu'à travers des histoires de guerre, de vainqueurs et de vaincus des mystères sont révélés à ceux qui savent examiner cela. Et ce qui est encore plus admirable c'est qu'à travers la législation que contient l'Écriture les lois de la vérité sont prophétisées et tout cela est écrit en ordre logique avec une puissance convenant à la sagesse de Dieu ». Dans son Commentaire sur le livre de Josué, Origène reviendra sur le problème de la terre donnée à Israël.

         Le judaïsme avait donné différentes significations du don de la terre. Pour les Esséniens les humbles qui hériteraient de la terre étaient les fils de lumière qui entraient dans la communauté de l'alliance. Pour Philon d'Alexandrie la terre était le symbole de la sagesse que Dieu donnait. Pour les Pharisiens le don de la terre symbolisait le don de la vie éternelle.

         La tradition biblique avait rapproché les termes Adam et Adamah (la terre). La terre représente en effet la matière avec laquelle fut façonné Adam, le terreux. Elle est le symbole de la chair d'Adam. Du coup, la terre promise peut représenter aussi la chair du nouvel Adam, c'est-à-dire la chair du Christ. L’assimilation sera faite dès le deuxième siècle par l'Épître de Barnabé, par Tertullien et Hippolyte.

         La terre promise représente non seulement le corps du Christ dans sa nature humaine, mais toute la nouvelle création recréée dans le Christ (Barnabé 6,13). C'est par le baptême que les chrétiens sont introduits dans une terre excellente. Si la terre est le Christ, elle est aussi l'Église, c'est-à-dire les chrétiens incorporés au Christ.

         Cette terre promise est un symbole de vie parce qu'elle est une terre de liberté par opposition à l'esclavage en Égypte et terre de fécondité par opposition au désert.

         Le Christ, nouvelle terre promise, est symbole de Vie parce qu'il est le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14,6). Il est celui qui nous donne la semence de Vie éternelle, la Bonne Terre qui s'unit à notre terre (ls 62,4) qui n'a plus assez de richesses en elle pour que nous puissions, à notre tour, produire à nouveau de bons fruits. Tout jardinier sait qu'il faut amener de la nouvelle terre pour mélanger à l'ancienne afin qu'elle produise à nouveau car celle-ci est épuisée, elle a perdu sa vitalité! Cette terre ancienne et nouvelle, c'est l'Église. À la fin des temps, la terre pauvre, marquée par le péché va disparaître, il n'y aura plus que la terre nouvelle (Ap 21,1-2).

         La terre glaise du Christ nous apprend la patience du potier qui nous façonne avec l'eau du baptême et le feu de l'Esprit (Mt 3, 11). L’eau représente toutes les potentialités de la création. Jean-Baptiste invite à un baptême de conversion pour retrouver ses potentialités humaines.

         L'eau rend la terre souple, alors que le souffle représente les potentialités divines. L’esprit plane sur les eaux, le souffle symbolise quelque chose de supérieur à l'eau.

         Dans la symbolique de la poterie, l'eau cède sa place au feu, nous n'y voyons pas le symbole du divin qui supprime l'humain car l'humain n'est pas symbolisé par l'eau mais par la terre. Ce sont les potentialités humaines qui sont totalement transcendées par les potentialités divines données par le feu. Autrement dit, l'humanité est divinisée. La terre « enferme », elle a en son centre l'enfer de feu. Autre chose est de marcher sur terre, de la dominer, autre chose est d'être sous-terre, lieu des morts et du feu de l'enfer. Impossible à cet endroit de respirer, pas de souffle de vie possible, c'est le lieu des ténèbres (Dn 7,3.17).

         La terre d'un côté est semence de vie et de l'autre séjour des morts. Ne faut-il pas retourner dans la terre pour renaître à la vie?

    Frédéric Manns

     

    Source www.interbible.org

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