• Les bons et mauvais rois de la Bible - 1/2- InterBible

    Les bons et mauvais rois de la Bible-1/2

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    Le roi Jéroboam et les idoles
    Petrus Comestor, Bible historiale, 1372
    La Haye, Bibliothèque royale Meermano, 10B23, fol. 165 r°, notice Utpictura18

    QuestionQui sont les bons rois dans la Bible? Quels sont les critères qui font d’eux de bons rois? (Claude)

    RéponseSi certains rois dans la Bible sont présentés de manière positive, la Bible porte un jugement négatif sur plusieurs d’entre eux. Tel un refrain, le règne de plusieurs d’entre eux se résume ainsi : « Il fit ce qui est droit aux yeux du Seigneur » ou « il fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur. » Cette manière stéréotypée de juger la valeur du règne des rois suggère aux chercheurs la main d’un rédacteur postérieur qui fait une relecture de l’histoire selon une perspective très particulière.

    Le jugement de l’école deutéronomiste

         Selon la théorie de Martin Noth (1943), les livres de Rois ont été édités par l’école deutéronomiste. Cette école serait l’auteur ou l’éditeur de ce qu’il est convenu d’appeler « l’historiographie deutéronomiste », qui consiste dans la collection de livres suivants : le Deutéronome (préface de l’œuvre), Josué, Juges, Samuel et Rois. C’est ainsi que les principes de base, la théologie et le vocabulaire typique de l’école deutéronomiste se trouvent exprimés surtout dans le livre du Deutéronome, mais aussi dans certains discours placés dans la bouche des principaux personnages des livres suivants.

     

         Dans le cas qui nous occupe, il faut savoir qu’un des points majeurs de la réforme deutéronomiste consistait dans l’unicité du lieu de culte (voir Dt 12). Pour les deutéronomistes, en effet, le seul endroit où il était légitime d’offrir des sacrifices devait être seulement le temple de Jérusalem. Le problème, c’est qu’avant cette réforme, pendant des siècles, les Israélites avaient légitimement offert des sacrifices à Dieu dans divers sanctuaires anciens, voire dans des lieux sacrés. C’est comme si, aujourd’hui, le pape ordonnait que l’eucharistie ne puisse plus être offerte ailleurs que dans la basilique Saint-Pierre. Or, dans le livre des Rois, le seul critère de jugement des différents rois est leur conformité ou non à cette seule loi. Ainsi, un bon roi est un roi qui a respecté la loi d’unicité du sanctuaire; du coup, un mauvais roi en est un qui n’a pas respecté cette loi.

     

         Cette façon de faire cause au moins deux problèmes majeurs. Le premier est chronologique. En effet, la réforme deutéronomiste est le plus souvent associée au roi Josias (640-609), appuyé par le prophète Jérémie. Cela signifie donc que la plupart des rois lui sont antérieurs (on se souvient que le royaume de Juda tombe aux mains des Babyloniens en 587) et qu’ils sont donc jugés d’après une loi qu’ils n’ont pas connue de leur vivant parce qu’elle n’existait tout simplement pas. Bien évidemment, c’est injuste! C’est comme si l’on condamnait quelqu’un en 1900 en vertu d’une loi promulguée en 2012. Les spécialistes ont donné diverses explications à ce phénomène étonnant, sans que l’une d’elles s’impose. C’est comme si le deutéronomiste présumait que tous les rois auraient dû connaître et appliquer la loi. Quoi qu’il en soit, ce problème chronologique ne semble pas les avoir dérangés beaucoup.

     

         L’autre problème est théologique. Le deutéronomiste est tellement obsédé par la loi d’unicité du sanctuaire qu’il ne considère aucun autre critère de jugement des rois. Ainsi, par pure hypothèse, un roi qui a promu la paix et développé l’économie, est jugé un mauvais roi parce qu’il n’a pas observé la loi d’unicité du sanctuaire; en revanche, toujours par pure hypothèse, un roi qui a tué, volé, opprimé et exploité, mais qui a respecté l’unicité du sanctuaire est considéré comme un bon roi. Toutefois, il semble que d’autres critères aient joué également, mais en filigranes. On pense surtout aux idoles (les ashéra).

     

         Cette façon de présenter l’histoire de son propre peuple est bien évidemment biaisée. C’est ainsi que tous les rois du royaume du Nord sont jugés de mauvais rois. On se rappellera du schisme de 930 qui divisa le royaume en deux (le Nord avec Samarie comme capitale et le Sud avec Jérusalem comme capitale). La raison est évidente. Comme le royaume du Nord s’est coupé de Jérusalem, où il y a le temple, tous ses rois ne peuvent qu’être condamnés. Le texte du livre des Rois affirment qu’ils ont tous suivi les traces de Jéroboam, le premier roi du royaume du Nord qui institua (ou maintint) les anciens sanctuaires nationaux. Quant aux rois du royaume du Sud, la situation est plus nuancée.

     

    Ils sont tous comparés à David, le bon roi par excellence. Cela est surprenant à plus d’un point de vue. En effet, c’est Salomon qui a construit le premier temple alors que la vie de David, du moins si l’on se fie aux livres de Samuel, est loin d’avoir été édifiante... De plus, il y a un paradoxe, ou une tension, entre la loi deutéronomiste d’unicité du sanctuaire de 621 et l’admiration envers David. On a comme les deux extrêmes de la dynastie davidique.

     

    On peut se demander si, derrière l’admiration sans bornes du deutéronomiste pour David, il n’y a pas déjà un Josias idéalisé. De plus, il faut noter que cette canonisation de David est complétée dans les livres des Chroniques (parallèles aux livres de Samuel mais bien plus récents) où David est bien plus un sacristain ou un théologien qu’un chef d’État.

    Hervé Tremblay

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