• Deux prophètes : un pompier et un pyromane

    Deux prophètes : un pompier et un pyromane

    Représentation traditionnelle de Jean-Baptiste avec sa peau de bête et son bâton croisé (Jacopo del Casentino).

    Représentation traditionnelle de Jean-Baptiste
    avec sa peau de bête et son bâton croisé (Jacopo del Casentino).

      Exhortation à la vigilance : Matthieu 3, 1-12

    Autres lectures : Isaïe 11, 1-10; Psaume 71(72); Romains 15, 4-9

     Enfant, j’ai vécu des catéchèses des années 80 qui présentaient Jésus comme l’ami de tout le monde. Nous avons une tendance en Église d’adoucir l’image de Jésus, à tel point qu’il risque de paraître mièvre ou tiède. Cette façon de le présenter est d’ailleurs difficile à concilier avec sa crucifixion. Si Jésus était si gentil et doux, pourquoi l’aurait-on exécuté? Le début de l’Évangile de Matthieu souligne pourtant que le ministère de Jean Baptiste était marqué par des propos dérangeants et même violents. Puis, il signale que le ministère de Jésus sera la poursuite de celui de Jean, mais qu’il sera encore plus intense. Alors que le baptême d’eau de Jean est décrit comme une façon d’éviter le jugement par le feu, celui de Jésus est associé au souffle qui embrase un feu éternel. Voici le portrait de deux figures prophétiques, un pompier et un pyromane, qui n’hésitent pas à déranger pour annoncer leur message.

    Le désert : contestation et rencontre de Dieu

         Le ministère de Jean se situe dans un lieu de contestation. Le désert était l’opposé des grandes villes comme Jérusalem qui étaient de plus en plus marquées par la culture gréco-romaine. Jérusalem avait son colisée, son théâtre, son gymnase. Ce sont les Romains qui mettent en place le gouverneur de la Judée et de la Galilée. Ils nommaient aussi le grand-prêtre. Les membres de la communauté de Qumran ont eu le même réflexe que Jean : aller au désert de Judée pour contester le système en place à Jérusalem. Dans la Bible, le désert porte aussi une symbolique importante. C’est le lieu de la rencontre de Dieu par Moïse et le peuple hébreux. Un Dieu qui les a libérés d’une structure d’oppression violente. Le désert est alors devenu un lieu de purification et de préparation pour entrer en Terre promise. En allant au désert, Jean revit l’histoire de la rencontre entre Dieu et son peuple.

    Se convertir pour le Royaume

         Le message prophétique de Jean est présenté comme une prédication en vue d’une conversion pour le Royaume. En grec, le mot pour conversion (metanoïa) implique un retournement, un changement de direction qui implique un changement dans la façon de vivre et d’agir. Jean ne conforte pas ceux qui l’écoutent. Il les met au défi de transformer leur vie de façon radicale. L’objectif est de se préparer pour un royaume différent de celui de l’Empire romain, un royaume des Cieux. La prédication de Jean porte un aspect eschatologique : comme ce nouveau royaume est tout proche, c’est maintenant le temps d’opérer un changement de vie.  

    Fils de…

         Jean n’hésite pas à insulter les pharisiens et les sadducéens. Il les traite « d’engeances de vipères ». Cette expression signifie que leurs parents étaient des serpents. C’est d’ailleurs encore une pratique commune dans notre culture d’insulter les parents d’un interlocuteur. Or, ici cette parole porte une réflexion plus importante que la simple injure. En effet, Jean remet en question un élément clé en Israël. L’alliance avec Dieu était perçue comme quelque chose de généalogique. Dieu a fait une promesse à Abraham, il a donné les Tables de la Loi à Moïse, il a promis un règne éternel à David… et comme fils et filles d’Abraham, les Judéens pensaient que Dieu était automatiquement avec eux. Eh bien! pour Jean, cette façon généalogique de voir la transmission de l’alliance divine ne fonctionne pas. Non seulement Dieu peut faire surgir un nouveau peuple (à partir de pierres), mais Jean annonce que Dieu est déjà en train de juger Israël par des images violentes : Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Ces arbres, ce sont symboliquement les sadducéens et pharisiens auxquels Jean s’adresse. Comme leurs fruits ne sont pas bons, ils seront coupés et brûlés! 

    Jeter de l’eau sur le feu

         En contraste avec l’image du feu qui brûle les arbres, Jean offre un baptême d’eau. Symboliquement, par le baptême de conversion qu’il propose, Jean offre une façon d’être sauvé à ceux qui étaient visés par la destruction par le feu. On pourrait dire que Jean devient une sorte de pompier du salut. Par son baptême d’eau, signifiant un changement radical de vie, il permet d’éviter le jugement de Dieu.

    Un vent pour nourrir le feu

         En contraste avec l’eau du baptême de Jean, celui de Jésus est qualifié de « baptême dans le souffle (esprit) saint et le feu ». Au lieu d’éteindre le feu, symboliquement le baptême de Jésus risque de le propager. Ce qu’on traduit habituellement par Esprit saint est littéralement en grec un souffle divin. Or, on sait bien que la meilleure façon de propager un feu est de souffler sur lui.
     
         L’opération par le vent et la pelle à vanner opère un tri. Le blé est séparé de la paille. Celle-ci sera brûlée par le feu particulier : un feu éternel. Le ministère prophétique de Jésus n’a pas encore commencé qu’il est présenté comme un facteur de purification par le feu. Comme le blé et la paille, les auditeurs de sa prédication seront séparés en deux groupes.

         Cette séparation en deux camps marquée par le feu éternel se retrouve à plusieurs reprises dans l’Évangile de Matthieu. En particulier, la fin du ministère de Jésus (chapitre 25) raconte le jugement de Dieu qui sépare toutes les nations en deux groupes. Le premier pourra accéder au Royaume, l’autre sera jeté dans le feu éternel. Ainsi, le ministère de Jésus en Matthieu est encadré par le jugement de Dieu et l’ardeur de la flamme éternelle. Heureusement, les critères sont simples à suivre pour éviter ce jugement : donner du pain à ceux qui ont faim, de l’eau à ceux qui ont soif, vêtir les personnes nues, visiter les malades et les prisonniers… bref s’occuper des personnes vulnérables puisque le Christ s’identifie avec eux.

         Loin de l’image rose bonbon qu’on donne parfois à Jésus, l’introduction au ministère de Jésus en Matthieu met tout de suite cartes sur table. Comme Jean, Jésus dérange par ses paroles et ses actions prophétiques. On lui attribue une prédication qui use d’images violentes qui peuvent choquer. Elles visent à transformer ceux et celles qui écoutent ce discours. Il en va de même pour les personnes qui lisent cet évangile. Les évangiles annoncent la bonne nouvelle pour provoquer un changement de vie radicale. Tout comme les pharisiens et sadducéens, nous sommes interpellés. Est-ce que l’on tient pour acquise l’alliance de Dieu? Si nos fruits ne sont pas bons, le jugement de Dieu est sans équivoque. N’hésitons pas à nous convertir, en changeant nos vies en vue du Royaume. Ce n’est plus à la mode d’utiliser la peur du feu éternel comme motivation de conversion. Loin de moi l’idée de revenir aux prédications simplistes qui étaient à la mode à l’époque de nos grands-parents. Cependant, à la suite de Jean et de Jésus, nous pouvons nous inspirer de cette image de feu et de vent. Il nous rappelle qu’il faut souffler sur les braises de la passion du Royaume pour enflammer notre monde.                                                                    

     Sébastien Doane, bibliste

     Source : Le Feuillet biblique, no 2510. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    Source www.interbible.org

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