• Entre foi et foi - Stéfan Thériault

    Entre foi et foi - Stéfan Thériault

    Entre foi et foi

    Au Québec, la population, spécialement avec la Révolution tranquille,
    a rejeté la foi au nom de la science.
    La foi était vue comme un obscurantisme moyenâgeux dont il fallait nous débarrasser. Avouons-le, il y avait dans nos pratiques religieuses des formes d'obscurantisme
    qu'il nous fallait bien quitter. En ce qui a trait à la foi, il y a toujours deux aspects :
    l'objet de la foi et l'acte de foi.
    Ce qui pourrait, aussi, être exprimé par les binômes suivants :
    la révélation et l'engagement, la théologie et la sainteté, le don reçu et le don de soi.

    Le cœur de la foi chrétienne a toujours eu comme centre : Dieu, et la relation à Dieu.
    À ce Dieu qui se livre entièrement à nous
    et qui nous engendre comme ses fils et ses filles, nous sommes appelés,
    de par cet Amour, à nous engager à sa suite.
    La foi en Dieu sans l'acte d'engagement, la réciproque relationnelle qu'elle implique, serait vide.
    Ceci dit, la question qui a traversé l'histoire : Qui (ou quoi) est l'objet de notre foi ?

    Tout l'Ancien Testament témoigne du combat humain
    entre la foi en Dieu et la foi dans les idoles que l'humain se crée.
    Au cours des siècles, nous avons vu que l'humain blessé
    cherche à « être comme un dieu » et, dans le même acte,
    à se créer les idoles qui justifieront sa folie.
    Dans les faits, la foi véritable, celle sainement humaine et spirituelle,
    est la contemplation de la réalité et de son accueil et, au creux de cette réalité,
    la contemplation de l'Être, de Dieu, et de l'accueil de sa V(v)ie.
    Elle représente donc une relation vivante à la Vie.

    Quand la foi est blessée en nous, parce que plusieurs personnes n'ont pas cru en nous, nous n'arrivons pas ou nous arrivons difficilement à donner foi en nous
    et à donner foi en l'A(a)utre.
    Nous superposons au réel le visage de notre blessure
    et nous construisons des idoles qui ont le visage déformé de notre enfant blessé
    et de nos agresseurs.
    Et, pour ne pas s'écrouler intérieurement, nous mettons toute notre foi en ces idoles : l'argent, le pouvoir, la connaissance, notre propre personne, etc.

    Si la première éclaire l'intelligence pour lui révéler le sens des êtres,
    notre identité et celles des autres et le mystère de Dieu,
    la seconde y sur-imprime le visage de notre être souffrant et de son mal.
    Au jour le jour, nous célébrons et adorons le mal qui nous a été fait
    et nous le reproduisons.
    Cette reproduction est sans intelligence et profondément irrationnelle.
    Nous sommes prêts à tout détruire pour son maintien, car, comme à l'intérieur de nous, nous nous sommes effacés, à l'extérieur, tout s'est aussi effacé.

    Nous devenons complètement insensibles et aveugles
    en regard de ce que nous détruisons.

    Il me semble que les élections américaines actuelles sont un exemple troublant
    de ce combat en nous (et de son expression à l'extérieur de nous)
    entre une foi fondée sur la négation de nous-mêmes et de l'A(a)utre
    (donc sans vis-à-vis), cristallisée dans une idole et conduite hors de la réalité
    et une foi ancrée dans l'existence de nous-mêmes et de l'A(a)utre et posée dans le réel,
    et donc la vérité, de la V(v)ie. Et, ici, il nous faut bien comprendre trois choses :

    La première est que tout notre engagement ira à l'objet, qu'il soit réel ou irrationnel,
    de notre foi.
    La seconde est que le vrai drame humain est, à cet égard, le drame de l'objet de notre foi. Ce drame se veut, d'un côté, à croire en la mort et sa violence
    ou, de l'autre, à croire en la V(v)ie et en son Amour et sa fécondité.
    La troisième est que la vraie foi ne repose pas sur sa proclamation
    mais sur la relation vivante avec la V(v)ie, avec Dieu.
    À ce sujet, nous ne devons pas nous méprendre.
    Il ne suffit pas de parler en termes religieux pour confirmer que notre foi est vraie. Malheureusement, peut se cacher derrière nos discours religieux
    une foi malhonnête et mercenaire.
    De fait, nous voyons aujourd'hui des groupes chrétiens religieux aux États-Unis
    appuyés Donald Trump, mais ces groupes vivent dans une foi qui,
    tous les jours nient l'humain, Dieu et la réalité.
    Ils croient à une image de Dieu, une idole, qu'ils se sont fabriqués
    mais qui n'est en rien une relation vivante avec la Vérité qui est Dieu.

    Nous avons chacun-e à questionner notre foi et nous demander si nous croyons en Dieu ou en son image, si nous croyons en Dieu ou en des idoles
    bâties à partir de notre blessure et en regard desquelles, tous les jours,
    nous nous engageons et à qui nous consacrons notre vie.
    Vivons-nous dans le réel de Dieu et de notre humanité,
    donc dans la Vie, dans l'Amour et la Vérité ?
    Marchons-nous sur une et notre terre sacrée ?
    Ou continuons-nous à croire en la mort et la violence qui nous ont été faites,
    dans les idoles qui les représentent et qui nous exigent comme sacrifice
    la disparition de nous-mêmes, de l'humain et du divin.

    Puissions-nous vivre une profonde conversion de notre foi en la mort
    vers une foi en la V(v)ie, car c'est cette foi qui nous maintiendra soit en la mort
    soit en la V(v)ie.
    Soit dans la violence destructrice soit dans la puissance créatrice de l'Amour.
    Il est temps de voter pour l'humain et pour Dieu, sinon nous vivrons perdants.

    Stéfan Thériault, directeur, Centre « Le Pèlerin » stheriault@lepelerin.org

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