• L'EUCHARISTIE, SACREMENT DE L'INCLUSION -14 (TDN)

    (doc. 14)

    L'EUCHARISTIE, SACREMENT DE L'INCLUSION

    Le Comité de pastorale sociale Granby et région

     

    Le Congrès eucharistique international qui se déroulera en juin 2008 constitue, sans nul doute, une opportunité pour s'interroger sur le mé­morial eucharistique à l'heure de la mondialisation capitaliste. Celle-ci exclut la majorité de l'humanité tant dans les pays du Nord que du Sud. En plus, cette nouvelle phase du capitalisme compromet, par la dégradation accélérée des conditions socio-éco­logiques de base, le devenir des générations futures.

    Ces problématiques interpellent vivement le mémorial eucharistique. Il convient de rappeler qu'une certaine compréhension théologique de l'eucharistie, dite sacrificielle, sanctionne des formes d'intolérance envers nombre de groupes. En effet, certaines catégories de personnes ne correspondent pas aux principes officiels comme les femmes ex­clues de la présidence eucharistique, les personnes divorcées réengagées ou des couples homosexuels. Ces personnes ne peuvent pas participer pleinement au mémorial eucharistique. Au-delà de ces enjeux, cette compréhension sacrificielle consacre la dyna­mique d'exclusion - celle du néolibéralisme - et fait disparaître la dimension critique du mémorial eucha­ristique.

    En d'autres termes, si des chrétiennes et chré­tiens reconnaissent la liturgie eucharistique comme une voie traduisant et célébrant leur foi, force est de constater, malheureusement, que certaines cérémo­nies peuvent s'avérer réellement« athées ». Surtout si ces dernières, par un sentimentalisme religieux, enferment les gens dans un rapport aliénant au monde qui les détourne des défis d'aujourd'hui. Par conséquent, cette conception sacrificielle renforce, par le biais d'une compréhension déshumanisante de la religion, les principes promus par le système capitaliste qui sape alors une alternative humaniste et écologique fondée sur la justice socio-écologique et la recherche du bien commun. Dans cette opti­que, l'affirmation bien connue «la religion est l'opium du peuple» apparaît totalement justifiée. En dépit de ses dérives, il faut souligner que le mémorial eucharistique s'inscrit avant tout dans la mémoire de la pratique prophétique et subversive de Jésus de Nazareth. Celle-ci se caractérise par la tolérance et l'ouverture comme le souligne très jus­tement le théologien Jean-Luc Hétu :

    D'une part, Jésus ne tolère pas l'intolérance qui structure la société de son temps et qui dépouille les minorités de tout pouvoir, et d'autre part les autorités ne tolèrent pas sa liberté. Jésus, en effet, relativise toutes les normes. A cet égard, ( .. ) Jésus remettait ouvertement en question (sa sociéte) par son attitude d'accueil à l'endroit des minorités sociales de son temps: malades, Pécheurs, enfants, étran­gers, femmes. 1

    Autrement dit, le mémorial eucharistique, du moins dans les récits évangéliques, s'enracine néces­sairement dans un devenir communautaire, égalitaire, solidaire et pluriel. Il s'agit de la perspective adoptée par le Comité de pastorale sociale Granlry et région préoc­cupé de porter au cœur des communautés chrétien­nes locales les enjeux socio-écologiques et l'impor­tance de se solidariser avec les forces créatrices de vie intervenant dans les divers milieux sociaux de notre région.

    Une telle relativisation des normes sociales et religieuses s'observe dans le mémorial eucharistique, entre autres, sur le plan économique. La liturgie eucharistique comporte une dimension économique indéniable comme l'atteste l'introduction à l'offrande du pain: «fruit de la terre et du travail des hommes (sic)) et du vin: «fruit de la vigne et du travail des hommes (sic)). La prière eucharistique situe l'activité écono­mique dans la reconnaissance de l'inscription de l'être humain au cœur de sa planète. Ce rapport ne ravale pas la Terre à un ensemble de ressources matériel­les, mais comme un réseau complexe dans lequel se déploie la vie.

    En ce sens, le mémorial eucharistique n'avalise aucunement la logique de rentabilité, de performance ou de compétitivité, mais entérine plutôt celle du don/ contre-don. La liturgie eucharistique elle-même implique que la richesse ne résulte pas de l'accumu­lation comme l'allègue le néolibéralisme, mais pro­vient nécessairement du partage où toutes et tous obtiennent selon leurs besoins. Autrement dit, le partage entre les membres de la communauté, en particulier avec les plus pauvres, génèrent des sur­plus comme le laisse entendre les deux récits sym­boliques de la multiplication des pains (Mc 6,30-43; 8,1-10).

    Le mémorial eucharistique s'oppose donc avec force au courant de pensée valorisant le développe­ment d'une société qui permet aux plus forts d'im­poser leur volonté aux plus faibles et aux minorités. Pour être signifiante au cœur des enjeux actuels, la célébration eucharistique devrait insister davantage sur l'idéal bien concret du partage démocratique des biens, du savoir et du pouvoir particulièrement avec les perdantes et perdants de l'Histoire. Ce n'est qu'à cette condition incontournable que le mémorial eucharistique pourra prétendre à une quelconque pertinence tant pour la société que pour l'Église contemporaines.

    En conclusion, rappelons que toutes les person­nes sont invitées à participer librement au mémorial eucharistique. L'unique condition pour y prendre part réside dans la reconnaissance que tous les autres aussi sont y sont également convié-e-s. L'eucharis­tie incite à construire une communauté humaine inclusive et à espérer activement en l'avenir comme le rappellent à juste titre Raymond Lemieux et Jac­ques Racine :

    L'avenir à construire auquel convoque le mémorial eucha­ristique célébré localement, dans une culture donnée, est celui de la communauté humaine à faire, d'une société sans cesse en voie d'humanisation, à partir des sujets eux-mê­mes en devenir. Cette convocation à l'acte ouvre à un projet jamais terminé, pour lequel l'accueil de la différence et des multiples fragilités humaines est la condition d'un authentique vivre-ensemble.2

    Patrice Perreault

    Au nom du Comité de pastorale sociale Granby et Région

    1. Jean-Luc Hétu, P.rychologie de l'expérience intérieure, Montréal, Éditions du Méridien, 1983, p. 76.

    2. Raymond Lemieux et Jacques Racine, « Une identité ouverte », Relations, 722, (Février 2008), p. 23.

     

    Présentation du Comité de pastorale sociale Granby et région (CPS-GR)

    Depuis 18 ans le Comité de pastorale sociale Granby et région (CPS-­GR) se veut solidaire d'actions, de projets et d'organismes sociaux qui proposent une alternative à l'injustice, l'appauvrissement et la détérioration écologique. TI offre aux adultes du milieu social et ecclésial de la région de Granby des activités de ressourcement et d'analyse sociale afin de mieux comprendre les injustices, les réalités sociales, culturelles et politiques du monde d'aujourd'hui, en particulier celles vécues

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