• La tablette du déluge trouvée à Ninive - InterBible

    Tablette du deluge (K.3375) conservée au British Museum, Londres (© Trustees of the British Museum).

    La tablette du déluge trouvée à Ninive

    Sylvain Campeau 

     

    SYLVAIN CAMPEAU | 13 FÉVRIER 2023

     

    Exhumée par des archéologues britanniques en 1840, la tablette est rapidement exposée au British Museum pour ses qualités esthétiques ; les signes cunéiformes sont d’abord perçus comme de simples décorations. On comprendra par la suite qu’il s’agit plutôt d’un système d’écriture dont le déchiffrement s’appuiera sur des inscriptions trilingues gravées par les rois perses à Persépolis et à Behistun (en Iran).

    En 1851, le musée reçoit les vestiges de la bibliothèque d’Assourbanipal, un roi assyrien qui a régné de 668-625 avant notre ère ; on parle ici d’un véritable trésor rassemblant des dizaines de milliers de tablettes. George Smith, un jeune chercheur autodidacte, passe alors tout son temps libre au musée pour étudier l’écriture cunéiforme. Il attire l’attention de l’un des premiers déchiffreurs, Henry Rawlinson, qui l’associe à ses recherches. En 1866, le jeune homme est nommé assistant du nouveau département d’Assyriologie du musée.

    En 1872, pendant son travail de catalogage, il revient sur un lot de « tablettes mythologiques » et fait une découverte incroyable : un récit mésopotamien qui parle d’une histoire de bateau qui se pose au sommet d’une montagne et qui est suivi de l’envoi d’une colombe. Il fait tout de suite un lien avec l’histoire biblique de Noé, le patriarche du livre de la Genèse qui sauve sa famille et qui embarque un couple de chaque espèce pour les préserver du déluge (voir Gn 6-9).

    Les ressemblances entre les récits babylonien et biblique sont si frappantes qu’on en arrive à la conclusion qu’il y a un lien de dépendance entre les deux textes ou qu’ils partagent une source commune. L’idée qui s’impose est une dépendance du récit biblique par rapport au texte babylonien qui est daté de 1600 ans avant notre ère, bien avant la rédaction du récit correspondant qu’on retrouve dans le livre de la Genèse. Après cette première découverte, l’épigraphiste se rend compte que la tablette du déluge est une partie d’un ensemble plus vaste qui raconte l’épopée de Gilgamesh [1], un héros local.

    Comment interpréter cette dépendance littéraire? Il faut d’abord accepter le fait que l’épopée de Gilgamesh a exercé une influence importante dans tout le Proche-Orient ancien. Les scribes israélites ont été séduits par ce récit et surtout par les questions existentielles qui sont posées dans ce texte. La rédaction de la Bible hébraïque n’est donc pas le résultat d’un isolement culturel et le génie d’Israël a été de s’inspirer de ce texte et de l’adapter à sa propre expérience historique et religieuse.

    Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.

    [1] Les recherches ultérieures ont démontré que cette épopée dépendait d’une autre source connue aujourd’hui sous le nom de poème d’Atrahasis. Ce poème raconte la création des humains et son histoire ultérieure jusqu’au déluge, et les conséquences de la catastrophe sur les sociétés humaines.

    Source http://www.interbible.org/

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